La Loi du Plus Fort

Chapitre 8

Catégorie: M

Dernière mise à jour 12/08/2011 00:51

Chapitre 8

Sa respiration bruyante s'interrompit. Ses pupilles rétrécies par la panique se posèrent sur la porte, puis sur son patron qui lui lançait un regard effaré mais résolu.

Ses doigts moites s'enroulèrent lentement autour du manche du marteau… Son corps tendu poussa un grondement sourd.

Jamais il ne le laisserait passer devant… Jamais il ne le laisserait sortir de cette cage.

Lentement, il se releva et avança vers Hotch. Il remarqua aussitôt que ce fumier tenait fermement son fichu tournevis. Son visage déformé par la suspicion fut traversé par une expression aussi victorieuse qu'effrayante. Il le savait… Il l'avait toujours su. Ses théories s'avéraient donc exactes : son patron voulait le doubler ! Ce tournevis calé dans sa main… Il avait donc raison !

Il sourit douloureusement. Les muscles de son visage tressautèrent, figé dans un rictus épouvantable.

-Je le savais… Enfin… J'ai dix minutes… Pour vous tuer… Ou alors… Vous abandonnez… tout de suite…

Il fit quelques pas de plus, pendant que sa proie se relevait en tremblant. Elle avait toujours sa main gauche posée sur le tournevis.

Hotch était-il prêt à se battre ?

Morgan s'aperçut alors que l'homme le fixait. Il n'arrivait cependant pas à cerner ce qu'il lisait dans les yeux de son patron. Horreur, surprise ou peur ?

-Hotch… Vous allez perdre… Pas la peine de lutter.

Son patron était maintenant debout et parfaitement droit, devant lui. Ses yeux sombres sondaient les siens.

-Morgan. Nous ne sommes pas obligés d'en arriver là…

Derek était maintenant à un mètre de lui. Le regard perçant le fouillait mais n'accrochait aucune once de raison. Ses paroles n'avaient aucun impact : le Morgan de toujours n'était plus tout à fait là.

-Oh si… On doit… Je sais… tout…Je connais vos plans…

Son esprit fissuré de part en part, se murait derrière une haine implacable. Ses yeux aveuglés par la folie ne pouvaient voir en Hotch qu'un ennemi redoutable…

Aaron, lui, était calme. Dérisoirement calme. Ne voyait-il pas que ses ruses ne le trompaient pas ? Morgan savait que derrière son attitude amicale, il se réservait le droit de passer devant… Comme il l'avait fait pour Reid.

Il était sans pitié.

La douleur lancinante dans son poignet faisait écho à sa rage.

-Morgan. Je ne te trahirai pas… Il faut que tu te calmes…

Derek poussa un hurlement de rage : comment pouvait-il mentir de manière éhontée alors que ses plans étaient limpides ? Il serra les dents, pour contenir les pulsions meurtrières qui raidissaient ses muscles.

Un bourdonnement étrange parasitait ses oreilles. Il lui fallut quelques secondes pour comprendre qu'il s'agissait des battements de son propre cœur. Il tenta de recouvrer son calme.

-Menteur…

Hotch secoua doucement la tête.

-Je ne mens pas… Et puis… Morgan… Regarde-toi… Tu… tu es en plein délire. Tu n'es plus toi-même.

Derek en eut le souffle coupé… Comment osait-il le traiter de fou ? Il gronda encore et fondit brusquement sur l'homme qui lui faisait face. Celui-ci réussit à l'esquiver agilement et un impact sourd retentit dans la pièce. Un goût ferreux empli la bouche de Morgan. Sa tête tournait. Une brûlure se propageait sur ses avant-bras. La douleur au niveau de son poignet était à peine supportable. Derek gémit doucement.

Il était au sol.

Cet enfoiré l'avait mis au sol !

Oubliant qu'il s'était lui-même rué sur son patron, il sentit la colère croître. Elle phagocytait toutes ses pensées, sa légère lucidité.

Il se releva doucement, presque calme. Plus inquiétant dés lors que lorsqu'il avait laissé éclater sa rage.

Il se tourna lentement vers Hotch. Son visage était une coquille vide, sans expression. Seuls ses muscles palpitaient nerveusement sous sa peau. Ses membres fourmillaient et pendaient, raides, sur ses flancs.

-Je vais vous tuer.

L'homme en face de lui secoua à nouveau la tête.

-Morgan… Reviens… Tu peux le faire ! Ne te laisse pas submerger… Ce n'est pas toi ! Tu ne ferais jamais ça. Réveille-toi !

La rupture était totale. Les mots prononcés par son patron sonnaient creux ou comme des insultes perfides. Il ne comprenait pas ce qu'il disait, absent de ce corps guidé par des pulsions de survie et de haine. Tout lui semblait juste, normal… Un animal commandait son corps et se pliait aux lois naturelles pour ne pas périr…

Il restait impassible, bouillonnant à l'intérieur. Il s'avança vers son patron, inconscient du sang qui coulait sur ses doigts. Il ne ressentait même plus la douleur qui émanait autrefois de ses bras écorchés.

Il se jeta, sans autre forme de procès, sur cet ennemi, ce pourri qui voulait lui prendre sa place. Celui-ci ne put l'esquiver une seconde fois et se retrouva au sol, avec Derek sur lui. Hotch, en désespoir de cause, planta son tournevis dans le ventre de Morgan qui poussa un hoquet surpris. Il regarda, hébété, le sang ruisseler sur son t-shirt, passablement calmé. Ils restèrent ainsi quelques secondes. Hotch, horrifié et coincé sous le poids de Morgan, tremblait tandis que son agent, fasciné et hagard fixait la plaie béante.

Brusquement, Derek posa ses yeux déments sur son patron. Un frisson de haine plus violent encore remonta le long de son échine, réveillant ses membres paralysés d'effroi devant cette blessure.

-SALE TRAITRE !

Derek leva son marteau et l'abattit violemment sur le bras droit d'Hotch. Un hurlement fit vibrer la pièce. Avant qu'il n'ait pu mieux ajuster son coup et atteindre la tête, un poing s'abattit sur sa pommette. Sonné il tomba au sol. Aaron roula sur le côté, enfin dégagé de l'emprise de Morgan et tenta de se relever. Il poussa un cri lorsque que son bras blessé prit appuis sur le sol pour l'aider à se redresser.

Groggy, Derek secoua vivement la tête et balaya de regard la pièce pour ne pas perdre un seul instant sa proie des yeux. Hotch se tenait à quelques mètres, vacillant. Il essayait de reprendre ses esprits, lui aussi.

Morgan continua à l'observer, même s'il se trouvait à une certaine distance et qu'il ne semblait pas vouloir l'attaquer. Il gémit un peu. Un goût prononcé de sang titillait sa langue pâteuse. Il secoua encore la tête pour éloigner les vertiges et les nausées qui le submergeaient. Il fit fi de son malaise et, circonspect, examina sa blessure. C'était moins profond que ce qu'il ne pensait. Bien que sa colère soit toujours omniprésente, il se détendit un peu : il était toujours en état de se battre. Machinalement, il se releva et se tourna vers Hotch, accablé par la haine.

-Je… vais vous briser… une à une… vos sales pattes…

Son patron émit un sifflement rageur et grogna d'une voix rauque.

-Comme à Reid… Morgan ?

Sa phrase l'ébranla légèrement. Le visage de Spencer s'imposa à lui, durant une fraction de seconde… Ce visage torturé par ses soins. Il recula légèrement, frappé de plein fouet et gémit doucement.

Reid était mort par leur faute. Non… Par la faute d'Hotch, plutôt. Oui… surtout par sa faute… Il l'avait noyé, lui…

Il passa ses mains poisseuses de sang sur son crane rasé. Sa tête… Elle allait exploser. Hotch le manipulait pour survivre. Il devait le faire taire. Car il se trompait forcément. C'était irréel. Il n'avait pas fait de mal à Reid, lui… Jamais. Pas à son petit frère. Les souvenirs qui remontaient en lui n'étaient pas tangibles. Hotch… Hotch devait les avoir semés dans son crâne. Impossible autrement.

La voix maudite de son patron s'éleva encore :

-Tu veux me tuer… Avoir deux morts sur la conscience, Morgan ? Un seul, ça ne te suffit pas ? Reprends-toi ! On ne doit pas céder au monstre qui nous retient ici !

Il pressa ses mains ensanglantées sur ses oreilles.

-FERMEZ-LA !

Hotch le poussait dans ses retranchements.

-Non, je ne me tairai pas ! TU DOIS M'ECOUTER ! VEUX-TU AVOIR UN AUTRE MORT SUR LA CONSCIENCE ? C'EST CE QUE TU CHERCHES ?

Morgan pleurait. Son crâne paraissait trop petit pour tous les sentiments et les souvenirs horribles qui remontaient. Il hoqueta de douleur. Il devait le faire taire définitivement. Ses remparts, sa protection, sa folie allait éclater. Sa tête implosait.

S'il voulait survivre, il fallait oublier le passé. Oublier Reid. Il ne lui avait rien fait… Qu'Hotch se taise… C'était lui, l'assassin, le bourreau et le manipulateur…

Oui, un putain de manipulateur !

Soudain, avant même de s'en rendre compte, il s'élança le poing levé vers Hotch. Son patron eut juste le temps de tourner la tête. Le marteau cogna violemment son épaule gauche. La douleur résonna dans le poignet de Morgan et tous deux hurlèrent. Hotch s'effondra. Derek ne s'arrêta pas pour autant. Transporté par la folie et la colère, il frappa, encore et encore. Du marteau, de ses poings… Il entendait des hurlements, sans savoir s'il les poussait lui-même ou s'il s'agissait de ceux d'Hotch. La douleur sourde qui le consumait semblait intarissable. Il abattit encore son poing et tomba au sol. Une douleur avait transpercé son mollet gauche. Mais même à terre, il frappait encore. Souvent à côté, aveuglé par ses souffrances.

Il souhaitait juste qu'il se taise.


Le marteau s'abattit à côté de son visage ensanglanté. Impossible de dire si ce sang lui appartenait ou non… Son corps entier n'était que douleurs. Il luttait comme il le pouvait, tendant des bras brisés pour repousser les coups qui tombaient telle une pluie écarlate sur lui, encore et encore. Heureusement, Morgan le ratait assez souvent et n'avait pas encore réussi à atteindre son crâne. De son côté, à plusieurs reprises, il avait planté le tournevis dans les bras de son agent, dans ses mollets, aussi… Le manche entre ses doigts en était devenu glissant.

Hotch gémit violemment et poussa un cri plaintif quand le marteau heurta à nouveau son épaule qui craqua lugubrement. Il arrivait à peine à lever les bras. Il frappa à son tour à l'aveuglette. Un voile rouge recouvrit ses yeux. Il secoua la tête et sentit le marteau cogner le sol à quelques centimètres de son oreille. Il essaya encore de frapper Morgan au visage à l'aide du manche. Un bruit mat lui prouva qu'il avait touché quelque chose. Il reçut en retour un coup de poing dans le ventre. Son souffle se brisa net. Il étouffait. Il ne voyait presque rien. Il voulait hurler, mais ses poumons étaient vides d'air.

Il envoya encore le manche dans le visage de Morgan. Celui-ci s'écrasa sur le nez de son assaillant qui recula légèrement. Hotch, retrouvant brusquement son souffle et une légère mobilité, en profita pour dégager une de ses jambes et l'envoyer dans le visage de Derek. Le brouillard rouge masquait toujours en partie sa vue, mais il entraperçut le corps lourd de son agresseur tomber en arrière. Paniqué, il tenta de s'éloigner, mais il avait l'impression d'avoir des poignards enfoncés dans le torse, dans les bras… et dans les mains.

Il se traîna un peu, utilisant ses jambes pour se propulser loin de Morgan qui émettait des borborygmes inquiétants.

Il espérait l'avoir sonné pour un moment… Il se contorsionna un peu pour s'éloigner de lui, en se mordant la joue pour ne pas crier. Il avait tellement mal. Sa tête tournait de plus en plus. Son bras droit semblait être le plus touché : il avait, après tout, encaissé la plupart des coups. Chaque vibration de l'air se répercutait en lui, chaque frottement était un calvaire, chaque mouvement une torture.

Il éclata en sanglots. En pleurs, il s'appuya péniblement sur son bras gauche pour se relever et s'assit. Il se frotta les yeux avec son poignet afin de recouvrer la vue. Morgan était à quatre mètres de lui et se tenait fermement le nez. Il pissait le sang…

Assez pour s'évanouir?

Il rêvait d'un répit, d'une trêve… Ou mieux, de la fin du combat. Il n'en pouvait plus. Sa respiration était sifflante, douloureuse. Sa cage thoracique semblait s'enfoncer dans ses poumons à chaque inspiration. Il était au bord de la syncope.

Et il savait que Morgan, le fou, la bête, le monstre, allait l'achever s'il sombrait dans l'inconscience.

Il tenta de se battre contre les ténèbres qui fondaient sur lui, tels des oiseaux de proie… mais son poing desserra son étreinte et le tournevis glissa entre ses doigts. Il gémit péniblement… Un voile noir traversa ses yeux, occultant un instant leur étrange champ de bataille délimité par une porte et des barreaux.

Il devait pourtant lutter.

Il secoua la tête en vain et remarqua que Morgan venait de se relever. Il était méconnaissable, défiguré par la haine, couvert de sang et de plaies plus ou moins profondes… En claudiquant, il avança vers lui. Il trébuchait à chaque pas, mais rien ne semblait plus pouvoir l'arrêter, pas même la douleur... Son bourreau s'arrêta enfin à quelques centimètres de lui.

-J'ai gagné…

La fierté se lisait dans ses yeux fous. Brusquement, son poing se leva et s'abattit sur la pommette d'Hotch qui retomba à terre. Sa tête heurta le sol dur. Ses dents claquèrent violemment.

Le voile noir tomba tout à fait.


Sa respiration haletante se calma lentement devant le corps inerte. Plus de ruses… Plus de voix… Il s'était enfin tu.

Et Morgan avait gagné.

Il gloussa bizarrement et se laissa tomber à terre, parcouru par cet étrange rire. Il resta un long moment ainsi, frissonnant de folie. Soudain, un grincement sinistre attira son attention.

La porte était ouverte.

Il rit encore plus fort, transporté par la joie absurde de sa « victoire ». Il ne sentait toujours pas ses blessures… De toute manière, aucune d'entre elles n'était mortelle. Aucune artère touchée… Juste des muscles et de la chair déchirée.

Il pourrait y survivre.

Cependant, il se pencha vers sa victime et la dépouilla de sa chemise humide de sang. Il la déchira et commença à bander les blessures les plus inquiétantes, sans se départir d'un rictus effrayant.

Une fois ses plaies pansées, il se releva doucement et se dirigea en titubant vers la sortie. C'est sans une once de regret qu'il passa cette ouverture, laissant Hotch dans la cage. Il se trouvait dans le reste de la pièce qui était divisée en deux parties, par les barreaux. Il aperçut rapidement deux portes… L'une, en face de lui, ouverte et l'autre, sur sa droite, rouillée et toujours close.

Incapable d'aligner des pensées rationnelles ou de se poser des questions, il s'engouffra dans la première qui donnait sur un couloir obscur. Il la referma derrière lui.

Un déclic lui apprit qu'il ne reverrait plus jamais Hotch.

Ce manipulateur de merde.

Il avait donc gagné… C'était la liberté qui l'attendait après ce couloir sombre, il en était persuadé. Un rire étouffé secoua sa poitrine, faisant perler le sang sous ses grossiers bandages.

C'était la fin du cauchemar…

A suivre…

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