Les Larmes d'Ondine

Chapitre 2 : L'enlèvement

2405 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 10/04/2021 20:53

Le soleil se couchait sur le royaume de Valserre. Les paysans épuisés rentraient chez eux, les mains sales après une dure journée de labeur. De nombreux petits artisans fermaient boutique et il n’y avait presque plus d’enfants qui jouaient dans les ruelles de la cité.

 

Seuls dans la cour du château, deux hommes s’affrontaient à l’épée. Les cliquetis de leurs armes s’entrechoquant résonnaient comme des échos. Les deux combattants semblaient déterminés à en découdre. L’un d’eux était jeune, dans la vingtaine d’années tandis que l’autre, un cinquantenaire grisonnant semblait avoir plus d’expérience ; il maniait son épée avec bien plus d’aisance que le jeunot. Il parait chaque attaque de ce dernier avec une facilité déconcertante. Malgré cet avantage, le jeune homme n’en démordit pas, mais bien vite il se retrouva à bout de souffle.

Tout à coup, les deux hommes s’écartèrent pour marquer une pause et se jaugèrent du regard.

 

-         Je vois que vous avez progressé, Viktor, dit l’homme aux traits durs et à la barbe poivre et sel.

 

Entre deux souffles, un sourire en coin naquit à la commissure des lèvres du garçon.

 

-         Et vous n’avez encore rien vu, père !

 

Sans crier gare, le jeune homme fonça droit sur son adversaire en poussant un cri. Il brandit son épée au-dessus de sa tête pour lui assener un puissant coup de grâce. L’homme plus âgé demeura imperturbable, il esquiva le coup au dernier moment et, dans son élan, lui fit un croche-pied. Surpris par cette esquive, le jeune homme trébucha et fut entrainé dans sa chute par sa lourde épée. Il s’écrasa au sol. Grimaçant, le mercenaire tenta de se relever, mais son opposant avait déjà posé le pied sur son dos afin de l’immobiliser et enfonça son épée dans le sol, à seulement quelques centimètres de sa gorge. Il avait gagné.

 

-         Mais vous manquez encore de vitesse et d’agilité !

 

Le père lui présenta sa main. Le fils, dépité par cette énième défaite, grommela quelque chose d’incompréhensible avant de saisir la poigne du vainqueur.

 

-          Bien, ce sera tout pour aujourd’hui. Nous ferions mieux de rentrer, la nuit ne va plus tarder à tomber. 

 

Le jeune homme ne répondit pas, son visage s’était fermé comme une huître. Il était pourtant confiant cette fois-ci. Il aurait aimé, ne serait-ce qu’une seule fois gagner contre son propre père. Il sentit une main chaleureuse se poser sur son épaule.

 

-         Tout va bien ? 

-         Eh bien, je ne vous cache pas que cette défaite m’est difficile à encaisser. Dit-il en croisant les bras sur sa poitrine.

 

Son père luit sourit avec bienveillance.

 

-          J’étais comme vous quand j’étais jeune, je ne jurais que par la victoire. 

-         …

-         Puis j’appris que les échecs forgeaient la réussite. 

À ces mots, il récupéra son épée enfoncée au sol et la rangea dans son fourreau.

 

-          Vous deviendrez un grand guerrier Viktor, je n’ai aucun doute là-dessus.

 

Le visage de Viktor s’illumina quelques instants pour s’évanouir rapidement. Il récupéra son épée « Alastor » tombée à terre un peu plus tôt. Alastor était un cadeau offert par son père à son dix-huitième anniversaire, elle avait une grande valeur sentimentale et Viktor prétendait que cette arme lui portait chance durant ses combats. Aussi, cette épée était très difficile à manier à cause de son poids. Il devait encore suivre moult entrainements avant de pouvoir la maitriser parfaitement.

 

-          Je vous souhaite une bonne nuitée, père. 

-         Bonne nuit, Viktor. 

 

Walter observa son fils s’éloigner, songeur. Il le savait très orgueilleux, c’est pourquoi il se demanda s’il tenait compte des leçons qu’il lui enseignait, car il ne suffisait pas d’être fort pour être un bon mercenaire.

 

 

 

 

C’est au beau milieu de la nuit, aux petites heures que le tocsin retentit dans toute la ville. Le tintement assourdissant de la cloche réveilla en sursaut Viktor qui dormait paisiblement dans ses appartements. Il émergea difficilement et bailla à s’en décrocher la mâchoire. Les yeux mi-clos, il se hâta de sortir de son lit et tituba jusqu’à sa fenêtre pour voir ce qu’il s’y passait.

On sonnait le tocsin uniquement en cas d’urgence comme en cas d’incendie ou en cas d’attaque. Qu’est-ce que cela pouvait être cette fois ?

 

Depuis sa fenêtre, Viktor ne vit aucun feu à l’horizon et ne sentit aucune odeur de brûlé. Cependant, dans la pénombre, il aperçut dans la cour du château une agitation grandissante ; de nombreuses troupes de soldats se formaient, enfourchant leurs chevaux et partant au triple galop.

 

« À L’AIDE ! LE ROI S’EST FAIT ENLEVER !!! »

 

Pris de panique, le guetteur du beffroi venait de débouler dans la cour en agitant les bras dans tous les sens.

Sa Majesté s’était fait capturer… Comment cela était-il possible ?!

Viktor serra la mâchoire. Il ne pouvait se résoudre à rester les bras croisés à regarder ce spectacle. Même s’il n’était pas officiellement un soldat de la garde royale, il était tout de même le fils du commandant, c’est pourquoi il se devait d’agir.

 

Sans réfléchir davantage, Viktor attrapa son épée à la volée et enfila ses bottes avant de dévaler précipitamment les escaliers de sa tourelle pour rejoindre le reste du régiment. Il y avait un tel désordre qu’il ne s’y attarda pas longtemps. Il parvint à se frayer un chemin à travers la foule pour se rendre à l’écurie et monta sur le premier cheval qu’il trouva. Avant de passer les grilles du château, il croisa son père transmettant des directives à ses subalternes. La torche qu’il tenait à la main reflétait ses yeux cernés de fatigue. Ce dernier écarquilla les yeux en apercevant son fils.

 

-         Viktor ! Que faites-vous ici ? Vous ne pouvez y aller, les ravisseurs sont dangereux ! 

-          N’ayez crainte, père, je me charge de secourir notre roi.

 

Il saisit les rennes de son cheval et lui ordonna de partir au galop.

 

-         VIKTOR ! Revenez ! Hurla de rage le général.

 

Mais il était déjà trop tard. Les soldats se regardèrent déconcertés par la scène à laquelle ils venaient d’assister.

 

Walter bouillonnait. Quel imbécile ! Cet enfant était une vraie tête de mule, jamais il n’écoutait. Le général continua de grommeler quelques injures avant de se tourner vers ses subordonnés.

 

-         Que regardez-vous ?

-         Euh rien, Général Walter ! Répondirent en chœur les soldats.

-         Alors qu’attendez-vous pour rattraper les malfrats ?! Aboya-t-il d’un ton sec.

 

Ses soldats ne se firent pas prier et se mirent en route sans broncher.

 

« Un instant ! »

 

Il interpela l’un des soldats au moment où il s’apprêta à partir.

 

-         Oui, Mon Général ?

-         Permettez-moi d’emprunter votre monture.

-         Hum, bien sûr Général Walter. 

 

Dans la précipitation, il poussa presque le soldat hors du cheval pour prendre sa place.

 

« YA ! »

 

Et l’étalon déguerpit dans un nuage de poussière en faisant claquer ses sabots sur le sol caillouteux.



Viktor traversa de nombreux champs de cultures avant d’atteindre la périphérie de la seigneurie. Malheureusement, la nuit noire ne l’aida pas à repérer les ravisseurs du roi Lothaire. De fait, il se contentait de suivre les cavaliers devant lui qui eux, avaient au moins pensé à prendre une torche pour s’éclairer.

 

« ILS SONT LA ! » S’écria le soldat en tête de troupe.

 

Il indiqua de sa torche la direction du nord-est quand soudain une flèche atteignit le poitrail de son pur-sang. Blessé, l’animal émit un hennissement et se cabra, faisant tomber son cavalier avant de s’étaler sur le sol.

 

« ATTENTION, on nous attaque ! »

 

Viktor évita de justesse l’animal écroulé au milieu du chemin. Cela ne sentait pas bon. Il regretta de ne pas s’être équipé d’un bouclier ou d’une armure, car il était vulnérable aux attaques des ravisseurs. Heureusement que la nuit jouait également en sa faveur. Néanmoins, il se coucha sur son cheval afin de limiter le risque de se prendre une flèche.

 

Viktor éperonna son cheval qui galopa de plus belle jusqu’à arriver à hauteur d’un autre cavalier de la garde rapprochée du roi.

 

-         De grâce, donnez-moi votre bouclier ! Lui ordonna le mercenaire.

 

Le soldat interloqué prit quelques secondes pour dévisager l’homme avant de reconnaitre le fils du général.

 

-         Mais, que faites-vous ici ?

-         Ne pensez-vous pas que le moment est mal choisi pour poser des questions ? Qu’importe, je suis vulnérable aux attaques ennemies. Pourrais-je avoir votre bouclier, je vous prie ? S’impatienta le jeune homme.

 

Le soldat opina du chef et lui tendit son bouclier.

Viktor le remercia avant d’accélérer la cadence. En effet, les kidnappeurs commençaient à distancer la troupe et on ne les voyait presque plus.

On entendait seulement au loin résonner le son du galop de leurs chevaux. Viktor devait se dépêcher, car sa monture ne pourrait pas tenir le rythme très longtemps. Il dépassa le cavalier en tête de troupe qui, au passage, lui défendit de continuer seul. Il n’en tint pas compte et poursuivit sa route.

 

 

Le fils du général dégaina son épée et se redressa sur son cheval lorsqu’il aperçut les malfrats dans sa ligne de mire. Il n’en vit pas moins de cinq, vêtus d’une cape. Les agresseurs, le voyant approcher, décochèrent leurs flèches, mais il se protégea à l’aide du bouclier.

 

Arrivé à hauteur d’un homme encapuchonné, ce dernier essaya de déséquilibrer Viktor en le poussant, mais il tint bon. Ils s’affrontèrent en duel. Le mercenaire riposta d’un coup d’épée que son adversaire para d’un revers de dague qu’il venait habilement de sortir de sa manche. Malheureusement, Viktor était beaucoup trop lent dans ses gestes, il effectua quelques parades avec sa lame sans succès. Ses attaques étaient systématiquement repoussées.

 

« Éliminez-moi cet avorton ! » Commanda l’un des hommes à capuche.

 

Une nouvelle salve de flèches s’abattit sur Viktor. Il leva une seconde fois son écu pour se protéger, mais son étalon fut touché sur le flanc gauche et ralentit l’allure. Cependant, il était hors de question de battre en retraite !

 

-         Vous ne devriez pas baisser votre garde.

-          ?!!

 

Viktor n’eut pas le temps de réagir. Déjà, la pointe tranchante de la dague de son agresseur lui transperça l’abdomen en lui arrachant un cri de douleur. Un flot de sang s’écoula de la blessure et il pressa la main dessus afin de limiter l’hémorragie. Un sourire satisfait se dessina sur les lèvres de son attaquant. Rapidement, la vue de Viktor se troubla et ses oreilles bourdonnèrent. Bientôt, il vacilla et tomba du canasson.

 

Écroulé sur le sol poussiéreux, il rassembla ses dernières forces pour se jeter sur le bas-côté afin d’éviter de se faire piétiner par le reste de la cavalerie. Il entendit quelques soldats l’appeler, mais tout devenait si flou et si lointain. Viktor s’allongea sur le dos, pensant que sa dernière heure était arrivée, observa une dernière fois le ciel étoilé puis ses mains couvertes de sang. Il aurait peut-être dû écouter son père cette fois. L’idée de la mort lui fit froid dans le dos, il ne voulait pas y penser alors il passa en revue tous les bons moments vécus jusqu’à aujourd’hui avant de s’évanouir.

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