Balafrée, Tome 1 : Stochasis
Chari me fixa quelques secondes avant de me demander :
– Tu as utilisé ton pouvoir pour voir Skoteinos Apaisios ?
– Oui, il m'avait proposé de l'aide et je suis allée le voir mais sa mère ne voulait pas me laisser entrer.
– Effectivement, car il a beaucoup d'admiratrices, sa mère ne laisse entrer aucune fille.
– Et je l'ai contrôlée, elle a reculée et elle est restée immobile. Quand il est arrivé, j'ai baissé ma garde, donc elle a pu reculer. Je sais que j'aurais pas du, mais c'était plus fort que moi.
– Oui, il faudrait que j'essaye aussi, pour voir, me dit-elle en me fixant.
– Hors de question que je sois ton cobaye, Chari ! m’exclamais-je devant son regard insistant.
– Aller, quoi, toi, tu l'as déjà fait. Et après tu pourra tester sur moi.
– Ok, ça me va.
Elle m'entraine alors jusqu'à ce que nous arrivions à la sortie de la ville. Dans une petite ruelle puante, recouverte de poubelles. Je me plante face à elle et ne bouge pas en lui disant :
– C'est bon, tu peux commencer.
Elle s'humidifie les lèvres, remonte les manche de son t-shirt et me regarde dans les yeux. Je sens alors que je ne suis plus maitre de mon corps. Soudain, je reprends possession de mes mouvements. Je dit à Chari, qui semble contrariée :
– Tu l'as fait, tu m'as empêchée de bouger.
– Oui, mais je n'ai pas pu te faire bouger alors que toi, tu as réussi avec la mère de Skoteinos.
– J'étais en colère, c'est différent, j’avais agis sur un coup de tête.
– Oui, on peut arrêter pour le moment ? La simulation m'a épuisée, j'ai pas envie de me faire contrôler par une gamine aussi fatiguée que moi.
– Je suis pas une gamine, et je te rappelle que nous n'avons pas le droit de parler de nos simulations.
– M'en fout, en plus, je te parie que cette règle a été crée à cause de nous donc, je ne vois pas le mal de te dire que je suis crevée.
– T'as raison. Celui là était particulièrement compliqué, c'est même le plus difficile à mon avis.
– Oui, surtout avec les serpents verts et le tigre.
– Sans oublier le fossé.
– Oui !
– Sinon, je suis venue pour te demander quelque chose...
– Si tu penses que sortir avec Skoteinos est une bonne idée ? Faudrait le cacher car c'est interdit, mais c'est possible.
– Nooon ! Je t'ai déjà dit qu'il ne m'intéressait absolument pas.
– Ok, si tu le dis.
– Donc, tu ne saurais pas quel est le titre du livre que nous cherchons ?
– Non, j'y avait juste jeté un coup d’œil et comme il me paraissait intéressant, je l'ai ouvert. Aucune idée du titre.
– Dommage, on aurais pu l'acheter.
– Pas ici, en tout cas, le libraire ne vend plus de livres sur le sujet depuis quelques temps.
– Je sais, j'y suis allée hier et quand j'ai demandé ou se trouvaient les livres sur l'esprit, il m'a répondu qu'il n'en vendait pas.
– T'es folle il ne faut pas demander ! Ils nous dénonceraient !
– Skoteinos me l'a dit, et il a ajouté qu'il demanderai a son père de ne rien faire car je lui ai dit que je voulais juste pas qu'on me contrôle.
– ok, espérons que son père va l'écouter.
– Oui.
Je commence à partir du coté du centre d'entrainement avec Chari à coté de moi. Quand nous arrivons au centre, elle me dit :
– On recommence demain, 10h ici.
– D'accord.
Je repars de mon coté. Quand j'arrive à la maison, il est 11h30. Je préviens Gykos que je suis là et je vais dans le bureau pour travailler un peu avant le repas. Il s'avère que j'ai beaucoup de travail, je pense qu'il va me prendre la majeure partie de l'après-midi. Je commence avec des mathématiques. J'en ai fait à peine un quart que Gykos m'appelle. Pendant que je mange, je préviens ma tutrice :
– Je vais avoir beaucoup de travail à faire cet après-midi, je serai dans le bureau.
– D'accord.
Je remonte après avoir fini mon repas. Je travaille longtemps, jusqu'à 17h pour être exacte. Quand j'ai fini, je descends pour aller aider Gykos. Nous pelons des courgettes pour le diner et je lui propose de l'aider plus souvent à faire les repas. Elle accepte avec joie et me confie qu'elle a peur que je ne m'intègre pas bien. je lui réponds :
– Tu n'as pas à te faire de soucis pour ça, je me suis faite une amie et j'ai rencontré des gens.
– Qui est ce que tu as rencontré ?
– Oh, juste un garçon qui m'a aidé... pour des recherches, mentis-je.
– Qui est ce ?
– Il s'appelle Skoteinos Apaisios.
– Tu as rencontré Skoteinos !?
– Oui, il est sympa.
– Vraiment ? Tu ne serai pas... Amoureuse par hasard ? me questionna ma tutrice.
– Non ! Il... Il n'est pas mon genre !
– Tu es sure ? Toutes les filles de la ville l'aiment bien.
– C'est juste un ami. Même pas, il m'a juste donné un coup de main !
– D'accord, si tu en es sure.
– Pourquoi est ce que tout le monde crois que je l'aime ?! m'exclamais-je, exaspérée.
– Les filles tombent souvent amoureuse de lui, c'est tout. De toute manière, je ne veux pas que tu déroges aux règles des Sages. Tu te marieras avec la personne qui t'es promise.
– Oui, tu n'as pas à t’inquiéter.
– Excellent. Le repas sera servit dans une heure, tu peux remonter si tu veux.
Je regarde l'horloge de l'entrée : il est 18h. Je reste dans le salon, perdue dans mes pensées.
Je pense à toute cette histoire : que je sois une fille pas comme les autres, que j'ai rencontré une personne comme moi, si je puis dire. D'avoir rencontré Chari, qui malgré nos disputes reste quelqu’un de bien. Mon cheminement de pensées est interrompu par la porte d'entrée qui se referme.
– Lefko ! m'exclamais-je, tu es là tôt !
– Je sais, comme demain est mon jour de repos, je ne fais pas d'heures supplémentaires aujourd'hui.
– Super, nous allons pouvoir manger ensemble !
– Oui fait Gykos depuis la cuisine. C'est comme ça chaque semaine.
–Ok.
A 19h, nous nous asseyons à table tous ensemble. Nous mangeons le repas que Gykos et moi avons préparé. J'ai l'impression que nous sommes une famille normale, juste une famille comme les autres. Le repas fini, Lefko et moi faisons la vaisselle. Il me demande si tout ce passe bien dans la ville. Comme a Gykos, je lui réponds que tout va parfaitement bien. Il s'excuse ensuite, à ma grande surprise, de ne pas avoir été là pour m'aider ses derniers jours. Je monte dans ma chambre après le repas. Je me couche tot car la journée a été difficile et que la fatigue accumulée de ses derniers jours me rends épuisée. Je m'endors à 21h, en essayant de penser à rien. Pour la première fois depuis que j’étais ici, je fis un cauchemar. Pire que tout ceux que je faisais avant : je tuais tout les gens de la ville avec mon pouvoir. Quand je me leva la lendemain matin, le jour de repos pour le travail, mais pas pour l'entrainement, je me sens mieux, même si le souvenir de mon cauchemar me hante toujours. Je vais à la salle d'entrainement et fais rapidement la séance, elle est pas trop difficile, après le calvaire d'hier. Je ne croise ni Chari, ni Skoteinos. La journée se passe bien. A 15h, quelqu’un sonne à la porte. Je vais ouvrir et vois que c'est Chari. Je la salue :
– Bjour' ça va ?
– Ouais et toi ?
– Bien, entre, ne reste pas là, lui dis-je.
Elle entre dans la maison. Je l'emmène au salon, là où se trouvent Gykos et Lefko. Je les présente, bien que je suis sure qu'ils se sont déjà rencontrés. Ensuite, je fais visiter la maison à Chari. Nous finissons par ma chambre. Quand nous sommes à l’intérieur, Chari ferme la porte à clé. Elle s'assoie puis me demande :
– Je veux qu'on ressaye aujourd'hui.
– Ok, mais on retourne là ou on était la dernière fois.
– Bien sur ! C'est un endroit que j'ai découvert récemment, mais il est parfait pour... enfin, tu vois.
– On part quand ?
– Tout de suite.
Je hoche la tête et nous descendons. Je vais voir ma tutrice et lui demande :
– On va aller dehors, ça ne te dérange pas ?
– Non... La maison ne lui plait pas ?
– Si, on aime juste être à l’extérieur.
– D'accord.
Je vais rejoindre Chari sur le pas de la porte. Nous marchons lentement jusqu'à la ruelle. C'est a ce moment que je parle à Chari de ma conversation sur les Stochasis avec Skoteinos :
– Il y a deux jours, comme je te l'ai dit, je suis allée à la librairie et comme tu le sais également le vendeur m'a dit qu'il ne vendait pas de livres sur le sujet. Skoteinos à tout entendu et, hier je lui ai mentit en lui disant que j'avais peur qu'on me contrôle. Je lui ai dit ça en échange d'une info : pourquoi il était dangereux de parler de livres sur ce thème. Il m'a parlé de nous. Il a dit que nous serions soupçonné d'en être un si nous cherchions des choses sur le contrôle de l'esprit.
– Il en a donc parlé... Je pensais que les gens n'en parlaient pas, que c'était un sujet tabou.
– Moi aussi. Mais, il en a parlé à voix basse, je pense que c'est quand même pas recommandé de dire leur nom... Notre nom.
Nous arrivons dans la ruelle. Je prends la parole :
– C'est moi qui commence, cette fois !
– D'accord, soupira Chari.
Je me prépare et essaye de me concentrer. C'est difficile car des pensées parasites m’interrompent dans mon exercice de concentration. Je fini par fixer mon amie. Je n'ai pas le sentiment de contrôle que j'ai ressenti les dernières fois. Je lâche la pression. Chari s'ébroue et dit :
– J'avais l'impression de...
– Ne rien pouvoir faire, complétais-je.
– Oui, c'est ça ! me dit la brune en hochant la tête. A mon tour, ajouta-t-elle.
– Ok.
Comme hier, je ressens que je ne peux plus bouger. Mais sans plus. Chari soupire, elle veut y arriver, comme moi, avec la bibliothécaire et la mère de Skoteinos.
– Mais enfin, pourquoi est ce que je ne peux pas te faire bouger, ça m'énerve ! s'exclama Chari
– Je te signale que je ne peux pas non plus.
– Mais tu as réussi à faire changer d'avis la bibliothécaire, se buta mon amie
– Non, sinon, nous aurions déjà le livre. Je regrette de ne pas m’être assez concentrée ! soupirais-je
– Ouais, c'est super saoulant de savoir que quelqu'un à le livre et qu'il sait ce que nous sommes.
– Attends, on est pas sûres qu'il sache.
– Ou qu'elle sache... ajouta Chari
– Oui, c'est peut-être une fille. On ne connait rien de cette personne.
– Effectivement.
Nous reprenons nos exercices : Chari réessaye puis je retente ma chance. Nous n'arrivons pas à nous faire bouger mutuellement. A la fin de la séance, 2h30 plus tard, Chari est totalement découragée :
– Je suis sure que je n'arriverais jamais à te faire ne serais ce que tressaillir.
– Mais si, il faut juste se concentrer, assurais-je.
– Concentration ! Tu n'as que ce mot à la bouche ! s'énerva Chari. C'est facile pour toi de dire ça ! Tu l'as déjà fait !
– C'est bon, si tu n'es pas contente, tu n'as qu'à partir !
– Très bien alors je m'en vais.
Elle se lève des pierres sur lesquelles elle s'est assise et par d'un pas rageur. Je la laisse faire, je ne veux pas être la suppliante qui va l’implorer de revenir. Quand elle a disparue, je m'en vais. Je ne repars pas à la maison. Je préfère marcher. C'était ce que je faisais avant, quand j'étais en colère. Je marche en butant dans des cailloux. Quand je décide enfin de rentrer chez moi, je ne sais absolument pas où je suis. Je part en direction de ce que je pense être le centre d'entrainement, mais en fait, je me perds encore plus. Je marche encore au hasard une demie-heure avant de sentir une bulle de stress se former dans mon cerveau. J'ai peur de me perdre. Je n’avais jamais mesuré l'ampleur de cette peur car je connaissais tout dans mon ancienne ville. J'essaye de me calmer en me disant que je peux toujours demander à quelqu'un mon chemin. Malheureusement pour moi, c'est l'heure du repas. Il y a donc pas beaucoup de gens à l’extérieur et le peu que je croise ne semble pas vouloir parler. J'allais demander à une femme de me dire ou se trouvais ma maison quand je me rendis compte que je ne savais pas l'adresse. Je suis très mal. Je finis par m'isoler dans une ruelle. Je ne sais pas exactement pourquoi, mais je me mets à pleurer. J'ai tellement peur de ne pas pouvoir rentrer chez moi. Je tremble, les larmes coulent le long de mes joues. Je me sens seule, désorientée. J'ai la respiration saccadée. J'essaye de reprendre mon souffle mais je n'y arrive pas. Je suis désormais assise sur le sol humide et crasseux. Je pleure, et ça me fait du bien. J'avais besoin d'évacuer la tension de ses derniers jours. Je reste là un long moment. Quand je me décide enfin à regarder ma montre, il est 19h16. Je suis partie depuis des heures. Gykos et Lefko doivent s’inquiéter pour moi. Enfin j'espère. Il ont surement déjà mangé. Je les imagine, manger, seuls. Maintenant, je m'en veut d'avoir laissé Lefko seul pendant son jour de congé. Je suis sale, et en plus, la faim me dévore. Je me couche dans le sol couvert de pierres boueuses et sales. Je reste là longtemps. Tellement longtemps que je finis par m'endormir.