Les neiges sanglantes de Meltomène

Chapitre 6 : C6 : Cartes sur table

4170 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 26/10/2015 19:58

...Dites-moi plutôt pourquoi vous m'avez empêchée de savoir ce que manigançait ce directeur au nom ridicule ?

Le Docteur la relâcha mais avec un rien de mauvaise grâce, le regard toujours fixé à elle, en proie à une préoccupation inhabituelle.

― Le magicien chinois m'a informé que vous risquiez probablement d'être tuée. Je ne pouvais pas tolérer cela.

― Par le directeur ? s'étonna-t-elle. Et puis d'ailleurs, depuis quand vous êtes copain avec Wu Tsi ?

― On n'est pas « copains ».

― Mais qui est-il alors ? Ami ou ennemi ?

Derrière elle, une autre voix au ton légèrement caustique lui répondit – la faisant sursauter de frayeur parce qu'elle ne s'y attendait pas :

― Et bien : pour tout dire, un peu les deux !

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CHAPITRE VI : Cartes sur table

CLARA OSWALD

Clara fit volte-face pour voir qui venait de s'immiscer ainsi dans la conversation et découvrit le magicien chinois, emmitouflé dans un grand manteau en fourrure dorée, qui les regardait avec une expression amusée et un peu condescendante, comme s'il venait de dire quelque chose de vraiment très drôle qu'il était seul à comprendre.

― Je me doutais bien que vous n'étiez pas du tout sa fille…

Le mécontentement de la jeune femme était visible dans le crépitement de ses prunelles et le froncement contrarié de ses sourcils. Elle n'aimait vraiment pas ses insinuations. Mais peut-être était-elle à blâmer ? Parce qu'elle s'était prise à flirter un peu avec lui l'autre nuit, il se croyait sans doute autorisé maintenant à adopter une telle attitude ? Par dépit ? Néanmoins, à la décharge de leur désagréable compagnon, elle devait reconnaître qu'avec le Docteur se tenant vraiment tout près d'elle – à chuchoter pendant qu'il la tenait toujours à la taille avec une touche de possessivité – vu de l'extérieur, ça ne plaidait pas complètement en faveur d'une relation filiale.

Ignorant l'intrus, elle jeta un coup d'œil au Gallifréen en attendant qu'il veuille bien lui expliquer ce que tout ceci signifiait.

― Quand je l'ai interrogé, le Professeur a reconnu qu'il était à l'origine de certaines des perturbations que nous avons relevées.

― Et vous l'avez admis spontanément ? se moqua-t-elle en haussant à la fois un sourcil et un coin de lèvre dubitatifs.

Wu Tsi écarta les mains et opina d'un ton navré :

― D'autant plus volontiers que je n'ai pas agi de mon plein gré, et que votre… « ami » a promis de m'aider à me libérer du joug de Costopovitch.

Elle restait parfaitement méfiante, à peu près certaine que son instinct de l'autre soir ne l'avait pourtant pas trompée. C'était étrange car le Docteur avait pourtant reconnu qu'il avait confiance dans cet instinct. Se croisant les bras, elle répondit d'un air fermé :

― Je ne suis pas décisionnaire en ce qui concerne l'assistance à vous apporter. Mais j'avoue que ça m'aiderait peut-être de savoir comment cet individu fait prétendument pression sur vous…

Koschei la regarda droit dans les yeux en se disant qu'il faudrait se débarrasser d'elle quoi qu'il arrive. Mais il n'allait certainement pas laisser Costopovitch en retirer tous les bénéfices auprès d'Achernar… Si quelqu'un devait accomplir cette mission, autant que ce soit lui ! Il devinait trop bien qu'elle allait constamment s'opposer et fouiner… D'une certaine façon, le couple qu'il avait devant les yeux lui était assez familier. Elle surtout. Il connaissait un peu son genre. Stupide mais pas trop, bavarde, vaguement jolie… Il avait déjà vu ça avant chez un autre Seigneur du Temps. Mais le revoir comme ça dans ce vieux faux magicien et sa fausse fille, c'était comme si le destin le narguait ou se moquait de lui en lui remettant toujours sous les yeux le même genre de mauvaise blague…

― Je l'ai déjà expliqué tout à l'heure, mais peu importe. Le directeur de ce casino a eu vent de certains de mes petits problèmes de santé. Quand je suis arrivé ici, il m'a expliqué qu'il pouvait me procurer des médicaments qui me soulageraient si j'acceptais de lui rendre un service… (Il grimaça). Naturellement, c'était un marché de dupes. Ces médicaments sont certes efficaces mais pas sans effets secondaires. Et il me faut à chaque fois prendre des doses plus fortes… Je reconnais que j'ai manqué de méfiance. Mais c'est le bout du monde ici. Et l'approvisionnement est compliqué par les conditions météo.

Elle regarda encore le Docteur et lui fit non de la tête.

― Pouvez-vous nous accorder un instant ? demanda le Docteur.

Le magicien chinois acquiesça et répondit qu'il retournait à l'auberge rassembler ses affaires. Elle le regarda s'éloigner à pas lents, dans son manteau de fourrure improbable au poil scintillant, qui lui donnait l'air d'un yeti passablement bling-bling.

― Il ment ! déclara-t-elle avec conviction dès qu'elle pensa qu'il était suffisamment éloigné.

― Je sais bien ! soupira le Docteur. Mais s'il peut nous aider à neutraliser le gérant du casino, ce serait bête de ne pas essayer d'en profiter…

― Pourquoi parle-t-il de rassembler ses affaires ? Il s'en va ?

― Non, il faut qu'il vienne avec nous !

― Vous êtes fou !

― Oui probablement. Mais je préfère l'avoir à l'œil.

― Mais par « avec nous », vous voulez dire « dans le Tardis » ?

― Oui !

― Hors de question ! se braqua-t-elle aussitôt. Je suis catégoriquement contre ! Vous vous souvenez quand je vous ai dit que je ne croyais pas que John Hart voulait me tuer parce qu'il n'avait pas ce « genre de regard » révélateur ? Et bien lui, il l'a ! Je ne sais pas pourquoi mais je sens qu'il n'hésitera pas un seul instant.

― Et vous voudriez me laisser tout seul avec un énergumène aussi dangereux et alors même que vous arrivez parfaitement à le percer à jour ? demanda-t-il en la regardant de côté avec l'air de s'amuser un peu. Vous êtes mon seul avantage tactique sur ce coup, Clara.

Elle plissa les yeux en faisant une moue pincée.

― Ça ne vous va pas de faire ce genre de chantage affectif. Rien que les deux mots devraient vous hérisser le poil…

― Je ne le laisserai pas vous faire du mal, la rassura-t-il.

― Et s'il vous prenait de vitesse ?

Le Docteur eut l'air de trouver ça très drôle.

Mais c'est pourtant très exactement ce que fit Koschei.

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CLARA OSWALD

Même si elle s'y attendait, elle ne l'avait pas vu venir. Elle se trouvait dehors sur une allée enneigée du village, en train de revenir de la petite cantine communale où elle était allée chercher quelque chose à grignoter pour elle et le Docteur. Ce dernier était dans le bureau de Mercator depuis une bonne heure et sa réunion avait l'air de se prolonger au delà des limites du raisonnable. En tous cas, du point de vue de son estomac terrien.

Elle comprenait parfaitement cependant qu'il valait mieux fournir au Maire plus que des présomptions pour tenter de coincer « Propergol », ou du moins le convaincre de les aider à prouver les meurtres de quatre employés, perpétrés avec des moyens dépassant l'entendement…

Les sons alentours étaient tous atténués par l'épais manteau de neige recouvrant les minuscules jardinets et les chalets de bois rouge. Il faisait un froid cinglant malgré un ciel limpide et peu de vent. Le bizarre de la situation ne la saisit pas tout de suite. Propergol, qui venait en face d'elle sur la route, l'avait saluée et elle avait fait de son mieux pour lui répondre poliment afin de ne pas susciter ses soupçons. Peut-être savait-il déjà que le Docteur était dans le bureau du Maire, en train de lui faire son grand numéro de charme de sauveur de planètes infestées de Reapers. Ou peut-être ne le savait-il pas.

Aussi quand elle le vit s'approcher d'elle, elle resta un instant interdite. Elle avançait prudemment sur la chaussée glissante, et il était bien évident qu'elle aurait eu un mal fou à courir, même si elle avait eu les raquettes qu'elle avait aux pieds en débarquant à la Station… Celles qui flottaient actuellement en suspension dans la zone sinistrée de sa chambre de l'auberge… Alors qu'elle avait les yeux rivés sur Costopovitch, qui n'était plus qu'à quelques mètres… une main se saisit fermement de son bras. On lui chuchota à l'oreille de ne pas s'inquiéter et que tout allait bien se passer… D'un coup d'œil en biais, elle vit que c'était Wu Tsi qui l'avait agrippée et lui parlait fort, en arguant qu'il n'entendait rien avec son bonnet…

Presque miraculeusement, la physionomie du directeur du casino se referma aussitôt. Il continua sa route en les dépassant avec un sourire gêné, comme s'il avait brusquement changé d'avis. À la vue de sa fuite, Wu Tsi afficha un sourire pleinement satisfait.

― Il n'osera rien vous faire tant que je serai là, promit-il en desserrant sa prise autour de son bras.

― Pourquoi ? De la façon dont vous vous êtes présenté l'autre fois, ce serait plutôt lui qui a du pouvoir sur vous, non ?…

― Il n'est pas assez courageux pour accomplir son méfait devant témoins, avança le chinois.

― Je ne crois pas, répondit-elle songeusement.

Il la scruta intensément.

― Vous devriez pourtant, mais je suis curieux de savoir ce qui vous permet d'en douter.

― J'en doute parce que j'étais en train de parler à la dernière victime et venais à peine de lui tourner le dos, quand ça s'est produit. Il fallait bien qu'il soit là tout près…

― Hum ! fit seulement le professeur Wu. Puisqu'on en parle… Vous ne m'avez pas dit comment vous avez trouvé ma petite mise en scène ?

Elle stoppa net sa marche et recula. Il se mit à rire un peu devant ce mouvement de repli dérisoire.

― Allons, vous avez bien un avis ? Les pétales, c'était romantique, non ?

― Co… comment avez-vous fait ? bégaya Clara. Je n'ai vu personne !

― Normal, concéda-t-il avec un petit sourire suffisant.

Elle secoua la tête, un peu paniquée malgré elle, cherchant des yeux si quelqu'un d'autre ne pourrait pas l'aider mais il n'y avait pas âme qui vive à cette heure très matinale. Les choses se précipitaient à une vitesse à laquelle elle était loin de s'attendre.

― Pourquoi diable êtes-vous en train de m'avouer ce meurtre ?

― Parce que ce brave Propergol et moi sommes associés… Vous êtes un peu lente !

Elle serra les dents.

― Sans doute, mais l'homme qui m'accompagne est très attaché à ma lenteur. Je crois que vous n'aimeriez pas vous en faire un ennemi.

Koschei prit la pose, un poing sur la hanche avant de sortir une petite sacoche de feutre noir dont il défit lentement le lien sans la quitter du regard. Il en sortit un caillou gris.

― Justement à ce propos, j'aimerais bien en savoir plus à son sujet… Peut-être que nous pourrions passer un genre de marché ? Si vous me fournissez son identité et qu'elle m'intéresse, je pourrais envisager de ne pas vous tuer. Qu'en dites-vous ?

Le ton de Clara se durcit et elle haussa les épaules en continuant à reculer.

― Comment saurais-je quelle identité serait susceptible d'intéresser un esprit malade comme le vôtre ? Non, je préfère me taire.

Il eut une expression de surprise.

― Quoi ? Vous iriez jusqu'à mourir pour lui ? Ça faisait longtemps que je n'avais pas vu un tel dévouement aveugle pour quelqu'un… Ne soyez pas stupide, dites-moi plutôt quel est son vrai nom ! Ça ne peut pas être « Archim Boldo » : il n'a même pas été foutu de faire un volcan dans sa purée à la cantine !…

― Parce que vous savez qui est Archimboldo ?

― Il s'avère que oui. Mais c'est moi qui pose les questions, ma chère.

Elle plissa les yeux en tâchant de prendre l'air inspiré.

― Allons bon ! Vous connaissez Houdini, vous connaissez Archimboldo, soit vous êtes cultivé…

Il darda ses petits yeux noirs perçants sur elle, soudain très intéressé par l'éventuelle alternative qu'elle pourrait proposer.

― … Soit vous avez un manipulateur de vortex !

Il manifesta cette fois une certaine stupéfaction pendant un très bref instant mais qui fut vite remplacée par une expression de joie quasi-démente…

Un manipulateur de vortex ? Là, vous avez vraiment réussi à piquer mon intérêt. Si vous en avez un dans vos bagages, je jure que vous avez la vie sauve !

Elle se croisa les bras pour bluffer mais son estomac n'était plus qu'une pelote dure comme du caoutchouc. Allait-elle pouvoir parler sans chevroter ridiculement ? Elle pourrait toujours dire que c'était le froid, si ses dents s'entrechoquaient… Que lui restait-il sinon essayer de faire la meilleure imitation de River qu'elle pouvait ? Parce qu'en la circonstance, elle n'avait rien d'autre pour tenter de gagner du temps.

― Ah ces idiots d'Agents du Temps, totalement incapables de surveiller leurs plus précieuses affaires… lança-t-elle avec bien plus d'assurance qu'elle n'en éprouvait réellement.

― Vous l'avez volé à un Agent du Temps ? Je croyais qu'il n'y en avait plus, se méprit-il mais avec une moue ravie et peut-être un peu plus de respect pour elle.

― Ils entretiennent cette croyance… Mais les choses ne tournent pas forcément dans le sens que l'on espère. Regardez, moi j'en avais un. Avant que quelqu'un d'incompétent ne transforme ma chambre en chaos spatial et que tous mes bagages ne tombent dans un puits gravitationnel déréglé…

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KOSCHEI

La moue de Koschei trahit son irritation et sa déception, même si en la circonstance il ne pouvait s'en prendre qu'à lui-même de son mauvais calcul et de son manque de chance.

― Alors, si vous n'avez plus de manipulateur de vortex, il ne vous reste plus qu'à me donner le nom de votre compagnon, en priant pour qu'il m'intéresse.

― Vous n'êtes pas capable de réparer l'anomalie pour aller le récupérer? essaya-t-elle.

― Ne me prenez pas pour un idiot ! la tança-t-il d'un ton hargneux. A la seconde où on y sera, vous me pousserez dans le puits et vous refermerez la porte sur moi… Pour l'avoir préméditée pour vous, je sais que c'est une très vilaine mort que d'affronter le vide.

― Mais qu'est-ce que je vous ai donc fait !

Koschei caressa la pierre sortie de la sacoche de feutre, dans ses mains protégées de gants spéciaux que lui avait fournis Achernar.

― Rien du tout ! J'ai juste des ordres auxquels je n'ai pas tellement les moyens de désobéir, soupira-t-il d'un air pourtant fort peu coupable.

― Mais pourquoi ! Le Docteur pourrait vous aider !

Il se figea. Avait-il bien entendu ? Le Docteur ? Une joie sauvage mêlée de soulagement le fit éclater de rire ce qui pourtant ne rassura pas tellement Clara, sans doute consciente qu'elle venait de faire une regrettable erreur… Il soupira encore en la regardant avec une sorte de vague incrédulité. Voilà pourquoi ce couple lui paraissait familier ! Oh, ce gredin n'était pas mort ! Et en plus, il continuait à sévir en toute impunité, en persistant manifestement à enlever des petites filles qu'il embobinait toujours semblait-il, avec le même brio et l'aisance qu'il lui avait toujours connu… Ah, ce que c'était commode tout de même la télépathie ! Même un niveau très moyen lui suffisait pour les circonvenir impunément… Il devait reconnaître qu'une bouffée d'envie malsaine lui rongeait les tripes. Mais elle ne datait pas d'hier.

En tant que simple humain, il n'avait rien vu, ni rien senti du tout ! Il n'avait vu qu'un vieil homme horripilant et insignifiant à la fois… Il avait été incapable de le reconnaître et y avait prêté à peine attention ! Quelle pitoyable condition que l'humanité, avec ses sens ridicules à la limite de la surdité et de l'aveuglement !...

Mais maintenant qu'il savait, toutes les petites pièces du puzzle sur lequel il s'interrogeait depuis qu'il avait débarqué avec sa « compagne » se mettaient en place… Cette vieille baderne rabougrie – quoique pas aussi ratatinée que le gnome en lequel il l'avait déjà transformé pour le fun – se pouvait-il qu'elle soit réellement non pas un simple Seigneur du Temps, mais… le Docteur ? Ça lui semblait encore trop beau pour être vrai. Pendant petit instant, il joua avec l'idée qu'elle pouvait essayer de lui mentir, en lui servant l'identité intéressante qu'il attendait. Toutefois, comment aurait-elle pu savoir que seul ce nom avait le pouvoir de lui redonner espoir, étant donné la merde noire dans laquelle il était fourré ?

Koschei soupira en la regardant.

Le seul moyen de s'en tirer et d'amadouer le Docteur, c'était de faire disparaître la fouineuse proprement, et de faire accuser Costopovitch. Ainsi la justice des hommes serait satisfaite, lui-même serait satisfait car le directeur n'était qu'un sale con prétentieux, et Achernar ne pouvait rien lui reprocher, puisqu'il suivait les lignes générales de ses ordres…

― Ecoutez, lâcha-t-il au bout d'un moment. Je crois que vous avez raison. Votre ami pourrait certainement m'aider. Mais il pourrait avoir à le regretter car je suis pris entre deux feux. Ce n'est pas du tout Costopovitch qui me tient en réalité, mais quelqu'un de beaucoup plus haut placé que lui.

Elle eut l'air déjà plus intéressée. Parfait. C'était cela qu'il fallait faire avec elle. La menacer directement ne marchait pas si bien car, si elle avait l'habitude de suivre le Docteur, elle devait être un peu plus courageuse que la moyenne et en proie à un très vigoureux syndrome de Stockholm…

― Plus haut placé dans la Ludocratie ? demanda-t-elle.

Il se mit à rire involontairement.

― Oh, non. Rien à voir avec ce pays ou ce monde.

― Connaissez-vous son nom ? insista-t-elle.

Koscheil acquiesça.

― Oui, par contre, je ne sais pas ce qu'il est. De quelle espèce. Et ce serait déjà infiniment plus intéressant qu'un nom qu'il m'a jeté comme ça, parce que j'insistais.

― Que comptez-vous faire maintenant ?

― Et bien comme vous avez fait votre part de notre marché, je vais accomplir aussi la mienne… dit-il avec un sourire ambigu. Je crois qu'il est temps de montrer patte blanche pour sceller notre coopération, même si elle est temporaire, n'est-ce pas ?

― A quoi pensez-vous ?

Il leva le caillou gris pour qu'elle le voie bien.

― Vous voyez cette pierre que j'ai là ? C'est la clé de toute l'énigme. Je veux bien vous la confier pour que votre ami l'examine. Je sais qu'il est plus intelligent que le retraité hyperactif dont il a l'air.

― Qu'est-ce que c'est ?

― Un minéral aux propriétés tout à fait remarquables. Une pierre de Livingstone. Tenez…

Il la lui tendit mais elle recula encore d'un pas et cela le fit sourire.

― Restez là où vous êtes ! lui intima-t-elle.

― Je comprends votre inquiétude mais pour être activée, apprenez qu'elle a besoin d'être en contact avec du sang de Reaper. Et là vous voyez, elle est toute propre… pas de sang, montra-t-il en la manipulant pour essayer d'en faire voir toutes les faces.

Elle restait méfiante. Mais comment lui en vouloir ?

― Bon d'accord, je ne bouge pas et je vous l'envoie. Attention, elle est fragile ! Attrapez !

Clara sut que c'était une erreur parce qu'il avait le regard qu'elle avait appris à reconnaître. Conditionnées par le réflexe, ses mains se refermèrent sur la pierre. Elle commença à ressentir une vive douleur qui ne dura presque pas, elle fut entourée d'un faible halo vert dont elle comprit instantanément la signification…

― Pensez à un lieu que vous aimez, lui recommanda-t-il énigmatiquement avant qu'elle ne disparaisse tout d'un coup.

Là où était Clara une seconde plus tôt, il n'y avait plus rien. La trace de ses pas serait bientôt effacée par les flocons qui commençaient à retomber mollement. Koschei marcha jusqu'à l'endroit où elle se trouvait et ramassa la pierre dont la chute avait été amortie fort heureusement par la poudreuse épaisse. Il l'épousseta avec soin avant de la ranger dans la petite pochette en feutre, et de reprendre son chemin vers la mairie.

La pierre pouvait certes être activée par le sang de Reaper, mais la salive était apparemment aussi très efficace à dose infime. Et encore plus discrète…

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