Dernier taxi pour Salkinagh

Chapitre 22 : C21 : Echec et mat

Chapitre final

3027 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 19/04/2016 16:20

ÉPILOGUE : Échec et mat

KRANAKAR

L'endroit était apocalyptique… Un capharnaüm de poussière et de pierre. Des monceaux de câbles arrachés, de pics distordus, de meubles déchiquetés jetés pèle-mèle partout. Le visage de la destruction aveugle… Des béances traîtresses trouaient le sol des étages et les murs porteurs fragilisés… Le bâtiment était à deux doigts de l'effondrement. Seule son aura d'Architecte et de Prince des Structures le maintenait encore debout… Il cherchait et cherchait sans discontinuer, arpentant méthodiquement ce qui restait du lieu.

Alors qu'il ne lui restait presque plus d'espoir, le juge Krane avait fini par le retrouver inanimé. Un morceau de plancher de béton s'était effondré sur lui et son corps était coincé en dessous… Sous sa forme divine, il déblaya sans difficulté la dalle épaisse qui le recouvrait. Sous l'effet du sortilège de l'Entité Malupine, les cellules de Jaxx rebootèrent et l'homme ouvrit les yeux en revenant à la vie.

— Hey, gamin, le secoua-t-il. Il faut que tu partes de là.

— Mais… Krana ? C'est toi ? Comment… Qu'est-ce que tu fais là ?

— Pas le temps d'expliquer ! Ton manipulateur, il marche ?

— Oui… enfin, je crois…

— Très bien, vas-y active le immédiatement. Nous avons subi une attaque de Harpies et mauvaise nouvelle, c'est à cause de ton infiltration surprise…

— Attaque de quoi ?

— De Reapers, pardon. Ils ont tout démoli mais ne s'arrêteront pas tant qu'ils te sentiront là ! Alors un beau geste, dégage tout de suite !

— Je ne peux pas partir, je dois trouver Amy-Leigh !

— Ton petit giton favori l'a déjà interceptée et mise à l'abri, mais tu peux encore sauver ceux qui n'ont pas pu partir en t'éclipsant.

Il lui prit le bras dans l'intention de le faire d'autorité et plissa les sourcils de circonspection en grimaçant à sa vue.

— Ah merde, c'est quoi ce modèle totalement sauvage… Qui a bricolé ce machin comme ça ?

— Euh…

Krana soupira et le regarda avec gentillesse mais son ton était implacable.

— Jaxx, je suis désolé, je t'expliquerai plus tard. Mais en gros, tu es déjà ici et ça fout un gros bordel entre ta ligne temporelle et la trame du Temps. Pardonne-moi, mais j'ai pas le choix…

Il appuya sur ce qu'il estimait être la commande de téléportation du bracelet de Jack et ce dernier disparut sous ses yeux soulagés.

Derrière lui, une troupe de Reapers s'ameutait déjà en grondant. Augmentant sa taille, il tendit la main vers eux et ils se reculèrent avec prudence.

— O chrónos eínai episkevasteí. Pigaínete !

Les bêtes finirent par obéir après une petite hésitation et le juge Krane rapetissa jusqu'à une forme imitant la taille et l'apparence humaine. Il n'était pas sûr qu'il puisse retrouver l'enveloppe du Seigneur du Temps qu'il utilisait d'habitude… Et si oui, peut-être se serait-elle encore régénérée si elle avait été endommagée…

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Marchant au cœur du bâtiment dévasté, il se dirigea au jugé dans l'espoir de trouver d'éventuels autres survivants. Allant de corps en corps, il avait le cœur lourd car il y en avait trop. Toute son œuvre était presque détruite. Il allait rebâtir bien sûr. Avec ceux qui resteraient… Mais si Jenny ou Boe étaient perdus…

Il finit par retrouver le bureau de la Direction et vit une chose étonnante. L'aquarium était toujours là, mais aucune trace d'elle ou de Face de Boe. Un fauteuil avait été tiré tout près, et une chaise empilée sur le fauteuil. Des traces liquides maculaient les parois… Le dieu du Temps s'autorisa un très léger sourire. Il passa une paume sur l'objet d'ultraglass et rembobina le cours de son élément le Temps, pour voir ce qui s'était passé.

Jenny quittant la console en fureur. Jenny poussant le fauteuil. Jenny montant sur la chaise et se hissant sur le bord épais de la paroi de l'aquarium. Jenny sautant sur le sommet de la tête de Boe et activant sa téléportation pendant qu'elle le tenait à pleines mains par ses drôles de cheveux…

Il libéra le cours du Temps qui reprit de nouveau son cheminement normal, et Krane s'autorisa cette fois un vrai sourire. Ils étaient saufs. L'Agence Temporelle pourrait être reconstruite avec les survivants dont une partie avait été préservée par la mesure d'évacuation, sans parler de ceux qui se trouvaient actuellement en mission ailleurs… Savoir que ces deux-là étaient tirés d'affaire le rendait plus optimiste, sans eux, ça aurait été vraiment plus dur.

.°.

 

LE JUGE KRANE ET LE VALEYARD

Par acquit de conscience, il décida de continuer son inspection et dans le bureau blanc de Jenny, eut la surprise de tomber sur un homme en costume marron et à la coiffure anarchique, planté debout devant la baie. Ce dernier contemplait le paysage de New-Earth d'un air songeur, les mains dans les poches.

— Que fais-tu ici, Triste Engeance des Démons ?

— Mon nom est Achernar, fit l'autre sans se retourner. Ou éventuellement le Valeyard, si tu aimes les titres ronflants. Oui, tu aimes les titres ronflants, tu es le hiérarque des Seigneurs du Temps, après tout et…

La créature d'aspect humain ne révélait sa nature que par l'absence de tout iris, l'intégralité de ses globes oculaires étant mangés par des orbites noires comme ces étoiles mortes avides, qui courbaient l'espace et le temps par leur faim insatiable.

— … je viens contempler mon œuvre, enfin ! C'est évident ! répondit-il

Kranakar haussa les épaules avec une moue dédaigneuse.

— Croyais-tu vraiment pouvoir retourner les Harpies du Temps contre leur maître ? Tu n'as fait que raser un bâtiment.

— Non non non, juge Krane, chantonna-t-il. Je n'ai pas fait que ça…

— Si. L'Agence Temporelle, ce n'est pas que quelques murs, tu t'en doutes bien. Tu n'es pas aussi dépourvu de cervelle que ça, si ?…

— Tu verras si j'en suis dépourvu, répondit le Valeyard avec un mauvais sourire ambigu en laissant traîner son doigt sur le bureau immaculé de Jenny. Je connais cet endroit, ajouta-t-il lentement en faisant un geste vers le paysage, et celle qui travaillait ici aussi.

— Dégage avant que je n'emploie sur toi une formule de bannissement qui te fera regretter de venir me chercher des noises.

— Mais Jenny cherche toujours son père, observa-t-il avec une moue narquoise. Est-ce que ça ne serait pas merveilleux s'il réapparaissait soudain dans sa vie ? Est-ce que tu crois qu'elle ne me reconnaîtrait pas immédiatement ? Hum… à voir ta tête, on dirait bien que tu ne lui souhaites pas tout le bonheur familial qu'elle mérite… vilain Limpian ! Quelle sera sa réaction à ton avis, quand je lui apprendrai que tu as tout fait pour m'éloigner d'elle ?...

— Continue comme ça et les prochains mots qui sortiront de ma bouche seront en latin, et nous savons tous les deux ce que le latin fait aux démons…

Le Valeyard le toisa en biais, l'air satisfait comme s'il se jouait de lui. Faisant mine d'obtempérer, il le frôla pour sortir, en l'obligeant à faire un pas de côté. Krane n'était pas atteint par toute la négativité malsaine qui irradiait de sa non-personne. S'il y avait quelqu'un parmi les Limpians qui était presque naturellement immunisé contre toute manipulation émotionnelle, c'était bien lui…

— D'accord Jenny a sauvé la Grosse Tête… c'est vrai. Mais sais-tu seulement où tu as expédié le mignon d'Offerdith encore en un seul morceau ? Tu as bien conscience que si tu le places dans une situation qui l'empêche de faire face à son destin tragique – tu sais bien : « couic » – alors il ne deviendra jamais Face de Boe… Et qu'adviendra-t-il de tout ton joli château de cartes temporel ? Tu y as pensé ? Tu ne peux pas être aussi dépourvu de cervelle que ça, si ?

Le dieu du Temps serra les poings et commença l'incantation.

— Exorcisamus te, omnis immunde spiritus…

— Oh ça va, ça va, arrête ton char, j'y vais… soupira Achernar en s'effaçant de cette réalité avec un petit salut de la main.

.°.

 

KRANAKAR

Alarmé par les paroles de l'Adversaire, Kranakar commença à se diriger résolument vers la salle souterraine de l'ordinateur principal, en espérant vivement qu'il pourrait retrouver grâce à lui la trace temporelle de Jaxx. Mais il s'arrêta pile quand il se souvint que son manipulateur de vortex, non standard, n'avait probablement pas le pisteur dont tous les nouveaux étaient équipés… Il grimaça. La vérité, c'est que même s'il avait des trésors de patience à disposition, le dieu du Temps n'avait pas le moindre début piste pour retrouver Jack Harkness.

Il pouvait déduire que parce qu'il n'avait pas su programmer ce modèle inconnu, il l'avait probablement expédié à sa dernière adresse visitée… Mais comment savoir où il lui avait pris la fantaisie de se rendre avec ce manipulateur de contrebande ?

Préoccupé, il réalisa qu'il y avait un homme blond qui venait vers lui, marchant d'un pas hésitant et l'air un peu hébété. Un Seigneur du Temps s'il en jugeait par les légères écharpes de brumes dorées qui s'échappaient de son souffle. Il avait une tête d'idiot très similaire à celle du 5e Docteur. Des cheveux encore blonds, des sourcils clairs et bas, un nez en patate, une bouche trop petite, un menton assez grand, genre minet efféminé, quoi... Krane soupira en se dirigeant vers lui. Avait-il le choix ? Le patrimoine génétique de Jenny montrait ses limites. Tous les clones rebrassés issus de la Progénitrice semblaient systématiquement adopter des formes similaires à celle du Docteur dans n'importe laquelle de ses incarnations… Christopher, Paul, Matt, Dave et maintenant lui…

— Excusez-moi, dit-il poliment, je suis un peu perdu…

— N'ayez crainte mon brave, je vais vous aider !

Krane, lui toucha gentiment le bras et le pauvre homme passa instantanément sous son contrôle. Il n'avait même pas eu le temps de comprendre ce qui lui arrivait. Krana s'installa dans son enveloppe. En lui, il le sentait lutter et protester mais il l'ignora, dans son état, il n'était pas assez fort. Tentant en vain de programmer la destination de la base de repli, il comprit que son manipulateur avait dû être endommagé car il ne réagissait pas aux commandes et son esprit s'enflamma à la pensée qu'il soit arrivé la même chose à Jaxx… Où l'avait-il expédié ? Irrité, il abandonna la technologie défaillante et utilisa ses pouvoirs plutôt pour se zapper au point de ralliement.

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Dans la pagaille, personne ne fit attention à l'absence de halo blanc quand il débarqua dans l'un des Tubes. La pièce, qui avait l'air d'être un simple hangar, était pleine de gens qui s'affairaient. Les plus valides soignant les plus blessés. Au centre du hall de la base de secours, Jenny était près de Boe, renversé sur une joue, et qui avait l'air bizarrement démuni et plus petit sans son aquarium… Il marcha droit vers eux pour se faire reconnaître sous sa nouvelle forme. Elle ne le déçut pas en le recevant immédiatement dans ses bras pour une brève accolade avant de se réaccroupir près de son patient.

— Comment va-t-il ?

— Pas très bien… confirma Jenny.

En l'entendant, Boe ouvrit un œil terrible et le posa droit sur lui comme s'il pouvait lui transpercer l'âme… Il sentait les ondes qui émanaient de lui et cherchaient à le lire – en vain, puisqu'il n'était de taille contre un dieu.

— Krana, nous avons à parler, murmura la Tête d'un ton qui ne souffrait guère de réplique.

Le juge Krane acquiesça sobrement, songeant déjà à la meilleure façon de présenter sa défense à une créature furieuse qu'on lui ait menti...

La recherche de Jaxx allait devoir attendre un petit peu. Ses prévisions avaient été encore trop optimistes… Le dieu du Temps n'était que trop conscient qu'il allait encore devoir marcher quelques temps parmi les mortels.

— Et où sommes-nous au fait, ici ? demanda-t-il en s'approchant d'une ouverture pour contempler une vaste étendue de sable.

— Oh ça ne te dira rien, répondit machinalement Jenny en haussant les sourcils avec une petite moue amusante. Boe a toujours le chic pour trouver des trous paumés que personne ne connait... On est sur Terre.

 

FIN

 

 

Note de l'auteur : un gros merci à toi d'avoir cru à cette histoire jusqu'au bout.

John est désormais moins inconnu, quelques mystères sur son passé ont été effleurés. Je ne sais pas si la longueur de l'histoire ne noie pas le poisson, mais j'ai tenté de donner mon explication sur la "noirceur" du personnage dans Torchwood. Je ne manipule plus le John moyen de base, il n'est pas parfait, mais au moins il est plus nuancé. Comme tu peux le voir, il a toujours la poisse, Jack à peine retrouvé, lui échappe. Mais on peut l'imaginer bien occupé, avec une Agence Temporelle à reconstruire, des recrues à former, une ex-femme déterminée qui reviendra le tenter, des couches à changer, et s'il a le temps quelques vraies missions temporelles.

Je me suis amusée à replacer Alonso Frame dans ce contexte, de même qu'une discrète allusion à Oswin Osvald car j'ai développé l'idée d'un Jack solaire et magnétique plus obsédé que jamais... par l'idée de reformer des équipes dont il serait le coeur, même en tant que Face de Boe.

D'aucuns diront que mon Valeyard, ce Ten Maléfique qui n'apparait que dans les épilogues (ou presque), tarde à montrer sa pleine mesure. On ne saurait lui reprocher d'agir "dans l'ombre" mais il se dévoile peu à peu.

Pour ceux qui se demanderaient, Krana parle aux Harpies (pardon Reapers) en grec, transcrit dans notre alphabet, mais c'est du grec de Google Translate, alors prudence. :-D Il fallait bien que les Reapers reviennent un peu mettre de l'ordre dans les trop nombreuses occurrences concomitantes de Jack qui coupe et recoupe sa ligne temporelle à plaisir, cette fois pas en toute impunité.

Ceux qui ont lu les derniers chapitres de l'épisode précédent auront une idée d'où se trouve Jack, ce qui donne toute son importance, et son ironie, à mon final.

Merci d'avoir été là.OldGirl.

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