Regards Croisés
Elle rit.
Pendant longtemps, il lui a semblé qu'elle ne savait pas être heureuse sans cette tache, cette obscurité coupable, au coin de son œil.
Ils ont été bannis. Ils se sont enfuis.
Mais la vie a repris le dessus. Ils s'aimaient, alors ils ont créé leur bonheur.
Mais aujourd'hui, elle sent que son rire est sincère, pur, frais comme celui de l'enfant qui court dans la pelouse, poursuivi par son père.
Sans l'ombre d'un doute, elle sait qu'elle n'échangerait rien contre ce qu'elle possède.
L'amour de son mari.
Et le cadeau qu'il lui a fait.
Le bébé revient vers elle en trottinant, gloussant de rire, et lève ses bras potelés pour qu'elle le prenne. Ses yeux bleus sont sertis comme des diamants sous ses cheveux bruns en désordre.
Elle s'accroupit et le serre contre elle. Il murmure ces mots que babillent les enfants, blotti contre elle, et elle sent que son amour irradie tout autour d'eux.
Shigeharu s'approche, encore essoufflé par la course-poursuite qu'il a complaisement perdue. Le soleil d'automne l'enveloppe d'une cape de lumière.
Son héros.
Elle espère qu'un jour Tybalt sera comme lui.
Elle imagine le moment où son fils aura cette allure fière. Il reviendra vers elle avec son père, ils partageront le même rire sonore et contagieux, ils échangeront des blagues d'hommes, ils seront complices.
Elle se voit vieillie, mais pas fatiguée. Changée, mais pas enlaidie. Différente, mais toujours la même.
Elle est toujours amoureuse.