Regarder l'avenir.
Chapitre 12 : Comment j’ai appâté un dragon à coup de poisson et de dessin.
3133 mots, Catégorie: G
Dernière mise à jour 10/11/2016 10:01
Harold apparait à l'abri derrière un bouclier, un poisson dans la main. Il hésita puis le lança dans la clairière, seulement à quelques mètres de lui. Comme rien ne se passa, il tenta d'avancer… et bloqua, malencontreusement, son bouclier dans l'étroit passage.
L'ensemble des vikings soupirèrent tandis que les dragons riaient. Harold fusilla du regard son ami reptile qui ne se privait pas de rire de son malheur.
Harold tenta de tirer le bouclier de bois à quelques reprises avant de passer, prudemment par-dessous celui-ci pour retenter de le débloquer… A pur perte.
Cette fois, au grand dépit du protagoniste, même les vikings rirent. Mais, il n'en prit pas ombrage. Ce n'était pas des rires de dérisions. Cela faisait un moment qu'il n'en avait entendu, en fait… Pas plus que de commentaires ou de regards désagréables ou blessants.
C'était un soulagement, certes… Mais c'était aussi très curieux. Son amitié avec un dragon venait d'être révélée au grand jour, après tout. Ils auraient dû y avoir davantage de réactions virulentes. Harold ne pensait pas que la peur des dieux soit totalement responsable de ce comportement si… peu viking.
Les images du passé montrèrent Harold abandonné le bouclier pour s'emparer du poisson par une ouïe et s'avancer, assez franchement, dans la cuvette naturelle en quête de la furie.
« T'es dingue, tu sais ça, mon pote ? »
« Euh… Merci, Kranedur. » Répondit Harold ne sachant pas réellement comment réagir à la crainte révérencieuse du garçon.
Les yeux des vikings s'écarquillèrent lorsqu'ils reportèrent leur attention sur l'écran qui montra la furie qui surplombait un Harold inconscient depuis un rocher.
La scène passa, un instant, du point de vue de la furie qui, à la manière d'un chat, guettait Harold depuis son promontoire, sa queue se balançant au rythme d'un métronome.
« C'est vraiment bizarre. Il agit vraiment comme un chat. Vous avez vu son attitude quand il s'apprête à sauter. Comme un chat. »
Bâtonnet regardait les images, fasciné et excité. Et, sans vouloir l'admettre à voix hautes, la majorité ressentait la même chose. A présent qu'ils commençaient à excepter l'idée que les dragons pouvaient ne pas être aussi féroces qu'ils le croyaient… Et bien, ils voulaient en savoir plus sûr eux… et admettaient, en partie, leur fascination.
Harold, finalement, repéra la furie alors qu'il se tournait… et, aussitôt, le dragon noir descendit à petits bonds (qui n'étaient, encore une fois, sans rappeler ceux des chats) et s'avança vers Harold sans le quitter des yeux.
La furie devait être affamée car elle reniflait l'air. Elle avait, bien entendu, senti le poisson frai que le jeune viking avait apporté.
Le jeune adolescent tendit le poisson à bout de bras, toujours par l'ouïe.
Stoïck ne put s'empêcher de laisser passer un grognement inquiet à travers ses dents serrées. Cette furie restait un dragon blessé. A cet instant, son fils devait encore être l'ennemi pour elle. Harold était en danger alors et Stoïck rageait de n'avoir pas été là alors que son fils était dans une telle situation périlleuse.
Les grognements de la furie cessèrent et elle s'avança très doucement, prudemment, vers Harold… Vers le poisson. Harold se pencha pour rapprocher la friandise aquatique de la gueule du dragon.
Mais comme la furie allongeait la tête pour s'emparer de la nourriture, elle se recula vivement, inquiète.
Heureusement, Harold comprit vite la raison de son recul. Il écarta, avec des gestes lents, son gilet, dévoilant un court poignard à sa ceinture.
Les dragons dans la salle, sauf Krokmou, réagirent en poussant des grognements effrayés…
Ce qui donna aux vikings davantage de quoi réfléchir. Ils étaient aussi surpris de découvrir que le gamin avait été armé. Ils avaient ignoré que le garçon portait une arme sur lui.
Lorsque la furie eut une pleine vue de l'arme, elle commença à reculer, méfiante.
Harold la testa, une fois, en posant une main sur la garde du poignard… Obtenant un brusque grognement de l'animal face à lui.
Harold s'empara, donc, du coutelas et la lâcha à terre. Sans quitter le dragon aux yeux vers des yeux.
« Dis-moi, Harold. Pourquoi as-tu appelé… ton dragon, Krokmou ? Je lui vois énormément de dents, moi. » Murmura Astrid, inquiète… comme tous les vikings.
« L'explication va venir bientôt, crois moi. » Fit Harold avec un sourire en grattant son reptile d'ami derrière l'oreille.
C'était autant pour rassurer ceux de son village que pour manifester son affection à Krokmou… Et le calmer car il était… très content de se voir aussi longtemps dans les images des dieux.
Harold réussit à s'emparer, du pied, de la dague et à l'envoyer dans l'eau.
Cela suffit à surprendre et rassurer la furie, de toute évidence, puisque ses yeux s'agrandirent momentanément avant qu'elle ne s'assoit sans plus aucune hostilité…
Bien au contraire. Elle semblait, à présent, aussi douce qu'un agneau.
Les murmures s'élevèrent sur le champ. Le brutal changement de comportement du dragon à la disparition du poignard montrait, qu'au fond, les dragons ne leur voulaient pas de mal… Alors pourquoi ces mêmes dragons agissaient-ils hostilement à leur égard alors que cela semblait contraire à leur nature ?
Harold sembla rassuré par l'attitude paisible de la furie et prit assez de confiance pour proposer le poisson à plat sur ses mains.
La furie nocturne dressa les oreilles, intéressé, puis s'avança, à pas prudent, d'Harold, rampant presque. Elle s'étira au maximum et ouvrit la gueule pour s'emparer du poisson… Dévoilant des gencives dépourvues de dents…
« Mais… » Commença Gueulfor comme il regardait vers Krokmou qui laissait bien voir ses dents acérées.
Harold sourit et se contenta de faire un signe de tête vers le mur où les images des dieux défilaient.
« Krokmou… J'aurais, pourtant, bien mis ma main au feu que… »
Harold ne put terminer sa phrase. La furie, impatiente, avait profité de son moment inattention pour agir rapidement. Très rapidement. Elle agit, en effet, avant qu'Harold ne puisse réagir.
Elle sortit brusquement des dents acérées de l'intérieur de ses gencives et s'empara, dans la seconde suivante, du poisson que tenait Harold… Et l'avala avec un contentement bien visible.
Harold pouffa en entendant les cris de choc et de surprise retentirent autours de lui. Krokmou et ses congénères semblèrent aussi trouver cela très drôle puisqu'ils émirent leur rire-toux.
« Des crocs. » Acheva Harold, choqué.
Harold recula ensuite vivement comme la furie nocturne s'avança sur lui, comme à la recherche d'autres nourriture.
« Non, non… » Fit Harold en tombant à terre
Il fut forcé de s'arrêter lorsqu'un rocher bloqua sa retraite. La furie émettait une espèce de ronronnement et penchait régulièrement la tête… Elle était amicale… semblait-il ?
« Attend, je n'en ai vraiment plus. »
« Ce n'est peut-être pas la meilleur chose à dire, Harold. » Déclara Gueulfor avec un froncement de sourcils.
« Non, tu as raison. Ce n'était pas la meilleure chose à dire. »
Les vikings furent surpris par le dégoût qui s'afficha sur le visage du jeune homme, plutôt que la crainte à laquelle ils s'attendaient.
A la phrase d'Harold, le dragon, nouvellement nommé Krokmou, plissa les yeux et régurgita la moitié du poisson.
Les dragons se tournèrent vers la furie qui regardait droit devant elle, indifférente à leur réaction. Ce n'était pas un geste anodin, pourtant, qu'elle avait fait. On ne régurgita sa nourriture que pour les proches. La famille.
Certains vikings écarquillèrent les yeux. Ceux qui avaient réalisé que les animaux faisaient cela qu'avec membre du même groupe… la famille, en quelque sorte. Ce qui signifiait qu'Harold avait presque gagné sa confiance.
Puis, ils réalisèrent ce que cela impliquait. Astrid, Bâtonnet, Stoïck et Gueulfor furent les premiers à se tourner, ébahis et dégoûtés, vers Harold qui leur adressa un sourire crispé.
« Eurk… »
La furie se recula et s'assit, sans quitter Harold des yeux, d'une façon très humaine.
Harold se redressa, la réalisation perçant sur son visage comme Krokmou le regardait dans l'attente.
Plus personne n'ignorait ce qui se passait à ce stade.
Les dragons, comme les vikings, attendaient impatiemment de voir si Harold allait vraiment le faire.
Les adolescents (et quelques adultes) commencèrent à ricaner lorsqu'il vit la résignation sur le visage du… dresseur de dragon.
D'autres, dont le père d'Harold, furent passablement impressionnés de voir jusqu'où Harold pouvait aller.
Harold regarda, une dernière fois, vers Krokmou qui fit un signe explicite vers le poisson. Le jeune viking soupira profondément puis… prit une bouchée.
Les vikings rirent un plus franchement. Ils n'avaient pas réellement pensée que le gamin prendrait une bouchée. Les paries étaient lancés… Et la majorité disait qu'il allait tout recracher dans la seconde.
En fait, seuls Astrid, Gueulfor et le père d'Harold étaient certains que l'adolescent irait jusqu'à avaler.
« Hum… »
Krokmou redressa aussitôt les oreilles à la fausse appréciation d'Harold. Sans avaler, Harold tendit le poisson au dragon qui, en réponse, mima la déglutition.
Les vikings murmurèrent des commentaires, une nouvelle fois. Par rapport au pari mais aussi à l'évident intelligence de Krokmou. A aucun moment, les vikings n'avaient imaginé que les dragons puissent être aussi malins.
Harold posa les yeux sur son poisson puis baissa les bras, défaitiste. Il lui fallut plusieurs tentatives… mais finalement, Harold parvint à avaler la boucher de poisson cru avec un frisson de dégoût.
Les dragons hochèrent la tête, satisfaits et impressionnés, par l'acte de l'humain.
Les vikings qui avait prédis qu'Harold rejetterait le poisson ne pouvait que fixer les images des dieux… incapable de croire que l'adolescent malingre avait fait cela pour un dragon.
Les autres vikings… Et bien, ils essayaient de ne pas paraitre trop fier d'eux même.
« Vraiment dégoûtant ! » Se contenta de commenter Harold.
Krokmou se lécha les babines pour donner son impression sur le poisson… Ce à quoi Harold lui répondit d'un sourire un peu forcer. Surpris, Harold vit Krokmou plisser les yeux… Et l'imiter.
Les moins endurcis des vikings sourires face à la tendresse de la scène. Stoïck soupira que le premier ami de son fils soit un dragon mais il était heureux qu'Harold en ait obtenu un, finalement. D'autant plus que, dragon ou pas, cet ami semblait très fidèle.
Harold se redressa et tendit la main vers Krokmou dans l'attention évidente de le toucher, voir de le caresser. Immédiatement, l'expression de l'animal changea pour se faire plus agressive. Avant de voleter plus loin…
Les spectateurs soupirèrent de soulagement comme ils constatèrent que le dragon ne l'attaquait pas à son audace.
Ils étaient de moins en moins surpris par les réactions non agressive de ce… Krokmou. Ils réalisaient qu'ils s'étaient beaucoup trompés sur l'espèce.
Krokmou tourna en rond pour s'allonger (à la manière d'un chien), réchauffant le sol avec un jet de plasma bleuté.
Installé, il regarda le vol d'un oiseau et réalisa alors qu'Harold l'avait suivi et s'était assis, en tailleur, près de lui… A moins de deux mètres.
Soupirant, l'animal se tourna de façon à se cacher derrière l'aileron endommagé de sa queue.
Harold en profite aussitôt pour s'approcher et tenter de toucher la queue de Krokmou. La furie retire soudain sa queue, provoquant Harold de se lever, vivement et de s'éloigner
On retrouva, plus tard dans l'après midi, Krokmou suspendu par la queue à la branche d'un arbre. C'est le couchée du soleil.
Il repéra aussitôt, ou presque, Harold assit, plus loin, en train de dessiner sur le sol. La furie l'observa un moment tandis qu'Harold faisait semblant de ne pas la voir… Il dessina ainsi la furie nocturne.
« Harold, tu dessines super bien ! » S'exclama Astrid, comme elle vit le dessin achevé.
Harold rougit à la déclaration de son béguin. Rougissement qui s'accrut comme beaucoup approuvait la parole de la jeune fille.
Soudain, Krokmou s'éloigna pour réapparaitre, plus tard, avec un arbrisseau dans la gueule.
Les enfants dans la salle rirent et applaudirent comme le dragon dessinait, de toute évidence, autours d'Harold.
Ils aimaient le dragon et se demandèrent si Harold serait d'accord pour qu'ils caressent Krokmou.
Harold regarda autours de lui quand Krokmou sembla satisfait de son œuvre. Harold s'avança, alors, regardant autours de lui les lignes réalisées par le dragon.
Ce faisant, il pila sur l'une d'elle…provoquant le dragon de grogner sur lui. Le viking releva aussitôt le pied et la furie adouci son expression.
Le jeune homme comprit que le reptile ne voulait pas qu'il marche sur son « dessin »… Cependant, Harold testa sa théorie plusieurs fois. Et, effectivement, Krokmou grognait à chaque fois qu'il marchait sur la ligne dessinée.
Finalement, avec un sourire, il évita la ligne et répète l'action à plusieurs reprises… Tournant en rond et se rapprochant du dragon sans s'en apercevoir au cours du processus.
Seuls quelques murmures inquiets s'élevèrent cette fois. La plupart des vikings avaient compris que le dragon mythique ne ferait jamais de mal, volontairement, à Harold.
En fait, dragons et viking s'étaient penchés en avant, impatient de voir ce qui allait se passer. De voir ce que Krokmou avait l'attention de faire…Car c'était évident qu'il avait réalisé ces lignes pour approcher Harold.
Harold et Krokmou échangèrent un regard nostalgique. C'était à ce moment précis que tout avait changé entre eux. C'était là que leur confiance et leur amitié étaient nées.
Puis, finalement, un souffle chaud au dessus de lui l'arrêta net. Il se retourna et leva les yeux vers Krokmou. Il se recula un peu, impressionné, malgré la bienveillance de l'animal volant.
Puis, il tendit avec lenteur sa main. Il effectua un léger retrait comme la furie grogna un peu… Mais retenta encore le geste en détournant, cette fois, la tête et en fermant les yeux… En signe de respect, sans doute.
Les enfants écarquillèrent les yeux, à genoux, penchés en avant tant ils étaient impatients… Tant ils espéraient qu'Harold réussisse à toucher Krokmou.
Et, bien que cela soit moins évident, les adultes étaient tout aussi impatients.
Le viking immobilisa sa main à mi chemin… Donnant implicitement le choix au dragon.
Il y eut un moment de flottement alors que Krokmou regardait Harold et sa main ouverte, dans l'attente.
Puis, cela arriva. Krokmou avança sa tête et le posa contre la paume d'Harold dont le corps se relâcha… De soulagement et de contentement mêlés.
Dans la salle, c'était le silence. Dragons et vikings respectaient ce moment unique pour le dragon et l'enfant… Mais aussi pour les deux peuples au complet.
Harold redressa la tête et regarda la furie. Celle-ci recula en douceur, secoua la tête et fila loin de Harold qui y fit à peine attention… Sous le choc et l'émerveillement.