A Dark High School: Bewitched

Chapitre 2 : Soul Springs et sa populace

5714 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 05/01/2022 17:19

Chapitre 02

Soul Springs et sa populace




L'enfer... Désormais je savais ce que c'était...



Ce matin là, alors que le soleil perçait à travers les fenêtres de ma chambre, je soupirais. Il était déjà six heures trente et j'allais devoir me lever. Je n'avais plus le temps pour rien à part travailler avec mes grands-parents. Je n'avais pas vraiment le temps pour lire, pour m'amuser ou même pour ne rien foutre à part surfer sur les réseaux sociaux. Avec un certain amusement, j'avais même précisé à un de mes amis new-yorkais que j'étais si pris que je n'avais même pas le temps de me branler... Ce n'était pas très classe mais cela avait eu le mérite de lui faire sa journée. Je saisis alors mon smartphone sur la petite table de nuit et j'ai désactivé l'alarme avant de me redresser dans mon lit, vêtu uniquement d'un boxer noir. Je baillai déjà en passant la main dans mes cheveux courts et noirs convaincu que je finirai avec des cheveux gris avant la rentrée qui aurait lieu le lendemain. Cela allait être la quille... Enfin! Dernier jour de bagne. Je balançai alors les jambes en dehors du lit avant de poser mes pieds au sol. J'en avais déjà marre et, quand j'avais la chance d'avoir ma mère au téléphone, elle osait me dire que c'était cela la vraie vie ( bien casse couille la vie d'ailleurs). Je me levai tranquillement avant d'esquiver les fringues sales au sol, étant bien trop épuisé pour les mettre dans le panier à linge la veille. Je pris un jean propre et un t-shirt ACDC avant de traverser le couloir et d'aller me doucher, toujours trop peu réveillé. Un petit coup de peigne et un petit brossage de dents et hop, j'étais prêt à descendre. Je descendis lentement vers le couloir d'entrée avant d'avancer vers la cuisine guidé par la douce odeur du café.

- Bonjour David, me fit ma grand-mère toujours en forme dès le matin.

- Lut..., dis-je en baillant en m'affalant sur l'îlot central.

- Tu as l'air épuisé, me fit mon grand-père derrière son journal.

- J'en peux plus... Je meurs d'envie de reprendre les cours... C'est pour dire, avais-je avoué en baillant.

- C'est bon signe, fit ma grand-mère en me posant un grand bol de café.

Je ne mangeais jamais rien le matin et seul le café serait passé de toute manière, j'étais trop fatigué pour manger. Je bus le café d'une seule traite pour émerger.

- Tu es prêt à t'occuper des chevaux? me demanda ma grand-mère.

- Ai-je le choix? demandai-je en me levant déjà.

Avec ma grand-mère, nous sortîmes alors de la maison passant devant le garage sur le côté. Il y a trois semaines, précisément deux jours après mon arrivée, mon grand-père m'avait dit qu'il avait une surprise pour moi. J'étais content, j'espérais un truc sympa, j'ai été déçu. Mon grand-père m'avait dit qu'ayant mon permis, il serait de bon aloi ( oui il parle comme un vieux) que j'aie mon propre véhicule. Moi j'aurais presque bondi de joie jusqu'à voir le fameux véhicule. C'était une occasion en or selon lui ( alors qu'en fait cela ressemblait surtout à une arnaque). Il avait acheté pour moi ( à un ferrailleur peu scrupuleux selon moi) un Dodge Ram simple cabine typiquement américain datant de deux mille neuf. Il était bleu, sous la rouille, et cabossé. J'avais regardé mon grand-père convaincu que c'était une blague de mauvais goût mais en fait c'était prévu pour être mon loisir ( je vous jure). Le fameux loisir? C'était tout simplement de le remettre en état avec lui... Et donc, quand je n'étais pas déjà mort, plutôt que d'aller m'amuser en ville, je devais bosser dessus. Il était presque en état, mon grand-père pourrait donc bientôt toucher une assurance vie supposément placée sur ma tête ( j'étais convaincu que j'allais me foutre en l'air avec cette merde). Le pire dans tout ça, c'était que dans le fameux garage, tout au fond, il y avait une vieille mustang datant des années quatre-vingt-dix qui lui avait appartenu. J'aurais de loin préféré cette voiture, elle devrait plaire aux filles, pas comme la poubelle. Je sentais qu'on allait se foutre de ma gueule.

- Vous avez bien travaillé tous les deux, ton grand-père est content, me fit alors ma grand-mère en avançant vers le manège équestre.

- Il croit vraiment que je vais le prendre ? demandai-je méfiant.

- David, ce soir ton grand-père va le terminer, demain tu pourras rejoindre le lycée avec, m'assura ma grand-mère.

Je m'étais figé, j'avais trop de la chance ( ben oui, la honte j'allais l'avoir dès le premier jour). Je voyais déjà les petits bourgeois se foutre de ma pomme, en montrant mon cercueil roulant du doigt, si j'arrivais entier au lycée évidemment.

- J'espérais que... Je me disais qu'il pourrait me laisser la Mustang non? ai-je tenté en croisant les doigts.

- Cela m'étonnerait David, me lança ma grand-mère en m'ouvrant la porte du manège.

- Et en quoi? demandai-je en saisissant immédiatement une pelle.

Et oui, ma grand-mère comptait sur moi pour nettoyer le purin, puis nourrir les chevaux selon ses consignes. C'était toujours elle qui s'occupait d'en prendre soin, je n'avais même pas eu la chance de croiser une de ses clientes que j'espérais plutôt mignonnes avec de belles jambes musclées ( oui, j'avais un peu les crocs là... J'avais pas croisé une fille depuis un moment). Et ben non... Pas de bol. Je devais partir à la quincaillerie avant... Vie de merde.

- Ton grand-père y tient à cette voiture, je ne pense pas qu'il te la laissera..., commença ma grand-mère avant de s'interrompre.

- Mais? ai-je enchéri espérant la présence de cette conjonction de coordination.

- Peut-être si tu te montres digne de confiance avec le Dodge, m'avoua ma grand-mère à demi-mot.

- C'est vrai ou tu le dis pour me donner confiance ? dis-je en ramassant la merde des canassons à coup de pelle.

- J'espère aussi, pour toi. Ton grand-père se montre dur mais c'est pour ton bien, ajouta ma grand-mère.

- Vu mes journées, marmonnai-je en risquant de m'envoyer de la merde sur le jean.

C'était clair, ramasser la merde était presque plus marrant que le reste de la journée ( le mot clef de la phrase est PRESQUE). En effet, dans sa grande mansuétude, mon grand-père ne me laissait pas réellement sortir de la réserve de la quincaillerie. Selon la version officielle ( dont je doutais énormément de la véracité), c'était parce qu'il n'était pas doué avec l'informatique et qu'il avait besoin de quelqu'un pour numériser ses registres et gérer le stock. Officieusement ( donc selon moi, je précise), j'étais convaincu qu'il voulait m'éloigner de ses clients ( ou peut-être clientes, si il m'imaginait violeur potentiel sans doute) par honte ou par crainte.

- Je l'ai engueulé pour cela, il aurait dû te laisser tenir la caisse, fit ma grand-mère.

- Il a peut-être peur que je pique la caisse, avais-je lancé à la cantonnade.

- Tu ne ferais pas ça, m'assura ma grand-mère.

- Content que tu le penses...

- Il est dur je sais, me dit-elle ensuite.

- Il était comme ça avec Maman? demandai-je alors vu que je me posais la question depuis longtemps.

- Oui, très. Il voulait qu'elle fasse de belles et longues études, fit alors ma grand-mère avant de se figer en me regardant.

- Quoi? dis-je en voyant son stress. J'ai pas blessé de cheval...

- Je sais mon grand... Mais je ne voulais pas te blesser, fit-elle visiblement désolée.

- Ho mais je sais bien que mon existence a bouleversé la vie de Maman, dis-je alors en réalisant enfin. Mais elle m'a toujours dit avoir été heureuse de me garder alors... Sauf si lui n'a pas supporté le regard des gens.

- C'était compliqué, la rumeur de sa grossesse, tout ça, avoua ma grand-mère.

- C'est sûr, je suppose que dans un patelin comme celui-ci, vous étiez devenus des brebis galeuses, avouai-je soudainement.

- Ton grand-père a toujours défendu ta mère et rappelé aux gens que ton père avait fuit ses responsabilités, m'avoua ma grand-mère. Et je suis très heureuse que tu sois là.

- Merci Grand-mère, c'est gentil.

Je commençai alors à nourrir les chevaux, tous très beaux et très bien soignés. Ma grand-mère était douée avec eux c'était un fait et ses clients n'arrêtaient pas ( selon elle vu que j'étais interdit de visite...) de louer son efficacité autour d'eux. Ma journée dans le manège allait être terminée et j'allais pouvoir rejoindre mon grand-père pour prendre la direction de la rue principale de Soul Springs et débuter ma seconde journée.

- David? m'interpella ma grand-mère tandis que je finissais.

- Oui? avais-je répondu méfiant.

- J'aimerais beaucoup, vraiment beaucoup, que tu me promettes de ne pas faire de bêtises au lycée. Vraiment... Ce n'est pas pour les qu'en dira-t-on mais parce que je pense que tu peux faire mieux que ça, lança alors ma grand-mère.

- Promis..., dis-je déjà lassé. Je vais vraiment me tenir... Je pense.

- Merci, je te fais confiance mon grand, fit ma grand-mère. Tu peux rejoindre ton grand-père et encore merci de ton aide chaque matin, tu me facilites énormément mes matinées. Sans toi je serai plus fatiguée.

- De rien grand-mère, dis-je avant de la saluer avant de filer.

C'était parti pour la seconde journée de travail forcé, celui à la quincaillerie. Au moins ce n'était pas trop physique. Tandis que j'avançais vers le garage, je pouvais voir le même spectacle ( plutôt répétitif d'ailleurs) de mon grand-père. Il était appuyé sur son pick-up avec un mug pour moi, par sollicitude. Il me le tendait toujours avec un sourire.

- Tout s'est bien passé ? me demanda-t-il comme tous les matins depuis quelques semaines.

- Les chevaux sont toujours vivants, lui avais-je répondu comme à chaque fois.

- Tant mieux.

C'était simple, j'avais l'impression d'être dans un téléfilm de Noël à la con ( mais si, ceux où le personnage après un vœu ou une merde du genre se retrouvait à revivre toujours et toujours la même journée). J'en avais littéralement marre et j'ouvris la portière avant de m'installer en la claquant plus fort que nécessaire avant d'attacher ma ceinture ( vu qu'il me le ferait encore remarquer sinon).

- Et c'est parti, fit mon grand-père en démarrant.

Je soupirais déjà... C'était reparti. Le trajet était toujours le même, long et chiant. La seule différence était son déroulement. En effet, parfois il me parlait de ses clients ( donc il en avait vu que j'ignorais leur existence), des informations du journal que je lisais parfois, osait me demander ce que j'avais fait de la soirée ( dormir... Le bonheur...), ou me racontait des souvenirs de jeunesse de Maman. Étrangement, et même si ma grand-mère m'assurait du contraire, je n'avais aucune anecdote sur l'époque où elle m'attendait, me convainquant qu'il avait eu honte de sa fille tombée enceinte à dix-sept ans. Au moins il ne l'avait pas mise dehors, d'autres ne se seraient pas gênés, et pour cela je lui étais reconnaissant ( à l'inverse du travail évidemment). Une seule fois, il avait tenté les conversations plus gênantes apprenant avec surprise que j'étais toujours puceau ( ce qui ne risquait pas de changer vu ma nouvelle vie, sauf si je tombais amoureux d'un robinet) et bizarrement il était rassuré. J'avais même une droit à un magnifique ( et surtout très long) laïus sur les bienfaits des protections lors des rapports. Et après on se demandait pourquoi je me posais des questions. Encore une fois, nous passâmes devant l'allée du fameux manoir Corey dont je n'avais toujours pas repéré un habitant. Je me demandais à quoi ils pouvaient bien ressembler d'ailleurs. Quand on était arrivé dans Soul Springs ce matin-là, j'avais remarqué qu'il y avait plus de jeunes, sans doute préparant leur rentrée et qui avaient dû avoir de vraies vacances ( sales petits veinards que je détestais déjà juste par ressentiment). Il se gara comme toujours dans l'allée derrière la boutique et nous sortîmes dans le silence le plus total tandis qu'il ouvrait la porte arrière. C'était un petit couloir qui desservait trois portes, celle de la boutique ( un lieu sacré que mes pauvres yeux ne pouvaient pas encore voir car même la nettoyer m'était interdit visiblement), un bureau à l'ordinateur de bureau datant de Mathusalem ( il y avait encore un écran à caisson, même pas un écran plat, et encore moins un ordinateur portable, un vrai bond dans le temps) qui m'avait vu plus que de raison et enfin la réserve avec toutes ses magnifiques boîtes en carton que j'avais apprises à connaître depuis un bon moment ( tellement que je pouvais savoir où se trouvaient les vis plates ou en croix, les tuyaux en PVC ou en métal, les boulons divers et variés, les chevilles de toutes les tailles, et tous le reste, j'étais bon pour bosser dans n'importe quelle boutique de bricolage). J'enlevai alors ma veste en me dirigeant directement vers la réserve quand soudain, mon grand-père m'interpella.

- Tu veux venir dans la boutique ? me demanda t'il alors.

- Ha ben si je peux, dis-je tout content de ne pas être enfermé pour une fois.

Je le suivis alors, pas vraiment surexcité comme Indiana Jones découvrant l'Arche d'alliance mais quand même impatient, vers la porte du fond. Il l'ouvrit et je découvris enfin la Quincaillerie Porter. C'était assez accueillant, quelques rangées d'étagères, des murs arborant tout l'outillage nécessaire pour vos menus travaux, un comptoir métallique digne d'un bar et une grande baie vitrée donnant sur la rue. Je vis mon grand-père se diriger vers un bouton dans le mur et y placer une clef pour ouvrir le grillage qui remontait dans un bruit sonore. Il me regarda alors avant de me jeter quelque chose que je saisis au vol. C'était du tissus et je l'ai déplié avant de découvrir un tablier verdâtre ( très moche) avec écrit le nom de la boutique dans une couleur dorée.

- Qu'est-ce que c'est moche! ai-je dit alors.

- David...

- Ouais ouais je l'enfile sinon je retourne en réserve c'est ça ? dis-je en l'attachant. Euh... Tu fais une photo et je fugue.

- Promis pas de photo... Tu veux faire fonctionner la caisse enregistreuse ? me demanda mon grand-père.

- Par ici le pognon, dis-je en m'approchant de la caisse en me frottant les mains.

Mon grand-père ( plutôt peu réceptif à mon humour, public très difficile même) me montra comment faire l'addition sur la caisse. C'était simple, il suffisait de scanner le code-barres et de peser les petites pièces, vis et boulons étant vendus au poids ( et oui comme il y a quarante ans... Consternant). Encaisser était facile, il suffisait de noter le montant reçu et la caisse faisait la différence, indiquant même au cas où son utilisateur serait d'une stupidité sans nom les billets et pièces à rendre ( je suis sérieux). J'avais l'intention de me servir de la visiblement bonne humeur de mon grand-père pour poser une question gênante ( une bonne manière en somme de nuire à cette fameuse bonne humeur).

- Je peux te poser une question ? dis-je alors en le regardant m'expliquer l'encaissement par carte bleue.

- C'est trop compliqué ? demanda-t-il alors se demandant sans aucun doute si il était clair.

- Tu as eu honte de Maman? avais-je demandé en larguant la bombe.

- Pardon? fit-il choqué de ma question.

- Quand elle est tombée enceinte...

- David... Je n'ai jamais eu honte de ta mère, mais j'étais en colère. On lui avait parlé de tout ça, de faire attention... Ton père a déguerpi tu le sais et ta mère a voulu partir pour la grande ville, fit-il alors.

- Cela t'a fait chier? demandai-je alors.

- J'aurais préféré qu'elle reste, mais c'était courageux de partir dans une grande ville pour étudier et travailler tout en s'occupant de toi, ajouta mon grand-père.

- Cela ne t'aurais pas posé de problème qu'elle reste ici? Malgré les gens? demandai-je surpris.

- Évidemment que non... Même si j'aurais bien cassé quelques mentons, fit mon grand-père.

- Je confirme, dis-je alors.

- Et je suis content que tu sois venu, même si ta grand-mère me trouve trop sévère... Et puis on s'amuse bien à réparer le Dodge non? fit mon grand-père inquiet.

- On s'éclate, dis-je alors pas franchement convaincu.

- Je ferai le plein de tout ce soir, comme ça tu l'auras pour le lycée, fit mon grand-père bien trop fier à mon goût.

- Bon..., dis-je préférant éviter le sujet, je passe un peu le balais?

- Vas-y, fit mon grand-père assez heureux de mon initiative.

C'était sans doute le meilleur moyen d'occulter le Dodge alors autant le saisir. J'avais donc foncé chercher le balais et je le passais tranquillement tandis que mon grand-père préparait son ouverture. Peu de temps plus tard, alors même qu'il n'avait pas déverrouillé la porte depuis plus de dix minutes, j'entendis une petite clochette signe que quelqu'un rentrait déjà. J'étais légèrement surpris, pensant clairement ( un peu honteux) qu'il était choquant que les gens foncent à la quincaillerie plutôt que de se diriger dans les centres commerciaux où il devait pourtant y avoir bien plus de choix. J'entendis alors immédiatement mon grand-père interpeller le client.

- Ho bonjour Monsieur Robson, comment allez vous ce matin ? demanda-t-il.

J'étais étonné, cela voulait sans doute dire que ce fameux Monsieur Robson devait venir souvent.

- Bonjour Monsieur Porter, ce matin je me dépêche de finir ce que j'ai à faire après je n'aurai plus le temps, fit la voix d'un homme visiblement trentenaire même si il est dur d'estimer un âge à la voix.

- Et bien il me faudrait un mitigeur de douche, l'appartement n'était vraiment pas dans le meilleur état, avoua le fameux Monsieur Robson.

- Un mitigeur d'accord... De quel genre? préféra demander mon grand-père.

- Vous savez... Ceux avec le régulateur de température au centre, fit l'homme qui devait ignorer si ce fameux mitigeur avait un nom précis.

Je me rendis alors compte que j'étais pile au bon endroit, le rayon robinetterie ( même si la quincaillerie ne faisait pas cinq cents mètres carrés). Je repérai alors un de ces fameux mitigeur et, cherchant un bon moyen de prouver que je méritais la Mustang, j'en pris un avant de me diriger vers le client qui semblait plutôt bien fait de sa personne avec sa coupe de cheveux mi-longs blonds, sa petite barbe et son bronzage digne d'un californien

- C'est celui-ci ? dis-je alors en le demandant à mon grand-père.

- Ho... Vous avez embauché ? demanda le client.

- Non, il s'agit de mon petit fils, David, voici Monsieur Robson, lança mon grand-père.

- Enchanté Monsieur, dis-je poliment.

- De même, répondit rapidement l'homme.

- C'est un nouveau professeur pour le lycée, précisa alors encore mon grand-père.

- D'accord, dis-je mal à l'aise de sympathiser avec un prof.

Je n'aimais pas les professeurs et ils me le rendaient vraiment bien en général. Ce que j'aimais moins que les professeurs c'était les flics, eux je les avais en horreur.

- Les élèves sont dissipés ? s'inquiéta le professeur.

- Ça j'en sais rien, je viens de New York, je ferai ma rentrée comme vous donc, dis-je alors.

- Moi je viens de Los Angeles, ce n'est pas mieux, répondit sympathiquement le professeur.

- Vous enseignez quoi? avais-je demandé tandis que mon grand-père scannait le code-barres.

- Littérature... Tu es bon dans ce cours? me demanda le professeur fraîchement débarqué.

- J'aime bien, avouai-je alors (sans trop mentir).

- Tu as lu quelque chose d'intéressant récemment ? demanda alors le professeur en payant.

- J'ai pas eu beaucoup de temps cet été, dis-je alors en regardant sournoisement mon grand-père. Mais j'ai lu Sur la Route de Jack Kerouac.

- Ha oui quand même... C'est intéressant. On se verra donc en cours... Mes hommages à votre femme, fit le professeur à mon grand-père avant de partir.

Moi, David Porter, j'avais sympathisé avec un professeur... Cette ville avait vraiment une mauvaise influence sur moi ( bon ok façon de voir les choses plutôt désaxées). Mon grand-père me regardait en souriant.

- Quoi? dis-je étonné de son sourire.

- Tu as été très poli... Tu as vraiment lu Kerouac? me demanda-t-il ensuite.

- Ouais... Et le film est pas mal, surtout les scènes de cul, dis-je en riant. L'actrice est plutôt bonne.

- David...

- Bah ça va, elle est pas là, elle va pas se vexer, dis-je alors blasé.

Je repartais tranquillement pour finir le passage de balais quand, alors que j'avais à peine reposé la main sur le balais, la porte s'ouvrit de nouveau.

- Ho Monsieur le Maire Wardwell, fit mon grand-père.

Le maire venait dans cette boutique, carrément. Y a que dans des petits patelins que l'on peut voir ça. Je me suis retourné pour observer le maire. Il avait un beau costume et une barbe plus fournie, pas bien grand mais surtout assez jeune tout de même.

- David ? m'appela mon grand-père.

Je me suis approché et j'ai serré la main du maire, je l'avais jamais fait à New York ( en même temps je ne suis pas sûr qu'il aurait été intéressé de l'idée).

- C'est plutôt le poste de docteur qui m'amène, et votre ordonnance, fit-il en la tendant à mon grand-père.

- Timothy... Enfin, le maire Wardwell gère le petit hôpital où va travailler ta mère m'expliqua mon grand-père.

- Ho d'accord..., dis-je méfiant et me disant qu'il fallait bien se tenir.

- Et votre père fait quoi dans la vie? me demanda le docteur et maire.

J'ai vu le regard de mon grand-père mais je le pris de vitesse, je détestais en parler et en général ( c'est à dire toujours), j'en parlais sans filtre.

- Mon père ? J'en sais rien... En même temps, un de vos prédécesseurs comme docteur, son père a estimé qu'après avoir mis en cloque ma mère et avoir osé insinué qu'elle était une telle salope que cela ne devait pas être son fils qui l'avait engrossée, et ils se sont tirés. Officiellement, j'en ai pas.

Drôle de manière de sympathiser mais c'était comme ça, j'avais bien démarré dans la vie.

- Navré jeune homme, sincèrement, me fit le maire.

- Je m'en tape totalement, j'ai appris à vivre sans lui, dis-je alors en haussant les épaules.

- Bon..., fit le maire mal à l'aise, on se reverra rapidement pour la fête du miel... Et surveillez votre consommation de sucre, ajouta le maire à mon grand-père.

Ha l'événement du siècle ce fameux festival du miel, c'était consternant et effrayant. Une fois le maire parti, mon grand-père me regardait beaucoup moins gentillement que précédemment ( bah oui après la petite esclandre, c'était assez évident).

- T'étais obligé ? fit-il alors.

- Bah je réponds, faut se détendre Grand-père, dis-je en attrapant le balais.

Étonnement, beaucoup d'habitants venaient à la quincaillerie, pas foncièrement pour acheter quelque chose mais pour discuter avec mon grand-père. Moi je tenais de temps en temps la caisse écoutant les conversations qui tournaient beaucoup autour de la fête du miel ou de la rentrée ( à croire que l'on était au bar du coin et surtout qu'il ne se passait rien d'autre). Mon grand-père se faisait tout de même une joie de me présenter à tous les vieux schnocks du patelin. Finalement, je me demandais si je n'étais pas mieux en réserve, au moins personne ne venait me raconter sa vie. La journée semblait même avancer encore plus lentement que les autres. Ce fut l'après midi qu'il y eut un peu d'animation. En effet, me choquant totalement, une femme aux longs cheveux blonds platines, au port altier, à l'air distingué et aux vêtements qui devaient presque coûter le salaire mensuel de ma mère pénétra dans le commerce. Elle me regarda légèrement surprise de ma présence et sourit à mon grand-père.

- Bonjour Robert, il fait bon aujourd'hui n'est-ce pas? fit la femme poliment sur un ton distingué.

- Tout à fait Dorothy, très bon même, répondit mon grand-père.

Ma tête s'était relevée brusquement, il avait bien dit Dorothy. Petite addition mentale et j'avais conclu qu'il s'agissait de Dorothy Corey, la voisine ( de l'autre côté de la forêt donc pas si proche) habitant le manoir. Elle faisait vraiment distinguée, une sorte de noble sans doute.

- Vous avez reçu ma commande ? demanda alors Dorothy Corey.

- Je pensais que Maximilian viendrait tout à l'heure, ou j'allais lui apporter, fit mon grand-père en attrapant une boîte.

- Il fermera plus tôt, il emmène Sarah au centre commercial pour finir les achats de rentrée, fit la dame.

Deuxième regard intéressé de ma part. Ils avaient une fille, ce que mon grand-père s'était bien caché de me dire.

- Il y a longtemps qu'elle n'est pas passée me dire bonjour, fit mon grand-père en ouvrant la boîte pour vérifier ma commande.

- Elle a passé le mois de juillet chez sa cousine, le reste avec ses amis même si elle est souvent derrière le comptoir de mon mari, répondit Dorothy en souriant avant de me regarder. Votre petit-fils ?

- Effectivement, David, précisa mon grand-père.

- Bonjour, dis-je alors.

- Vous avez quel âge jeune homme ? demanda la dame tandis que mon grand-père finissait de déballer.

- Seize ans Madame, dis-je poliment.

- Ho vous serez peut-être dans la classe de Sarah alors, fit la dame avant de regarder sa commande.

Finalement, cela valait le coup d'être dans le magasin. Très intéressant d'ailleurs, je croisais même les doigts ( ben oui si sa fille était aussi canon qu'elle et avait mon âge, elle devait être plutôt à mon goût, faudrait faire un tour chez l'antiquaire). Je regardai alors vers la commande et je fus légèrement étonné. C'était un verrou, enfin une serrure, mais elle était énorme, je me demandais ce qui méritait une telle serrure.

- Il n'existe rien de plus solide sur le marché, précisa mon grand-père. Il faudrait une disqueuse à lame de diamant pour réussir à la fissurer.

- C'est impressionnant, fit Dorothy Corey poliment.

- Vous devez avoir des choses de valeur à protéger avec ça, dis-je avant de subir un regard des plus sérieusement sévère de mon grand-père.

- Effectivement, pour veiller sur ce qui est le plus important pour moi, fit Dorothy Corey.

J'étais plutôt dubitatif et pris d'un doute surtout. Normalement, ce qui devrait avoir le plus de valeur, cela devait être sa fille mais un tel verrou. J'étais plutôt sous le choc moi, cela signifiait quoi ? Qu'il y avait aussi un donjon et un dragon ? Sa fille s'appellait Raiponce ? J'étais assez perdu. Ce fut mon grand-père qui encaissa et j'observais la dame partir.

- À quoi penses-tu David ? me demanda mon grand-père.

- Sa fille? dis-je bêtement.

- Oui?

- Fallait me le dire, j'aurais fait un saut chez l'antiquaire moi, dis-je alors.

- Et on se demande pourquoi je ne l'ai pas précisé, me fit mon grand-père.

- Je sais me tenir, tu sais, dis-je alors pourtant convaincu du contraire.

- Tu serais resté quasiment tout l'été là-bas, j'en suis certain, fit mon grand-père mesquin.

- Et elle est comment sa fille? Sexy ? dis-je intéressé.

- Sérieuse, me répondit alors mon grand-père sur un ton assez éloquent signifiant de ne pas m'en approcher.

Ce n'était pas fait pour me rassurer, je n'aimais pas les gens trop sérieux, je préférais largement les gens bien barrés dans la tête. Étonnement, je m'évertuais à balayer près de la baie vitrée, espérant remarquer cette fameuse fille Corey qui méritait d'être protégée par un tel verrou... Ce fut en vain.

- Ils sont pas un peu bizarre ? demandai-je tout de même par acquis de conscience.

- Non, ils sont très gentils, répondit mon grand-père. Très serviables également. Petite, leur fille venait m'apporter des beignets, ainsi qu'aux autres commerçants.

- D'où les problèmes avec le sucre, dis-je en souriant et déçu que la fameuse jeune fille ait laissé tomber cette habitude.

Honnêtement, ce n'était pas pour les fameux beignets ( c'était un peu évident). Le reste de la journée fut d'une platitude énorme, la plupart des clients et des habitants préférant préparer la rentrée du lendemain. Je m'étais alors rendu compte qu'être un indépendant pouvait surtout être synonyme de journées longues sans clients, de petits chiffres d'affaire, et d'un ennui mortel. J'avais même fini par passer trois fois le balais juste pour m'occuper avant de réassortir tous les rayonnages pour qu'il n'ait pas à le faire le lendemain matin vu que moi j'étais enfin libéré du bagne, même si cette journée avait été un peu moins chiante que les autres. Le soir, tandis que la fermeture approchait, je m'étais dirigé vers la porte pour la verrouiller quand un homme entra.

- Désolé Monsieur, nous fermons, avais-je précisé au nouvel entrant.

- Je ne suis pas un client, je viens pour le travail, fit alors l'homme.

Moi je l'avais alors regardé attentivement, relevant une étrange ressemblance avec Laurence Fishburne de l'époque CSI. La même peau d'ébène, le même gabarit légèrement ventripotent, la même coupe de cheveux extrêmement courte, presque rasés. Je baissais ensuite les yeux sur la chemise sous la veste en cuir de l'homme et je me rendis compte de la présence de l'étoile de shérif. Il était donc le shérif du comté.

- J'ai rien fait, dis-je alors comme mû par un étrange besoin de me justifier.

- Pardon? fit le shérif devant moi.

- Ho Shérif Ambrose, fit mon grand-père qui arrivait derrière moi.

- C'est le petit David? C'est vrai? fit alors le shérif devant moi. Tu te ne souviens pas de moi?

- Euh... Non désolé..., dis-je sincère.

- Tu me harcelais pour venir dans la voiture, dit-il alors.

- Ha... Ce n'est plus le cas, dis-je en souriant d'une manière crispée.

Moi? J'aimais être dans une voiture de police ? Sans doute un délire d'enfant (comme on en a tous, plus facile de monter dans une voiture de police ou un camion de pompier que dans une fusée).

- Qu'est-ce qui vous amène ? demanda alors mon grand-père.

- Des affiches pour la vitrine, dit le Shérif avant de les montrer.

Je lus rapidement ce qu'il faisait indiqué et il y avait un avis de recherche sur un adolescent disparu à Breemwil, le patelin d'à côté, encore plus petit et situé bien après la forêt. Il y avait également des consignes de sécurité sur les déplacements en forêt à Soul Springs, suite à une attaque d'animal sauvage.

- Encore? fit juste mon grand-père. Tu vois quand je te dis que la forêt est dangereuse.

- Cela arrive souvent ? demandai-je.

- Pas vraiment, avoua alors le shérif. Mais on a décidé de rappeler aux gens que les forêts disposent d'une faune parfois dangereuse.

- Et ce garçon ? demanda mon grand-père.

- Disparu cette semaine à Breemwil, fit alors le shérif. Ses parents sont sans nouvelles depuis deux jours.

- C'est pas une fugue ? demandai-je alors. Ou une beuverie ? Un plan cul qui s'éternise ?










Ha... Le voilà le véritable film d'horreur, le lycée. Surtout dans un patelin comme ça, j'allais être l'intrus new-yorkais au milieu des péquenauds, ça promettait, comme ce fichu pickup Dodge qui m'amènerait au lycée ou vers la mort, je ne savais même pas quel était le plus intéressant.



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