Divalis : l'éveil

Chapitre 37 : Linette

5829 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 27/05/2024 15:15

La semaine s’est écoulée et, comme prévu, Halloween est arrivée. Les touristes affluent de toutes parts. Aéon et Aziel sillonnent la place depuis ce matin avec les autres jeunes déguisés en monstres. La plupart sont en vampire, puisque c’est ici, en Transylvanie, que le mythe de Dracula a pris racine. Les jeunes se relaient, certains sont sur le chemin de la balade proposée avec les drakes et d’autres sont sur la place à jouer aux zombies.

Aéon et Aziel sont avec Valérie, Hector, Jillian et Mathias. Valérie et Jillian chantent et dansent sur les musiques qui passent. Aéon est déguisée en zombie et se tient sur les bottes de paille en imitant la démarche de la créature. Du moins, celle représentée dans les films, puisque même s’il y a des créatures que l’on pourrait considérer comme non vivantes, aucun zombie n’existe à proprement dit parmi les cryptides.

Les passants, dans l’attelage d’Aziel, arrivent vers elle, celui-ci lui tend la main pour la faire monter, tout en avertissant ses passagers des risques de morsures…

Aéon se place à genoux, tournée sur eux, elle leur demande si elle peut leur manger des petits bouts. Les enfants le refusent bien sûr tout en riant et la dorée se tourne sur Aziel en souriant. Juste avant la fin du parcours, elle ainsi que les autres acteurs retournent à leur poste pour le prochain passage.

Dans la rue, Aziel s’arrête derrière Jillian, qui a toujours le timbre musical, le temps de laisser les personnes descendre et faire monter les prochaines. 

Il y a beaucoup de monde, comme chaque année. Concentré sur Jillian en pleine démonstration dansante, il se retourne sur les trois filles qui viennent de monter dans l’attelage. Saisi, la sueur coule soudain le long de la colonne vertébrale d’Aziel alors qu’il reconnaît l’une d’entre elles. Il avait tant espéré ne pas la croiser… La jeune fille a reconnu Fafnir et est directement allée vers le bicolore. Il fait comme s’il ne l’avait pas reconnue. En revanche, elle vient de se glisser dans son dos en croisant les bras par-dessus la nuque du garçon.

 

— Salut, Aziel, c’est bien la première fois que tu participes à une fête depuis que je te connais ! Comment vas-tu ? demande Linette, enthousiaste.

— Je vais bien. Tu sembles en forme, répond Aziel.

 

Elle glisse les doigts le long de son bras, se portant un peu plus sur lui. Aziel se crispe, ignorant comment repousser la jeune fille sans être agressif. Il est mal à l’aise, son cœur s’emballe et ses instincts s’agitent en la présence de Linette. Le divalis craint de ne pas réussir à éteindre le feu qui s’éveille en lui. Il est certain qu’Aéon va le remarquer. Le garçon se concentre sur Jillian, espérant que celui-ci se retourne et l’aide à se sortir de ce mauvais pas.

 

— Je t’embrasserais bien, mais je crains de défaire ton maquillage. C’est toi qui l’as fait ? continue la jeune, qui ne remarque pas le malaise du divalis.

— C’est Valérie, la copine de Mathias, répond le jeune, la gorge sèche.

— Mathias a une petite amie ? Dommage, je suppose qu’elle ne sera pas d’accord pour me le prêter, plaisante la blonde.

— Moi aussi, je suis en couple, glisse Aziel, son cœur s’alarmant sous ce mensonge.

 

Linette se redresse et le lâche vite pour s’asseoir convenablement sur la banquette, ses amies qui discutent entre elles la dévisagent tout en la narguant.

 

— Pardon ! Vraiment ? Avec une fille du village ? demande la jeune, curieuse.

— Non, elle est finlandaise, répond Aziel.

— Une relation à distance ? continue-t-elle.

— Elle vit avec moi, tu peux demander à Jillian, répond Aziel, espérant attirer l’attention de ce dernier.

— Je n’ai pas envie de l’interrompre, réplique Linette tout en riant, alors que son regard se dirige sur le blond. Dis-moi, la tension avec tes camarades a l’air d’être passée ?

— Grâce à Aéon, répond le jeune.

— Aéon ? Allez, sois franc, tu n’en as pas, n’est-ce pas ? Tu m’en veux toujours de ne pas avoir répondu à tes sentiments ? demande la jeune qui, de ce fait, revient contre le bicolore.

— Je ne mens pas et je ne t’en veux plus, dit Aziel.

— Et où est-elle, ta chérie ? réplique Linette, narquoise.

— Elle fait le zombie sur le parcours, elle va nous rejoindre en cours de route, répond Aziel, qui n’arrive absolument pas à éloigner la blonde de lui.

 

Le divalis a chaud, il sent les phéromones dégagées par la jeune, il est plus sensible puisqu’ils ont été intimes à plusieurs reprises, son corps ne parvient pas à ignorer les signaux émis par celui de la blonde.

Le train reprend sa marche et c’est avec une boule à l’estomac qu’Aziel se rapproche de sa camarade avec appréhension. Linette a du mal à le croire, mais comme la jeune le voit se raidir quand elle tente une approche, elle s’abstient de le faire. Elle verra bien si une fille monte dans la charrette et s’il semble effectivement y avoir quelque chose entre eux. Ce qui la fait sourire d’amusement d’une certaine façon. Elle connaît Aziel et s’il a vraiment une petite amie, elle est plus que curieuse de rencontrer celle qui a réussi à l’apprivoiser.

 

— Linette, j’aimerais que tu t’assoies près de tes amies. Aéon est de la même espèce que moi, elle va sentir nos phéromones, je n’ai pas envie de la mettre mal à l’aise, intervient Aziel.

— Cela veut dire que je te tente toujours ? plaisante la jeune, qui va de ce fait rejoindre ses amies qui la narguent gentiment de s’être fait remballer.

 

Il est certain qu’Aéon va le sentir… Puisqu’elle n’est pas encore mature, elle n’émet aucune hormone, donc peut-être n’y fera-t-elle pas attention. Il monte son regard vers le zombie qui se tient sur le ballot de paille. Il lui tend la main pour qu’elle monte à bord en prévenant les filles de prendre garde aux morsures… Aéon s’accroupit et les regarde en souriant, puis elle se tourne sur Aziel, remarquant son odeur étrange.

 

— Aziel, tu ne te sens pas bien ? demande la dorée.

— Ça va, ne t’en fais pas, je te présente Linette, la fille dont je t’ai parlé, explique Aziel en déglutissant.

 

La blonde est tout de même surprise que le bicolore ait parlé d’elle à sa petite copine. Par ailleurs, elle peine toujours à y croire, mais le fait est qu’il s’agit bien d’une étrangère et elle a immédiatement remarqué le malaise d’Aziel.

 

— Ravie de te rencontrer, Aéon. C’est donc toi qui as séduit ce grognon d’Aziel ? Alors, est-ce que je l’ai bien éduqué au lit ? plaisante la jeune.

 

Aéon écarquille les yeux et Aziel se fige complètement. La dorée se tourne sur le bicolore, qui a le regard fixé sur la croupe de son drake.

 

— Linette, tu exagères ! Ça ne se dit pas ce genre de chose, râle l’une de ses amies.

— Ne t’en fais pas, tu n’as pas à te méfier de moi, Aziel est sérieux comme garçon, dit la jeune en souriant à Aéon.

 

La dorée se tourne vers le divalis, qui préfère rester silencieux… Elle semble bien le connaître pour quelqu’un qui ne faisait que profiter d’elle, se dit la dorée. Elle sourit et rit d’embarras à la blonde, Aéon se doute qu’il a dû dire cela pour l’éloigner, bien qu’elle n’en comprenne pas l’utilité. Son cœur vient à se resserrer, ses poumons sont douloureux, comme si respirer était devenu difficile. Si elle refuse les sentiments d’Aziel, pourquoi est-ce que l’idée de s’éloigner pour laisser la place à Linette lui fait autant de mal ?

La fin du parcours arrive, Aziel regarde Aéon repartir, conscient de son malaise. Linette revient doucement vers lui en s’appuyant dans son dos.

 

— Tu veux que j’aille lui parler et la rassurer ? demande-t-elle au divalis.

— Non, j’aurais dû lui dire quelque chose, j’ai encore un tour à faire, j’irai lui parler après.

— Tu devrais le faire maintenant, affirme Linette.

 

Aéon marche le long du chemin, Hector, derrière elle, remarque sa mine boudeuse. Il touche alors son épaule pour la faire se retourner sur lui.

 

— Ben alors, zombie-courte-patte, qu’est-ce que tu as ?

— Ce n’est rien, un coup de fatigue, dit Aéon.

— Va chanter avec Valérie, ça va te remotiver, plaisante le brun.

— Je ne voudrais pas leur piquer la vedette !

 

Elle sourit à Hector, puis se dirige vers ses ballots de paille sous son regard suspicieux. Il la suit et va s’asseoir avec elle.

 

— Prise de tête avec le grincheux ? demande Hector.

— Non… Linette était avec Aziel, avoue Aéon en baissant la tête.

— Je vois… Attends ! Tu ne les as tout de même pas surpris en mauvaise posture ? dit Hector, soupçonneux.

— Non, elle était avec ses amies dans la voiture, mais… Il y avait quelque chose qui se dégageait d’eux. Leur corps se parlait silencieusement, explique Aéon.

— Tu sais qu’Aziel a des sentiments pour toi, alors pourquoi tu le laisses poireauter ? dit Hector.

— C’est inutile, je préfère m’écarter, au moins, il s’apercevra que c’est une erreur de vouloir se mettre en couple avec moi, dit Aéon.

— Pourquoi ? demande le jeune avec ironie.

— Je ne veux pas me reproduire… Aziel m’a dit qu’il s’en fichait, mais il a des pulsions, il finira par en avoir assez, sanglote Aéon.

— Linette n’est pas intéressée par une relation de couple, Aziel oui. Tu te fais mal pour rien, Aéon. Ce que tu as senti n’est qu’un pet foireux, réplique Hector.

 

Aéon le regarde en fronçant les sourcils quant à cette expression.

 

— Je veux dire par là qu’il a sûrement été surpris par la présence de Linette et qu’il a mal su contrôler ses hormones. Pour le reste, que cela soit ou non un problème, affronte-les au lieu de les fuirent, ajoute le brun.

— C’est égoïste… Il ne devrait pas vouloir de moi, je lui gâche une possible meilleure relation, dit Aéon.

— En général, les filles pètent les plombs quand une autre tourne autour de leur mec, ricane Hector.

— Comme les mecs, réplique Valérie qui les écoute parler depuis un moment. Aéon, je ne connais pas ton espèce, mais si Aziel en est conscient et que malgré tout, il veut le supporter, alors laisse-le faire. Peut-être que cela créera des disputes entre vous, peut-être pas, mais si vos sentiments sont réciproques, ne fuis pas.

 

Aéon en baisse les yeux, Hector et Valérie retournent à leur place puisque les charrettes vont bientôt revenir. Elle regarde les créatures se rapprocher, l’estomac retourné par la colère et ce sentiment d’opposition qui reste en elle…

Aziel a de nouveaux passagers, un couple et leurs enfants, il arrive aux ballots où est posté Aéon, sauf que celle-ci n’y est pas. Il ralentit Fafnir, cherchant après la divalis, son intuition l’alarmant. Hector est un peu plus loin, il effraie les passants. Il se tourne sur Aziel, remarquant l’absence d’Aéon, celui-ci saute aux côtés du divalis tout en jouant le mort-vivant, il se penche vers le garçon pour lui demander :

 

— Aéon ne t’accompagne pas ?

— Elle n’était pas sur la botte, tu l’as vue ? demande le jeune.

— Ouais, il y a une dizaine de minutes, elle nous a dit que Linette était avec toi, explique Hector.

— ’tain, ne me dis pas qu’elle est partie ! râle Aziel.

— C’est notre dernier tour, on va te rejoindre à la grange, on va chercher après, dit Hector pour rassurer le divalis.

 

Les jeunes se retrouvent et aident les autres à dételer les drakes et à rentrer les charrettes. Valérie, Mathias et Jillian arrivent en courant près d’Aziel, prévenus par Hector.

 

— Aéon n’est pas revenue ? demande Jill.

— Non, répond Aziel. 

 

Fafnir libéré, le divalis retourne sur le chemin avec sa bête pour chercher après la dorée. Les quatre autres l’imitent en montant sur leurs propres créatures, appelant le nom d’Aéon en espérant qu’elle soit dans le coin.

 

— Elle est peut-être retournée chez toi, va vérifier, dit Mathias à Aziel.

 

Le bicolore hoche la tête et s’en va en direction de sa maison. Il ne la voit pas sur le chemin et aucune trace de pas dans la neige non plus. Manque de bol, celle-ci se remet à tomber en de gros flocons. Le téléphone d’Aziel sonne, il le sort de sa poche et décroche à Jillian.

 

« Aziel, il y a des traces là où elle était postée qui s’en vont jusque dans les bois, on les a suivies, elles s’éloignent de plus en plus dans la montagne, explique le garçon.

— J’arrive, répond Aziel. »

 

Il coupe l’appel et jure entre ses dents, alors que Silva, qui était près de chez lui, vient les rejoindre. Il lui demande d’aller prévenir Vlase et s’en va en direction du groupe pour suivre la piste.

 

— Restez ici, la neige tombe fort, dit Aziel, agacé.

— C’est ça ! Et si tu te perds toi aussi, qui le saura ? Il est plus prudent d’y aller en groupe, réplique Hector.

— Valérie, reste ici, si on ne la retrouve pas, donne l’alerte, demande Mathias.

 

Elle acquiesce et fait demi-tour, les garçons, quant à eux, s’engagent dans la toundra… Il fait noir, ils n’y voient rien avec la neige qui tombe. Aidés de lampes de poche qu’ils avaient déjà sur eux, ils suivent les traces laissées par la dorée. 

Aziel jure de plus en plus, au fur et à mesure qu’ils s’enfoncent dans la montagne. C’est incroyable la vitesse avec laquelle elle s’est éloignée !

Un hurlement les fait sursauter, le divalis ne pensait pas les voir approcher alors qu’il est en présence d’humains. Vlase et Dagan les suivent à distance.

 

— Il y a des bêtes, les mecs ! s’écrie Jillian.

— C’est Vlase et Dagan, ils sont de sa meute, répond Aziel.

 

Vlase hurle une nouvelle fois…

 

— Elle ne répondra pas, crie Aziel, énervé.

— Je sais, mais ce n’est pas son attention à elle que je veux attirer, répond le renard.

 

Les traces de pas se sont volatilisées, Aziel n’arrive pas à suivre son odeur et Vlase en a du mal à cause du vent. L’aide qu’il espérait arrive justement dans un sourd bruissement d’ailes venant des arbres.

 

— J’espère que c’est la chimère que l’on vient d’entendre, hurle Hector.

— C’est bien elle, elle part en repérage, répond Aziel.

— Sans sa vue ? réplique le brun.

— Les mecs, on n’y voit rien, on devrait attendre un peu, crie Jillian un peu plus en arrière avec Mathias.

— Retournez au village, je suis un cryptide, je saurai me débrouiller, rétorque le divalis.

 

Il s’éloigne, le trio sur ses pas…

 

— Que faites-vous ? demande-t-il, confus.

— Je n’ai pas la patience d’attendre de savoir si tu la trouves, je viens avec toi, dit Hector.

 

Mathias et Jillian acquiescent derrière eux. Chillak est de retour, elle tourne au-dessus d’eux pour leur indiquer la direction à prendre. Ils parviennent à un plateau garni de pins où, sous l’un des arbres tombés, une silhouette se tient voûtée. Aziel saute dans la neige qui lui arrive aux genoux et se précipite vers Aéon, qui tremble de froid. Il l’attrape alors aux épaules et la secoue sans délicatesse.

 

— Pourquoi tu as fait ça, idiote ? hurle le bicolore.

— Laisse-moi, réplique la dorée, gelée.

— C’est ça ! Avec une veste qui ne te tient pas chaud ! Ce n’est pas une tanière ! Tu comptes faire quoi ensuite ? gronde le divalis.

— Te laisser vivre ta vie, répond Aéon.

— Sans toi ? Mes sentiments à moi, tu t’en fiches ? réplique Aziel, plus bas.

— Aziel, laisse-moi, continue Aéon.

 

Le bicolore a plus qu’envie de lui en mettre une, mais il s’abstient. Il soulève Aéon, malgré ses faibles contestations, le froid la paralysant presque.

 

— Tu vas fermer ta gueule et me laisser te ramener chez nous ! J’ignore si tu l’as remarqué, mais il y a une tempête de neige et nous ne sommes pas seuls ! On rentre et on reprendra notre discussion, rétorque Aziel.

 

Aéon en ferme la mâchoire, choquée, elle se laisse ramasser sans protester. Les garçons, restés en arrière, ne disent rien malgré le sursaut en entendant Aziel élever la voix. Le divalis la pose sur le dos de Fafnir et la rejoint pour entamer leur retour. Aéon reste silencieuse, la neige est de plus en plus forte, au point de complètement obstruer la vue des garçons.

 

— On ne sait pas où on va, crie Mathias qui est devant.

— Laisse Torn te guider, allez chez moi, hurle Aziel.

— Je doute que l’on y parvienne, on ne devrait pas s’arrêter et se couvrir le temps que cela se calme ? braille Hector.

— On n’a rien pour se protéger, la maison d’Aziel n’est pas si loin, continue Mathias.

— C’est comme vous le sentez, on peut aussi se mettre là où était Aéon, dit Jillian à haute voix.

— On n’a rien pour se tenir chaud, on risque de geler sur place, continue Mathias.

 

Ils descendent, faisant confiance aux drakes et aux cryptides qui se tiennent juste devant les créatures pour guider le groupe. Les garçons s’accrochent à la crête de leurs bêtes, Aziel serrant Aéon contre lui pour être certain de ne pas la perdre. Enfin, il aperçoit sa propriété. Les drakes suivent Fafnir dans l’écurie où ils rejoignent Silva. Aziel ferme la porte coupe-vent de la grange derrière eux, Aéon les invitant à entrer dans la demeure.

Les garçons reculent au passage de Vlase et Dagan couverts de neige, qui vont s’allonger devant le poêle. Si le jeune renard reste distant et méfiant, ce n’est absolument pas le cas d’Abysse, qui s’approche des garçons, intriguée.

 

— C’est un coïste ? demande Jillian, émerveillé.

— Elle s’appelle Abysse, répond Aéon à voix basse.

— Elle est trop chou ! réplique Mathias, les deux se plaçant accroupis face à la bleue.

 

Abysse agite la queue, amusée, et Buntar se place derrière elle en baissant les oreilles. 

 

— J’ignorais que les cryptides formaient des meutes hétéroclites, dit Jillian.

— C’est rare, mais cela peut arriver, répond Vlase en roumain.

 

Les trois restent choqués face au renard adulte qui sèche son pelage devant le feu de bois. Dagan, qui l’imite, le regarde alors, perplexe quant à sa réponse facile envers des humains à qui ils ont tout de même montré les crocs.

 

— Oh ! Je ne m’attendais pas à vous entendre parler ! s’exclame Jillian, intrigué. C’est trop génial ! Comment ça se fait que vous viviez ensemble ?

— Calme-toi, Jill, rigole Mathias.

— Différentes circonstances, répond Vlase.

 

Aziel avait un peu peur que la cohabitation se passe mal, mais finalement, cela est même mieux qu’il n’aurait pu l’imaginer. Aéon est toujours debout près de la porte d’entrée à se tenir le bras, ils ont toujours leur maquillage, alors elle demande sur un ton bas au bicolore si elle peut aller se débarbouiller. Bien sûr, il la laisse faire et invite les garçons à aller s’asseoir au lieu de rester plantés en plein milieu de tout.

 

— Vous voulez un truc chaud ? Chocolat, café, thé ? demande Aziel.

— Un chocolat comme les gosses, pour moi, plaisante Jillian.

— Moi aussi, répond Mathias.

 

Il se retourne sur Hector, silencieux depuis qu’il est entré dans la maison, le brun lui donne alors un coup de coude pour qu’il réponde.

 

— La même chose.

— Ben alors, Hector, as-tu perdu ta langue ? Ça, c’est à cause d’Abysse, tu la trouves trop mignonne, plaisante Jillian.

— C’est un mini drake, ça ne compte pas, forcément qu’elle nous fait craquer, répond celui-ci.

 

Abysse se tourne sur Buntar en agitant sa queue et lui tire la langue alors que celui-ci en monte les yeux au plafond.

 

— Tu as entendu, les humains me trouvent mignonne, dit-elle, narquoise.

— Toi aussi tu parles ! réplique Jillian.

— On le fait tous, du moins si on en a envie, avance Vlase sur un ton narquois.

— Tu es un renard furtif ? demande Jillian.

— Un quoi ? répond Vlase.

— C’est le nom que vous donnent les humains, le terme lisii est moins courant, explique Aziel en déposant les tasses devant les garçons, y compris les créatures.

— Vous aussi, vous buvez du chocolat ? Ce n’est pas toxique pour les animaux ? demande Hector.

— Nous sommes des cryptides, pas des animaux, rétorque Vlase.

— J’ignorais que vous pouviez consommer les mêmes choses que nous, conclut Hector.

 

Aziel regarde vers la salle de bains, peu pris par la conversation qui se déroule pourtant sous ses yeux. Il soupire, puis se dirige d’un pas décidé vers la pièce, cogne ses phalanges sur le bois tout en s’exclamant :

 

— Aéon, je rentre !

— C’est direct ! dit Jillian en rigolant.

— En même temps, c’est sans doute le seul endroit où ils peuvent discuter sans que l’on entende ce qu’ils se disent, continue Hector.

— Il a aussi sa chambre, avance Mathias, tout en soufflant sur le liquide fumant.

 

Hector lui fait des grimaces, puis attrape sa tasse, prenant une gorgée sans même vérifier la température et, tout compte fait, se brûle, ce qui fait rire les deux autres.

Aéon s’est tournée sur le bicolore, elle rencontre des problèmes pour enlever son maquillage. Aziel s’en approche, attrape le gant qu’il enduit de savon, puis doucement soulève son visage vers le sien.

 

— Ferme les yeux, dit-il assez sèchement.

 

Aéon le regarde, penaude, puis fronce les sourcils en déviant son visage pour qu’il la lâche.

 

— Arrête, réplique-t-elle.

— Je vais t’aider à enlever ça, répond le jeune sur le même ton.

 

Il saisit une seconde fois son visage plus abruptement et la débarbouille. Il rince le tissu, avant de retourner à sa besogne. Aéon lui donne cette fois un coup dans le bras pour le faire arrêter, attrape le linge et finit elle-même.

 

— C’était irresponsable de partir ainsi en pleine tempête, reprend-il.

— Je te rappelle que j’ai vécu ainsi durant quatre ans, rétorque Aéon.

— Pas sous ta forme humaine, si peu couverte et sans même prévenir qui que ce soit, et pourquoi tu as fait ça ?

— C’était la meilleure option, dit-elle en déviant les yeux.

— Pour quel problème ?

— Le nôtre, le fait que je t’avais dit que c’était inutile pour toi de t’attacher à moi, crache Aéon.

— Je ne suis pas amoureux de Linette, Aéon. J’ai été surpris de la voir, répond le bicolore.

— Tu avais une odeur identique à la sienne, je ne suis pas encore capable de sentir ce genre de chose, mais tu avais les mêmes envies qu’elle.

— Je ne contrôle pas ce genre de chose et cela ne veut pas dire que je le voulais, répond-il en se baissant à sa hauteur.

— Aziel, tu ne trouves pas ça triste ? Tu as ce genre de désir, mais pas moi…

 

Son estomac se noue comme un coup de poing dans le ventre et il sent un frisson de rage le traverser tout entier. Il serre les dents et frappe ses poings contre le meuble. Aéon en sursaute et le regarde alors froidement en émettant un grondement tout en lui montrant les dents, malgré sa forme. Aziel réplique de la même manière, se plaçant en position de force au-dessus d’elle. Son corps se transforme pour prendre une apparence semblable à un lycan, Aéon l’imite. Les deux se portent sur la gorge de l’autre dans un grondement rauque, mêler à un sifflement, Aziel crachant :

 

— Tu vas m’écouter, bon sang ! Je te dis que je m’en fous de ça, je m’en fous de Linette ! Pourquoi fuir pour une pareille connerie ? Tu penses que ça me fait plaisir ce que tu me dis ?

— Et moi, que dois-je dire ? Je devrais me plier à tes envies parce que cela t’arrange toi ! Je pensais que notre entente te suffisait ! Pourquoi cela devrait être à moi d’abdiquer ? Pourquoi est-ce moi qui suis stupide de te refuser ? Parce que je suis à contre-courant ? Parce que je ne fais pas ce que tout le monde attend de moi ? Pourquoi devrais-je m’y forcer ?

 

Aziel se redresse un peu, sa queue se balance nerveusement. Il dévisage la divalis, puis détourne les yeux… Il est évident pour le bicolore qu’il ne peut pas la forcer dans ses choix, même s’il voudrait qu’elle pense autrement.

Aéon baisse les oreilles et les yeux, arrêtant de menacer Aziel, qui en fait de même, leurs corps redevenant humains.

 

— Tu me fais agir comme une égoïste, grince Aéon.

— Toi aussi… répond le bicolore d’un ton plus calme.

 

Aéon reste silencieuse, appuyée contre le meuble de l’évier. Aziel soupire, il attrape la jeune par la taille, ce qui la fait sursauter, tandis qu’il la dépose contre le rebord de l’évier pour avoir son visage face au sien.

 

— Tu parles de mes pulsions, je comprends que c’est ce qui t’ennuie, mais tu sais… Les humains ne le font pas uniquement pour se reproduire, explique Aziel, embarrassé.

— Je le sais, répond Aéon.

— Tu as peur que je me lasse de toi avec le temps, moi, je veux te prouver que tu as tort, murmure Aziel.

 

Aéon détourne les yeux, Aziel recule et en profite pour enlever le maquillage qu’il porte toujours. Elle a la tête basse, Valérie et Hector semblaient du même avis sur le fait de ne pas fuir Aziel. La divalis retrouve le sol, tout en regardant Aziel d’un air mal assuré. Il la dévisage en s’avançant lentement vers elle, Aéon venant se réfugier contre lui.

 

— Je ne sais pas quoi en penser… murmure la dorée.

— La prochaine fois, attends que la météo soit bonne pour fuir en montagne, commente Aziel.

— Au fait, tu as encore la tête blanche, dit Aéon tout en lui frottant la joue.

 

Ils reviennent vers le trio, Aziel leur proposant d’aller enlever leur grimage. Cela fait, tout le monde se retrouve dans le salon. Aéon, Aziel et Hector sont dans le même fauteuil, Mathias et Jillian sont dans le second, Abysse ayant trouvé un remplaçant en caresses par le biais de Jillian.

 

— En attendant que la tempête se calme, on se regarde la soirée horreur ? demande Mathias.

— On ne captera rien avec ce vent, réplique Hector.

— Pas de souci, j’ai des films disponibles, vous voulez quoi ? demande Aziel.

— Comme tu veux, le premier truc que tu trouves, dit Mathias, enthousiaste.

 

C’est ce que fait Aziel, tout le monde à sa tasse de chocolat en main, ils regardent le film dans le noir. Abysse s’est endormie, Vlase et Buntar, eux, regardent et Dagan est allongé plus loin, n’appréciant pas la présence des humains.

La musique devient sombre et fait monter la tension, Aziel sent Hector se raidir et son cœur accélérer et alors que la menace saute à l’écran, Hector sursaute en criant. Vlase saute en l’air, il regarde partout sans comprendre la panique soudaine. Buntar, lui, est à plat ventre sur le sol. Abysse, réveillée en sursaut, regarde tout le monde, confuse. Aziel, Aéon, Jillian et Mathias, eux, ont frôlé l’arrêt cardiaque.

 

— Tu m’as fait peur, idiot, rigole Mathias, il se tourne alors sur Jillian. Pourquoi tu te caches avec le coussin ?

— Ah, tais-toi ! Tu as toujours des réactions logiques quand tu flippes ? râle le blond.

— Pourquoi avez-vous crié ? demande Vlase, toujours dans la confusion.

— C’est la faute d’Hector qui n’assume pas les films d’horreur, ricane Aéon.

— Je les assume, mais je ne peux pas m’empêcher de sursauter, bougonne ce dernier.

— Attends, donc vous avez eu peur de lui, qui a eu peur d’un truc qui se passe dans la télévision ? répond le renard, narquois.

— Quoi, tu ne connais pas le sentiment de peur, peut-être ? réplique Hector.

— Je l’ai, mais pas pour une chose que je sais ne pas être réelle, dit le renard.

— Tu connais le concept de télévision ? Tu ne t’immerges pas de ce que tu vois ?

— Je vois, oui, mais je réagis au danger que si je sens une présence, explique le renard.

— Donc, l’ambiance du film ne fonctionne pas ? dit Jill.

— C’est le premier que je vois. Celui-là en tout cas, non, répond Vlase.

— Tiens, le rouge, où est-il ? remarque Hector.

— Dagan ? Il est là-bas derrière, répond Aziel.

 

Le brun se redresse pour regarder vers la table de cuisine sous laquelle Dagan est allongé.

 

— Il est d’une autre espèce encore ? Il vous ressemble un peu, d’après mes souvenirs de vous transformés, dit Jill.

— C’est aussi un divalis, répond Aziel.

 

L’attention d’Hector revient sur Aziel, Aéon vient de se redresser pour aller rejoindre le rouge. Hector se penche alors sur Aziel qu’il sent tatillon. 

 

— T’as pas l’air de l’apprécier, dit le jeune à voix basse.

— Pas vraiment, mais Aéon a décidé de lui donner sa chance, alors je la laisse faire, dit-il froidement.

— Comment ça ? interviennent les deux autres en se penchant.

— Il a une façon de penser qui ne me plaît pas et c’est à lui qu’elle doit sa prothèse.

— Ils se sont battus ? demande Hector.

— Ouais, parce qu’elle ne voulait pas de lui, explique Aziel.

— Ce n’est pas bien les messes basses, réplique Aéon en appuyant gentiment sur le crâne d’Aziel tout en venant s’asseoir, puisque Dagan refuse de se mêler aux humains.

— Tu ne lui en veux pas ? demande Jillian.

— Si, mais le comportement de Dagan n’est que le résultat de l’éducation qu’il a reçue. Je me dis qu’en étant mieux entouré il pourrait comprendre, explique Aéon.

— Tu es vraiment gentille. Perso, je ne lui pardonnerais pas, tu es tout de même estropiée à cause de lui, rétorque Hector.

— Tout le monde mérite une seconde chance, répond Aéon en lui souriant.

— T’es trop gentille, réplique Hector en regardant Aziel.

 

Jillian et Mathias échangent un regard entendu, ils regardent par la fenêtre, s’apercevant que la tempête est terminée. Ils peuvent enfin retourner chez eux et surtout appeler leurs familles qu’ils arrivent enfin à joindre.

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