Les Larmes d'Ondine

Chapitre 1 : Nymphe des eaux

2154 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 10/04/2021 20:48

Notre histoire s’inscrit dans l’univers de Nausicaä où cohabitent humains et créatures fantastiques. Nous sommes en l’an 1654. C’est une période sombre que traverse ce monde ; entre guerres, conflits, coups d’État et abus de pouvoir, ses habitants ne mènent pas une vie facile.

C’est au bord d’une rivière paisible que commence notre récit, située au sud-ouest de la forêt de Trévaresse. Le soleil brillait dans le ciel et la chaleur presque étouffante annonçait l’arrivée d’un été radieux. Assise près du cours d’eau, les pieds immergés, une jeune femme observait  les poissons barboter autour de ses chevilles.

« Ondine ? »

La jeune femme se retourna. Elle aperçut à quelques mètres de là, cachée derrière les arbustes et les fougères, la timide Florina son amie de longue date et nymphe des bois de Trévaresse. Un large sourire se dessina sur le visage d’Ondine.

-         Florina ? Que me veux- tu ?

-         Tu es occupée ? Désolée, je ne voulais pas te déranger, dit la nymphe en faisant mine de faire marche arrière.

-         Ai-je l’air d’être occupée ? Je profite simplement du soleil ! Déclara-t-elle avec entrain.

Florina s’approcha de la rive et contempla le courant ainsi que la faune qui y vivait. Elle se laissa bercer par les clapotis de l’eau.

-         Puis-je me baigner avec toi ?

-         Non. 

Sa réponse sèche la prise de court. Ondine répondit par un sourire malicieux.

-         Je plaisante Florina ! Tu es toujours la bienvenue.

 

Soulagée, elle s’assit à ses côtés. Une vague de frissons la parcourut quand elle plongea ses pieds dans l’eau fraîche. Cela lui fit le plus grand bien.

Tout à coup, une giclée d’eau vola dans les airs. Ondine défia Florina du regard, cette dernière venait de lui jeter de l’eau en plein visage. Les deux jeunes femmes rirent de bon cœur et s’amusèrent à s’éclabousser provoquant la fuite des poissons trainant aux alentours.

Une biche intriguée par le tapage des nymphes sortit du bois. Elle les observa de ses yeux ronds et brillants. Florina lui fit signe d’approcher.

 

-         N’aie pas peur, la rassura-t-elle en lui tendant la main.

La biche, dubitative, renifla ces doigts avant de les lécher. Finalement, voyant qu’elle ne courait aucun danger, elle se laissa caresser par la jeune femme.

La bête s’avança au bord de la rivière et s’inclina pour boire quelques lampées. Florina invita son amie à caresser le duvet de l’animal.

 

Soudain, non loin de là, une horde d’oiseaux sauvages s’envola d’un grand chêne en piaillant. Les deux jeunes femmes se figèrent et les observèrent planer dans le ciel. La biche, apeurée par la nuée d’oiseaux, s’encourut dans les tréfonds de la forêt sans demander son reste.  Ondine fronça les sourcils ; quelque chose clochait.

Une flèche fusa dans les airs et atteignit en pleine tête l’un des canards volants. Un filet de sang s’écoula de sa blessure et la bête chuta avant de s’écraser au sol. Horrifiée par cette vision, Florina blêmit et se releva, les mains tremblantes.

 

-         Cela venait de cette direction, s’écria-t-elle en pointant du doigt le sud-ouest.

 

Ondine demeura impassible, attentive au moindre bruit suspect. Son amie la sortit de ses pensées en lui secouant frénétiquement le bras, inquiète.

 

-         Ondine, ce sont des chasseurs. Ils ne doivent pas être très loin ; nous devrions nous cacher !

 

Florina avait une peur bleue des chasseurs, même si ces derniers ne chassaient que les animaux, c’était comme-ci ils tuaient des membres de sa propre famille. Son rôle était de veiller sur la forêt, cependant, elle se sentait impuissante face à ce genre de situation. Comment pouvait-elle protéger les animaux des humains ? Elle qui était si douce et fragile, elle ne pouvait faire de mal à une mouche.

 

Malgré les indications de Florina, la nymphe des eaux croisa les bras sur sa poitrine, refusant de bouger.

 

-          Je suis chez moi, qu’ils viennent, je n’ai pas peur. 

-         Ondine… Soit raisonnable s’il te plait, ce n’est pas prudent !

-         J’en ai assez de me cacher Florina, s’exclama-t-elle d’un air renfrogné.

 

Après plusieurs minutes de négociations, la nymphe de la forêt dut se résoudre à abandonner son amie pour se réfugier dans le bois. Néanmoins, elle observa la scène depuis sa cachette.

 

Bientôt, on entendit des sabots marteler le sol, faisant crisser l’herbe asséchée par la chaleur. Des grognements et des aboiements de chiens approchèrent ainsi que les hennissements de chevaux.

C’est à cet instant qu’une idée germa dans la tête d’Ondine. Elle s’enfonça dans la rivière jusqu’à disparaître totalement pour se fondre dans la masse d’eau et se transformer en un tourbillon de bulles.

Deux cavaliers apparurent au détour de la rivière, armés d’une arbalète. Leurs somptueuses tuniques en soie et leur coiffe ne laissaient pas de place au doute ; il s’agissait de nobles, la chasse étant leur passe-temps favori. L’un d’eux portait à la ceinture le fameux butin de cette chasse aux volatiles ; un canard sauvage.

Une fois arrivés près du point d’eau, les deux hommes firent halte et descendirent de leur monture pour se rafraîchir.

 

-         Ne voulez-vous point vous baigner Jean-Baptiste ? L’eau est si bonne ! 

-         Non, allez-y, je vous en prie, je veille sur nos montures pendant ce temps, répondit l’homme trapu en s’allongeant à l’ombre d’un arbre.

 

Son compagnon haussa les épaules, se déshabilla et plongea la tête la première dans la rivière. Il entama quelques brasses sous l’eau avant de remonter à la surface pour reprendre une grande goulée d’air. C’est à ce moment- là qu’il l’aperçût ; la silhouette d’une jeune femme. Cette dernière était de dos, l’eau lui arrivait au niveau du buste. Ses longs cheveux blancs reluisaient sous le soleil d’été. Enfin, une douce mélodie vint chatouiller ses oreilles.

 

« Qui êtes-vous ? » Interrogea l’homme en plissant les yeux, l’air méfiant.

 

La femme ne lui répondit pas. Elle continua à chantonner de manière presque inaudible. Sa voix était si claire et cristalline que l’homme se laissa adoucir par ce chant. Lentement, la jeune fille fit volte-face et le fixa de ses yeux bleus limpides. Le nageur fut subjugué par la beauté de la nymphe. Il voulut interpeler son ami assoupi près de l’arbre, mais ne sût détacher son regard d’Ondine. Il était comme envouté par son charme.

 

Yeux dans les yeux, celle-ci lui empoigna fermement les poignets et l’entraina progressivement sous l’eau. Ce dernier en oublia de prendre sa respiration. Lorsque l’air lui manqua, il perdit connaissance jusqu’à ce qu’une voix cinglante s’élève.

 

« Charles-Edouard, juste ciel ! Que faites-vous malheureux ?! »

 

Les chiens s’étaient mis à aboyer en voyant le chasseur couler. Une main puissante empoigna le col de Charles-Edouard pour l’extirper de l’eau. L’homme fut pris d’une quinte de toux et recracha tout le liquide qu’il avait accumulé dans les poumons.

 

-          Je.. Je.. 

-         Mais enfin, que s’est-il passé ?

 

Jean-Baptiste le ramena sain et sauf sur la rive en lui tapotant le dos. Son ami était blanc comme un linge et avait les yeux exorbités, il semblait déboussolé.

 

-         N’avez-vous pas vu cette femme ? 

-          De quoi parlez-vous ? Demanda-t-il en arquant un sourcil.

 

Il balaya la surface de la rivière ruisselante, calme et paisible, mais il n’y vu personne. Jean-Baptiste lui toucha le front pour prendre sa température.

 

-         Mon pauvre, l’insolation vous guette ; votre front est bouillant. 

-         Non, je jure l’avoir vue, elle chantait… elle m’a entrainé sous l’eau. Vous devez me croire. 

 

Jean- Baptiste dévisagea son ami, incrédule. Il l’aida à se relever sans chercher à en savoir davantage.

 

-         Venez, nous ferions mieux de rentrer. 

 

Les deux compères plièrent bagage et remontèrent sur leurs chevaux. Charles-Edouard, persuadé qu’il n’avait pas rêvé, se retourna une dernière fois pour observer la rivière. Au milieu des courants, Ondine s’était étendue sur un rocher, bronzant au soleil, telle une sirène. Elle remarqua le regard de Charles-Edouard se poser sur elle et lui offrit en guise d’au revoir un sourire espiègle. Le chasseur se frotta les yeux. La seconde d’après, la jeune femme s’était évaporée.

 

-         Allons-y Charles-Edouard, vous avez besoin de repos. 

Le chasseur secoua la tête et rejoignit son camarade.

 

-          Tu aurais pu le tuer ! Scanda Florina en sortant de sa cachette, une fois les deux hommes partis.

-          Allons, je n’ai fait que l’effrayer, ils ne nous ennuieront plus, répondit la nymphe des eaux d’un ton las.

-         Il aurait pu se noyer…

-         Non, jamais je ne l’aurais tué.

-         Peut-être, mais, sache que je n’approuve pas tes méthodes Ondine, tu le sais bien. 

 

Ondine, agacée par les propos de son amie, descendit de son rocher pour rejoindre la terre ferme. Elle croisa le regard austère de Florina.

 

-         Penses-tu qu’ils se soucient de la vie des animaux ? Ne vois-tu pas que la chasse n’est qu’un moyen de distraction leur permettant de ne pas guerroyer ?

 

Une colère se lisait sur son visage.

 

-         Mais, ils doivent chasser afin de se nourrir… Rétorqua Florina, penaude.

-         Non, pas ces gens-là ! N’as-tu point vu leurs étoffes ? Ils ne sont pas de ceux qui se salissent les mains pour manger à leur faim. Je ne les supporte pas ! Assena-t-elle.

 

Sur ces mots, Ondine rejoignit à nouveau la rivière pour se laisser porter sur le dos. Elle ferma les yeux et profita de cette tranquillité pour calmer ses émotions. Florina l’observa sans rien ajouter. Cependant, au fond d’elle, elle ne put s’empêcher de croire qu’Ondine avait tort. Finalement, elle décida de retourner dans le bois en soufflant ces quelques mots que son amie ne put entendre.

 

« Ils ne sont pas tous comme ça. »

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