La Flamme de Mililian - Tome 1 - Partie 1

Chapitre 22 : Rêves brisés

4114 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 22/08/2021 14:27

              Avëlëa regarda les deux hommes s’éloigner. Un soupir quitta ses lèvres lorsque la porte se referma derrière eux. Elle s’assit sur le lit de fortune de Faelor, à la fois vexée, inquiète et angoissée. Elle se sentait vide, fantomatique. Malgré ses conseils et ses attentions, ni l’un, ni l’autre ne l’écoutaient. Qu’ils aient des choses à se dire, soit, elle pouvait le concevoir. Mais de là à l’ignorer comme ils venaient de le faire ?

              La jeune femme fit tourner le pot d’onguent entre ses mains. Il n’était pas lourd, sans doute taillé dans un bois tendre aux propriétés conservatrices particulières. A en juger par la couleur rougeâtre des fibres pyrogravées, elle penchait pour du saule sauvage, plante médicinale par excellence, qui fournissait à elle seule une grande partie des composants médicinaux utilisés dans la région.

              Un nouveau soupir lui échappa. Faelor ne l’avait même pas laissée appliquer la crème sur ses blessures. Elle n’avait pas eu le temps de lui proposer. Quel impatient… Pire que Raeni, qui, elle, se laissait soigner. Et d’ailleurs, elle était persuadée que son ami aurait plié si l’hybride le lui avait ordonné.

              Elle posa le pot à côté d’elle, perdue dans ses pensées. Raeni. Elle ne savait plus trop comment la cerner. Elle la savait certes intrépide, prompte à défendre les victimes de Khassendrah et à s’opposer contre l’injustice. Mais irréfléchie au point de les laisser avec une menace de mort au-dessus de la tête ? Non, cela ne lui ressemblait pas. Elle avait toujours fait bien attention à ne pas mettre en danger leurs vies outre mesure. Elle préférait d’ailleurs se battre elle-même plutôt que de laisser quelqu’un le faire pour elle. Alors pourquoi ? Pourquoi avait-elle ainsi décidé de les abandonner, de les livrer à Vanador et à la mort ?

              Bien sûr, Avëlëa pensait le savoir, ce qui avait corrompu l’esprit de Raeni. Ayrik. Un petit humain, victime par excellence, mouton noir de la quasi-totalité des habitants de Khaëlentis. Un garçon qui ne payait pas de mine en apparence, surtout avec autant de monde contre lui alors qu’il ne faisait jamais rien de mal. Mais son innocence, sa naïveté avaient attendri le cœur de l’hybride. Elle l’avait pris sous son aile malgré les rires de certains et les mises en garde d’autres. Comme d’habitude, elle n’en avait fait qu’à sa tête. Et, comme elle ne supportait pas l’injustice, elle avait recommencé à n’agir qu’à sa guise pour lui venir en aide.

Avëlëa refusait de croire qu’elle ignorait les risques qu’ils encouraient avec une action aussi éclatante. Voler un navire, ce n’était pas rien. Surtout un bâtiment de guerre comme le Perle d’Ambre, qui faisait partie des joyaux de la flotte althëlienne.

              Tout ça pour un petit garçon humain, accusé de vol. Recherché par un Ahal. Au final, à vouloir à tout prix lui sauver la vie, Raeni les avait tous condamnés à la prison à perpétuité. Quelle ironie… l’elfe de feu se demanda si elle avait fait exprès de livrer ainsi tous ceux qui n’avaient pas voulu partir avec elle à Vanador. Elle fit aussitôt taire cette pensée. Non, Raeni n’était pas cruelle. Franche, prompte à agir, certes. Mais pas cruelle.

              En attendant, son égoïsme les avait tous embarqués dans une situation plus que délicate. Les gardes leur couraient après, Vanador devait être prêt à payer une véritable fortune pour les retrouver. Aucun d’eux ne pouvait sortir sans craindre de se faire attraper. Aller chercher de quoi manger était devenu aussi dangereux que de se promener durant la noct-heure dans les anciens quartiers résidentiels au nord de la ville, dans la partie la plus ravagée de celle-ci. Le moindre faux pas les amènerait à se faire prendre. Le plus petit écart risquait de leur coûter cher. Leurs vies ne tenaient qu’à un fil, qui passait sur la lame d’une épée affûtée. Un geste, même innocent, pourrait leur être fatal.

              Et le pire, dans tout ça, c’était sans doute qu’aucun d’eux n’avait atteint sa majorité, hormis Anathor. Ils n’étaient rien de plus qu’une bande de gamins, que personne ne prendrait jamais au sérieux, et surtout pas maintenant qu’ils avaient fait parler d’eux ainsi. Le seul à pouvoir prendre leur défense, le forgeron, était lui aussi surveillé par les gardes et risquait de se faire interpeller n’importe quand s’il était surpris à faire quelque chose de suspect. C’était un miracle qu’il ait pu les rejoindre, ce soir. Peut-être que lui-même avait trahi la bande et comptait les dénoncer pour tirer son épingle du jeu ?

              Non. Non, Anathor ne ferait jamais ça. Avëlëa ne le connaissait pas aussi bien que Raeni ou Faelor, mais elle savait qu’il n’agirait jamais contre l’intérêt de leur bande. Il faisait confiance à Raeni, approuvait ses actions les plus intrépides, mais était prêt à les aider s’ils devaient en payer les conséquences.

              La jeune femme soupira une énième fois et jeta un regard triste à la pièce autour d’elle. Assise en tailleur sur le lit de fortune, elle pouvait observer la commode, réalisée avec quelques cageots, la chaise accolée à l’un des murs, et le vide de ceux-ci. Froids, creusés à même la pierre, ternes, gris. Elle regretta les jolies tapisseries dans sa chambre, située à quelques rues de là, son plancher de bois et ses meubles lustrés. Ses étagères chargées de livres. La bibliothèque dans la chambre de sa sœur, elle aussi remplie d’ouvrages. Le parfum entêtant des plantes médicinales qui poussaient dans la petite serre derrière le jardin. Elle songea avec amertume qu’elle n’avait pas pu aller les arroser depuis plusieurs jours. Elles devaient avoir soif. Sauf le lys Dahali, qui poussait d’ordinaire dans le désert. Son buisson de ronces nacrées, en revanche, devait être desséché.

              Sa maison lui manquait, mais elle ne pouvait y retourner. Vanador et les gardes devaient la surveiller, dans l’espoir de l’attraper pour l’interroger. Ils avaient dû entrer pour fouiller toutes les pièces. Retourner les armoires, vider les penderies. Elle repensa aussi à l’élevage de poissons-combattants du cap Varahir, une espèce rarissime que sa sœur avait fait importer par bateau pour pouvoir concocter quelques remèdes avec leur chair. Elle avait payé une fortune, mais l’investissement avait valu le coup et les clients avaient vite afflué lorsque la nouvelle s’était répandu qu’une guérisseuse de Khaëlentis possédait un tel ingrédient. Elle en était fière, très fière. Et Avëlëa adorait ces magnifiques créatures aux longues nageoires et aux écailles chatoyantes.

              Une légère boule d’angoisse lui serra le ventre. Ils n’avaient rien eu à manger depuis plusieurs jours. Elle espéra qu’ils étaient toujours vivants, car s’ils venaient à dépérir… Non, mieux valait ne pas y penser. Ils survivraient, sinon sa sœur serait furieuse. Elle ne voulait pas lui donner une raison supplémentaire de s’énerver. Le pétrin dans lequel elle s’était fourrée garantissait déjà une belle réprimande à Avëlëa. Et elle l’aurait mérité, elle le savait.

              Elle se demanda comment son aînée allait prendre la nouvelle. La punir ? Sans doute. Comment ? Elle l’ignorait. Aucune corvée ménagère, même le nettoyage intégral de l’aquarium, ne suffirait sans doute à racheter sa bêtise. Peut-être qu’elle demanderait à la jeune femme de réaliser quelques travaux d’intérêt général, en accord avec Vanador. Peut-être qu’elle se contenterait de l’enfermer pendant quelques jours dans sa chambre, sans la laisser s’occuper des plantes et des poissons. Peut-être qu’elle lui demanderait de partir chercher des araignées bleues dans les champs. La capture de ces arachnides, d’après elle, était compliquée et tenait plus de la corvée qu’autre chose. Sans doute parce qu’elle se faisait sous la pluie. Or, Avëlëa, à l’instar de nombreux elfes de feu, haïssait la pluie.

              Elle s’adossa au mur et ferma les yeux. Une autre possibilité lui vint, si angoissante qu’elle se sentit pâlir rien que de l’imaginer. Retarder le début de son apprentissage, qu’elle attendait depuis plusieurs années désormais.

              Sa sœur lui avait promis, juste après la mort de leurs parents pendant la guerre, des années plus tôt, qu’elle attendrait la fin du conflit pour lui trouver un maître capable de lui enseigner la magie. Avëlëa était douée pour la guérison, oui, mais présentait aussi une certaine affinité avec la magie de feu et celle d’esprit. Elle avait appris auprès de son aînée les bases, comment créer quelques petites flammes entre ses doigts, comment se servir de la chaleur pour cautériser une plaie ou encore comment stériliser des outils de chirurgie avec le feu, mais sa soif de connaissances n’avait cessé de s’étendre. Elle voulait comprendre comment empêcher les gens de souffrir, comment elle pouvait combattre une infection grâce à ses pouvoirs. Elle voulait trouver un moyen de détacher l’esprit du corps pour soulager quelqu’un de ses blessures physiques le temps qu’elles soient guéries, essayer de se servir des flammes pour éradiquer les maladies. Devenir plus qu’une simple guérisseuse. Faire partie de l'élite.

              Mais qui voudrait d’une hors-la-loi ? Personne. Personne ne s’intéresserait à elle, maintenant qu’elle était devenue la complice de Raeni. Elle serait considérée au mieux comme une délinquante. Une jeune femme à qui il était impossible de se fier. Elle serait rejetée, écartée à cause des bêtises qu’elle avait pu soutenir, même si elle n’en acceptait pas les idées. Plus elle y pensait, plus elle se demandait si elle avait bien fait de les suivre dans cette entreprise. En fait, elle en était de plus en plus certaine : elle avait fait une erreur. Elle aurait dû les dénoncer pour éviter d’être impliquée dans une telle galère. Mais maintenant, il était trop tard. Elle n’avait aucune chance d’être pardonnée par qui que ce soit, surtout pas par Vanador. Elle regrettait de ne pas avoir agi plus tôt. Si elle avait su…

              Quelques coups frappés avec timidité à la porte la tirèrent de ses pensées. Elle marmonna un vague « entrez », suivi du grincement des gonds.

—   Bah, il est où Faelor ?

Avëlëa se força à se redresser pour répondre à Laëlia, qui venait d’entrer.

—   Parti avec Anathor, qui avait quelques petites choses à lui expliquer.

—   Oh, Anathor a pu venir ? s’exclama la demi-älfä. C’est génial, ça !

—   Comme tu dis, acquiesça-t-elle avec un petit sourire sincère. Avec un peu de chance, il nous sortira de ce bazar.

—   Je suis sûre qu’il va nous tirer de là, affirma sa compagne.

Son enthousiasme réussit à apaiser les craintes de l’elfe de feu. Anathor était doué, elle le savait. Maintenant qu’il était revenu auprès d’eux, qu’il remplaçait Raeni, peut-être qu’ils pourraient retrouver une vie normale.  

—   Tu voulais le voir ? demanda-t-elle ensuite.

—   Non, avoua sa visiteuse en baissant la tête. C’était toi que je cherchais, en fait.

Elle jeta un regard inquiet à la porte et baissa la voix.

—   L’œuf a éclos.

Avëlëa écarquilla les yeux, à la fois surprise et inquiète. Elle se remémora soudain leur conversation de l’après-midi, lorsque la jeune fille lui avait annoncé avoir trouvé un œuf abandonné. Bien qu’elle n’arrivât pas à imaginer qui aurait pu faire une telle chose, elle devait se rendre à l’évidence : le bébé à naître serait seul et ses chances de survie ne dépasseraient pas quelques heures si elles ne l’avaient pas pris sous leur aile. Elle avait donc demandé à la demi-älfä de le mettre en sécurité et de veiller sur lui le temps qu’elle trouve une solution.

Elle se mordit la lèvre. Elle devait en parler à Faelor, mais le sujet lui était complètement sorti de la tête avec la venue du forgeron. Et maintenant que l’enfant était né, elle ignorait quoi faire de lui.

—   Av’ ? demanda Laëlia.

—   Oui ? Heu… Je ne m’y attendais pas, avoua-t-elle. On va en faire quoi ?

—   Aucune idée, soupira la demi-älfä. C’est une fille, qui est adorable comme tout. Une petite hybride, mi-alfombre, mi-humaine, je crois. Elle a des yeux magnifiques… Et des écailles trop mignonnes sur le thorax et le crâne.

—   Donc sa mère serait d’origine alfombre… réfléchit-elle. Tu en as fait quoi ?

—   Je l’ai cachée dans une grange, à la sortie de la ville.

—   Il faudrait trouver quelqu’un pour s’occuper d’elle, déclara l’elfe de feu. L’orphelinat aurait été un endroit idéal, mais…

—   Ça va être compliqué de l’approcher, confirma-t-elle.

Avëlëa réfléchit. L’arrivée soudaine de ce bébé risquait de rendre les choses encore plus complexes qu’elles ne l’étaient déjà. Le groupe peinait déjà à survivre avec des adolescents capables de se débrouiller seuls, ils ne pouvaient pas se permettre de s’occuper d’un nouveau-né qui dépendrait entièrement d’eux. En plus, elle ne savait pas prendre soin d’un enfant si jeune. Non, il fallait trouver quelqu’un qui pourrait l’élever au moins en sécurité. Mais qui ?

Ils ne pouvaient s’approcher de la structure qui aurait été la plus apte à l’accueillir. En plus, songea-t-elle, avec Vanador à la tête de Valmaëlën, la fillette ne pourrait grandir dans de bonnes conditions, si l’Ahal lui permettait seulement de vivre. Il lui fallait une maison, une vraie, avec quelqu’un pour veiller sur elle.

—   Av’ ? demanda Laëlia.

—   Si tu as une autre idée, avoua-t-elle, je suis preneuse. Hormis l’orphelinat, je ne vois pas qui pourrait l’accueillir…

—   Le directeur ? suggéra l’elfe de feu. Enfin, l’ancien directeur.

—   S’il est à la rue, sans travail, tu penses vraiment qu’il acceptera de s’occuper d’un bébé ?

—   C’était une proposition… grommela Laëlia. Si tu as une meilleure idée, je t’écoute.

—   Ma sœur aurait pu nous aider, soupira-t-elle. Elle connaît beaucoup de monde et elle aurait même été ravie de la prendre sous son aile si elle était là.

—   Tu ne sais pas quand elle rentrera ?

—   Aucune idée. Ça ne fait que deux semaines qu’elle est partie, je doute qu’elle soit déjà arrivée…

—   Elle allait où ?

—   Elle devait rejoindre la frontière entre Torfrirta et Tolmentis, expliqua-t-elle. Je ne sais pas où exactement, elle ne me l’a pas dit.

—   Qu’est-ce qu’elle est partie faire aussi loin ? s’étonna son amie.

—   Elle a été réquisitionnée par l’armée. Apparemment, les blessés de guerre sont toujours très nombreux et ils ont dû en déplacer pas mal, ce qui n’a pas amélioré leur état.

—   Donc elle ne rentrera pas avant un moment, soupira Laëlia.

Avëlëa hocha doucement la tête. Le silence s’abattit entre elles, pendant que chacune réfléchissait à une solution. L’elfe de feu ne savait pas trop quoi faire. Elle passa en revue ses connaissances en ville, Anathor, tata Lalvëna, le boucher du quartier des flammes grises, quelques clients de sa sœur, Ëlyssa. Elle pensa même aux marins de passage, à quelques soldats alfombres. L’origine hybride de la petite rendait les choses plus compliquées. Moins de personnes seraient enclines à s’occuper d’un nouveau-né à moitié humain. Et hors de question de la déposer devant l’orphelinat. Vanador risquait de les attraper, et elle craignait qu’il ne lui fasse du mal.

—   Sinon, souffla son amie au bout d’un long moment, je peux essayer de m’occuper d’elle. Hëlaya m’avait expliqué quelques petits trucs sur l’alimentation des nouveau-nés. L’avantage, c’est qu’on a trois mois pour trouver quelqu’un qui pourra l’accueillir. L’inconvénient, en revanche, c’est qu’il va falloir la nourrir…

—   Tu sais ce que ça mange, à cet âge-là ? s’étonna-t-elle.

Elle hocha la tête.

—   Il leur faut des aliments liquides et très protéinés. Pour elle, l’idéal serait du lait alfombre, mais comme on n’en a pas, il va falloir qu’on se débrouille autrement. J’ai cru comprendre que la poudre d’œufs de vautour-ombre mélangé à de l’eau pourrait très bien faire l’affaire. Bon, il faut le bouillir pour le purifier, mais c’est un détail, ça.

—   Et… où tu veux trouver ça, toi ?

Laëlia baissa la tête et glissa une mèche de cheveux autour de son doigt d’un geste nerveux.

—   Le maître de la ville en fait importer tous les deux ou trois mois, à peu près, pour la fabrication d’un alcool. Si on en pique un tonneau, ils ne verront rien et la petite aura à manger jusqu’à ce qu’on puisse commencer à diversifier son alimentation.

—   Il est hors de question qu’on vole quoi que ce soit, déclara Avëlëa d’un ton formel.

La demi-älfä lui servit un regard suppliant.

—   Je sais, Av, mais c’est pour sauver la vie d’un bébé…

L’elfe de feu soupira, déchirée entre la terreur de commettre une fois de plus un acte illégal et la volonté de protéger un innocent supplémentaire.

—   On pourra toujours rendre le surplus s’il y en a, promit Laëlia. Et en plus, il vaut mieux que cette poudre serve à nourrir un enfant qu’à fabriquer de l’alcool.

—   Ça, on est bien d’accord, avoua Avëlëa. Mais ce n’est pas une raison. On est déjà assez menacés comme ça, il est hors de question de s’enfoncer davantage.

—   C’est pour un bébé ! s’exclama-t-elle. Elle est toute petite, très fragile. Elle a besoin qu’on s’occupe d’elle, même si ça veut dire qu’on doive voler des choses pour la nourrir. Allez, Av… Et si on lui trouve quelqu’un, on rendra le reste de la poudre.

L’elfe de feu garda le silence. Elle hésitait. Elle comprenait son intention. Elle avait bien conscience que l’enfant se trouvait dans une situation difficile, et elle ne voulait pas la voir mourir parce qu’elles n’avaient su prendre les bonnes décisions pour elle. Cependant, elle ne voulait pas non plus dérober de manière délibérée une si grande quantité d’une ressource qui risquait de manquer à quelqu’un, fût-il fabriquant d’alcool. Mais en même temps, avait-elle le choix ? Cette poudre était, d’après son amie, l’unique chose que le bébé pourrait avaler et qui lui garantirait une croissance normale. Elles en avaient besoin, au moins le temps de trouver quelqu’un qui pourrait s’occuper du nourrisson et lui offrir une belle vie.

—   Je te fais confiance, soupira-t-elle finalement. Je compte juste sur toi pour ne pas voler plus de poudre que nécessaire.

Les yeux de la demi-älfä se mirent à pétiller de joie.

—   Merci, Av, s’exclama-t-elle, ravie. J’y vais du coup, elle va bientôt commencer à réclamer son repas !

Elle esquissa un geste pour quitter la pièce. Avëlëa la retint cependant.

—   Hé ! Tu devrais en parler à Faelor avant…

—   Ne t’inquiètes pas, assura-t-elle d’une voix chantante. J’ai repéré où ils stockent les tonneaux, pas loin de la distillerie. Ça ne sera pas compliqué d’y entrer, personne ne surveille jamais, et ils ne s’attendent pas à ce qu’on en ait besoin.

Elle lui lança un regard amusé.

—   Après tout, reprit-elle, nous sommes des gamins, mais trop vieux pour boire des biberons.

—   Fais attention à toi, supplia l’elfe de feu, consciente qu’elle ne réussirait pas à l’arrêter.

—   Promis.

Elle se dirigea vers la porte, qu’elle rouvrit avec empressement.

—   Au fait… réclama Avëlëa.

—   Oui ?

—   Tu pourras me la présenter ? Je suis curieuse de voir sa bouille.

Un petit rire échappa à la future voleuse.

—   Bien sûr ! Je t’emmènerai la voir, une fois qu’elle aura eu son premier repas.

Avëlëa la laissa repartir, ravie de cette nouvelle. Malgré son inquiétude, elle faisait confiance à son amie pour s’occuper du nouveau-né. Elle se força à se raisonner. Ce vol était nécessaire. Elle n’avait pas à culpabiliser, puisque la demi-älfä tentait de sauver le bébé et ne faisait donc rien de mal, au contraire. Elle se focalisa sur le petit être qu’elle ne connaissait pas encore, mais dont elle avait hâte de faire la connaissance. Elle était sûre qu’elle serait adorable.

Rassurée par ces pensées, elle se pencha alors sur une nouvelle question, au moins aussi importante que celle de son alimentation. Il lui fallait un nom, et vite. Et elle comptait bien lui en trouver un très mignon, quitte à demander de l’aide à tous les orphelins hors-la-loi.  

 


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