Wastelanders
Au Red Rocket, Trudy qui avait repris connaissance, proposa de nous préparer un bon souper. Cette dernière souhaitait nous remercier de les avoir secourus son fils et elle. Pendant le repas qu'elle avait accompagné d'eau purifiée, Trudy nous offrit la possibilité de commercer avec elle. Une autre manière pour la quadragénaire de nous montrer sa gratitude, mais aussi une façon pour elle de se refaire un peu suite au pillage de son restaurant. Sly lui acheta un casque en ferraille fait à partir d'un ancien masque de soudeur. Quant à Lucy, elle fit l’acquisition d'une bouteille de lait. Aussi étonnant que cela puisse paraître, les boissons lactées permettaient de lutter efficacement contre les effets des radiations. John rendit à Trudy son hachoir et je demandai à garder son « demi-chef » en échange de quelques monnaies. La tenancière du restoroute fut heureuse de voir que nous étions des personnes honnêtes et accepta de me laisser son couteau pour vingt caps. Elle proposa aussi d'améliorer nos armes. Elle aiguisa le harpon de John, équipa mon arc d'une poulie pour en faciliter le rechargement et pour finir nous donna libre accès à son atelier. Je demandai alors à Lucy, notre experte en ingénierie, de me fabriquer quelques flèches supplémentaires avec les matériaux gracieusement offert par Trudy.
John se rendit ensuite dans la cuisine pour préparer les steaks de chien auxquels il ajouta un ingrédient mystère et Sly décida d’interroger Jason. Il s'isola avec le jeune homme pour discuter un peu avec lui.
L'orage arrivant, la pluie commença à tomber et des éclairs verts déchirèrent le ciel.
Jason était un pauvre type complètement paumé qui s'était réfugié dans la drogue à la mort de son père fuyant ainsi une mère un peu trop sévère. La conversation s'enlisa assez rapidement car le toxico n'avait que le mot mentat à la bouche. Sly persévéra tout de même et lui proposa de rejoindre la milice, argumentant sur la solde et le prestige de l'uniforme. Jason était hésitant car bien qu'elle fut dure avec lui, il aimait sa mère et ne voulait pas la laisser seule.
Le crépuscule tombant, nous allâmes tous nous coucher et malgré le bruit du tonnerre qui grondait, nous perçûmes des grognements sinistres et une créature hurler dans le noir. Des pas lourds résonnèrent autour du Red Rocket que Trudy avait pris soin de barricader pour la nuit.
Le lendemain, les averses avaient cessé même si les nuages étaient encore bien présents dans le ciel. Je fus la première à me réveiller, un rayon de soleil m'ayant chatouillé les yeux. Je m'approchai de la fenêtre et regardai à l'extérieur. Il semblait faire très humide. Dans l'aube naissante, la bioluminescence de la faune et de la flore radioactive donnait au paysage d'habitude si désolé, une beauté singulière mais féerique.
Mes yeux glissèrent vers le sous-bois où paissait une harde de chevreuils brillants dans la pénombre, et je restai quelques instants à admirer le magnifique cerf à la tête du troupeau. Malheureusement la lumière du jour qui grandissait fit disparaître la magnificence du panorama, le rendant à nouveau terne et triste. Je réveillai alors mes compagnons et nous rejoignîmes la partie restaurant du bâtiment où nous surprîmes Trudy et sa progéniture en grande conversation. Tout en préparant le petit déjeuner, la quadragénaire assurait à son fils que quelque soit sa décision, elle le soutiendrait et qu'elle était fière de lui.
Nous voyant arriver, elle fit du café tandis que Jason s'approchait de Sly en demandant si l'un d'entre nous avait du Fixer sur lui. Nous vîmes dans cette demande, un espoir de rédemption puisqu'il s'agissait d'un médicament pour soigner les effets de la dépendance. Aucun parmi nous n'ayant ce produit sur lui, Sly l'orienta vers l'infirmerie de Sheltertown et lui rédigea une lettre de recommandation à remettre au chef de la milice.
Pendant que nous déjeunions, Lucy montra à Trudy l’œuf qu'elle avait récupéré la veille. En le voyant, les yeux de notre hôte s'agrandirent comme des soucoupes. Elle ignorait de quelle espèce il pouvait s'agir mais nous mit en garde, un œuf de cette taille appartenait sûrement à un animal très dangereux.
Tandis que nous sirotions un bon café bien noir, Trudy décida de nous parler de ses activités liées à la caverne. Elle était persuadée qu'il s'agissait d'un ancien abri mais elle n'avait pas pu investiguer bien loin, les pillards ayant rapidement investis les lieux. Nous annonçâmes alors à Trudy notre intention de retourner fouiller la caverne. La mère de Jason n'était pas très à l'aise avec cette idée mais lorsque nous lui proposâmes de chercher la pile à fusion dont elle avait besoin, elle nous donna sa bénédiction. Si nous réussissions, elle envisageait même la possibilité de négocier l'utilisation de sa voiture.
Lorsque nous sortîmes du restoroute nous remarquâmes, non loin du bâtiment, l'empreinte tridactyle d'une énorme bestiole. Un griffemort rôdait dans les parages et vu la taille de la patte, il devait s'agir d'un mâle alpha ou d'une matriarche très énervée.
Une fois à l'intérieur de la caverne, nous vîmes que les cadavres laissés la veille avaient partiellement disparus. Sly Fu alluma sa lampe torche et ouvrit la voie. Il ne vit rien mais entendit un halètement. Sur le sol se voyait clairement des traînées de sang et en avançant un peu nous découvrîmes en chien, seul.
Comme il nous tournait le dos il ne nous vit pas arriver, sans doute était-il trop occupé à flairer l'hémoglobine qui imbibait le sol. Soudain le clebs se figea en position d'attaque, deux gros rataupes surgissant de la terre. Prenant pitié du pauvre animal qui risquait de finir dévoré, Sly visa une des sales bestioles lui explosant la patte avant tandis que Lucy blessait légèrement le second à la tête. John et moi fonçâmes à l'attaque mais nous ne pûmes empêcher les rataupes de mordre le chien. Une des horribles créatures se rapprocha du vieux loup de mer et de moi-même mais nous évitâmes sans mal son attaque. Le clébard voulut s'en prendre à celui qui l'avait mordu, sans résultat. Sly acheva alors le rataupe d'une balle dans la tête. Je pris pour cible celui à qui il manquait déjà une patte et lui décochai une flèche qui le blessa davantage sans toutefois en finir. Ce fut John qui nous en débarrassa en l'empalant sur son harpon.
À la fin du combat, le chien se tourna vers nous en grognant mais ne tenta rien contre nous jusqu'au moment où je tendis la main pour tenter de l'amadouer. Heureusement pour moi, je n'écopai que d'une blessure légère car il fut distrait par Long Fellow qui tenta de l’assommer. Furieux le clebs voulut me planter ses crocs dans le mollet mais Sly l'abattit avant qu'il n'y parvienne. Notre capitaine récupéra le petit foulard rouge que le quadrupède portait autour du cou puis dépeça les dépouilles animales obtenant ainsi trois morceaux de viande de chien et un de rataupe beaucoup moins appétissant.
En avançant plus loin dans les couloirs, nous pûmes voir qu'une des anfractuosités avait été barricadée. Il y avait pas mal d'empreintes de pas sur le sol et deux pièges à ours avaient été installés devant. Des grondements lointain se faisaient entendre et régulièrement une pluie de gravillons tombait du plafond. Nous continuâmes à avancer en nous orientant grâce à l'écho de voix au loin. Plus nous nous en approchâmes et plus les échos se firent clairs. Sly, qui ouvrait toujours la marche, repéra un petit tas de rocailles amoncelées de manière tout sauf naturelle. Au plafond, étaient accrochés des câbles et des lampes mais tout était éteint. Une pièce sur la droite semblait contenir de la machinerie. Nous nous en approchâmes, histoire que Lucy puisse y récupérer un peu de ferraille. Poursuivant plus avant son inspection, notre petit génie en science-tech mit la main sur une petite pelle de tranchée, quelques chiffons crasseux et de quoi se constituer une boîte à outils de fortune. Il y avait aussi une note manuscrite sur laquelle on pouvait lire :
Robert, j'ai changé la pile du moteur.
Ma petite protégée s’appropria au passage, trois anciennes bouteilles de whisky toujours scellées et en fouillant d'avantage elle trouva bien caché, l'équivalent de cent-une caps en monnaie de l'ancien monde. Tandis que Lucy farfouillait et que Sly couvrait ses arrières, John et moi inspectâmes discrètement le reste de la galerie. Au fond nous aperçûmes un type plutôt balèze, en train d'haranguer quatre de ses camarades. À la vue de l'excellent fusil qu'il tenait, nous comprîmes qu'il devait s'agir du chef de bande.
Avant de nous rejoindre en compagnie de Lucy, Sly vit sur le moteur un autre message :
Gérard, la pile ne fonctionne pas, je l'ai jetée dans le fond de la caverne.
Les raiders semblèrent vouloir bouger mais puisque nous ne savions pas très bien ce qu'ils avaient l'intention de faire, Sly visa le premier raider à sa portée, tira deux fois et le gars s'écroula mort. Je visai la tête d'un deuxième qui fut désorienté par la vilaine blessure au front que je lui infligeai.
Une petite barricade bloquait en partie de passage et John avança pour se planquer derrière. Un des hommes placé tout près attaqua alors Long Fellow à l'aide d'un tuyau plombé et le lui abattit sur le bras. Lucy fut elle aussi prise pour cible, deux coups de feu résonnèrent mais heureusement pour notre jeune amie, seule sa jambe droite fut touchée. Le leader du groupe de pilleurs était positionné en hauteur et il profita de son angle de tir pour viser John que la barricade ne protégeait pas totalement. Notre capitaine reçut une vilaine blessure.
Sly amocha légèrement un de nos assaillants pendant que Lucy préparait un cocktail Molotov en sacrifiant une des bouteilles de whisky. Elle l'envoya sur le chef mais rata sa cible. La bombe incendiaire s'écrasa au sol sans causer le moindre dommage. J'encochai une seconde flèche et tuai celui qui avait déjà reçut mon projectile précédent. Sly échappa à des blessures supplémentaires en évitant les tirs du leader et d'un de ses subordonnés, puis il riposta, tuant le raider mais ratant le boss. Le chef des bandits étant le plus coriace de nos adversaires, je le prit pour cible, l'égratignant à la tête. Bien que blessé, John parvint à embrocher son assaillant à l'aide de son harpon et Sly nous en débarrassa définitivement. Dans l'intervalle, je lacerai une deuxième fois le visage du chef de bande mais le bougre était encore debout. Bien décidé à avoir la peau de notre capitaine, il passa à l'attaque. Mais les blessures que je lui avais infligées l’empêchèrent de réussir son coup. John, lui, ne le rata pas et il s'écroula la jambe droite arrachée par le harpon bien aiguisé du vieux loup de mer.
Dans un coffre Sly Fu découvrit une armure en ferraille complète, septante balles de petits calibre ainsi qu'un écrin contenant un fusil à canon scié et une boîte de cartouche. John ramassa sur les corps un total de cinquante-sept caps et quarante-huit balles.
Alors que les hommes fouillaient la pièce où s'était déroulé le combat, Lucy et moi étions reparties déblayer les remblais aperçus plus tôt. Derrière, une petite décharge de piles usagées nous attendait. Après inspection, seule l'une d'entre elle fonctionnait toujours et nous l'emportâmes avec nous.
Maintenant que la caverne était sécurisée, nous pouvions rejoindre le Red Rocket et annoncer à Trudy la bonne nouvelle. Elle avait raison, il y avait bien l'entrée d'un abri. Comme nous ne possédions pas le matériel nécessaire pour l'ouvrir et que la porte était entourée d'eau radioactive, nous ne pûmes rien faire de plus. Mes compagnons ayant déjà pataugé dans des flaques de cette même eau durant le combat, il valait mieux ne pas tenter le diable. Il leur fallait éliminer les radiations au plus vite.
Sur le chemin du retour, nous entendîmes toujours les grognements perçus précédemment dans la caverne. Nous arrivâmes sans encombre chez Trudy qui nous attendait avec impatience.
- Alors ça y est ? Questionna-t-elle un peu fébrile lorsque nous franchîmes la porte.