Balafrée, Tome 1 : Stochasis
Soudain, je me réveille en sursaut. Je ne sais pas pourquoi. Je regarde ma montre. Il est 22h47. C'est alors qu'une voix m'appelle. Une voix familière. Celle de mon père ! Il m'appelle avec le surnom qu'il me donnait, enfant : Mon petit Mystère. Mais, soudain je me réveille véritablement. Je suis toujours dans la ruelle. Il est 01h06 du matin. Une voix appelle mon nom, comme dans mon rêve et bien qu'elle aussi me soit familière, je ne sais pas qui c'est. Je connais la voix, mais je ne sais pas à qui elle appartient. C'est une voix de garçon. J'entends la personne hurler mon nom :
– OULI !
Je n'ai pas la force de répondre. J'ai froid, et je suis ankylosée. La voix s'éloigne et je dit avec toute la force que je peux :
– Je suis là !
Je ne suis pas sure d'avoir criée, mais j'ai fait de mon mieux. Une autre voix, une fille, cette fois crie :
– Ouli, c'est bien toi !?
– Oui ! criais-je en frissonnant.
La voix de fille dit alors :
– Elle est par là bas, viens !
Je dis et répète :
– Ici, je suis ici.
C'est alors que mon cerveau décide de se connecter : les voix que j'entends, c'est Skoteinos et Chari. Je les vois devant la rue. Il viennent et je sens que des bras me soulèvent et que mon bras droit est enroulé autour d'une épaule. La personne tente de me faire marcher mais mes jambes refusent d'obéir. J'ai la force d'articuler :
– Sko... Skoitienos dit-je en mélangeant les lettres et les syllabes, Chari ajoutais-je.
– C'est nous me répondit Skoteinos. Je ne peux pas la soutenir, elle ne peut pas marcher ajouta-il à l'intention de Chari.
– Alors porte là ! On s'en fout, ce qui compte, c'est qu'elle arrive en un seul morceau.
– Calme toi, c'est bon je vais la porter.
Je sens que sa main passe sous mes genoux et me soulève. Il me porte comme une princesse, c'est gênant. Dans le noir, je rougis. Je tremble. J'ai tellement froid, j'ai l'impression d’être dans un frigo. La pluie battante n'a pas du les aider. Je finis par m'endormir. Quand je me réveille, je suis encore dans les bras de mon ami. Nous sommes près du centre d'entrainement. Le mouvement constant de sa marche rapide me donne envie de vomir, mais je me retiens. Je sais que nous allons bientôt arriver à la maison. Quand nous arrivons devant la petite maisonnette, Chari frappe et ouvre la porte. Quand Skoteinos entre avec moi, trempée par la pluie et quasi inconsciente, Gykos se jette sur nous. Skoteinos me pose sur le canapé. Je sens la chaleur et la lourdeur de couvertures. Gykos me demande comment je me suis retrouvé là bas :
– Que s'est il passé ?
– Je... ne... sais pas, toussais-je.
– En fait on a marché longtemps, et on s'est disputées pour je ne sais plus quoi donc je suis rentrée. Elle a du se perdre en essayant de revenir ici, répondit Chari à ma place.
– Je ne... sais plus, murmurais-je.
– Ce qui compte, c'est que tu ailles bien. Tu as juste l'air un peu enrhumée, remarqua Lefko
– Oui, heureusement que nous t'avons retrouvée, dit Skoteinos
– Nous avons de la chance que vous aillez été là pour elle, dit une fois de plus Gykos
– Oui, nous avons failli ne pas la voir à cause de la pluie.
– Mais, nous n'avions pas dit que nous reprenions les recherches demain ? demanda Lefko.
– Si, dit Chari en se mordant la lèvre inférieure, mais nous voulions la retrouver avant le matin.
– Ce qui compte, c'est que vous l'aillez retrouvée. Restez pour la nuit, nous vous devons bien ça, leur propose ma tutrice.
– D'accord madame, accepta Skoteinos.
Je le sens soudain me reprendre dans ses bras et me monter, en suivant Chari, jusqu'à ma chambre. Il me pose sur mon lit et éteint la lumière. Depuis l'encadrement de la porte lui et Chari me disent :
– Bonne nuit.
Je mets du temps à m'endormir malgré ma fatigue. Je suis encore mouillée et bien que je n'ai plus mes chaussures, je suis encore avec mon jogging et mon t-shirt. Quand je finis par m'endormir, il est plus de 4h du matin. Je fais des cauchemars. Ils sont plus terribles que tout ceux que j'ai du affronter depuis que je suis là. Ils sont tout aussi désagréables que ceux après la mort de mon père. Quand je me réveille, j'ai le visage baigné de larmes et je suis en sueur. Je prends le temps de me calmer et je sors de mon lit. Je titube un instant, car mon corps est engourdi. Je sais quelques pas mais je suis obligée de me rattraper à une commode. Je décide finalement de me rassoir sur mon lit pour éviter de tomber et de me faire encore plus mal. Je retente quelques minutes plus tard et réussi à faire le tour de ma chambre. Je me rassois et décide de descendre les escaliers. Je suis stressée rien qu'à l'idée de tomber. Je décide finalement d'appeler à l'aide Lefko. Quand je suis sur le pas de ma porte, je crie
– Lefko ! Tu peux venir m'aider.
C'est Gykos qui vient du bas des escaliers. Elle monte et m'aide à descendre. Une fois arrivée en bas, je demande :
–Pourquoi Lefko n'est pas là ?
– Il est au travail.
– Ah... Oui. Quelle heure est-il ?
– Il est 11h30, tu as dormi un moment.
– Oh... Je vois...
– Tu penses que tu vas pouvoir aller au centre ou est ce qu'il va falloir te faire une dispense ?
– Je pense que je ne vais pas pouvoir y aller, je n'arrive même pas à descendre des escaliers !
– Oui, je vais t'en faire une, me sourit Gykos.
Je prends mon petit déjeuner avec une lenteur extrême. Quand j'ai fini, Gykos est revenue depuis longtemps. Elle s'occupe de poser mon verre et mon assiette dans l'évier. Ma tutrice m'aide à monter les escaliers et je vais prendre une douche (très lentement) et m'habiller. Quand je redescends, sans aide extérieure, deux personnes m'attendent dans la cuisine : Chari et Skoteinos.
– Salut, dis-je.
– Bonjour, me sourit Skoteinos.
– Hey, me salue Chari.
– Vous allez bien ? demandais-je, gênée car je ne voulais pas parler d'hier soir.
– Oui, ça va me, répond Skoteinos avec un sourire en coin.
– Juste un peu fatiguée pour moi, ajoute Chari
Je me mords la lèvre, gênée par la référence à ma recherche de la nuit précédente. Je déteste que l'on m'aide. De plus, ils s'étaient beaucoup inquiété pour moi. Je ne savais pas comment les remercier sans donner l'impression que je suis amoureuse de Skoteinos et que j'admire de tout mon cœur Chari. Choses que je ne veux pas car je ne ressens ni l'un ni l'autre. Ils sont juste des amis. Je décide finalement de leur dire :
– Je suis vraiment désolée pour hier soir, merci.
– On est des amis, il est normal de inquiéter, non ? sourit gentiment Chari.
– Oui, enfin je crois, murmurais-je.
– Moi, je ne sais pas pourquoi j'ai fait ça mais je suis content que l'avoir fait. J'ai l'impression que j'ai des amis déclara franchement Skoteinos
– On est tes amies, m’exclamais-je
– Si tu le dit, me répondit le garçon sans se déparer de son sourire en coin.
– Honnêtement, tu pensais quand même pas que tu n'étais pas notre ami après avoir sauvé Ouli ? lui demanda Chari.
Je rougis quand elle mentionne l'incident de la veille. Je ne voulais pas en parler.
– Est ce qu'on peut arrêter de parler de cette maudite soirée ?
– Ok, firent en chœur mes amis.
– Plus jamais, c'est d'accord ?
– Mais, je suis censée te taquiner avec quoi, maintenant ?
– J'en sais rien.
Mais je lui faisais confiance pour rapidement trouver quelque chose pour m'exaspérer.
– Tu vas aller au centre aujourd'hui ? finit par me demander Chari.
– Je peux à peine descendre les escaliers toute seule, fis-je en guise de réponse
– Je suppose donc que tu vas devoir demander une dispense, ajouta Skoteinos.
Il a l'air un peu stressé. Ça doit être sa nuit courte, c’est tout.
– J'allais partir en demander une à des fylakes dit Gykos pour répondre au garçon brun.
– D'accord. Je vais rester avec elle lui répondit Chari.
Ma tutrice part. Quand elle a fermé la porte, Skoteinos demande :
– Je peut te parler un instant Ouli ?
– Oui, tu peux parler devant Chari.
– Non, en privé, s'il te plait.
– Ok. Chari, monte dans ma chambre, je te rejoins après.
Je vais m'assoir à pas lents dans le canapé aux ressorts cassés du salon. Il reste debout, face à moi. Il garde le silence un moment avant de déclarer :
– Mon père veut te dénoncer.
– Quoi ?! Mais tu ne m'avais pas dis que tu lui dirais de ne pas le faire ?
– Si, mais il trouve ton argument stupide et très peu crédible. Moi aussi d'ailleurs ajouta-il
– Mais, je croyais que nous étions des amis, murmurais-je triste qu'il ne veuille plus nous aider, moi et Chari.
– Je ne te crois pas, c'est tout. Je ne veux pas que tu sois dénoncée.
– Merci, souriais-je.
– Je vais essayer de convaincre mon père, mais je sens que ça ne va pas être facile.
– Ok.
Il sort alors de la maison et je monte dans ma chambre où Chari m'attend, assise à mon bureau.
– Alors, de quoi voulais te parler ton amoureux.
– C'est pas mon amoureux, m'énervais-je. Il m'a juste dit que son père risquais de me dénoncer car il trouvais ma raison de chercher des livres sur le sujet n'était pas crédible.
– On est super mal si tu te fais repérer.
– Pas toi, il n'y a que moi qui devrais fuir pour ne pas mourir.
– Je ne compte pas te laisser toute seule.
– Ok, alors on part, et loin. Je ne veux pas qu'ils nous retrouve si on s'enfuit.
– Ouais. On ne fais rien par rapport à nous aujourd’hui mais on reprend demain, ça te va ?
– Oui.
Elle sort de ma chambre et je me retrouve seule dans la maison. Je décide de dormir pour rattraper ma nuit courte. Je me fais réveiller par Gykos qui me secoue l'épaule en me disant :
– Il faudrait se lever, il est 15h.
– Quoimaisjeviensdemendormir dis-je d'une traite.
– Non, rit ma tutrice, tu dors depuis un petit moment.
Je me lève doucement et je m'étire. Je me sens mieux mais je suis encore fatiguée. Je lis et travaille. Je mange avec Gykos et je vais me coucher. Je met beaucoup de temps avant de réussir à fermer les yeux car j'ai dormi une bonne partie de la journée. Le lendemain, quand j'ouvre les yeux, je me sens bien. Bien que j'ai encore quelques courbatures, j'arrive à bouger correctement. Je m'habille et je descends prendre mon petit déjeuner. Gykos dort encore alors, je fais le moins de bruit possible pour ne pas la réveiller. Je pars ensuite au centre d’entrainement. Je suis quasiment sure d'y trouver Chari. Je fais me session assez peu rapidement car mes muscle sont encore légèrement douloureux. Au bout d'une bonne heure, j'ai fini. Quand je sors du bâtiment, Chari patiente sur les marches qui mènent à la porte, elle est en train de lire. Elle se retourne quand j'arrive derrière elle :
– T'as fini ta session ?
– Oui, sinon pourquoi je sortirais du centre ?
– Je ne sais pas moi. On va dans la rue, dit Chari ?
– On peut changer 'endroit, s'il te plait ?
– Ok.
Nous marchons jusqu'à arriver dans une petite ruelle semblable à l'autre mais avec moins d'odeur.
– Je commence, ce n'est pas négociable, dit Chari dès que nous nous sommes arrêtées.
Je hausse les épaules : ça n'a pas d'importance pour moi. Elle se prépare mais ne réussi toujours pas. Je sais que ça l'énerve, ça ce voit sur sont visage. Elle ne veut pas le dire, surement car la dernière fois, je me suis perdue dans les rue. J'ai du mal à croire que ce n'était qu'avant hier. Nous passons toute la matinée à essayer. Quand l'heure du repas arrive, nous retournons dans nos maisons respectives. Je passe l'après-midi à travailler. Je vais me coucher après le repas. Une semaine passe dans cette routine : le centre d’entrainement, nos pouvoirs, le repas, le travail. Un jour, onze jours après l'incident, donc neuf après mon retour au centre, il se passe enfin quelque chose : Chari, agacée par un énième échec, s'énerve et sans se concentrer véritablement, me fait reculer. Je sais que je n'ai pas bougé volontairement. Quand je reprends le contrôle de mon corps, je m'exclame :
– Tu as réussi ! Tu m'as fait reculer !
– C'était moi ?
– Oui, en tout cas, je n'ai pas agis volontairement.
– Mais, je n'ai pas fait d'effort particulier. En fait j'étais tellement en colère que je ne me suis pas beaucoup concentrée.
– C'est ça ! m'exclamais-je
– De quoi tu parle ? me demanda Chari.
– C'est grâce à ta colère que tu as réussi !
– Mais oui ! Tu était pressée et agacée quand tu l'as utilisé sur la bibliothécaire, et énervée quand tu l'as fait sur Gi.
– Vas y, réessaye en utilisant tes émotions !
Elle me fixe et se concentre : son visage est légèrement crispé et elle plisse les yeux. Elle me fait lever le bras droit, et quand je le vois bouger, j'ai l'impression que ce n'ai pas moi qui fait ce mouvement. Soudain, je redevient maitresse de mon corps. J'ai l'impression d'avoir plongé dans une piscine très chaude et d’être sortie d'un coup dans le froid. Devant moi, Chari semble épuisée, comme si elle venait de finir une longue course.
– Tu as réussi ! C'était assez étrange comme sensation.
– Mais je suis épuisée.
– C'est surement car tu l'as fais volontairement.
– Peut-être, admet Chari.