Regards Croisés
Il est devant la porte fermée et il sait que tout est fini.
Et que c’est de sa faute.
Autour de lui sont répandues toutes ses affaires, tout ce qui disait « toi & moi », ces cinq années de mariage.
Le vieux balluchon qu’il avait rangé pour rester auprès d’elle, la vieille valise en cuir jaune qu’elle trouvait si laide et dans laquelle ils pliaient leurs vêtements à chaque étape. Le deuxième casque de la moto, son appareil photo, son blouson de pompier. Des centaines de photos où ils sont réunis tous les deux – puis tous les trois. Elles frémissent dans la brise, éparpillées à ses pieds.
Les boucles d’oreille en forme d’attrape-rêves qu’il lui a offert gisent sur les dalles, deux plumes turquoises arrachées aux ailes d’un oiseau de paradis.
Oui, il s’est enfui, il a couru, il s’est précipité pour échapper à la douleur qui se refermait inexorablement sur lui.
Mais c’est Laeticia qui a dit « va-t-en ».
Au fond de lui saigne la certitude qu’il a eu tort.
Il n’aurait pas dû l’écouter. Il aurait dû forcer la porte, faire tomber le battant avec fracas et s’agenouiller près d’elle, la prendre dans ses bras et lui dire qu’ils traverseraient cet enfer ensemble.
Mais il ne l’a pas fait.
Il est parti.
Il est lâche.
Il ne mérite pas d'être pardonné.
Lentement il commence à ramasser ses affaires, les entasse dans les cartons qu'elle a jetés à la volée dans l'allée.
Tybalt n'est pas là, il ne pourra pas lui dire adieu. Elle l'a éloigné, pour qu'il ne voit pas ce que ses parents sont en train de faire.
Tout détruire.
Il enfile sa veste, celle qu'il portait le jour de leur mariage, balance sur son épaule son balluchon d'autrefois, glisse la main dans sa poche en faisant volte-face pour dire adieu à sa maison, sa vie, sa femme qui se cache derrière le rideau.
Ses doigts touchent quelque chose de très fin.
Quand il ouvre sa paume, il y a dedans la chaînette que portait leur fille autour de son poignet.
C'est là qu'il pleure.