Le Dragon Noir
Immanence
Roran était fatigué. Cela faisait une semaine qu'il passait presque sans dormir, à lancer des raids le jour, et à se défendre contre des raids la nuit. Il inspecta des yeux le campement forestier dans lequel son groupe était installé.
Cent hommes. C'était la taille du groupe qu'il menait dorénavant au combat. Ça aurait du lui faire plaisir, pourtant. Il avait prit ça comme un grand honneur au début. Mais on ne peut pas mener cent cinquante soldats fiers à bras comme on en mènerai vingt. Nasuada l'avait, en personne, chargé de couper le chemin à toute caravane d'approvisionnement qui aurait pu passer par la route entre Uru'Baen et Dras-Leona. Rapidement, cependant, le premier problème auquel il avait du faire front était le manque de discipline flagrant de sa compagnie. Après quelques différents réglés par diplomatie, ou à grands coup sur le casque, un autre problème, plus grave, apparu : l'Empire avait de, toute évidence, identifié le meneur du groupe, et, continuant dans sa politique de pression sur Eragon, avait tenté de capturer le jeune officier. Attaqués par surprise, en pleine nuit, les Vardens avaient commencés à tomber comme des mouches, sans savoir d'où venait l'ennemi, avant que Carn, le magicien du groupe, ne parvienne à éclairer le champs de bataille, et que le magicien ennemi ne se prenne une flèche perdue. La lutte avait ensuite tournée à l'avantage des Vardens, qui en étaient finalement sortis vainqueurs, au prix d'une trentaine des leurs. Dans la semaine qui suivit, plus d'une vingtaine étaient partis rejoindre leurs ancêtres, parfois en défendant leurs camps, parfois en attaquant les convois de nourriture, lourdement escortés par des mercenaires, toujours de manière violente et sanglante.
Puis, la veille, avertis par des éclaireurs de l'arrivée d'un groupe de soldats cinq fois supérieur en nombre, ils avaient dû battre en retraite et se dissimuler dans une forêt, très dense. Ils s'y étaient enfoncés de nuit, et, rapidement, il apparut que personne ne savait où ils se trouvaient exactement. Les éclaireurs, partis en fin d'après-midi, n'avaient pas encore donnés signes de vie, alors que l'aurore pointait déjà.
Les réflexions du chef furent interrompues par un tumulte à l'extérieur de sa tente. Il attrapa son marteau et sorti. Un groupe de soldat rouaient d'insultes un jeune homme, brun, aux yeux noirs, couvert de boue et habillé de loques. Carn, qui lui servait aussi d'aide de camp et de confident, rejoignit Roran alors qu'il se rapprochait du groupe, et lui fit un rapport succinct.
"Ils l'ont capturés près du camp, au nord. Apparemment, ils pensent qu'il est un espion de l'Empire. Ça ne m'étonnerai pas trop.
- Pourquoi ? Ils savent encore moins que nous où le camp se situe exactement. Et puis, d'habitude, ils envoient des soldats aguerris nous espionner, parfois des magiciens, jamais des paysans. De plus, on n'a encore jamais réussi à en capturer un vivant, ils se sont tous suicidés avant.
- Pourtant, je ne peux pas lire ses pensées. Elles sont dissimulées derrière un mur d'acier. Il a dû recevoir un enseignement intensif et très efficace.
- Ou un don, et il se protège par réflexe. Eragon m'a dit l'autre jour qu'il était possible que, soumis à des situations extrême, quelqu'un qui possèderait des aptitudes à la magie les utiliserait par réflexe."
Ils étaient maintenant à quelques pas du groupe.
"C'est particulier, il se base sur son propre cas. C'est comme ca que lui-même a découvert la magie, mais rappelle toi que son premier sort à failli le tuer, et pourtant, c'est un Dragonnier. Imagine avec simple mortel ! Et puis, là on ne parle pas de capacités magiques, mais de défenses de l'esprit. C'est encore différent. Ce n'est inné que chez les elfes."
Roran soupira. Il avait toujours du mal à suivre son cousin, Arya ou même Carn dans les discutions sur la magie. A croire qu'il y était totalement allergique. D'une voix forte, il astreignit ses soldats au silence.
"Taisez-vous ! Laissez moi l'interroger avant d'essayer de le lapider ! Personne ne vous a appris les bonnes manières ?"
Sortant de la foule, il s'accroupit devant le prisonnier, assis contre un poteau auquel il était attaché.
"Vous inquiétez pas, chef, on l'a déjà interrogé ! C'est un espion, c'est sur !"
Roran releva la tête vers le soldat qui venait de parler, et le cloua sur place d'un regard de glace.
"T'as réussi à l'interroger avec un bâillon ? T'es doué, toi, dis-donc."
Et il enleva le bâillon.
Cent hommes. C'était la taille du groupe qu'il menait dorénavant au combat. Ça aurait du lui faire plaisir, pourtant. Il avait prit ça comme un grand honneur au début. Mais on ne peut pas mener cent cinquante soldats fiers à bras comme on en mènerai vingt. Nasuada l'avait, en personne, chargé de couper le chemin à toute caravane d'approvisionnement qui aurait pu passer par la route entre Uru'Baen et Dras-Leona. Rapidement, cependant, le premier problème auquel il avait du faire front était le manque de discipline flagrant de sa compagnie. Après quelques différents réglés par diplomatie, ou à grands coup sur le casque, un autre problème, plus grave, apparu : l'Empire avait de, toute évidence, identifié le meneur du groupe, et, continuant dans sa politique de pression sur Eragon, avait tenté de capturer le jeune officier. Attaqués par surprise, en pleine nuit, les Vardens avaient commencés à tomber comme des mouches, sans savoir d'où venait l'ennemi, avant que Carn, le magicien du groupe, ne parvienne à éclairer le champs de bataille, et que le magicien ennemi ne se prenne une flèche perdue. La lutte avait ensuite tournée à l'avantage des Vardens, qui en étaient finalement sortis vainqueurs, au prix d'une trentaine des leurs. Dans la semaine qui suivit, plus d'une vingtaine étaient partis rejoindre leurs ancêtres, parfois en défendant leurs camps, parfois en attaquant les convois de nourriture, lourdement escortés par des mercenaires, toujours de manière violente et sanglante.
Puis, la veille, avertis par des éclaireurs de l'arrivée d'un groupe de soldats cinq fois supérieur en nombre, ils avaient dû battre en retraite et se dissimuler dans une forêt, très dense. Ils s'y étaient enfoncés de nuit, et, rapidement, il apparut que personne ne savait où ils se trouvaient exactement. Les éclaireurs, partis en fin d'après-midi, n'avaient pas encore donnés signes de vie, alors que l'aurore pointait déjà.
Les réflexions du chef furent interrompues par un tumulte à l'extérieur de sa tente. Il attrapa son marteau et sorti. Un groupe de soldat rouaient d'insultes un jeune homme, brun, aux yeux noirs, couvert de boue et habillé de loques. Carn, qui lui servait aussi d'aide de camp et de confident, rejoignit Roran alors qu'il se rapprochait du groupe, et lui fit un rapport succinct.
"Ils l'ont capturés près du camp, au nord. Apparemment, ils pensent qu'il est un espion de l'Empire. Ça ne m'étonnerai pas trop.
- Pourquoi ? Ils savent encore moins que nous où le camp se situe exactement. Et puis, d'habitude, ils envoient des soldats aguerris nous espionner, parfois des magiciens, jamais des paysans. De plus, on n'a encore jamais réussi à en capturer un vivant, ils se sont tous suicidés avant.
- Pourtant, je ne peux pas lire ses pensées. Elles sont dissimulées derrière un mur d'acier. Il a dû recevoir un enseignement intensif et très efficace.
- Ou un don, et il se protège par réflexe. Eragon m'a dit l'autre jour qu'il était possible que, soumis à des situations extrême, quelqu'un qui possèderait des aptitudes à la magie les utiliserait par réflexe."
Ils étaient maintenant à quelques pas du groupe.
"C'est particulier, il se base sur son propre cas. C'est comme ca que lui-même a découvert la magie, mais rappelle toi que son premier sort à failli le tuer, et pourtant, c'est un Dragonnier. Imagine avec simple mortel ! Et puis, là on ne parle pas de capacités magiques, mais de défenses de l'esprit. C'est encore différent. Ce n'est inné que chez les elfes."
Roran soupira. Il avait toujours du mal à suivre son cousin, Arya ou même Carn dans les discutions sur la magie. A croire qu'il y était totalement allergique. D'une voix forte, il astreignit ses soldats au silence.
"Taisez-vous ! Laissez moi l'interroger avant d'essayer de le lapider ! Personne ne vous a appris les bonnes manières ?"
Sortant de la foule, il s'accroupit devant le prisonnier, assis contre un poteau auquel il était attaché.
"Vous inquiétez pas, chef, on l'a déjà interrogé ! C'est un espion, c'est sur !"
Roran releva la tête vers le soldat qui venait de parler, et le cloua sur place d'un regard de glace.
"T'as réussi à l'interroger avec un bâillon ? T'es doué, toi, dis-donc."
Et il enleva le bâillon.
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Noven avait fini par trouver les Vardens. Pour être exact, c'était eux qui l'avaient trouvé. Leur accueil s'était manifesté par un filet sorti de nul part, le clouant au sol, tandis qu'une demi-douzaine de soldats lui sautait dessus pour le ligoter. Les soldats portaient des tuniques de cuir souple, rendues vertes par la végétation. L'absence de pourpre fit de prime penser au jeune homme qu'il avait à faire aux mythiques Vardens. La réplique cinglante qui précéda son bâillonage lorsqu'il ouvrit la bouche fut, là encore, sans équivoque.
"Ta gueule, chien de l'Empire !"
Noven s'était ensuite vu trainé en direction d'un vaste campement, apte à contenir une centaine d'hommes, au moins. Machinalement, et sans savoir pourquoi, il nota qu'aucun blason n'apparaissait nul part, signe que la compagnie n'était pas dirigée par un noble. Puis, on l'avait saucissonné contre un poteau, en position assise, et le bruit de la capture s'était répandue à travers la clairière comme une trainée de poudre. Alors qu'il commençait à se demander si il n'allait pas mourir étripé par les gens qu'il voulait aider, un homme, un marteau arrivé à la ceinture, fit taire la foule, et s'accroupit devant lui pour se mettre au niveau de ses yeux. Un soldat lança une phrase que Noven n'entendit pas. La réponse de l'officier fut sèche, puis il lui enleva le bâillon.
"Pardonne mes hommes, ils sont un peu nerveux. Comment tu t'appelles ? Et qu'est-ce que tu fais là ?"
Noven fit jouer ses mâchoires, toisa son interlocuteur, le jugea digne de confiance, et répondit :
"Je m'appelle Noven. Je cherchais les Vardens. Je crois que je les ais trouvés."
Roran éclata d'un rire franc, et tous les soldats à sa suite.
"On peut pas t'accuser de manquer de franchise, toi ! Qu'est-ce qui te dit que on est des Vardens, et pas une compagnie de soldats impériaux ?"
Ce fut au tour de Noven de rire.
"Excusez-moi, mais des Impériaux qui perdent du temps à questionner des paysans, qui ne portent pas de tuniques, qui n'ont aucun blason, et qui sont pas ivres morts au petit matin, je ne pense pas que ça existe."
La voix de Carn résonna dans la tête de Roran :
"Fait gaffe. Un simple paysan, qui connait si bien l'armée Impériale ?
- C'est peut-être un déserteur, qui a voulu changer de camp."
L'officier reprit la parole :
"Supposons que nous sommes des Vardens. Pourquoi tu voulais nous trouver ? Qu'est-ce qui nous prouve que tu n'es pas un espion ?
- S'être fait massacrer toute sa famille par une troupe de ces ivrognes d'Impériaux, parce qu'on a empêché le viol de sa sœur, c'est une raison suffisante ?"
Plusieurs soldats blêmirent, alors que les douloureuses raisons de leur propre engagement leur revenait à l'esprit.
"Essaye de savoir pour ses pouvoirs. Reste prudent, ne sois pas trop direct, sinon tu risque de lui faire peur. Auquel cas, vu ses défenses, je ne pourrais rien faire.
- Pourquoi tu protège ton esprit comme ça ?"
- Bravo ! Je suis SUR qu'il est IMPOSSIBLE de faire plus direct comme question."
Noven resta silencieux. Après un moment, il répondit, d'une voix lente :
"Je... ne sais absolument pas. Je ne savais même pas que j'avais des défenses. Mais..."
Il s'arrêta, alors qu'un déclic s'effectuait dans son esprit.
"...mais il est possible que sache faire de ... je sais pas comment vous appelez ça. De la magie ?"
Un murmure parcouru l'assistance. Roran leva un sourcil de surprise. Carn se mit à prier et à passer mentalement ses sorts offensifs en revue.
"De la magie ? Ça c'est manifesté comment ? Ça n'a peut-être rien à voir.
- Ça s'est manifesté une... non, deux fois récemment. La première fois, alors que je défendais ma sœur. J'avais commencé à attaquer les soldats normalement, je veux dire, à coup de branche et de couteau, quoi, et je me suis retrouvé à terre en train de me faire tabasser. Et puis... je me suis réveillé le lendemain matin, chez moi. Et j'ai entendu mon père dire qu'il avait retrouvé les soldats en partie carbonisés. Et que c'était pas naturel."
Noven s'arrêta de nouveau, alors que les souvenirs douloureux et sa haine pour l'empire remontaient.
"C'est plausible, mais un sort de cette puissance tuerai un novice à coup sur. Regarde ton cousin, il n'y avait que deux Urgals dans son cas."
D'un geste de la main, Roran - qui remarqua soudain que le jeune homme devait avoir quelques années de plus que lui - l'encouragea à continuer.
"Ensuite... c'était quand je me suis fait poursuivre par les soldats, tout à l'heure. Je venais de courir à fond de train et de sauter du haut d'une falaise dans l'eau, et j'étais mort de fatigue. Tout à coup, je me suis senti... revigoré. En pleine forme. Et j'ai pu courir ensuite plus d'une lieue sans m'arrêter. Je sais, c'est débile, mais je ne vois pas d'explication à ce... phénomène.
- Ça, par contre, c'est pas possible. Il aurait du tirer de l'énergie de quelque part - une autre personne qui lui donne, ou une gemme, comme Eragon avec son épée.
- Carn, soit gentil, arrête de toujours tout ramener à mon cousin. Je sais que tu es son plus grand admirateur et que tu compte le demander en mariage, mais arrête de parler de lui."
Vexé et offensé, le magicien coupa le contact. Roran soupira, et continua son interrogatoire, avec un air goguenard. Ce gringalet bouseux, un magicien ?
"Ça va poser quelques petits problèmes ton histoire. Parce que, tu vois, l'énergie doit sortir de quelque part. A tout hasard, tu n'aurais pas une diamant, une émeraude, un saphir ou toute autre gemme capable d'emmagasiner de l'énergie ? On sait jamais..."
Noven ne mordit pas à l'hameçon. Insulter copieusement un officier, alors qu'il est entouré de soldats armés, et que l'on est soi-même attaché à un poteau, n'est pas recommandé pour la santé. Ravalant sa fierté, un détail de la journée lui revint en mémoire. Et si...
"J'ai un pendentif avec une pierre. Du cristal je crois. Ça peut influer ?"
Dubitatif, Roran tendit la main vers l'objet en question. Un fouet claqua, et il retira vivement sa main en étouffant un cri. Après avoir retenu une douzaine de soldats partis pour étriper le propriétaire de la pierre, il prit la parole.
"Carn. Examine moi cet cailloux.
- Roran, ca va ? Montre moi ta main."
Inquiet pour sa pérennité, Noven constata que le bout des doigt de l'officier - Roran, puisque tel semblait être son nom - était brulés. Puis, passant de la surprise à la stupéfaction, vit les brulures disparaitre alors qu'une lumière blanche s'échappait des mains de Carn.
Le magicien s'approcha ensuite de la pierre. Sans la toucher, il la sonda sous toutes les coutures, puis fit son rapport à haute voix, en s'adressant d'abord à Noven :
"Tu sais de quelle matière est la pierre ?
- Euh, du cristal je pense. Peut-être du quartz. Je ne m'y connais pas trop en cailloux."
Carn se releva, et prit un air triomphant, préparant sa révélation fracassante avec la maitrise d'un artiste.
"Perdu ! Ce caillou, comme tu dis, a plus de valeur que les possessions personnelles de tous les soldats ici. C'est un diamant pur !"
Un murmure avide parcouru l'assistance.
"Mais, il y a plus important."
Le magicien se tut, laissant un peu monter la pression. Le murmure devint grondement. Plus important qu'un diamant pur gros comme un demi-poing ?
"Ce diamant est chargé d'assez d'énergie pour raser une ville de bonne taille, et d'assez de sorts pour tuer un magicien confirmé qui essayerai de l'utiliser à la place de son propriétaire. Et, de toute évidence, il a aussi des sorts pour le protéger."
Surprenant tout le monde, Carn sortit une dague de sa tunique et la planta dans Noven. Roran se jeta sur le magicien, mais fut interrompu à mi-course par un phénomène étrange :
Là où la dague aurait dû se planter, il n'y avait... rien. La tunique, et la peau derrière, étaient intactes. Plus étrange encore, la lame de la dague s'était brisée, dans le sens de la longueur. Carn, en se secouant la main qui avait tenu la dague, éclata de rire en voyant la stupéfaction des les Vardens autour de lui.
"Je crois que, si vous aviez essayé de le tuer tout à l'heure, vous auriez eu quelques difficultés. Il est tout simplement virtuellement immortel ! Il faudrait une puissance colossale pour percer son bouclier - Eragon, par exemple, ou les elfes. Et je n'arrive pas à croire que malgré tout, il ne contrôle rien du tout ! Encore pire, il ignore jusqu'à la nature d'une chose qu'il doit avoir depuis des années !"
A leur tour, Noven et Roran éclatèrent d'un rire nerveux.
"Même si on le voulait, on ne pourrait pas le tuer.
- Tu propose quoi ? Tu le crois toujours dangereux ?
- On est tous dangereux.
- Tu sais ce que je veux dire, ne fait pas l'idiot.
- Pardon. Je ne pense vraiment pas qu'il puisse contrôler son bijou. Ni qu'il soit magicien, d'ailleurs. Je pense que c'est un héritage, ou un cadeau, quelque chose du genre.
- Donc, tu propose de le prendre avec nous ?
- Je ne suis pas sur que l'on ait le choix, de toute façon."
Roran sorti sa dague, et s'approcha de Noven. Et, à la surprise du reste de la compagnie, le détacha.
"Carn, explique-leur. Je ne veux pas risque un accident."
Puis, s'adressant à jeune homme qui s'était relevé et massait maintenant ses poignets :
"Allez, viens, je vais te montrer ton nouveau chez-toi."
Il commença à s'éloigner vers le centre du campement, puis lança par-dessus son épaule :
"Au fait. Bienvenu chez les Vardens !"
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Roran avait assigné à sa nouvelle recrue une tente et du matériel, qui avaient autrefois appartenu à un fantassin fraichement décédé, puis l'avait conduit dans ses quartiers.
"Rentre, et assieds-toi. Tu connais l'histoire générale de l'Empire, et celle des Vardens ?
- Uniquement ce que j'ai entendu par les ragots et rumeurs. C'est vrai qu'il y a un nouveau dragonnier, de notre coté en plus ?
- Oui. Mais laisse moi tout te résumer depuis l'accession au pouvoir de Galbatorix.
Il y a maintenant plus d'un siècle, et pendant des millénaires, l'Alagaësia était dirigée par les Dragonniers. Ils étaient puissants, et leur ordre prônait la justice pour tous. Leur statut et leur puissance leur permettait de remplir ces devoirs, aussi, le continent était prospère, beaucoup plus qu'aujourd'hui.
Un jour, Galbatorix a, par inconscience, perdu son dragon. Il faut que tu comprennes que les dragons sont plus que des montures : il se crée un lien très puissant entre eux et leur Dragonnier. En outre, ils ne sont pas des animaux, et sont même en général plus intelligents que les hommes.
Donc, Galbatorix a vu sa dragonne se faire tuer sous ses yeux. La douleur l'a rendu fou, et l'a finalement poussé au meurtre. Après un exil de plusieurs années, il est revenu, et, avec l'aide d'un Dragonnier traitre, Morzan, a volé un œuf de dragon, et l'a fait éclore dans un lieu isolé. Il utilisa aussi de la magie noire pour établir un lien artificiel entre eux, et, une fois son nouvel allié adulte, Galbatorix et Morzan revinrent défier les dragonniers.
Ensuite, je ne sais pas comment ils ont fait, mais les deux traitres sont parvenus à tuer un grand nombre de Dragonnier, et, ainsi, acquérir plus de puissance, ce qui les a finalement permis de prendre le pouvoir, avec l'aide de douze autres dragonniers traitres, les Parjures.
Mais tous les anciens Dragonniers n'étaient pas mort. Un elfe, Oromis, blessé, avait survécu dans la foret de Du Weldenvarden, avec les autres de sa race, pour enseigner son savoir à la prochaine génération de dragonnier. Son existence était tenue secrète jusqu'à peu, mais il est malheureusement mort dans un combat contre l'Empire, il y a à peine quelques semaines.
Un second Dragonnier avait survécu, mais sa dragonne avait été tuée. Il s'appelait Brom. Lui était humain, et, fou de rage contre l'Empire, il a formé un groupe de résistants, les Vardens, et a activement contribué à la mort des Parjures. Grâce à lui, Galbatorix est seul. Mieux encore, il a eu un fils, Eragon, qui a pris la relève et est devenu le premier Dragonnier depuis plus d'un siècle.
- Donc, il y a un Dragonnier de chaque coté maintenant ? Galbatorix et Eragon ?
- C'est ce que l'on croyait il y a encore quelques mois. Mais un ami d'Eragon, Murtagh - entre autre le fils de Morzan, bien qu'il ait toujours haïe son père - a changé de camp, et, apparemment, un des deux œufs que Galbatorix avait en sa possession a éclot pour lui. Le coté positif, c'est que du coup seul Murtagh se déplace et va à l'encontre des Vardens, pour tenter de capturer Eragon. Le coté négatif, c'est que le roi a donné par magie à son vassal des pouvoirs très, très importants, que Eragon n'a pas. Il ne se sont affrontés que deux fois, et il s'en est souvent fallu de très peu pour que notre seul atout se fasse capturer. De plus, il semblerait que le roi puisse directement contrôler son dragonnier depuis son château d'Uru'Baen.
- Pourquoi cherchent-ils a le capturer ? Le tuer ne serait pas plus simple ?
- En fait, Saphira - la dragonne d'Eragon - est la seule dragon femelle restante en Alagaësia. Galbatorix n'est pas complètement fou, il sait ce qu'une nouvelle génération à sa botte peut lui apporter - et tous les ennuis qu'elle peut générer, si les nouveaux Dragonniers sont contre lui.
- Je vois. Si j'ai bien suivit, il reste donc un seul œuf de dragon, et c'est l'Empire qui l'a. Et il faut le récupérer avant qu'il éclose.
- Ce qui peut se passer demain comme dans un siècle. Donc le plus tôt sera le mieux.
Maintenant, je vais te parler des Vardens. Ils ont été fondés par Brom après la Chute. Les opposants à l'Empire ne souhaitant pas se battre ont fait sécession, et ont fondé le royaume de Surda. Les autres ont prit le nom de Vardens, et ont été hébergés par les Nains dans leur cité de Farthen Dur. De là, ils ont organisés des attentats contre l'Empire, provoquant la mort de tous les Parjures. Depuis la mort de Morzan, chaque opération a cependant eu pour seul effet d'énerver un peu plus le roi.
L'arrivée d'Eragon a été la cerise sur le gâteau. Peu de temps après son arrivée à Farthen Dur, l'Empire a lancé un gigantesque assaut souterrain, grâce à la corruption de plusieurs tribus Urgales, menées par un Ombre nommé Durza. Miraculeusement, Eragon a réussi à le tuer, libérant les différentes factions Urgales de son emprise magique. Et, comme elles ne s'aiment pas trop, l'armée mercenaire Impériale s'est rapidement entre-tuée.
Puis, juste après la victoire, deux traitres Vardens, magiciens, ont tués Ajihad, le chef de la rébellion, et enlevé Murtagh. Tout le monde le pensait mort à l'époque, la réalité s'est avérée bien pire.
La succession des Vardens a été prise par Nasuada, la fille d'Ajihad. Actuellement, elle est encore notre chef.
- Tu veux dire que c'est une femme qui dirige la rébellion ?"
Roran regarda Noven de travers.
"Pourquoi, tu pense que, parce que c'est une femme, elle n'est pas compétente ?
- Non, pas vraiment. C'est surtout que c'est un monde rempli d'hommes : l'armée, les rois, les seuls Dragonniers restants... Ça doit être difficile pour elle.
- Détrompe toi. Son apparente faiblesse s'est révélée être un atout. Le roi l'a sous-estimée, ainsi que le Conseil, qui comptait l'utiliser comme homme de paille - si je peux utiliser l'expression - pour régner sur la rébellion. De plus, elle n'est pas la seule dirigeante femme en ce monde : les elfes sont menée par une reine, Islanzadí. Chez eux, la parité est un concept bien ancré.
- Donc, Nasuada dirige les Vardens. Mais Eragon doit avoir un important poids politique, non ?
- Tout a fait, c'est pourquoi elle s'est empressée d'en faire son vassal dès qu'elle a prit le pouvoir. Heureusement, d'ailleurs, car il n'a pas du tout la carrure d'un dirigeant. Son parcours est, jusque là, parsemé d'erreurs.
- Je ne pense pas qu'il soit très prudent de médire une personne aussi influente et puissante... J'ai connu des gens qui se sont fait assassiner dans leur lit pour avoir simplement protesté contre le prix du pain, dans mon village.
- Aucune chance qu'Eragon me fasse quoi que ce soit. Je l'assommerai avant.
- Ça m'étonnerai qu'il se laisse faire. Vous n'avez pas élevé les poules ensemble.
- Pas les poules, non. Par contre, planter et écosser des légumes, ça on l'a fait ensemble. C'est mon cousin."
Un ange passa.
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"Il se bat bien ce con, quand même !"
Inévitablement, plus tard dans la journée, trois Vardens avaient défié ses ordres, et attaqués directement la jeune recrue. Plus que pour sa sécurité (il avait confiance en l'analyse de Carn sur les pouvoirs de la pierre), il craignait pour celle de ses autres soldats, qui, eux, était totalement vulnérable. Il eut cependant l'agréable surprise de voir de Noven, rassuré par son bouclier magique, prendre des risques pour désarmer ses hommes sans les blesser. Il dut néanmoins intervenir lorsque d'autres soldats arriver pour supporter leurs compagnons. Alors qu'il invectivait les protagonistes de rengainer leurs épées, une corne sonna. Rapidement suivie d'une autre, et d'une pluie de flèches.
"ON NOUS ATTAQUE !"
La suite fut une mêlée indescriptible, dans laquelle on pouvait parfois distinguer un marteau voler, une tunique rouge s'effondrer, ou encore une diamant briller de tout feux.
Miraculeusement, la troupe Impériale n'était qu'un groupe d'une l'avant-garde, les Vardens purent donc les repousser sans trop de peine ni de pertes. Au milieu de la poussière du combat, ils purent voir un Noven déchainé, frappant à l'épée, puis à la hache de bataille tous les armures frappées du blason impérial qui passait à proximité. Il devint alors évident aux yeux de tous que, en plus d'être théoriquement inexpugnable, la nouvelle recrue pouvait se changer en brute assoiffée de sang, sans pitié ni aucune hésitation. On évita depuis ce jour-là de lui chercher des crosses, et de se retrouver à sa portée lorsqu'il s'énervait.
Vers midi, les blessés ramassés et la soupe servie, Roran ordonna la levée du camp. La position n'était plus tenable, la troupe allait devoir rentrer à la base et signaler d'importants mouvements de troupes dans le secteur. Il fallut plusieurs heures pour tout replier, puis la compagnie se mit en route, en direction du sud, où le gros des troupes se trouvait.
A la fin de la journée, ils avaient parcouru presque six lieues, lorsqu'ils s'arrêtèrent pour dormir, près d'une rivière.
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"Au feu !"
Roran grogna, et se retourna dans son sommeil. Il revoyait en rêve Carvahall bruler. Il sentait l'odeur du pin brulé, il entendait les cris paniqués et rauques des habitants, il sentait quelqu'un le secouer et l'appeler.
"Roran ! RORAN ! Reveille-toi, bon sang, il y a le feu au campement !"
Oui, le feu à Carvahall. Il avait vu, merci. Mais pourquoi le secouer, au lieu de l'aider à éteindre ? Prendre un seau d'eau, et...
Le contact de l'eau glacée avec son visage acheva de le réveiller.
"Hein ? Quoi ? Le feu ? Carn, c'est toi ?
- Oui, c'est moi, Puissant-Dormeur de mes deux ! Une partie du campement est en train de bruler, et toi, tu dors !
- Quelle partie ?
- Celle avec les vivres, je crains."
Sans prendre le temps de s'habiller, Roran sortit de sa tente, sans chemise. Aussitôt, il se dirigea vers la zone du sinistre. Il croisa Noven, qui trimbalait une demi-douzaine de seaux.
"Ah, Roran, tu es là ! J'ai une bonne et une mauvaise nouvelle à t'annoncer !"
Surpris, l'officier s'arrêta.
"Commence par la mauvaise.
- Ce sont les tentes des provisions qui brulent. Toutes en même temps, c'est forcement criminel.
- Et la bonne nouvelle dans tout ca ?
- Elles sont plantées un peu à l'écart, le reste du campement ne prendra peut-être pas feu.
- Tu parle d'une bonne nouvelle !"
Il empoigna deux seau et rejoignit la file de pompiers improvisés entre le feu et la rivière.
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Le feu avait fini par être maitrisé alors que l'aurore pointait, laissant place à un constat catastrophique : presque toutes les provisions étaient parties en fumée, le reste avait été gâté par la terre ou par l'eau utilisés contre l'incendie. Roran convoqua donc rapidement Carn dans sa tente pour une mise au point sur la situation. A peine entré, ce dernier commença son rapport.
"Je viens de vérifier. Il ne reste vraiment plus rien à manger. Les soldats ne vont pas rester inactifs très longtemps. Tu sais si la région est giboyeuse ?
- Elle ne l'est pas. Au mieux, il y a quelques daims par-ci, par-là, mais, vu le manque de relief, on ne pourrait jamais en attraper assez pour nourrir une centaine d'hommes. Pas de possibilités magiques ?
- Non, aucune. La faim est une des rares choses qui ne peuvent pas vraiment se combattre par magie, qui plus est pour tout un groupe. Par contre, il y a un bourg, à moins d'un jour de marche. On pourrait s'y arrêter.
- Et se servir au passage ? Hors de question. Ce serait tendre ma tête pour mieux me faire pendre par Nasuada. J'ai parfois l'impression qu'elle n'attend que ca. Me pendre.
- Sans les forcer directement, on pourrait leur faire un peu peur, puis, une fois au camp, demander à ce que les paysans soient remboursés. On éviterai ainsi d'avoir à choisir entre mourir de faim et se faire exécuter.
- En espérant que personne ne joue au héros. Ou qu'aucun de nos soldats ne pose de problèmes.
- Y aller en groupe réduit est hors de question. On risquerait plus de se faire capturer si il y a une garnison. Je n'ai détecté aucune activité des Impériaux, mais ca ne veut rien dire.
- Hum, ca ne me plait pas. Noven a raison, les tentes n'ont pas brulées toutes seules. Pourquoi l'Empire chercherait à détruire nos vivres, à part pour nous forcer à aller se ravitailler là-bas ?
- A t-on vraiment le choix ?
- Pas vraiment. Il faudra rester vigilant, et groupé."
Roran soupira, et sortit annoncer la nouvelle aux soldats.
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Assis sur Feu-de-Neige, Roran cria un ordre. Derrière lui, la colonne s'arrêta.
Ils avaient marché. Pressés par leurs estomacs, les soldats étaient arrivés en vu du village en milieu d'après-midi. Maintenant, ils étaient sur une colline d'où ils le voyaient parfaitement. Il ne semblait pas y avoir d'activités dans les rues, mais des fumées s'élevaient, noires dans le ciel d'azur, depuis les cheminées des maisons de plusieurs étages. Un grand bourg comme celui-ci devait forcement avoir suffisamment de nourriture pour une compagnie. Carn ne manquant pas de lui faire remarquer.
"Il faut qu'on trouve de quoi manger ici. Les hommes ne feront pas une lieue de plus. De plus, il n'y a pas l'air d'avoir une quelconque activité militaire.
- Il n'y a pas l'air d'avoir une quelconque activité tout court, tu veux dire. Il est possible que les villageois aient prit peur en apprenant notre arrivée. La propagande impériale est, dit-on, très efficace."
Noven, curieux, s'était détaché de la masse des soldats, et attendait maintenant à coté de Roran, jaugeant lui aussi leur objectif.
"Ca, pour être efficace, elle l'est. A écouter les annonces de notre roi adoré, les Vardens sont tous des cannibales sanguinaires qui invoquent des esprits à la pleine lune, en sacrifiant un enfant unijambiste enroulé dans du jambon. Enfin, de la propagande, quoi. Pour le coup, ca nous arrange : on n'a pas à demander la permission à personne, et on évite un éventuel bain de sang avec les villageois."
Roran serra les poings. Pourquoi le sort s'acharnait-il sur lui ? Alors que son cousin avait eu la chance d'hériter de pouvoirs surnaturels pour régler ses problèmes, lui devait régler les siens avec ses pauvres capacités humaines. Il aurait aimé être capable de sonder en profondeur les maisons, être capable d'effrayer rien que par son apparition des villes entières, être capable d'anticiper les mouvements de l'ennemi et de régler à la seconde près celui de ses hommes, être capable de reconnaitre le terrain du ciel, d'éviter détours et pièges en tout genre.
Il leva le poing, et talonna Feu-de-Neige.
"Soyons audacieux, pas suicidaires. On va faire le tour, et passer par l'autre coté du village."
Ils avaient marché. Pressés par leurs estomacs, les soldats étaient arrivés en vu du village en milieu d'après-midi. Maintenant, ils étaient sur une colline d'où ils le voyaient parfaitement. Il ne semblait pas y avoir d'activités dans les rues, mais des fumées s'élevaient, noires dans le ciel d'azur, depuis les cheminées des maisons de plusieurs étages. Un grand bourg comme celui-ci devait forcement avoir suffisamment de nourriture pour une compagnie. Carn ne manquant pas de lui faire remarquer.
"Il faut qu'on trouve de quoi manger ici. Les hommes ne feront pas une lieue de plus. De plus, il n'y a pas l'air d'avoir une quelconque activité militaire.
- Il n'y a pas l'air d'avoir une quelconque activité tout court, tu veux dire. Il est possible que les villageois aient prit peur en apprenant notre arrivée. La propagande impériale est, dit-on, très efficace."
Noven, curieux, s'était détaché de la masse des soldats, et attendait maintenant à coté de Roran, jaugeant lui aussi leur objectif.
"Ca, pour être efficace, elle l'est. A écouter les annonces de notre roi adoré, les Vardens sont tous des cannibales sanguinaires qui invoquent des esprits à la pleine lune, en sacrifiant un enfant unijambiste enroulé dans du jambon. Enfin, de la propagande, quoi. Pour le coup, ca nous arrange : on n'a pas à demander la permission à personne, et on évite un éventuel bain de sang avec les villageois."
Roran serra les poings. Pourquoi le sort s'acharnait-il sur lui ? Alors que son cousin avait eu la chance d'hériter de pouvoirs surnaturels pour régler ses problèmes, lui devait régler les siens avec ses pauvres capacités humaines. Il aurait aimé être capable de sonder en profondeur les maisons, être capable d'effrayer rien que par son apparition des villes entières, être capable d'anticiper les mouvements de l'ennemi et de régler à la seconde près celui de ses hommes, être capable de reconnaitre le terrain du ciel, d'éviter détours et pièges en tout genre.
Il leva le poing, et talonna Feu-de-Neige.
"Soyons audacieux, pas suicidaires. On va faire le tour, et passer par l'autre coté du village."
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Les rues étaient vides. Désespérément vides. L'anxiété nouait les entrailles des hommes, déjà tenaillées par la faim. Toutes les portes étaient fermées, les fenêtres, barricadées. Un délicieux fumet de viande grillée emplit l'air. Noven entraperçut une tunique rouge, rapidement dissimulée dans l'ombre d'une cheminée.
Son cri d'alarme se perdit dans les cris de victoires des soldats, alors qu'ils se précipitaient sur les sangliers fumants plantés au dessus de feux de bois. Des sangliers rôtis ? Au milieu d'un carrefour ?
Le premier carreau d'arbalète se ficha dans la tête d'un soldat. Suivit par des dizaines, des centaines d'autres. Il pleuvait la mort, alors que le rouge envahissait les fenêtres des étages et les toits. En moins de temps qu'il n'en avait fallu pour le dire, le sang de la moitié des Vardens était allé se mêler dans les caniveaux. Quelques part dans la cohue, protégé sommairement un volet entrouvert, Roran cria, hurla un ordre que personne n'entendit. De l'autre coté de la rue, Carn tentait désespérément de localiser le magicien ennemi. Il fut rapidement interrompu dans sa quête, traversé de part en part d'une lance, en provenance du premier étage. Noven, alors qu'il essayait - inutilement, sa protection magique toujours activée - de se trouver un abri, fut projeté au sol par un choc inouï contre son esprit. Méprenant l'origine de ses défenses, le magicien de l'embuscade l'avait attaqué, comme il aurait attaqué n'importe quel autre magicien. La pression disparut rapidement, alors que la pierre émettait une lumière de plus en plus forte. Tué net par les sorts de protection, le jeteur de sort n'était plus un problème. Mais, déjà, les tirs cessaient, alors que des Impériaux apparaissaient à chaque bout du coupe-gorge pour achever les survivants. Poussant un cri de rage, Roran se précipita sur le corps inanimé de son ami Carn. Alors qu'il attrapait son marteau pour charger la ligne de soldats qui se rapprochait de lui, quelqu'un le saisi à l'épaule.
"Roran ! Ils sont tous mort, ils faut se barrer d'ici en vitesse !"
Une lance siffla à leurs oreilles. Mû par un réflexe inhumain, Noven la stoppa en pleine course, et l'envoya avec une force inouïe clouer son possesseur à une porte comme un vulgaire moucheron.
"VIENS !"
Il arracha Roran du milieu de la rue, et l'entraina dans une petite ruelle perpendiculaire. Une marée de tuniques pourpres vint soudain en boucher l'extrémité. Un arbalétrier mis en joue Roran. Qui recula d'un pas. Trébucha sur un cadavre. Se rattrapa à l'épaule de son compagnon. Le carreau fila droit, sifflant clair dans le tumulte des fantassins avides d'en découdre. Le carreau fila droit. Droit sur Roran.
Alors qu'il voyait sa mort approcher, il lui sembla que le temps avait cessé de couler normalement. Ses pensées devinrent claires; ses peurs, disparues; ses émotions, absentes. Il vit le carreau percer l'air, il vit sa pointe d'acier effilée trouer le tissu du monde en sa direction. Et, alors qu'il emplissait son champ de vision, l'impossible se produit.
Sous ses yeux ébahis, surpris de voir encore, une étincelle, qui devint flamme, alors que, de part et d'autre de sa tête, le carreau continuait péniblement sa course, coupé en deux.
Le temps reprit ses droits, laissant seuls un Noven perplexe et un Roran ébahi, contre un océan de rouge. Malgré la situation plus que catastrophique, la jeune recrue trouva le moyen de plaisanter :
"Ah, bonne nouvelle, le bouclier semble pouvoir se répartir sur plusieurs personnes, si elles sont en contact. Tu crois que ca peut servir à quelque chose ?"
Sans répondre, l'officier, remis de ses émotions, se colla à son dernier homme. Dos à dos, seuls contre tous, ils s'apprêtaient à vendre chèrement leurs vies.
"Si j'ai bien compris, les capacités magiques se manifestent mieux quand la personne est dans une situation désastreuse. Étant donné que 'désastreuse' n'est plus assez 'désastreux' pour parler de nos chances de survies, et que ton prétendu cousin Eragon a quelques dispositions à la magie, tu ne pense pas qu'il serait une BONNE idée d'essayer QUELQUE CHOSE, avant qu'on ne se fasse découper en fines rondelles ?"
Un coup de hache ponctua la fin de la phrase, en séparant un soldat de sa tête.
Après avoir ôté à son tour toute possibilité à un de ses adversaires d'avoir mal aux dents, Roran poussa un cri rauque :
"BRISIIIIIINGR !"
Entre deux séparations de corps, son allié lui fit part de son désappointement.
"Désolé de te décevoir, mais - HAN - je crois que tu n'as, définitivement, aucune - HUMPF - capacité magique.
- Tu n'a qu'à essayer toi, au lieu de - il balança son marteau sous le menton d'un soldat, dont la tête explosa sous le choc - au lieu de râler !
- Au point où on en est ! C'est quoi, déjà, ce que tu disais ? Ah, oui !"
Sa hache deux main se planta dans le tronc d'un ennemi, et lui échappa des mains. Désarmé, il hurla. De toute la force de ses poumons.
Sa vue se brouilla. Les contours ondulèrent, alors que Impériaux et Vardens interrompaient soudainement tout mouvement. Un grondement sourd semblait monter du sol. Sous les casques, les cheveux hérissèrent. Des cailloux se mirent à léviter, à hauteur d'épaule.
Les yeux de Noven se révulsèrent. Passèrent au violet.
Puis tout ne fut plus que choc, flammes et poussières. Et enfin, le silence.