Dernier taxi pour Salkinagh

Chapitre 2 : C1 : Un dernier pour la route

3648 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 27/05/2017 17:56

PARTIE I : MISSION TO SALKINAGH

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CHAPITRE I : Un dernier pour la route

QUENTIN CORMACK

8h30 tapantes dans le centre-ville de Guernö, la foule des travailleurs se pressait en hâte le long des artères de ce gigantesque pôle industriel situé sur la planète Velquesh. Les guernösi étaient travailleurs par nature et la ville était bonne pour ceux qui se donnaient du mal. A 8h31, le directeur général de Cormack Industries et Systèmes franchit le seuil des bureaux de son entreprise de robotique appliquée. Signe extérieur de sa réussite, ses locaux occupaient un étage élevé dans une tour d'ultraglass et de béton. A 8h32, il constata avec une certaine satisfaction que comme tous les matins, l'accueil fourmillait déjà de salariés de retour de la machine à kokwa, sirotant pendant qu'ils se saluaient le breuvage chaud qui finirait de les réveiller.

Il salua d'un bref signe de tête ceux qui osaient le regarder directement dans les yeux. Non pas qu'il fut particulièrement intimidant sur le plan physique, ou qu'il se montrât froid avec ses employés. On remarquait surtout qu'il était souvent élégant. Malgré son visage plutôt classique couronné de cheveux bruns, sa stature moyenne d'une corpulence normale, il se dégageait de lui une assurance calme et ferme qui lui tenait lieu de charisme et… une certaine réserve qui n'était en rien de la timidité. Le mélange le rendait souvent intensément et involontairement mystérieux pour la plupart des gens qui ressentaient confusément qu'il y avait quelque chose d'autre sous sa surface qu'il savait lisse. Et bien souvent, ce « quelque chose » supposé, excitait les imaginations en le rendant aux yeux de beaucoup, particulièrement attirant.

Il savait bien ce qu'on pensait de lui. A ses débuts, qu'il était un golden boy. Ensuite, on avait bien voulu lui reconnaître qu'il était doué pour les affaires quand il avait su s'entourer et faire fructifier son entreprise. On disait de lui qu'il était secret et riche à millions. Qu'il n'était pas vilain du tout. Mais la vérité vraie, c'était simplement que les guernösi aimaient gloser sur tout et n'importe quoi. Principalement sur n'importe quoi.

Il porta une main à sa poche pour en tirer le petit morceau de plastique blanc avec lequel il badgea pour accéder au sas menant aux bureaux de la direction. Quand il eut poussé la porte en verre dépoli, il se dirigea spontanément vers le bureau de sa secrétaire, qui était déjà à son poste depuis une demi-heure. Cognant de l'index à sa porte ouverte, il se pencha un peu pour signaler sa présence et la saluer.

— Bonjour Verity, je suis arrivé…

Le regard légèrement fixe, sa nouvelle secrétaire, une petite jeune femme aux cheveux châtains, se tenait droite sur son siège et elle hocha plusieurs fois la tête, tandis qu'elle pianotait quelque chose sur son clavier :

― Très bien c'est noté, à 16 heures, juvanda prochain. Je vous remercie d'avoir confirmé.

Elle porta la main à son oreille pour appuyer une fois sur son oreillette et couper la communication avant de lui sourire très professionnellement, à peine avec les yeux, mais pas sans, pour ne pas avoir l'air froide ou revêche.

― Bonjour M. Cormack. Je vous ai dit que vous pouviez m'appeler Vera.

Il s'autorisa un demi-sourire tant la remarque n'avait rien qui puisse ressembler à la moindre familiarité. Verity Kostakos sortait de la meilleure école de Velquesh et elle avait déjà passé un an dans un cabinet d'avocats réputé, Nelson et Murdock. Elle remplaçait sa précédente secrétaire partie à la retraite le mois d'avant. Il savait qu'elle n'était pas encore complètement à l'aise en sa présence car elle donnait l'air d'être encore impressionnée par son personnage public. En même temps, c'était son deuxième jour…

Il n'en aurait pas joué toutefois, car il n'aimait pas ce genre d'histoires sur les grands patrons utilisant leur cheptel d'employés pour assouvir leurs fantasmes… Petite et un peu boulotte, elle n'était pas mise en valeur par son uniforme de travail (un chemisier strict et une jupe droite) mais elle donnait l'air de supporter sans sourciller son examen. C'était ce qui lui avait plu au moment de l'embaucher. Il n'aurait pas aimé qu'elle se comporte comme toutes ces héritières en pâmoison, que les mères de la bonne société jetaient quasiment sous ses semelles à la moindre occasion.

― Voulez-vous que je vous donne le programme du jour ?

― S'il vous plaît, acquiesça-t-il en entrant dans le bureau.

― A 10 heures, vous avez rendez-vous avec le syndic de votre immeuble. 10 heures 25, vous devez prendre l'hélico pour vous rendre à l'hôpital, car le laboratoire des prothèses est prêt pour la démonstration. Vingt minutes de trajet, la présentation durera quarante-cinq minutes, cela vous laisse le temps de revenir ici, pour la conférence téléphonique avec l'assistant du Maire qui s'appelle… (elle jeta un œil sur un calepin) : M. Novak. Oui c'est ça. Et j'ai réservé une table à 13 heures au Chandelier Noir pour un déjeuner avec votre frère, est-ce que cela vous convient ?…

Elle tourna ses yeux verts légèrement inquiets sur lui, tout en lui tendant un volumineux parapheur bourré jusqu'à la gueule de courriers et de contrats à signer.

― Ce sera très bien, mais dites-moi que je n'ai rien d'autre cet après-midi… la pria-t-il.

Elle esquissa un bref sourire contrit qui devait signifier que non :

― Je pourrais déplacer quelques autres rendez-vous de moindre importance… Il me faut ces papiers avant votre départ pour l'hôpital, signala-t-elle, et… Paul Malgan vous attend déjà dans votre bureau pour un point sur l'approvisionnement de certaines pièces.

― Merci Verity. Pouvez-vous nous apporter deux kokwas ? Pas de crème, pas de sucre.

Après un dernier coup d'œil bleu sur elle, il cala le parapheur sous son bras, reprit sa mallette et entra dans son propre bureau. Ça y était. La valse d'une nouvelle journée commençait.

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Verity Kostakos le regarda pousser la porte de son bureau de président et la refermer derrière lui. Et alors seulement, elle s'autorisa à souffler.

Son nouveau patron, Quentin Cormack – la rumeur disait qu'il était le 47e du nom, ce qui donnait une idée de la longévité de sa famille – était indéfectiblement entouré d'une aura impénétrable qui tenait certainement à sa discrétion exemplaire dès qu'il s'agissait de sa vie privée pourtant très surveillée par la presse people. Elle ne doutait pas qu'en devenant son assistante personnelle, une part de ce mystère finirait par se lever, mais il ne laissait pas d'être très impressionnant…

L'un des célibataires les plus en vue de toute la ville, probablement de la planète même. Il n'avait pas de relation sérieuse, mais il s'était affiché plusieurs fois avec une étrangère ces derniers mois. L'une des associées d'une petite agence d'enquêtes privées qui avait fait beaucoup parler d'elle lors de son lancement. L'étrangère passait pour « très exotique » et fort séductrice. Toutefois, elle n'avait jamais vu que leur comportement en public laissât à désirer. Ils semblaient davantage être des amis qu'un couple d'amoureux, mais comme il l'emmenait toujours dans des endroits très chics en lui faisant réserver les meilleures tables, elle se demandait s'il n'avait pas des vues sur cette belle plante plus âgée, au nom si bizarre qu'on aurait dit un faux : River Song.

A ce moment, elle se souvint brutalement de ce qu'il lui avait demandé et se propulsa vers les machines à kokwa.

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Paul Malgan s'était levé pour lui serrer la main dès qu'il était entré dans son bureau. Grand gaillard brun, sérieux, toujours d'un calme olympien, le chef de sa division de recherche des projets spéciaux avait un visage trompeusement mélancolique. Aujourd'hui, toutefois, son regard bleu avait l'air plus préoccupé qu'à l'ordinaire. Embarrassé, peut-être ?

― Quelque chose ne va pas ? demanda Quentin en posant le parapheur pour ouvrir sa mallette et en sortir son téléphone.

― Oui. Je ne sais pas si tu te souviens, j'avais un voyage de prévu dans trois jours sur Salkinagh.

― Oui, répondit Quentin. C'est pour le solcicium enrichi, je crois ?

― Exact. Vu la situation qui commence à se crisper dans les territoires du système extérieur, je voulais y aller pour revoir en personne notre fournisseur et le rassurer en lui détaillant un prévisionnel échelonné de nos commandes… Comme tu le sais, nous sommes en pleine phase de prétest pour le second prototype d'Oona, le premier ayant grillé la majorité de ses puces à cause de la surtension causée par les employés en grève de GenPow…

― Oh ne m'en parle pas. Ça c'était un coup dur… acquiesça Quentin en roulant des yeux. Et alors qu'est-ce qui se passe ?

― Ça m'embête vraiment mais je dois annuler. Un empêchement de dernière minute.

― Grave ? demanda Quentin avec une touche de sollicitude.

― Euh non, pas vraiment, mais pas moyen de me défiler : je suis assigné comme juré dans le procès d'Anton Kelnig pour le meurtre de sa femme… C'est la tuile. Fallait que ça tombe sur moi…

Quentin eut une petite moue fataliste et compréhensive. River avait travaillé sur le dossier Kelnig et lui avait même demandé officieusement un peu d'aide à un moment donné de son enquête. C'était vraiment moche ce qui se passait. Kelnig allait porter le chapeau pour un crime qu'il n'avait pas commis…

Deux coups frappés à la porte les interrompirent et précédèrent l'entrée de Verity avec les boissons. Elle enregistra leurs postures décontractées et les expressions détendues de leurs visages. Il était notoire que la Division des Projets Spéciaux bénéficiait d'une sorte de favoritisme particulier de la part du PDG… Elle posa le petit plateau où étaient les gobelets sur le bureau de son patron.

― Paul, je te présente Verity Kostakos, ma nouvelle assistante que tu ne connais pas encore. Elle a toujours la haute main sur la gestion de mon agenda de ministre…

― Vera, répondit-elle en tendant la main au directeur Malgan.

Paul s'était levé courtoisement pour répondre à sa poignée de main et la regarda attentivement sortir du bureau en buvant son kokwa.

― Ma nouvelle assistante te plaît ? s'amusa Quentin.

― Oui. Enfin… non ! C'est-à-dire que… Je… me demandais d'où elle sortait ? Elle a l'air bien jeune... Tu as vérifié ses références ?

― Elles sont excellentes, monsieur le Paranoïaque. Est-ce qu'on peut revenir à ton voyage annulé ? Chris ne pourrait-il pas s'y rendre à ta place ?... Ça m'embête aussi qu'on doive reporter, d'autant que j'imagine que tu comptais revenir avec une petite cargaison sous le coude ?

― Oui pour la cargaison et non Chris ne peut pas… Je lui ai déjà demandé, soupira son ami. C'est la Fête des Petits Papillons ou un truc dans le genre : tous les papas doivent y aller avec leur enfant, et ça fait déjà trois fois qu'il manque ce genre d'événement. L'institutrice lui a dit que s'il ne venait pas cette fois-ci, elle lui collait un rapport aux services sociaux de l'enfance…

― Mhh, c'est rude ! commenta Quentin… Bon, et bien il n'y a pas cinquante solutions… Ce n'est même pas la peine que je demande à Dave, qui un, est débordé et deux, aurait dit non parce que je crois que sa mère qu'il ne voit presque jamais, est de passage… Je sens qu'il va falloir que je m'en occupe moi-même !

Il n'eut pas le temps de laisser flotter longtemps sur ses lèvres un sourire alléché car son ami et collègue s'insurgea aussitôt en montrant des signes inhabituels d'agitation :

― C'est hors de question ! Beaucoup trop dangereux, déjà ! Et en plus, tu ne peux pas t'absenter comme ça. Il faut que tu restes visible… Cette foutue commission te surveille…

― Je sais, c'est la procédure pour les contrats passés avec l'État. Mais écoute, si je fais un saut de trois jours sur un week-end et que je demande à Otto de jouer mon rôle pendant cet ennuyeux gala où je dois faire danser des rombières, je crois que ça pourrait être jouable… fit Quentin en hochant doctement la tête. A condition qu'Otto apprenne à danser…

― Otto pour servir de leurre ? Mhh, fit l'ingénieur dubitatif. Tu es sûr qu'il est prêt ? Il ne faut pas qu'il se fasse pincer ni qu'on découvre le pot-aux-roses. Techniquement, notre androïde n'a pas vraiment d'existence légale et le projet qui le concerne n'a toujours pas été approuvé par le Bureau de Validation des Innovations…

Quentin vida son gobelet qu'il froissa ensuite pour le jeter dans la corbeille d'un geste agacé.

― Je sais !... C'est toujours à l'étude ! Mais sans solcicium, pas de nouveaux tests sur le Tesla 2, et sans nouveaux tests qui marchent, pas de contrat possible avec l'Etat pour des exosquelettes de travail en zone dangereuse… ça se mord la queue !

― On dirait quand même que ça te fait plaisir de faire le mur de cette façon… Si Matt s'était proposé pour ça, j'aurais compris, mais toi ? Et puis, comment vas-tu faire pour trouver un transport pour une date si rapprochée maintenant ?

― Bah, et ton billet ? Tu vas me le donner !

Paul se frotta lentement la joue pour masquer un sourire un peu embarrassé.

― Et bien, c'est-à-dire que… La secrétaire l'a annulé automatiquement quand on a reçu hier la convocation du Tribunal… Elle est… hem… très efficace.

― Un peu trop pour le coup… Je vais réfléchir à une solution. Je connais un type qui accepterait peut-être de m'emmener discrètement, si j'y mets le prix.

― Un transporteur privé ?

― Oui c'est ça.

― On le connait ?

Le téléphone de Quentin Cormack retentit et Verity lui annonça que son prochain rendez-vous était déjà arrivé avec un peu d'avance.

― Pas beaucoup, mais ça sera l'occasion… Prépare-moi tous les documents au cas où il dirait oui. On s'en reparle de toute façon avant afrida…

Les deux hommes se donnèrent une brève accolade et Quentin le raccompagna à sa porte. Quand Paul sortit, il accueillit bien plus formellement son nouveau rendez-vous et héla sa secrétaire pendant que le président du syndic prenait place.

― Verity, un second kokwa pour tout le monde. Et trouvez-moi le numéro d'un certain John Hart.

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QUENTIN CORMACK ET JOHN HART

Au son d'une musique languissante qui n'aurait pas déparé dans un ascenseur, Hart était accoudé au bar scintillant du Perroquet Bleu, avec un fond de verre d'hypervodka dans une main, et une cigarette dans l'autre. En face de lui, Dorium Maldovar, le propriétaire bleuté avec qui il discutait, poussait obligeamment devant lui un cendrier pour l'inciter à l'éteindre.

Sa blondeur inhabituelle, presque blanche, et son improbable veste à brandebourgs, lui attiraient quelques regards curieux, ou peut-être était-ce seulement le contraste qu'il faisait avec Maldovar. Deux originaux pareils, c'était sans doute un peu beaucoup pour la si conventionnelle Guernö… Pourtant, à la minute, il se tenait plutôt tranquille. En fait, il y avait même des chances que ce soit lui qu'il attendît, car Quentin avait réussi à lui fixer rendez-vous dans ce club, figurant parmi les plus discrets de tous ceux que possédait l'alien à la peau curaçao.

Sous les spots douceâtres, Quentin louvoya entre les tables et salua Maldovar en arrivant. Celui-ci s'empressa de lui demander s'il pouvait lui offrir quelque chose… vérifiant une nouvelle fois l'adage qu'on ne prêtait qu'aux riches. Le jeune homme avait l'habitude. Il savait que sa seule présence en ces lieux pouvait attirer la clientèle et faire tripler le chiffre d'affaires dès que quelqu'un irait rapporter dans une feuille de chou qu'on l'avait vu se rendre dans ce club... Echange de bons procédés. Mais il refusa d'un sourire poli en expliquant que sa journée de travail n'était pas finie et que ça n'aurait pas été raisonnable.

Hart renficha sa cigarette au coin de ses lèvres et demanda en lui tendant la main ainsi libérée :

― Parce que vous faites toujours les choses les plus raisonnables ?

Quentin sentait affleurer le jugement dans le ton de son intrigant interlocuteur et le regarda tranquillement écraser son mégot et repousser son verre.

― En tous cas, j'essaie, répondit-il. J'ai l'impression que j'ai de la chance de pouvoir vous trouver. Vous n'êtes pas souvent là, M. Hart.

― Non en effet, et c'est plutôt une bonne chose pour mes affaires. Pourquoi vouliez-vous me voir ?

― Pour une course, bien sûr. J'ai besoin d'aller sur Salkinagh et vous semblez être un habitué du trajet d'après ce qu'on m'a dit…

Hart rejeta la tête en arrière pour le considérer un instant – peut-être pour se demander qui était ce « on » – et donna un coup de menton vers une table libre pour l'inviter à y prendre place avec lui, non sans embarquer possessivement le restant de sa consommation. Une fois installé, il le scruta attentivement en se frottant le menton, comme songeur.

― Plus c'est loin, plus ça paye… commenta-t-il platement. Vous avez conscience bien sûr que ce n'est pas trop le moment de mettre les pieds dans les territoires d'outre-espace ?

― J'en ai conscience. Vous craignez pour votre sécurité ?

Hart le regarda de biais avec un sourire soudainement amusé, et l'air vaguement offensé de celui qui se demande si on le provoque.

― Pas le moins du monde. Vous pouvez m'en dire plus sur cette course ? Ce serait quand et pour combien de temps ?

― Je voudrais partir à la fin de la semaine et rentrer lundi car je ne peux pas m'absenter longtemps, c'est quasiment pour faire l'aller-retour mais c'est important que je m'y rende. Vous vous en doutez bien, sinon je ne viendrais pas vous trouver. Ça vous semble tenable ?

― Pas de délai, course express, zone dangereuse… énuméra-t-il. On va où, une fois là-bas ?

― Les contreforts de Kualk, lâcha Quentin en croisant inconsciemment les doigts comme pour une prière.

John siffla entre ses dents avec cette fois une hilarité à peine voilée.

― Dites… Vous ne doutez de rien… ça va vous coûter un max, vous le savez ?… Il y a quoi dans ce coin, des exploitations minières, non ?

― Et si nous en venions à la somme que vous estimeriez raisonnable pour me conduire très vite et sans délai dans cette zone politiquement instable ? Incluez votre prime de risque, et le désagrément de devoir repartir aussitôt sans avoir le temps de revoir vos proches…

― C'est toujours un réel plaisir de faire des affaires avec vous, M. Cormack ! Disons alors quinze mille. Le rafiot ne m'appartient pas, s'il essuie des tirs, il faut que je puisse le faire éventuellement réparer, enfin si on s'en sort, évidemment

― Parce que vous comptez vous faire canarder sans riposter ?

― Mhh, vous voulez que je protège votre vie, en plus ? A combien estimez-vous votre vie, M. Cormack ?

Quentin Cormack s'autorisa un léger rire bref qui anima soudain toute sa physionomie, en le rendant presque intéressant pour le blond convoyeur dont le regard sur lui était équivoque. Comme si le fait qu'il soit physiquement très attirant ne suffisait pas à rendre l'étranger déjà très sujet aux ragots, il fallait qu'il ait en plus des mœurs très conformes à ce qui se passait partout ailleurs dans la galaxie. Sur Velquesh, et plus particulièrement à Guernö, on était traditionnel. Peu importait que la majorité des couples soient homosexuels dans les centres de gouvernement fédéraux. Le Système de Portabaal était excentré et ravi de manifester son « excentricité » en promouvant le mariage hétéro… Mais telle n'était pas la question, la question presque philosophique dans le fond, était sur la valeur de sa vie.

― Oh, sans doute moins cher que vous ! Combien voulez-vous pour m'emmener sur Salkinagh et retour en tant que chauffeur et garde du corps, et tout ça bien sûr le plus discrètement possible ?

― Allons vous m'êtes sympathique… Mettons, vingt-deux mille crédits ?

― C'est bien ce que je pensais. Ma vie vaut moins cher que la voiture que je conduis !… Mais je mets une condition, histoire de vous motiver : la moitié avant le départ, la moitié à mon retour. Si possible entier, et en état de signer votre chèque évidemment, finit-il avec un air narquois en imitant la formule que l'autre avait eue un peu plus tôt.

Hart le considéra d'un autre œil pour répondre du tac au tac :

― Si vous arrondissez la somme à vingt-cinq, je peux aussi cuisiner pour vous et venir vous border toutes les nuits.

― Je vais prier pour que ça ne soit pas nécessaire... Ma secrétaire vous rappellera pour le transfert de fonds et les modalités du départ. A bientôt donc.

Quentin le salua et Hart regarda partir l'homme pressé en finissant son verre. La brûlure de l'alcool s'ajouta à l'excitation naissante qu'il ressentait. Cette mission, c'était parfait. Avec cette somme, il aurait assez pour pouvoir se racheter une petite navette et quitter Portabaal.

Le plus dur serait probablement de convaincre Jack Harkness de le suivre. Évidemment.

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