Jeune pousse
C'est la chaleur du soleil qui me réveille, mais en douceur, je m'étire un moment, puis en ouvrant les yeux je ne vois pas Alaois à mes côtés. L'angoisse monte et voilà que je me fais un film en l'imaginant raid mort dans un coin et seul. Depuis sa sortie de l'hôpital je panique lorsqu'il n'est pas à côté de moi quand je me réveille, je fais aussi des horribles cauchemars.
Ce matin une douce odeur de pain griller et de café me rassure.Puis je le vois dans la cuisine à préparer le petit déjeuner. Chaque fois qu'il s'agite j'en oubliais presque que la muco le ronge petit à petit. Comment l'oublier alors que son médecin lui dit de cesser certaines activités au vu de son état, il lui-même laisser une liste de choses qui lui sont déconseillées de faire et lui rappelant qu'une chose pourrait lui donner un peu plus de temps de vie, à savoir une greffe de poumons.
Cette liste je la regard encore ce matin.
- Ton médecin a écrit course à pied, je ne t'ai jamais vu en faire.
- C'est juste un exemple ou une façon de parler, en plus je n'aime pas ça.
- Oui moi non plus je préfère le basket.
- Heureusement que sur sa stupide liste il n'y a pas écrit faire tendre l'amour avec la femme de sa vie dit il en riant.
- Qui te dit que je ne vais pas le rajouter moi, dis-je en riant et déposant un baiser sur ses lèvres avant d'engloutir mon super petit déjeuner.
***
Aujourd'hui à l'école Léa a trouvé une activité pour aider les enfants à mieux appréhende les additions et les soustractions par les couleurs et les animaux. Je suis toujours ravi de voir leurs mines heureuses.
La semaine prochaine ce sera à moi de proposer une activité pour les aider avec l'écriture, j'aime écrire, mais le problème c'est que trop d'idées se battent dans ma tête. Je ne sais pas non plus si elles sont adaptées à l'âge de ses enfants et à leur niveau. Alaois m'a conseillé de les mettre par écrit et de les faire lire à Léa.
Quelques heures plus tard les enfants sont sortis, il ne me reste plus qu'à ranger quelques stylos ou feuille qui traîne, pendant que Léa revoit son programme pour les prochains jours. Comme toujours je finis ma mâtiné en vérifiant et fermant les toilettes, placards et la cour on ne sais jamais si des élèves y sont restés cachés .Je sors finalement pour rejoindre Alaois devant le bâtiment, seulement ce matin il n'est pas encore arrivé, alors mes petits films refont surface dans mon esprit.
Léa en sortant me vois en train d'angoisser alors elle me dit:
- Ne t'en fais pas il est entre de bonnes mains, tu sais ce n'est pas toujours facile la kiné ça lui fait du bien car il lui dégage les bronches, mais ça peut lui faire mal aussi, imagine c'est comme du feu en lui.
- Comment ça ?
- Je ne t'apprends rien en te disant que le feu est un élément sauvage, personne ne l'a jamais maîtrisé, il peut se propager en un coup de vent et dévaster toute une forêt. Et bien c'est ce que ressent Alaois dans son corps et quand il respire il sent le feu brûler ses entrailles.
- Tu veux dire qu'un feu envahit ses poumons quand il force pendant ses séances de kiné ou tout autre effort ?
- Pas seulement quand il fait des efforts c'est constamment qu'il ressent cette douleur, mais euh mm vous vous en avez pas parlé.
- Il m'a juste dit souffrir en respirant mais il n'a jamais parlé de brûlure.
- Mmm c'est bizarre lui qui aime en rire, un jour il a dit à Jody ce comparer à un dragon quand il crache ses poumons mais qui expulsent plutôt des mucus lui brûlant la trachée que des flammes luisantes.
- C'est vrai qu'il aime rire de sa maladie.
- Il ne va pas en pleurer, tiens-le voilà, vous allez pouvoir en parler.
- Oui, à demain Léa.
- À demain Chloé passe une bonne après-midi.
Elle salue Alaois en partant.
Alaois lui me tend la main et me dit:
- Tu es prête pour notre balade quotidienne en forêt .
- On va jusqu'au piano .
- J'ai quelques notes dans la tête que je voudrais te faire découvrir.
- Je suis toujours partante pour écouter ta musique.
Main dans la main comme deux ados, nous nous éloignons du village et nous nous engouffrons dans la forêt, comme à chaque fois que j'y entre je suis envahie par cette impression de grandeur. Je peux voir dans les yeux d'Alaois que lui aussi se sent tout petit parmi ses amis de la forêt.
Après de longues minutes de silence je lui dis;
- C'est toujours incroyable cet endroit, on s'y sent tout petit.
- J'ai l'impression de devoir quelque chose à ses lieux.
- Peut-être le piano.
- Ma musique aussi.
- La musique vient de toi c'est ton talent, tu vis pour ça.
- Oh ça oui... euh mm c'est comme si je devais ce talent à ces lieux, tu vois ce que je veux dire, tu dois me prendre pour un fou.
- Fou non, tu es un rêveur, un passionné, un homme des bois dis-je en souriant et lui serrant un peu plus la main.
- Parfois je me dis que je suis née de cette forêt tout comme la musique. Alors qu'en fait je suis de la ville et que la forêt ne me parle pas, elle ne peut que m'inspirer de la musique.
- Euh hey qui sait, si tu crois en la légende du cerf fluorescence pourquoi ne communiquerait-elle pas avec toi.
- Cette forêt est un mystère à elle seule.
- Je crois qu'elle a encore beaucoup de choses à nous apprendre et à nous dire.
- Nous apprenons toujours de la nature, quel-qu'elle soit, dit-il en tendant la main vers ce qui nous entoure.
Arrivés à la cabane nous nous installons côte à côte au piano. Aloais pose d'abord ses mains avec douceur sur les touches, il connaît par c?ur cet instrument, il ressent pourtant toujours le besoin de savoir s'il est accordé. Il cherche pendant un instant les parfaites harmonies que renferme ce piano.
C'est seulement quand il a les yeux fermer que je sais qu'il est prêt à jouer, je suis étonné de voir qu'il s'apprête à jouer avec seulement deux doigts de chaque main. En entend les premières mesures je me dis que je commence à connaître la musique qu'exprime Alaois et qu'il a raison une partie de celle-ci est inspiré par des sons de la nature. Les quartes notes qui cette répète me font pensaient au doux son d'un oiseau que j'ai appris à connaître et à écouter ici au creux de la forêt. Le geai de Steller un oiseau au plumage bleu en région ventrale et noire jusqu'à la tête.
J'entends presque les cris du mal transposé dans cette douce mélodie.
Il a dû l'écouter pendant des heures pour en sortir ces quelques notes. Notes qui me font voyager à traverser les arbres comme ce geai. Je sens, voie et entend un changement dans sa musique et aussi dans son attitude corporelle. Sous ses doigts nés petit à petit la mélodie de Bohemian Rhapsody de Queen, son interprétation est physique tout comme l'original.
À travers ses mouvements de doigts et le reste de son corps je vois les gestes d'un rockeur si j'osais je lui dirais qu'il joue comme Freddie Mercury, mais il me dirait que j'exagère, que mon amour pour lui me rend aveugle. Puis ses doigts ses déposes doucement sur les touches presque comme une caresse, le morceau prend fin dans un murmure de notes.
Tout comme sur leur Album dont j'ai usé la piste pendant toute ma jeunesse un silence religieux règne entre nous, silence rompu par la toux d'Alaois. Je ne sais pas ce qui se passe mais l'espace d'un instant, tout autour de moi et envahie d'un épais nuage brûlant j'en ai la respiration coupée. C'est la main d'Alaois dans mon dos qui me sort de ce qui ressemble à une courte absence. Son regard posé sur moi me redonne l'air nécessaire pour respirer, j'entends sa voix avec un léger trémolo me dire.
- C'est moi le malade de se boit, qu'est-ce qui t'est arrivé Chloé ?
- Je ne sais pas, je t'ai vu en train de tousser, des nuages brûlant on envahit la cabane, puis plus rien tout est devenu noir.
- Ça fait combien de temps que tu n'as pas fait une bonne nuit de sommeil.
- Depuis l'incident de la montgolfière, je fais des cauchemars.
- Je vois, tu as juste paniquée et tu hallucines, cela arrive quand on manque de sommeil et quand …
- Quand quoi ?
- Quand on a été traumatisé tu l'as été à cause de moi.
- Ne dis pas ça, c'est mon cerveau qui déraille c'est tout.
- Il se protège, ça passera avec un peu plus de sommeil, ce soir je te fais une tisane à la camomille, des câlins et tu dormiras comme un bébé.
- Tu n'as pas à faire ça pour moi.
- Nous prenons soin chacun l'un de l'autre.
- Mmm.
- Tu as dit être entouré de nuages brûlant dans ta vision où c'était une image ?
- Non c'est ce que j'ai vu, ça semblé si réel, si brûlant et sur irrespirable.
- Tu avais l'air de souffrir, c'est bizarre que tu ai vécu ça.
- Pourquoi ?
- Ça ressemble à ce que je ressens constamment quand je respire, comme du coton qu'on brûlerait et qui enflammeraient mes poumons, mes intestins, même mon c?ur comme tes nuages brûlant autour de toi t'empêchais de respirer.
- Vraiment étrange.