A Dark High School: Bewitched

Chapitre 1 : Bienvenue à Soul Springs

5653 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 04/01/2022 13:55

Chapitre 01

Bienvenue à Soul Springs




Je me souviens parfaitement de cet été là...



Tel un condamné transféré lentement vers sa prison dans un joli car pénitentiaire, je me dirigeais en cet été de mes seize ans vers ce que moi-même j'estimais être ma future prison. Naturellement, ce transport était bien plus confortable que pour les prisonniers, il y avait de bons fauteuils, des toilettes certes étroites mais existantes, des écrans diffusant une comédie romantique (cela devait être Happiness Therapy mais je n'y mettrais pas ma main au feu), et même du WiFi, ce qui il faut bien dire était presque aussi vital que de l'air ou de l'eau pour un adolescent. Mon charmant véhicule ne m'emmenait nullement à Rikers Island (oui je sais c'est une île) mais à Soul Springs dans le Massachusetts, après m'avoir presque emmené de force ( ou presque) depuis New York, même si techniquement je devais m'arrêter à Salem, Soul Springs étant si paumé que même le car n'y allait pas, c'est pour dire. C'était ma faute après tout et je me demande encore comment ma chère mère Beth ne m'y avait pas convié bien plus tôt. C'était pour une énième connerie de jeunesse ( je sais elle a beau dos la jeunesse), qu'elle avait d'ailleurs découverte aisément, il faut avouer que quand on est escorté par un officier de police du NYPD, c'est assez facile. Elle n'en pouvait plus, devoir conjuguer service à l'hôpital et un fils indiscipliné, c'était trop pour elle et cela l'aurait été pour beaucoup d'autres d'ailleurs. Elle avait choisi la meilleure méthode, l'exil... Ok j'abuse un peu mais je l'avais vécu comme cela à l'époque. Elle m'avait simplement envoyé chez Robert et Marnie, ses parents, très gentils d'ailleurs d'accueillir le condamné à perpétuité que j'étais. Bon, il y avait aussi une autre raison, elle allait m'y rejoindre à Soul Springs, ayant obtenu un poste à l'hôpital local. En bref, c'était fini la grande ville pour moi, j'avais gagné un aller simple pour un patelin de douze mille habitants et quelques. C'en était fini de Times Square, de Broadway et de Central Park, maintenant j'avais droit à un bled paumé.

Le plus drôle dans tout cela c'est que j'avais également eu droit à mon propre maton en la personne d'une petite vieille du genre pressante. Je n'avais jamais compris pourquoi, dans n'importe quel mode de locomotion, il y a avait toujours ce genre de personnes. Elle ne sont pas méchantes, elles veulent juste faire la conversation ( façon polie de dire casser les couilles), qu'importe que vous lisiez ou que vous ayez des Airpods dans les oreilles. Je ne sais pas pourquoi mais cette petite vieille était convaincue que j'en avais quelques choses à foutre de savoir qu'elle se rendait à Salem pour voir sa sœur, que son pauvre mari était mort après avoir passé une vie à faire le taxi à New York, que sa fille était une institutrice de Washington, que son petit fils faisait l'armée ( encore plus quand on sait qu'on se fait plomber le cul dans des guerres qui ne sont les nôtres que parce qu'il y a du pétrole), que sa petite fille entrait à la fac et bla et bla et bla... Je me sentais vieillir et je hochais la tête en écoutant les paroles de la chanson sur ma playlist. C'était tellement opportun, Who Want to Live Forever de Queen, et quand on devait subir toutes ces anecdotes à la con de cette vieille chouette, c'était clair que l'on avait pas envie de vivre éternellement. Je m'étais d'ailleurs retrouvé à souhaiter comme jamais que ce putain de car finisse dans le fossé et surtout qu'il abrège mes souffrances. Je m'étais dit que j'allais profiter tranquillement du trajet pour lire un roman dont j'avais vu le film récemment, Le Cercle de Dave Eggers, mais c'était peine perdue, la vieille ne me lâchait plus du tout.

- Et c'est ainsi qu'elle a dû trouver une autre recette pour ce Thanksgiving, me fit la vieille.

- Hmmm, intéressant, lui avais-je répondu sans vraiment écouter.

- Et vous ? insista une nouvelle fois la dame âgée.

- Moi? avais-je dis surpris. Je ne suis pas trop sauce aux canneberges.

J'en pouvais plus du tout. Je n'avais qu'une envie, c'était de lui dire de se la fermer sa gueule, qu'elle arrête de me briser les couilles, qu'elle ferme son clapet une bonne fois pour toute... Je m'étais retenu, décidée à me faire chier jusqu'au bout, elle aurait été capable d'avoir une attaque cardiaque ou même des palpitations. Il y avait un gros avantage sur cette ligne d'autocar, c'était le petit écran au-dessus du chauffeur. Ce dernier indiquait le kilométrage restant avant l'arrivée, par GPS sans doute, et comme par miracle, on était enfin entré dans le dernier.

- Vous devriez commencer à vous préparer, avais-je dit à la dame, nous allons arriver.

- En tout cas je vous remercie, me fit soudainement la dame. C'est appréciable de mener une discussion. Cela occupe.

- De rien, dis-je alors convaincu que le terme monologue était bien plus adapté.

- Le petit ami de ma petite fille est bien moins poli, il m'a déjà dit que je parlais trop, me fit alors la dame.

Moi, je venais de me découvrir un nouveau héros, au moins il était honnête. Veinard également vu les photos de la petite fille qui pouvait faire des concours de Miss. Trop âgée pour moi certes mais rien n'empêche de mater, surtout que les soutiens-gorges ne semblaient pas être sa passion.

- Des gens sont impatients, avais-je répondu imaginant rajouter que d'autres étaient chiants.

- Je vous souhaite encore de bonnes vacances, avait alors dit la dame en préparant son sac à main qu'elle n'avait d'ailleurs pas lâché pensant sans doute que je risquais de lui piquer.

- Je viens vivre ici, enfin à Soul Springs, avais-je répondu pour la forme en enfilant ma veste en similicuir bordeaux foncé.

Cela allait enfin être la quille, je ne suis pas croyant mais là j'aurais remercié Dieu, Bouddha, Allah et même Ron Hubbard ( lui c'est le bigboss de la scientologie, un ancien écrivain de science-fiction qui a pondu une religion avec des extraterrestres... Vous le voyez l'attrape couillon?) tant j'étais reconnaissant de la fin du trajet. Je croisais même les doigts en espérant que cette vieille n'approche jamais de Soul Springs, elle serait capable de me retrouver. Quand le car finit enfin de se garer au dépôt de sa succursale de Salem, les premiers passagers se mirent à descendre et moi, qui crevait d'envie de descendre, je devais patienter que la vieille bique descende.

- Vous pourriez attraper mon sac? osa-t-elle me demander désireuse sans doute de finir de l'achever en beauté ce putain de trajet de merde.

- Évidemment, avais-je répondu en m'exécutant sachant que plus vite elle descendrait, plus vite je serai libéré.

Je descendis son sac du compartiment, très léger d'ailleurs, avant d'attraper le mien. Le mien était juste un grand sac à dos, ma mère ayant déjà fait envoyer plus de la moitié de nos affaires chez mes grands-parents. Je n'avais que quelques vêtements et quelques livres dans ce sac, ainsi que l'élément le plus essentiel de la vie d'un ado: mes câbles de recharge pour smartphone et tablette. Je trépignais d'impatience de descendre mais je devais encore attendre... Je détestais attendre, il n'y avait rien de pire qu'attendre. Encore plus quand une personne avait du retard, je détestais cela... Enfin mes pieds percutèrent le bitume et j'inspirai immédiatement l'air, beaucoup plus pur que celui de New York, pas bien compliqué en même temps. Au milieu de la foule bigarrée, constituée de jeunes amoureux se retrouvant en se roulant des pelles sensuelles, des familles se retrouvant et tout ce qu'on peut trouver dans ce genre de situation, je cherchais attentivement mon grand-père.

- Où il est bordel de merde! marmonnai-je à cet instant.

Il y avait longtemps que je ne l'avais pas vu, depuis mes dix ans précisément, même si je l'avais revu par Skype. Ma mère n'avait presque plus jamais de vacances vu notre système médical, plutôt pourri ( et le mot est faible). Je me disais bien que déjà à cette époque, il devait être plus petit que moi avec mon mètre quatre-vingt dix. Ma mère aussi était beaucoup plus petite que moi avec son mètre soixante-deux, me rappelant souvent que pour quelqu'un qui détestait la soupe, j'avais bien poussé ( dommage que c'était plutôt mauvais signe). Au bout d'un moment, tout de même assez court, je repérai une main tendue vers le haut qui faisait bêtement coucou. J'ai dû me tortiller pour discerner le vieil homme qui le tendait ce fameux bras. C'était bien lui alors je soulevai mon sac pour le poser sur mon épaule et roulez jeunesse. Je me glissais rapidement entre les gens, n'oubliant nullement de mater le joli cul en mini-jupe d'une fille qui accueillait son mec comme il se devait, celui là ne risquait pas de s'emmerder le soir même. Après avoir reluqué, j'étais arrivé rapidement près de mon grand père. Il était devenu chauve, ce que je pouvais aisément voir vu que je lui rendais trente centimètres, beaucoup plus maigre, presque squelettique. Ce n'était pas si invraisemblable pour quelqu'un qui avait pourtant un petit embonpoint, le cancer de l'oesophage qu'il avait eu il y a cinq ans l'ayant amaigri.

- Seigneur... Ce que tu as grandi David, fit alors mon grand-père.

- Ça va grand-père ? demandai-je alors en posant mon sac.

- Ça va mon grand... Tu l'es trop pour me prendre dans tes bras ? me demanda mon grand-père sur un ton sarcastique que ma mère possédait également.

Je m'étais alors exécuté, prenant mon grand-père dans mes bras en me rendant bien compte qu'il n'avait plus que la peau sur les os.

- Tu as fait bon voyage ? demanda-t-il ensuite.

- Tu parles... Une vieille m'a brisé les couilles tout le...

- Ton langage, me dit-il en m'interrompant.

- Ouais ouais..., avais-je marmonné. Excuse... En bref, c'était long. Et toi la route?

- Tranquillement, avoua mon grand-père qui avait quand même fait presque une heure de route.

- Tu étais là depuis longtemps ? avais-je demandé par acquis de conscience.

- J'ai eu le temps de prendre un café, dit-il en un rire gras qui étrangement n'avait pas disparu avec les kilogrammes en moins.

- Cool...

- Je suis garé là bas, fit-il en m'indiquant bêtement le parking.

J'avais envie de lui dire qu'en même temps il allait pas se garer sur un toit, mais je me suis abstenu, inutile de s'engueuler avant d'être arrivé.

- Bon ben allons-y, avais-je alors dit en soulevant mon sac.

Nous avions traversé le parking tranquillement, mon grand-père tentant de briser le silence en me parlant météo. Quand quelqu'un vous parle de météo, c'est qu'il est mal à l'aise, me laissant penser que ma mère avait dû communiquer beaucoup de mes conneries à ses parents. J'étais alors arrivé près d'un vieux pickup daté, jetant mon sac sur la plage arrière avant de me diriger déjà las sur le siège passagé. Quand j'avais refermé la portière, j'avais ouvert la fenêtre avec une manivelle à main ( dire que il y en avait encore...) avant de prendre appui dessus avec mon coude. Je vis le regard de mon grand-père et alors que je m'apprêtais déjà à demander ce que j'avais fait, il regarda vers la ceinture de sécurité. J'ai alors soupiré et attaché cette ceinture, le trajet commençait bien. Mon grand-père démarra et nous nous engageâmes sur l'autoroute. Je ne parlais pas vraiment et lui non plus, ce qui tombait bien. Une petite notification me sortit de mes pensées et je sortis mon smartphone pour regarder Instagram. Mes potes de New York faisaient une méga fête dans un parking abandonné, ce qui me dégoûta et me fit soupirer.

- Visiblement, venir à Soul Springs ne t'enchante pas, fit alors mon grand-père.

- C'est évident non? avais-je répondu du tac au tac. Je quitte New York pour un patelin, avec ses jolis champs de maïs, je m'appelle pas Clark Kent au cas où.

- Tu sais que Soul Springs est une ville où il fait bon vivre? fit-il alors pour me convaincre.

- Et surtout où on meurt d'ennui... Non? avais-je répondu avec mesquinerie.

- Ta mère a grandi là bas tu sais? Et elle aimait bien...

- Jusqu'à ses études ? C'est ça ? dis-je alors. Ou jusqu'à moi?

Ma mère avait littéralement fuit Soul Springs, pas réellement pour ses études en réalité mais dans ce genre de trou du cul du monde, une fille en cloque hors mariage... Seigneur la honte... Patelin de bouseux de mes deux...

- Elle n'a jamais regretté de t'avoir, m'assura mon grand-père.

- Jusqu'à aujourd'hui ? dis-je en soupirant.

- Tu es vraiment...

- Borné ? Têtu ? Casse couile? l'avais-je interrogé.

- Contrariant... J'espère que tu seras plus calme avec ta grand-mère, fit-il.

- Promis je serai sage, avais-je dit pour la forme. Au fait, elle sort d'où cette poubelle ?

- C'est pour les chevaux de ta grand-mère, fit-il alors heureux de changer de sujet.

- Ils ont le permis maintenant ? répondis-je en riant.

Ma grand-mère gérait un manège équestre, quelques chevaux à peine, moins d'une dizaine d'après ma mère et à peine la moitié réellement à elle. Mon grand-père gérait une quincaillerie en centre ville, si on pouvait appeler cela un centre ville.

- Très spirituel, David, me fit mon grand-père. C'est plus pratique sur la propriété. Et puis pour transporter le miel.

- Le miel? Vous faites du miel aussi maintenant ? demandai-je étonné.

- Et oui, ta grand-mère s'occupe, me répondit mon grand-père.

- Et ben...

- Elle veut faire le buzz, ajouta-t-il en riant.

- Ha... Ha..., dis-je avec sarcasme. Ne te convertis pas en humoriste après la retraite.

- Je trouvais cela drôle... En plus elle tiendra un stand à la fête du miel, ajouta mon grand-père visiblement convaincu que j'allais être enchanté.

- Fête du miel... Ho bordel... Je suppose que c'est l'événement de l'année ? dis-je alors consterné.

- Le second en réalité, répondit mon grand-père ne relevant pas l'ironie.

- Et c'est quoi le premier ? demandai-je méfiant.

- Les illuminations de Noël évidemment, répondit mon grand-père avec fierté.

- Non mais merde..., avais-je alors marmonné.

Plus je m'intéressais à son patelin plus j'avais envie de m'arrêter en chemin et de me jeter sous une bagnole. La Fête du miel, Noël, il n'y avait rien à faire même si ils avaient un cinéma drive-in. Il y avait également un centre commercial aux abords de Soul Springs, l'évolution sans doute, une bibliothèque et un musée... Le musée du fil, consternant même si le patelin tenait ses origines de diverses filatures, toutes fermées depuis. Nous arrivâmes tranquillement aux abords de la ville et mon grand-père eu la si merveilleuse idée de faire le circuit touristique. Comment lui dire que je n'en avais absolument rien à foutre ? Je n'en avais aucune idée alors je m'y suis plié ( bon c'était lui qui conduisait de toute manière). C'était si beau... Un antiquaire, une bibliothèque où on pouvait également acheter des livres neufs et récents, un petit disquaire, deux ou trois boutiques de fringues, quelques salons de thé, quelques restaurants, un petit routier ( soit disant excellent selon mon grand-père, surtout les burgers et le moint fe chute des jeunes), une pizzeria, un lycée sortit d'un très mauvais téléfilms ( ma future prison donc), un parc pour enfants, ce genre de choses que l'on trouve dans les villes où il fait bon vivre... C'était la mort ouais, il n'y avait pas un chat, pas âme qui vive parce qu'il pleuvait beaucoup ( depuis quand les gens ne sortent pas quand il pleut? Ce sont des mogwaïs? Ils se multiplient si ils sont mouillés ? Non mais je vous jure). Au moins le patelin était propre et arboré. Mon grand-père m'expliquait avec un immense plaisir, pas franchement partagé, les familles vivants dans la ville, des anecdotes toutes plus chiantes les unes que les autres. Je commençais déjà à déprimer quand nous sortîmes de la ville pour rejoindre les routes de campagne menant à sa demeure à l'écart. Il fallait bien de la place pour les canassons, et une fermette de l'autre côté d'une forêt dense, c'était l'idéal ( pour les tueurs en série aussi, surtout ceux qui découpaient les gens à coup de tronçonneuse et se faisaient des masques avec leurs visages).

- Tu vois, par là cela mène au manoir de la famille Corey, me fit mon grand-père.

- Cool un manoir, dis-je vaguement intéressé. Des riches?

- Une vieille famille... Maximilian est l'antiquaire de Soul Springs, me répondit mon grand-père.

- Ha... Moins cool de suite... À moins que ce soit une famille de vampires, là cela deviendrait amusant, dis-je avec un humour de merde.

- Tu t'es cru dans Dracula ? me répondit mon grand-père.

- Tu sais qu'il y a eu autre chose depuis? Entretien avec un vampire, Buffy, True Blood, Vampire Diairies, Twilight... Non? avais-je insisté.

- Ha Buffy je connais, je crois que ta mère regardait... C'est avec les Halliwell non?

- Non, ça c'est Charmed... Laisse tomber, dis-je consterné.

Je connaissais toutes ces vieilles séries, celles des années quatre-vingt-dix je veux dire, grâce à ma mère qui adorait tous ces trucs là, j'ai eu droit à tout: Urgences, Sept à la maison, une nounou d'enfer, j'en passe et pas forcément des meilleures... Les moyens de l'époque n'étaient pas folichon... Moi je lui faisais découvrir les trucs modernes, Casa de Papel, Big Bang Theory, The Witcher, Game of Thrones, Stranger Things, bref le monde moderne.

- Maximilian est très gentil, toujours poli, m'assura mon grand-père.

- Entre anciens commerçants, dis-je alors.

- Ha mais il est à peine plus âgé que ta mère, comme sa femme d'ailleurs, Dorothy, dit-il alors avant de voir mon regard. Et non elle ne vient pas du Kansas.

- Ha merde alors..., dis-je en riant.

- Bon on approche, tu te tiens bien avec ta grand-mère, m'ordonna un peu sèchement mon grand-père.

- Oui Chef! dis-je en réponse au ton militaire de mon grand-père.

- Je ne plaisante pas David, ta grand-mère n'aimera pas ton comportement, elle a été très déçue d'ailleurs. Elle te voyait faire autre chose de ta vie que des bêtises comme ça, ajouta-t-il alors.

- Désolé de briser ses rêves hein, dans une prochaine vie je ferai pasteur, marmonnai-je vexé.

Cela commençait déjà à me faire chier à un niveau défiant toute concurrence, je n'arrivais nullement à comprendre... Bon en fait si, c'était vrai que j'étais un sacré merdeux mais si je devais vivre en sentant que l'on allait me juger, je risquais de craquer à un moment ou à un autre. Je me suis alors décidé à fixer mon regard sur la route et le pare-brise. Je ne me souvenais pas beaucoup de leur petite ferme, vu que je ne venais que pour quelques vacances. Le petit chemin de terre, à peine plus large que le pickup ne devait nullement permettre à deux véhicules de passer en même temps. Chaque côté était entouré de terres où l'herbe était coupée courte et même à cette distance, je pouvais repérer l'espace dédié aux chevaux. Vu l'heure tardive, ils devaient être dans leurs box. De l'autre côté, il y avait les immenses potagers de mes grands-parents, grâce auxquels ils pouvaient parfois faire profiter les habitants dans des petits marchés ou quand ils venaient directement à la ferme. Cela permettait normalement d'arrondir les fins de mois, sachant que depuis son cancer, mon grand-père avait vendu un autre de ses immenses terrains où il faisait de la culture céréalière. La maison n'était pas gigantesque même si elle tenait sur deux niveaux mais son état par contre, il était totalement parfait. Mon grand-père devait être assez bricoleur en réalité, pas une tuile ne dépassait, pas une planche du bardage n'était cassée, autant le dire, Charles Ingalls pouvait clairement aller se rhabiller. Grâce aux phares relativement puissants, je pouvais voir qu'il y avait quelqu'un assis près d'un banc sur le perron. Cette même personne, pas bien grande et toute fine, n'était autre que ma petite grand-mère d'un mètre quarante cinq ( mais pas les bras levés non plus, faut pas pousser). Elle semblait extrêmement impatiente de nous voir parce qu'elle se levait déjà pour accourir devant le pickup. Heureusement qu'il n'y avait pas de verglas... Ma grand-mère était tout de même vive, mais en même temps, en le disant, je me rends compte qu'ils n'étaient pas si âgés non plus, ma mère m'ayant eu à dix-huit ans et eux l'ayant eu vers vingt-huit ans, ils étaient encore jeune. Certes le cancer de grand-père les avaient fait vieillir un peu vite, mais physiquement ils devaient encore être en forme. D'ailleurs elle s'était rapprochée si vite que je n'étais pas encore réellement descendu.

- Mon petit David, fit ma grand-mère prête à me serrer dans ses bras.

Ma grand-mère avait toujours été bien plus expensives et surtout une grande fan de câlins. Je la pris alors dans mes bras dans une étreinte qui semblait lui faire des plus plaisir.

- Ça va Grand-mère ? avais-je demandé.

- Tu es enfin arrivé, je suis si contente, ma petite ferme va revivre, me précisa ma grand-mère.

Ha ben au moins quelqu'un était heureux, c'était déjà ça, comme quoi il y a toujours l'exception qui confirme la règle... Bon ma mère aussi était heureuse de rentrer à Soul Springs même si ce serait pour fin octobre.

- Vas-y rentre, tu vas attraper froid, s'empressa d'ajouter ma grand-mère inquiète inutilement car il faisait plus de vingt degrés celsius.

- Je ne suis pas en sucre, dis-je en réponse tout en saisissant mon sac.

Ma grand-mère semblait survoltée de me revoir, ce qui se tient, la perfection est tellement attendue ( quelle bonne blague !). J'avais essuyé mes pieds sur le paillasson avant de pénétrer dans la maison. C'était à cet instant là que je m'étais rendu compte qu'il y avait effectivement longtemps que je n'étais pas venu. Déjà elle était beaucoup plus petite que dans mes souvenirs mais cela s'expliquait par le fait que j'avais bien grandi. Dans le hall à la couleur gris souris dominante, seul trônait le très vieil escalier qui n'avait pas changé, avec sa rambarde usée et son montant où devaient encore figurer les traits de la taille de ma mère et les miens également. Sur la gauche, quand on entrait, se trouvait une porte qui était, sauf changement, le bureau du centre équestre où travaillait souvent ma grand-mère. Tout au fond je pouvais discerner la cuisine qui semblait être modernisée. Il y avait également, selon mes souvenirs, une porte à l'arrière de l'escalier menant au sous-sol et également une autre pièce qui servait à une époque d'atelier à ma mère qui aimait peindre. Sur ma droite, il n'y avait plus de porte mais juste une grande arche où attendait ma grand-mère.

- Il y a eu des changements, m'assura ma grand-mère en me faisant signe de passer l'arche.

Obéissant bien sagement, je venais seulement d'arriver après tout, je pénétrai dans un grand salon équipé d'un canapé d'angle gigantesque en cuir noir, suivi d'une grande salle à manger avec une table d'un autre âge et assez magnifique dans son bois massif. Le tout donnait sur une cuisine ouverte très moderne et rouge avec son îlot central. Il était clair que cela avait beaucoup changé, c'était moins vieillot.

- Ton grand-père a bien travaillé non? Je voyais souvent ça dans les Maçons du Cœur alors j'ai réclamé, fit alors ma grand-mère en fonçant dans la cuisine très heureuse.

- Impressionnant, et je suis honnête, avais-je précisé à mon grand-père en le regardant.

- Merci, quand ta grand-mère a une idée derrière la tête... Elle ne l'a pas ailleurs, me confirma mon grand-père qui avait donc dû y passer bien des heures.

- Voilà un petit chocolat chaud, avec un marshmallow, fit soudainement ma grand-mère en me tendant un mug tout en arborant un sourire digne d'une Mère Noël.

Je l'avais regardée assez dubitatif, désireux de lui rappeler que je n'avais plus cinq ans. C'était tentant mais j'ai préféré prendre le mug et boire en fermant ma gueule. J'aurais préféré un café... Ou une tequila mais là, ils me rappelleraient que je n'avais pas encore vingt-et-un ans, chose qu'il m'arrivait souvent d'oublier d'ailleurs mais bon. Je bus alors le chaud breuvage sucré, sans doute fait dans une bonne vieille machine à café à capsules, en regardant attentivement mes grands-parents.

- Tu vas pouvoir aller poser ton sac dans ta chambre, me fit mon grand-père. Mais redescends ensuite, on a quelques consignes.

- Ha..., avais-je fait surpris des fameuses consignes.

- Tu auras l'ancienne chambre de ta mère, me fit ma grand-mère.

Je l'avais regardée étonné, il n'y avait que deux chambres à l'étage et comme Maman finirait par nous rejoindre, je trouvais cela surprenant.

- Et elle prendra la nôtre, ajouta ma grand-mère. Nous on dort déjà depuis un moment dans son ancien atelier. Tes affaires y sont déjà mais nous n'avons rien déballé.

- Ok, je monte mon sac et je reviens, dis-je en me dirigeant vers l'escalier.

L'étage n'était pas bien grand, il n'y avait que la chambre de mes grands-parents ( désormais de ma mère donc) avec une salle de bain privative et un petit dressing, une salle de bain pour l'autre chambre et donc l'ancienne chambre de ma mère qui allait devenir la mienne. Elle était au bout du couloir, sur la droite et en face de la salle de bain. Passant la porte de celle-ci, je fus surpris. Les cartons étaient en effet là, installés contre les murs d'une chambre d'un autre âge mais avec un très grand lit. Il y avait également des grands placards anciens, un petit bureau datant sans doute d'avant même la naissance de ma mère. Mon regard fut d'ailleurs attiré par ce fameux bureau ou plutôt la caisse posée dessus. Il faisait en effet écrit qu'il contenait les affaires de Beth, ma mère donc. J'étais de nature très curieuse et je le suis approché pour fouiner ( en espérant ne pas tomber sur quelque chose de gênant). Il y avait des posters de Justin Timberlake, tout jeune d'ailleurs, d'autres chanteurs également mais je ne les identifiais nullement. Il y avait également des affiches des films les plus célèbres de son adolescence et je les sortis de la boîte, ils me serviraient de décoration. C'était un fait, Harry Potter n'avait rien perdu de son succès même si les Animaux Fantastiques n'étaient pas à la hauteur. J'avais beaucoup de souvenirs liés à ces livres, plus jeune ma mère me lisait les aventures du petit sorcier à raison d'un chapitre par soir. J'adorais réellement cette saga. Il y avait également des posters de Star Wars mais comme ma mère n'aimait pas trop cela, j'étais convaincu que c'était surtout Hayden Christensen qui lui plaisait ( ha les filles, le talent d'acteur ne sert à rien tant qu'il est beau gosse, bon ok les mecs sont pires). Je souris alors, il y avait également des photos de ma mère et ses copines de l'époque, ma mère n'avait pas trop changé, elle était encore aussi belle qu'à l'époque. Cela m'avait toujours surpris que je n'ai pas eu de beau-père au fil du temps, pensant depuis longtemps qu'elle devait faire baver ses collègues et, quand on a déjà vu Grey's Anatomy, on savait que dans les hôpitaux, ils jouaient plus que de raison au docteur.

- Bon, allons écouter les consignes, dis-je à voix haute pour moi-même après avoir mis mon smartphone en charge.

Mes cartons attendraient encore pour être déballés mais j'avais tout de même jeté ma veste sur mon lit avant de descendre. Autant prendre possession des lieux le plus vite possible. Je redescendis rapidement avant de me rendre dans le salon. Ma grand-mère s'était installée dans le canapé et mon grand-père attendait debout. Je me suis assis et j'ai regardé attentivement mon grand-père avant de ne pouvoir me retenir.

- Je plaide non coupable votre honneur, avais-je dit avec humour.

- David, ce n'est pas le moment de rire tu sais? me fit alors ma grand-mère.

- Faut se détendre hein, marmonnai-je alors.

- David, avec ta mère, nous avons décidé de quelques règles jusqu'à ce qu'elle nous rejoigne dans quelques mois, commença mon grand-père.

- Les conditions de ma liberté conditionnelle, je présume..., avais-je dit déjà plutôt lassé.

- Oui, vois ça comme ça si cela t'arrange, fit mon grand-père visiblement blasé. Règle numéro une: hors de question de passer ton temps dans la chambre et sur les écrans.

- Ok... Basique..., avais-je répondu.

- Règle numéro deux, tu ne sors pas d'ici sans notre autorisation, on veut savoir où tu vas, qui tu vois, etc, ajouta mon grand-père.

- Hé ben... C'est le bagne, marmonnai-je alors.

- Règle numéro trois, fit mon grand-père préférant enchaîner que relever.

- Il y en a beaucoup ? dis-je méfiant.

- Tu te lèves à sept heures tous les matins, fit alors mon grand-père en m'ignorant.

- Hein? dis-je choqué. Je suis en vacances hein...

- Justement, fit alors mon grand-père. Tu vas aider ta grand-mère le matin, puis moi à la quincaillerie.

- En bref, je suis toujours avec vous? dis-je alors consterné. Version antique du bracelet électronique.

- Oui, tu as tout compris. Ensuite, tu ne te rends pas dans la forêt, fit mon grand-père.

- Hein? dis-je choqué.

- Oui, il y a déjà eu des accidents de chasse ou autre, donc le maire a décidé d'établir des règles... Surtout le soir, précisa mon grand-père.

- Et ben... Vraiment un patelin de merde..., dis-je choqué.

- Et forcément, pas de bêtises, fit mon grand-père.

- Je suppose que vous ferez un rapport à ma mère ? dis-je toujours aussi consterné.

- Évidemment, conclut alors mon grand-père avec un sourire mesquin.

- Ai-je le droit d'aller m'installer ou ma cellule doit rester neutre? demandai-je vraiment consterné.

- Je sais que les règles sont difficiles, mais ta mère nous a parlé de tes soucis. On veut que tu puisses faire des études... Et pas t'attirer des ennuis, me précisa ma grand-mère.

- J'avais bien deviné que l'on ne m'avait pas envoyé ici pour le plaisir de la fête du miel, dis-je sur un ton sec.

- David... On est très content de t'avoir, me précisa ma grand-mère. On va rattraper le temps perdu.

- Ok... Bon je vais m'installer, dis-je en me levant tout en refreinant ma colère.

- Tu veux un peu d'aide ? me demanda ma grand-mère.

Je l'ai alors regardée et elle me fixait avec un regard digne du Chat Potté de Shrek, comment lui refuser?

- Si tu veux, dis-je en me dirigeant vers l'escalier.

- Je vais pouvoir découvrir tes passions, me fit ma grand-mère toute à sa joie. Il faudra m'expliquer sans doute de quoi cela parle.

- Promis, dis-je arrivé à l'étage.

C'était ainsi que je venais d'être écroué, condamné à me faire chier comme un rat mort à perpétuité dans la ville de Soul Springs. Bizarrement, j'étais même déjà au point de souhaiter de rapidement arriver à la rentrée, pour changer d'air même si le lycée était loin d'être mon lieu de loisirs de préférence. J'étais dans la merde et c'était bien ma faute... Vie de merde... Un vrai bagne avec travaux forcés... C'était bien ma veine...


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