Balafrée, Tome 1 : Stochasis
Nous passons une semaine entière à vagabonder sur les petites routes qui relient les villes. Nous ne parlons quasiment pas et une atmosphère pesante s'est installée depuis le passage de la Ville Est. La 8e journée se passe quasiment comme les autres. Cette fois, Skoteinos parle pendant un petit moment de sa famille mais il s’arrête vite, surement devant le peu d'enthousiasme de Chari et moi. Cette nuit là, j'ai du mal à m'endormir. Les nuits précédentes ont été entrecoupées de cauchemars plus terribles les uns les autres. Je ne suis donc pas pressée de m'endormir. C'est la pleine lune. Le champs où nous dormons est plutôt illuminé. J'entends de légers bruits autour de moi. Rien d’inquiétant, il y a de nombreux animaux dans le coin et il n'est pas rare d'entendre l’herbe bouger.
Soudain, une main se pose sur ma bouche et une autre m'emprisonne les bras. Je me débat furieusement pour tenter de m'enfuir. Peine perdue. L'homme qui me tient est bien trop fort. J'entends alors distinctement plusieurs voix masculines :
— On ne fait rien au garçon, non ? Ce n'en est pas un.
— Tu te moques de moi, il a les cheveux noirs. Il n'y a que cette vermine qui peut développer une telle couleur.
Skoteinos ? Comme nous ? Un Stochastis ? Impossible.
— Tu les traites de vermine mais tu ne sais pas de quoi ils sont capable, lui répond une autre voix.
— C'est l'ennemi du gouvernement alors ils ne peuvent pas être des gens bien.
— Comment tu sais qu'ils peuvent avoir les cheveux noirs alors que tu ne les connais pas ? demande une quatrième voix
— Un Sage l'a dit, lui répond en soupirant une cinquième personne.
Ils ne savent même pas de quoi on est capable ! C'est ma chance ! Je me concentre du mieux que je peux quand je me rend compte que Skoteinons est là. Il va tout voir. Je me tourne un peu vers lui. Il me jette un regard terrifié. J'ai deux possibilités : soit j’utilise mon pouvoir et Chari et moi sommes recherchées encore plus, soit je ne fais rien et on est tous condamné. Car même si ils ne l'ont pas dit, je suis sure que si on se fait remarquer, on meure. Aller, ma décision est prise. Je mords la main du fylake, qui la lâche surpris.
— Skoteinos, ferme les yeux, lui ordonnais-je froidement.
Il me répond par la négative d'un hochement de tête. Merde. Il va tout voir ! Bon tant pas je vais pas en mourir. Enfin si peut-être mais bon. Je ferme les yeux pour mieux me concentrer. Je ne ne m'étais jamais autant concentré et c'était la première fois que j’utilisais mon pouvoir consciemment sur des gens normaux. Je vois leurs esprits comme des sorte de points, j'ai pourtant les yeux fermés. C'est plutôt déstabilisant. Ils sont cinq, comme je le pensais. Je n'arrive malheureusement qu'a en maitriser trois. Ce sont ceux qui nous tiennent tout les trois prisonniers. J'ordonne à l'homme qui me retient de me lâcher et je dis :
— Skoteinos, Chari partez vite !
— Non, proteste mon ami.
— Que... De... quoi il se passe.... quoi ? demande la brune.
Je sais que les deux fylakes que je ne maitrise pas sont trop loin, en fait c’est pour cette raison que je n'ai rien pu faire. Alors je murmure :
— Le soleil commence à se lever, partez un au sud et l'autre au nord. Faites 200 pas, tournez vers le soleil. Faites 200 pas. Puis tournez de façon à se que quand vous aurez fait 200 pas vous vous retrouviez. Je vous attendais là-bas. Ne vous pressez pas.
J'ordonne aux fylakes de lacher mes amis et heureusement ils m'écoutent et partent discrètement chacun de leur coté. Je me lève avec douceur et me rapproche des deux fylakes qu'il reste. Ils parlent :
— Le reste des fylakes devraient arriver.
— Tu penses qu'ils seront là dans combien de temps ?
— Une petite demi-heure.
— Ça me fait un peu peur de savoir que des monstres sont derrière moi.
— Tu es un fylake, arrêtes tes conneries.
Je profite de leur discution pour attaquer le premier. J'ai appris je ne sais plus où comment assommer une personne quand on a pas de force. J’utilise le tranchant de ma main pour assommer le premier et surprendre l'autre. Le second, lui ne se laisse pas avoir aussi facilement que son collègue mais je réussi à l'assommer. Leurs trois potes que je contrôle commencent à essayer de me résister. J'ordonne à leur cerveaux de dormir. Car j'ai découvert quelque chose : je peux contrôler leur cerveaux et c'est tout. Je cours dans le soleil levant. Une fois que les 200 pas sont effectué, je m'assois et j’attends mes deux amis. Ils ne sont pas encore arrivé. Chari est la première arrivée. Nous ne parlons pas. Je préfère attendre Skoteinos avant de parler. Le temps qu'il arrive, une question me passe dans la tête en boucle. Je n'ai pas réussi à le contrôler. Pourquoi ? Je suis sure de ne pas avoir réussi, j'ai essayé mais c'est comme si son esprit était entouré d'un mur transparent. Il arrive, l'air dans les nuage. Quand il nous voit, il court vers nous et s'assoit à coté de moi. Me voilà donc entouré, à droite de Skoteinos et à gauche, Chari. C'est comme je m'y attendais, Skoteinos qui pose la première question :
— Tu es une Stochastis ?
— Et toi alors ? je lui répond du tac au tac.
— Vous m'expliquez ce qu'il s'est passé pendant que je dormais ? demande Chari
— En gros, trois fylakes nous ont trouvés. Ils ont dit que nous étions des Stochastis et lui aussi. Je me suis occupée d'eux et voilà, lui expliquais-je.
— Toi ?! demande Chari avec des yeux ronds au garçon.
— Expliquez vous d'abord les filles, réclame-il.
— Ok ça me va mais je dis tout, Chari.
— Ok, je suis d'accord pour que tu le fasses.
— Et bien, comme tu dois maintenant t'en douter, nous sommes toutes les deux des Stochastis.
— Eh bien... J'en suis aussi un...
— Alors c'est vrai ! m'exclamais-je
— Oui...
Un silence lourd suis cette révélation qui change beaucoup de choses. Il est de notre coté ! Enfin je crois, parce que comme c'en est un, on peut lui faire confiance. Je crois, mais bon, on va bien voir.
— Ça veut dire que tu es de notre coté, non ?
— Évidemment, je suis avec vous depuis le début. Ça ne change rien.
— Super. Mais comment tu l'as su ?
— Un jour, quand je suis sorti du centre d'entrainement, des fylakes sont venus me voir. Ils m'ont dit que j'étais d'une autre espèce et que je me ferais exécuter si je le disais ou si je me faisais remarquer.
— Ils y sont pas allés avec le dos de la cuillère. Moi, ils ne m'ont pas dit ce que j'étais, juste que j'allais venir ici et que je devais être discrète, lui répondis-je.
— Ah bon, tu ne viens pas d'ici ?
— Non, je suis née et j'ai grandi au Quartier Moyen et Chari au Grand Quartier.
— Carrément ! J'ai toujours rêvé de visiter les autres Quartiers.
— Moi jamais, j'étais bien où j'(étais, dis-je en haussant les épaules.
— Tu vivais tranquille, moi j'ai toujours vécu au milieu de la puanteur et la misère. Partir était le seul échappatoire.
— Ouais, c'est vrai, lui répondis-je en réfléchissant à son point de vu. Et toi, Chari, tu voulais partir ou rester ?
— Hum... Je sais pas vraiment. J'aimais bien ma vie, j'avais une super famille mais j'aurais pas dit non si on m'avait proposé de visiter les autres Quartiers.
— J'aimerais savoir, maintenant que nous ne nous cachons plus rien, savoir vos vrais objectifs ? demande Skoteinos.
— Je voudrais retourner dans le Grand Quartier pour voir ma petite sœur et savoir si elle est comme nous, lui répond Chari.
— J'ai pas d'objectif précis, ajoutais-je en souriant.
— OK. Moi, je veux juste voyager et visiter tout le monde ! s'exclame Skoteinos en se levant avec un sourire.
Et sans raison particulière, éclate de rire. Emportées par sa joie, mon amie et moi nous mettons également à rire. Cette fois, je sais que nous sommes réellement liés. Nous sommes tout les trois différents et on s'en fiche. On est juste nous.
Avec l'aide de la carte et du soleil, nous arrivons à peu près à nous repérer. Malheureusement, nous ne savons pas à quelle vitesse nous marchons et nous ne pouvons faire que des suppositions sur notre emplacement. Ce n'est qu'en arrivant dans une ville que nous pourrons réellement évaluer la distance parcourue. Nous sommes sur une plaine sans bosses, sans végétation et sans vie animale. J'ai l'impression d’être dans le désert, pourtant nous sommes pas si loin que ça d'une ville. Enfin je crois. De toute façon, si on arrive dans une ville, on pourra même pas rentrer, maintenant, c'est certain que nous sommes recherchés. Une heure après la fin de notre crise de fou rire, je décide de leur parler :
— On a presque plus de nourriture, pour à peine une journée, et encore si on saute un repas.
— Alors on fait quoi ? me demande Chari.
— Aucune idée, lui répond-je, et toi, tu as une idée ? ajoute-je à l'intention du garçon.
— Je sais pas, il suffirait pourtant que nous nous arrêtions dans une ville car on a de l'argent.
— Je sais, soupirais-je. Après on peut prier pour croiser une personne qui a de la nourriture.
— Il y a peut être une chance après tout, les gens voyages parfois pour vendre, me réponds Chari.
Nous continuons de marcher malgré l'ambiance pesante qui règne après ma révélation. Skoteinos est derrière et Chari devant moi. Je meure d'envie de courir pour ne penser à rien mais je sais que les autres ne voudrons peut-être pas alors je me contente de ce rythme qui me semble plus convenir à des tortues qu'à des humains. 3 heures plus tard, à notre grande surprise, nous avons aperçu une chose vaguement humaine. C'est Skoteinos qui l'a vu en premier. Il s'agit d'une petite fille aux longs cheveux blonds relevés en chignon. Ses vêtements déchirés ressemblent au nôtres et nous prouve qu'elle vient du Petit Quartier. Elle est toute jeune, je ne lui donnerai pas plus d'une dizaine d'années. Elle tient à son bras un large et vieux panier remplis de fruits et de tissus. Quand elle nous aperçoit, elle a un petit sursaut puis un sourire chaleureux. Une fois arrivée à notre hauteur, elle commence à parler :
— Bonjour mon nom est Mov, si je ne suis pas indiscrète, que faites vous ici ?
— Bonjour, moi c'est Mavros et eux c'est Kastano et Ouranos, fis-je en utilisant les faux noms que nous a donné Chari et en les montrant du doigt tour à tour. Et je peux également te retourner la question.
— Bien. Je vais vendre mes tissus dans la ville Sud.
— Ok, nous on va voir un ami dans la ville la plus reculée de la ville Est. Nous n'avons malheureusement pas prit assez de provisions, mentis-je rapidement.
— Et vous souhaiteriez que je vous en donne, n'est-ce pas ?
— Oui, enfin si cela ne vous ennuie pas, ajoute Chari, alias Kastano.
— Oui, je suis d'accord, il ne reste que deux jours de marche avant d'arriver dans la ville que vous recherchez.
— Vous êtes bien généreuse, mais cela ne va pas vous manquer ? lui demande Ouranos.
— Non, ce sont mes provisions pour quand j'arriverai alors je peux en acheter. Servez vous, ajoute-elle en ouvrant son grand panier.
Celui-ci est tout simplement gigantesque et est garni d'une quantité ahurissante de fruits et de tissus de toutes les couleurs. Nous nous servons tout d'abord avec parcimonie puis, devant son sourire engageant, nous prenons assez pour survivre 2 jours de plus. Elle est tellement gentille, elle mérite mieux que ce Quartier pourri. J'espère qu'elle aura de la chance pour ces ventes. Elle nous parle de sa vie pendant une demie-heure. Nous l'écoutons par politesse. Une fois sont récit terminé, elle s'excuse de nous avoir retenus et elle s'en va de son pas léger. Une fois avoir repris notre route nous discutons :
— Elle était incroyablement gentille ! s'exclame Chari.
— Elle mérite mieux que cette vie pauvre, ajoute Skoteinos avec un sourire triste.
— Oui, elle est un vrai cadeau pour nous, souris-je.
Et nous marchons en méditant ces paroles.