Myna DRACULA

Chapitre 2

Catégorie: G

Dernière mise à jour 09/11/2016 17:48

Quelques jours après cette troublante journée, je décidai de me rendre au village pour prendre quelques nouvelles de mon ami Andreï.

 

Alors que je sortais de la maison, les clés de ma voiture en main, le palefrenier de mon frère m’accostais et me dit :

 

-         Princesse, depuis que tu as reçu ce cadeau de ton frère, tu ne t’occupe plus guère de ton cheval, il s’empâte, tu devrais l’emmener se promener.

-         Oui c’est vrai, je réponds.

 

Puis après un moment de réflexion, je lui tendis mes clés et lui demandais s’il voulait bien ranger la voiture dans son garage.

 

-         Avant que j’y aille, tu veux que je prépare ton cheval ?

-         Non-merci, je vais monter Rovine à crue.

-         Comme tu le souhaites, mais ne le fait pas trop courir, tu risquerais de le blesser.

 

J’acquiesçais, et entrais dans l’écurie. Je sortis Rovine de sa stalle et le caressais longuement, je lui parlais, lui dit que j’étais désolée de ne pas m’être occupée de lui depuis si longtemps. J’avais parfois l’impression qu’il me comprend, et encore cette fois-ci, il posa sa tête sur mon épaule, comme pour me dire que j’étais pardonnée.

 

Nous sortîmes de l’écurie et partîmes au pas. Puis passâmes au trot, puis un peu au galop. Au bout d’un certain temps, je descendais de cheval, car j’avais peur de le fatiguer. Je marchai près de Rovine.

 

De temps à autre, mon cheval s’arrêtais pour brouter, moi je continuais mon chemin.

 

C’est là que je manquais tomber dans un trou. Rovine avait hennis pour me prévenir. Si Rovine n’avais pas flairé le danger, je ne sais ce que je serais devenu.

 

Je m’approchais du bord, c’étais un piège tendu par quelque chasseur pour attraper des loups, chassés pour leurs fourrures. En regardant dedans, je découvrais avec stupeur, un loup blanc, énorme, tapis sur une étroite corniche. Pour sortir du piège, cette bête avait fait preuve d’une intelligence et d’un courage que bien peu d’homme auraient eu. Le loup avait creusé un chemin en spirale afin de remonter à la surface, mais parvenu pratiquement au bout, ses forces l’ont visiblement abandonné… Et qui sait combien de fois il aura glissé et se sera hissé de nouveau ? C’est fantastique.

 

J’élaguais alors plusieurs fortes branches… dont je confectionnais une sorte de passerelle, que j’ajustais sous les pattes du loup… Un moment, celui-ci demeura immobile, me fixant de ses yeux terribles, puis lentement, il s’engagea sur ce pont improvisé.

 

 A bout de forces, le loup se traîna, puis dans un sursaut d’énergie, parvint enfin au bord de la fosse, tout près de moi.

 

Comme l’animal se tirait de sa position scabreuse, je reculais instinctivement. C’est alors que Bogdan, qui suivais mes faits et gestes depuis un moment, s’approcha du loup, encore très faible, et pointa vers lui, un épieu qu’il venait de tailler.

 

-         Laisse-le, m’écriais-je. J’admets que l’on tue un animal en combat loyal, mais je n’accepterais jamais qu’on en massacre un sans qu’il puisse se défendre.

-         Cette bête est à moi. C’est moi qui ai creusé le piège pour lui prendre sa fourrure et…

 

Soudain, le loup se mit à grogner, mais sans que je sache pourquoi, je lui posais la main sur la tête, et il se tu.  Je ne pus alors empêcher l’animal, d’un mouvement rapide de me lécher la main. Puis après être resté un instant à flairer cette main, l’énorme bête s’éloigna sans me quitter des yeux.

 

Pendant ce temps, Bogdan était passé par toutes les couleurs de l’arc-en-ciel avant de s’enfuir à toutes jambes en direction du village.

 

Quelques instants plus tard je me remettais en route, et me rendais enfin chez Mayra. En arrivant, je la découvrais toute affolée. Je lui demandais quelle en étais la raison, et elle m’expliqua :

 

-         Andreï est parti il y a près de  deux heures, pour aller chercher des affaires chez lui, et il n’est toujours pas revenu…

-         Où est ta mère ?

-         Partis en ville avec Dan. Ma mère devait chercher le nouveau médecin…

-         Oui, il devait arriver il y a quelques jours déjà… Bon écoute, je vais aller faire un tour chez Andreï. Toi, reste ici. Et envoi-moi ta mère dès qu’elle arrive. Ok ?

 

Je serrais furtivement Mayra dans mes bras et cette dernière me demanda d’être prudente.

 

-         Ne t’inquiète pas, répondis-je.

 

Je me dirigeais alors vers la maison d’Andreï, moitié courant, moitié marchant. Quand j’arrivais là-bas, un mauvais pressentiment m’envahit. Il y avait un attroupement devant la vieille maison. Les gens me laissèrent passé. Ils avaient l’air atterré. Arrivée à la porte, ce fut Dan qui me réceptionna :

        

-         N’entre pas, me dit-il.

-         Pourquoi ?

 

Je repoussais Dan et entrais. La scène était indéfinissable : sur une chaise le père d’Andreï, se balancais d’avant en arrière en répétant : « j’ai tué mon fils, j’ai tué mon fils ». Plus loin, au fond de la pièce, un corps sous un drap. Je le soulevais et découvrais le corps d’Andreï. Meurtri par les coups donnés par son père.

 

Je me rejetais en arrière et me mit à pleurer. Dan me pris dans ses bras. Lui aussi pleurait. Nous nous consolâmes en nous disant qu’à présent, là où il étais, son père ne pourrais plus jamais le battre. Nous pensions à Mayra. Qui allais lui apprendre la nouvelle ?

 

Madame Marinesco nous fit sortir de la maison. Près de sa voiture nous attendait un homme que je ne connaissais pas. La mère de Mayra me le présenta comme le Docteur Pietru.

 

-         Je vais te ramener chez toi, Myna, me dit l’infirmière.

-         Mon cheval… je l’ai laissé chez vous….

-         Tu n’es pas en mesure de rentrer à cheval. Une fois en haut je demanderais au palefrenier de descendre avec moi, je pense qu’il ne verra pas d’inconvénient à le remonter. Allons viens…

 

En arrivant je la remerciais d’une voix blanche, mais je n’eu pas le courage de dire plus et m’enfuyais à travers la maison et montais dans le bureau de mon frère. Il était assis dans l’un des grands fauteuils à lire. En m’entendant arriver, il se leva. Je me jetais dans ses bras. Je lui racontais ce qui s’était passé, ce que j’avais ressenti. Un long moment, je restais dans ses bras.

 

Lorsque je fut enfin calmée, il me regarda un instant, et me dit qu’il était temps que nous accueillions enfin notre invité.

 

Nous le trouvâmes dans l’une des chambres de la maison qui étais toujours fermé la clé. J’avais un jour demandé à mon frère pourquoi on ne l’ouvrait pas, et il m’avait simplement répondu qu’elle serait ouverte le jour où son propriétaire reviendrais vivre parmi nous.

 

-         Myna, je te présente Monsieur le Docteur Sandor Pietru.

 

Il m’expliqua alors qu’il était le fils adoptif de nos parents. Ses véritables parents étaient décédés dans un accident de voiture et c’est son oncle qui l’avait élevé jusqu’à son décès lorsque Sandor avait neuf ans.

 

Le médecin repris à son tour :

 

-         A vingt ans je suis partis faire des études de médecine aux Etats-Unis, grâce à ton père. Cinq ans plus tard j’ai rencontré, celle qui deviendra ma femme, une élève infirmière, et nous avons eu un fils. Il a dix-neuf ans aujourd’hui.

 

Il s’arrêta un instant, m’observa, puis repris :

 

-         J’ai été très heureux en apprenant la naissance de ta sœur, et j’ai beaucoup pleuré la mort de mon Maître et de Mère…

 

Le silence se fait et Mircea invite le médecin à s’installer avant de nous rejoindre au salon. Avant de nous séparer je demande :

 

-         Comment cela se fait-il que vous vous trouviez chez Andreï ? ¨

 

Le Docteur Pietru jeta un coup d’oeil à mon frère, ce dernier hocha la tête et le médecin repris :

 

-         Quand nous sommes arrivés au village, Madame Marinesco a failli écraser un jeune garçon qui s’était élancé sur la route. Heureusement il n’avait rien, mais il paraissait affolé. Elle a tenté de le calmé mais il n’arrêtait pas de crier : « vite, vite, il va lui faire mal ! ». Madame Marinesco a semblé comprendre tout de suite de qui il parlait. Quand nous sommes entrés dans la maison, nous avons découvert le carnage, et le jeune Andreï gisait, agonisant dans un coin de la pièce.

 

Tandis qu’il disait cela, je m’accrochais à mon frère, et les larmes recommencèrent à couler. Mircea mis son bras autour de mes épaules et invita le médecin à continuer.

 

-         Le jeune Dan l’a pris dans ses bras. Je n’ai pu que constater qu’il était trop tard pour lui venir en aide. Il est décédé dans ses bras. Dan était effondré. Il a voulu s’en prendre au père et il a fallu deux hommes et toute la force de persuasion de Madame Marinesco pour arriver à le calmer un peu. Quand les hommes et Madame Marinesco l’ont sorti j’ai recouvert le corps d’un drap. Il était vraiment mal en point.

 

Après un moment de silence où je laissais monter ma fureur, je m’écriais :

-         Cet homme ne mérite pas de vivre. Si je pouvais, je le tuerais de mes propres mains… Je…

 

Mircea m’arrêta, me serra un instant plus fort contre lui et pris mon menton entre ses doigts pour que je le regarde dans les yeux :

 

-         Non, Myna, je conçois ton chagrin, mais imagine un peu. Le père d’Andreï a perdu sa femme il y a quelques années et maintenant il tue son fils de ses propres mains. Il va devoir vivre avec cela toute sa vie, pour peu qu’elle dure un long moment. Autrefois c’était un homme bon, honnête et travailleur. La vie ne l’a pas épargné et à présent il va être seul, très seul…

-         Tu le défends ?

-         Non je dis juste les choses comme elles sont, c’est tout. Vouloir la mort de quelqu’un et la donner sont deux choses différentes et l’une est beaucoup plus dure que l’autre, et l’on en sort pas indemne. Crois-moi…

 

Je baissais les yeux vaincus.

        

-         Pardonnes-moi, Mircea. Je… je suis fatiguée…

-         Et bien vas t’allonger un instant, je t’apporterais ton dîner tout à l’heure…

 

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Le cercueil d’Andreï était exposé dans la nef de l’église. Il était là. Blême et froid dans son linceul. On n'avait rien trouvé d’assez décent pour lui mettre. Il était allongé dans son cercueil blanc, la couleur des enfants morts.

 

Son père n’était pas là. La police l’avait emmené depuis plusieurs jours.

 

On avait demandé à Sandor de pratiquer l’autopsie, et il était allé faire sa déposition quelques jour avant. Il avait refusé de me donner ses conclusions.

 

Mon frère, qui avait profité du temps pluvieux, se tenais à l’écart en compagnie de Sandor et de Madame Marinesco. Elle était en larmes. Pour elle, s’était un peu comme un fils qui partait. Elle l’avait, soutenu et aidé tant de fois.

 

Dan, Mayra et moi étions au premier rang. Nous ne pouvions retenir nos larmes.

 

Quand il fallut fermer le cercueil pour l’emmener au cimetière, Mayra s’effondra sur le corps d’Andreï, elle refusait de le laisser partir. Personne ne bougea ou ne dit mot dans l’assistance. Dan et moi tentâmes bien de la faire reculer mais nous n’en avions pas la force. Mon frère s’était alors avancé en silence et l’avait prise dans ces bras.

 

On ferma le cercueil. Dan se joignit aux porteurs, et nous suivîmes. Moi d’abord, puis Mircea portant toujours Mayra qui était bien incapable de marcher et Madame Marinesco, soutenu par Sandor. Venait ensuite le reste du village.

 

Mayra fut ramenée chez elle. Où Sandor lui administra un léger sédatif afin qu’elle dorme.

 

Andreï n’avait pas de famille et personne n’avait prévu de réunion. Chacun se sépara et rentra chez lui reprendre sa vie. 

 

Dan qui n’avait pas envi de rentrer chez lui, et je lui proposais de nous accompagner à la maison. Une fois rentrés, nous nous installâmes dans la bibliothèque. Combien de fois avions nous joué ici, tous les quatre, étant enfants. Parfois je voyais mon frère qui nous observait, silencieux, invisible à leurs yeux de mortels.

 

Ce soir, nous ne jouons pas, nous nous assaillons en silence devant le feu ronflant de la cheminé. Puis la glace se brise et nous nous mettons à nous rappeler nos souvenirs.

Plus tard, bien plus tard, Sandor vint chercher Dan pour le ramener chez lui. Il nous expliqua que ses parents avaient appelé et qu’ils souhaitaient qu’il rentre.

 

Quand il fut partis, je pris un plaid dans un placard, et m’enroulait dedans, avant de m’installer dans le fauteuil, où je m’endormais épuisée.

 

 

 

 

 

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