Les neiges sanglantes de Meltomène

Chapitre 1 : Exquises créatures

4753 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 10/11/2016 05:40

LES NEIGES SANGLANTES DE MELTOMENE

Fanfic Doctor Who – Saison 8 alternative Episode 7

par OldGirl Nora Arlani | Fanfictions. fr

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CHAPITRE I

CLARA OSWALD

D'un geste brusque, il remonta la fermeture éclair de sa parka très haut sous son menton, lui enfonça le bonnet jusqu'aux yeux, et pour faire bonne mesure, enrubanna son cou encore exposé dans une invraisemblable écharpe multicolore qui sentait un peu le moisi. Il se recula d'un pas avec un sourire satisfait et la pressa de sortir en affirmant que « ça serait parfait ».

Clara jeta un coup d'œil désespéré à son propre reflet dans la psyché du dressing du Tardis. Dans sa tenue toute dépareillée et pas franchement à sa taille, elle avait l'air d'un bibendum – mais en moins sexy. Elle risqua un bref regard envieux vers la combinaison de ski bleu radioactif qu'il avait enfilée – qui elle lui allait comme un gant – puis courut après lui en rajustant ses moufles.

Dans la salle de commande du Tardis, quelques flocons curieux rentraient dans le vaisseau par la porte béante. Il avait déjà passé des raquettes à ses pieds et finissait de charger un sac sur son dos avec des machins qu'il avait désignés comme des « recalibrateurs protostationnels 360 à bi-compartimentage intégré »… Elle l'imita de son mieux pour passer les raquettes et prit les bâtons de marche qu'il lui tendait, pendant qu'il fermait la porte à clé, une fois qu'ils furent à l'extérieur.

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Tout en marchant avec autant de grâce qu'un canard arthritique, elle songea à la belle tenue légèrement suggestive et très chic qu'elle avait passée pour son rendez-vous juste avant que le Docteur ne fasse inopinément irruption chez elle, et le regret l'envahit un instant. Il y avait une heure encore, elle déambulait chez elle avec une somptueuse paire de talons-aiguilles qui lui faisaient prendre huit centimètres d'un coup.

Dave [1] aurait-il aimé ? Non : allait-il aimer ? Elle devait reconnaître qu'elle était intimidée, troublée et très impatiente de cette future presque rencontre. Était-ce parce que tout avait commencé par une situation d'emblée extraordinaire ? Etait-ce parce que cette relation naissante se teintait d'impossible mais que ça n'avait pas l'air de l'arrêter ? Lorsqu'il lui avait écrit, il y avait quelques semaines, elle n'y avait tout d'abord pas cru. Elle vérifiait un horaire en ligne pour une excursion scolaire quand le message était arrivé, à sa grande surprise, via la messagerie instantanée, signé d'un énigmatique « M. Fox ».

« Me trouveriez-vous très présomptueux si je vous disais que je suis déraisonnablement heureux de pouvoir vous joindre ? ».

Elle était restée quelques secondes interdite, le cœur battant sous l'effet de la peur. Le fait qu'un inconnu ait pu prendre la main sur sa connexion et s'ajouter seul à sa liste de contacts triés sur le volet n'augurait rien de bon. Elle opta pour la prudence.

« Je dirais que ça dépend un peu de votre identité ».

En parallèle, elle avait lancé son programme de firewall pour procéder à des vérifications quand son mystérieux interlocuteur avait répondu :

« Je suis navré, je vous ai fait peur. Ce n'était pas mon intention ».

« Quelle était votre intention ? » tapa-t-elle en se disait que si elle avait la réponse de suite, on économiserait un temps précieux en devinettes.

« Prouver que je méritais vraiment l'augmentation que vous n'avez pas négociée pour moi auprès de mon supérieur ».

Elle avait cligné les yeux plusieurs fois, un peu perdue et vaguement mal à l'aise.

« Je crois que vous faites erreur, j'ignore de quoi vous parlez. Je ne suis pas en mesure de décider des augmentations de quiconque. A qui croyez-vous parler ? ».

« Au départ à Miss Oswin, mais je vois bien sur votre machine que vous avez donné un faux nom, ce qui explique que j'aie mis un peu plus de temps que prévu à vous retrouver. A l'occasion, j'aimerais bien savoir pourquoi vous avez menti ».

Elle fronça les sourcils, ce qu'il trouva adorable. Il avait activé la caméra intégrée sans qu'elle n'en soit alertée, et l'image s'affichait par saccades mais il pouvait pardonner à ce matériel antédiluvien. Des années-lumière de distance et plusieurs siècles d'écart, il ne fallait pas s'attendre à mieux avant qu'il ne se penche plus sérieusement sur la question de la fluidité... Si elle ne l'envoyait pas au diable, ça pourrait toujours constituer un genre de défi divertissant pour lui d'essayer de programmer un nouveau logiciel compatible avec ce qu'elle avait. Il avait déjà le soutien bienveillant de quelques intelligences artificielles de son labo pour mener à bien son projet.

« Si vous ne voulez pas que je coupe tout de suite, en vous collant la cyberpolice sur le dos pour harcèlement, vous feriez mieux de me dire qui se cache derrière votre pseudo, M. Fox ».

« Si vous avez le courage d'activer votre connexion vidéo, vous allez vite le savoir ».

Terriblement anxieux de son côté, il pouvait lire sur son visage la lutte intérieure qui se déroulait en elle et cela le réconfortait un peu. Il décida de l'encourager : il n'avait pas fait tout ça pour flancher à la dernière minute.

« Vous ne serez peut-être pas aussi déçue que vous l'anticipez ».

« Est-ce que vous me connaissez assez pour le supposer ? »

« C'est là où j'ai peut-être été présomptueux, comme je vous le disais au départ ».

En mettant impulsivement en route la vidéo, elle avait découvert avec surprise le visage souriant de Dave Tenner qui posait sur elle ses prunelles chocolat. Douces et pétillantes. Soulagées et inquiètes. Timides et directes. Elle esquissa un très petit sourire alors que certains mots de son discours prenaient enfin sens. Oswin, augmentation, voyage dans le temps… Tout était en rapport avec voyage qu'elle avait fait avec le Docteur, peu de temps après sa régénération.

« Comment diable avez-vous réussi ce tour-là 'M. Fox'? » questionna-t-elle encore un sous le choc.

« En étant pour de vrai un ingénieur vraiment très brillant », répondit-il en souriant toujours.

« Je vous vois extraordinairement bien pour quelqu'un qui ne naîtra pas avant des siècles à des centaines de millions d'années de là ».

« J'aimerais pouvoir en dire autant et je pense d'ailleurs que nous allons être coupés très bientôt car j'utilise pour vous contacter des moyens… créatifs et peu orthodoxes ».

« Voilà qui vous ressemblerait assez ».

Il hocha la tête avec peut-être un soupçon de roseur sur les pommettes mais ses yeux l'accrochaient avec toute l'intensité des timides qui luttent résolument contre ça sous la pression de circonstances exceptionnelles.

« Est-ce que… pour le cas où ça couperait au beau milieu d'une phrase, vous seriez d'accord pour que je renouvelle cet exploit historique disons… dans quelques jours ? ».

Comme pour lui donner raison, elle perdit la vidéo mais sa connexion avait l'air toujours ouverte, et sans réfléchir, elle se dépêcha de taper « Oui ! ». Ce ne fut que plus tard qu'elle s'était demandée comment ils avaient fait pour se parler et se comprendre, alors qu'elle ne pouvait pas bénéficier de la traduction simultanée du Tardis…

Depuis, ils avaient renouvelé l'expérience plusieurs fois. Clara était suffisamment fine pour deviner que le défi scientifique en jeu n'était pas la seule motivation de « M. Fox » en dépit de ce qu'il affirmait gentiment.

Cette « relation » n'avait pas la moindre chance d'aboutir à quoi que ce soit, étant donné tout ce qui les séparait. Mais Dave savait être charmant, alors que l'absence du Docteur se faisait douloureusement sentir. Elle n'avait pas anticipé qu'il pourrait devenir un aussi bon ami, ni qu'il se passerait aussi peu de temps entre le moment de cette époustouflante prise de contact et celui où elle se mettrait à attendre de plus en plus impatiemment les suivantes…

Puis, alors qu'elle ne l'espérait plus, le Docteur avait débarqué. Comme elle résistait un peu à remettre son rendez-vous, il avait haussé les épaules et promis de la ramener pile à la bonne heure, soit quelques minutes après leur départ…

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Elle se secoua pour revenir à ce qui l'entourait et tenta d'allonger le pas car, comme d'habitude, le Docteur avait pris la tête du convoi et marchait à grandes enjambées sportives deux mètres devant.

Elle ne savait pas pourquoi il se montrait bougon. Il n'avait donné aucune nouvelle pendant quatre mois alors qu'il avait promis de « revenir vite » la dernière fois. Seigneur du Temps ? C'était clair que ça ne voulait pas dire « maître » du temps…

En arrivant à l'improviste, il l'avait saluée, avait posé sur elle un regard très aigu pendant dix embarrassantes secondes, puis comme si de rien n'était et avec l'air de lui concéder une faveur insigne, avait demandé si elle était tentée par une ballade à la montagne. Belle neige, joli chalet, feu dans l'âtre, avec une invitation gratuite de la part de la Ludocratie de Meltomène, s'ils voulaient bien donner un coup de main pour résoudre un minuscule problème qui effrayait la clientèle dans une petite station isolée…

Avec n'importe quel autre homme, cette invitation aurait eu bien sûr un sens très clair et tout différent. Chalet, feu et températures externes basses incitant, comme chacun sait, à rester bien au chaud sous la couette… Mais avec cet alien-là, mieux valait définitivement oublier les réflexes terriens… Et puis, ça aurait été bizarre maintenant qu'il avait cette tête-là.

Pressant le pas pour le rejoindre enfin, elle allait poser une question sur le vrai but de leur escapade dans cette pâle copie de la Sibérie, quand une sorte d'oiseau s'était abattu à ses pieds en faisant un bruit mou dans la poudreuse. Pchouf. Un très bizarre et très vilain oiseau pour ce qu'elle pouvait en voir, sans plumes, avec trop de pattes et d'articulations, jeté là en vrac comme un tas d'os congelés. Il était tout raide et recroquevillé, ce qu'elle comprenait sans peine vu les températures locales…

― Docteur ! appela-t-elle.

Et comme sans une bonne motivation, il ne se retournait pas forcément, elle ajouta :

― J'ai une chauve-souris transgénique… qui vient de mourir devant moi !

Comme prévu, le Docteur pivota, interloqué par cette formule soigneusement choisie, et revint sur ses pas. On aurait dit qu'il marchait avec des raquettes depuis qu'il était né, tellement ça avait l'air facile pour lui.

― Oh sapristi, pour une surprise ! fit-il en faisant fondre la neige autour, à l'aide du sonique.

Il prit la chauve-souris moche dans ses mains et la retourna sous toutes les coutures, peut-être en se demandant comme elle pourquoi elle n'avait pas de pattes arrière, au lieu de cette terminaison d'hippocampe.

― Qu'est-ce qu'elle a ? s'enquit Clara. Aurait-elle été par extraordinaire… réfrigérée en plein vol ?

Entre les mains du Docteur la bestiole trembla légèrement et il la lâcha sous la surprise. Son visage se fit plus dur que d'habitude, le front barré d'un profond pli soucieux. Sans faire le moins du monde un geste pour la reprendre, il réajusta son sac sur son dos et jeta un coup d'œil vers la grande construction qu'on apercevait déjà au loin et qu'ils cherchaient à rejoindre au village.

― Venez, dépêchons-nous Clara, il n'y a pas de temps à perdre !

― Mais il n'a pas l'air complètement mort ! Vous ne voulez pas qu'on le mette à l'abri ? Là-bas sous les arbres ?

― Laissez-le, on ne peut plus rien faire pour lui.

― Ce n'est pas votre genre d'abandonner une pauvre créature comme ça… fit-elle remarquer un peu soupçonneuse.

Puis elle ajouta un peu moqueusement en le retenant car il ne répondait pas :

― Qui êtes-vous et qu'avez-vous fait du Docteur ?

Sans prévenir, il lui décocha un sourire bref éclatant sous sa moustache et sa barbiche constellées neige et se remit en marche en plantant vigoureusement ses bâtons, comme s'il était plus déterminé que jamais… ou plus excité par le danger.

― Je sais. Mais ce n'est pas exactement une « pauvre créature ».

― C'est méchant ?

― Disons que c'est le cauchemar de tous les jeunes gallifréens qui entrent à l'Académie.

― Donc ça viendrait de votre planète ? demanda-t-elle avec intérêt en se hâtant de le rattraper.

― Non, pas du tout. C'est une sorte de gardien.

Elle soupira en laissant échapper un gros nuage de buée et tâcha de se maintenir à côté de lui pour marcher. Ne faisait-il pas tout pour accélérer avec ses satanées grandes jambes ?

― Disons qu'on gagnerait un tour ou deux si vous me disiez tout de suite comment ça s'appelle, qu'est-ce qu'il garde et quel est le problème… ronchonna-t-elle avec une petite grimace.

Il s'arrêta encore, repoussa ses lunettes de ski sur son bonnet, et s'appuya d'un avant-bras sur son bâton planté pour l'attendre.

― Un jour, vous m'avez demandé ce qui se passerait si je croisais trop souvent ma ligne temporelle, vous vous souvenez ?… Et bien l'Univers a une réponse appropriée dans ce cas. Une réponse qui ressemble à ce que vous appelez la « chauve-souris transgénique ». Cette créature est un Reaper. Un Reaper de poche, ce qui est bizarre, mais c'en est un. C'est beaucoup plus gros que ça d'habitude.

― Et ils font quoi dans la vie pour s'occuper vos Reapers ?

― Mhh, quelque chose d'essentiel : ils cicatrisent les blessures du Temps !

― Docteur, vous pouvez arrêter la poésie deux minutes ? Je me doute bien qu'avec un nom pareil, il y a des raisons d'avoir peur…

― Vous n'avez pas besoin d'avoir peur puisque je suis là… fit-il avec un coup d'œil en biais. Ils vivent dans le Vortex et ne gênent personne. On ne les voit jamais, sauf si quelqu'un tente de manipuler le Temps et tout particulièrement des points fixes… Auquel cas, ils tuent et dévorent tout ce qui perturbe son cours normal. Tout ce qui ne devrait pas être.

Clara s'arrêta de marcher.

― Ils sont là parce que nous avons croisé votre ligne temporelle en allant chercher un clone de Chair au Monastère Lugubre ? Parce que vous avez empêché la mort de River ?

― Naaah ! Je les aurais vus débarquer bien plus tôt le cas échéant… ça n'a rien à voir avec nous. C'est pour ça qu'il faut qu'on vienne voir qui fait ça… répondit-il avec un sourire et l'œil pétillant.

Elle lui refila un petit coup de bâton dans les jambes.

― Je parie qu'il n'y a même pas de chalet, en plus !

Le prince des mensonges étouffa un sourire et se remit en marche.

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Au bout d'une demi-heure, la patience n'étant toujours pas son fort, et après avoir convenu enfin qu'ils auraient dû se poser un peu plus près du village avec le Tardis, il décida de prendre un raccourci. Et deux minutes chrono plus tard, Clara était tombée dans une congère. Heureusement pour elle, le trou n'était pas très profond et elle ne se fit pas mal. Elle devait se trouver juste deux mètres en contrebas.

Nullement inquiet, le Docteur lui cria d'utiliser ce qu'elle avait autour du cou. Espérait-il vraiment la tirer de là avec cette ridicule écharpe très longue ? Au bout de plusieurs tentatives, il réussit à attraper l'autre bout qu'elle lui envoyait.Cela n'avait rien de rassurant. Cette vieille chose pouvait sans doute craquer à tout moment sous son poids… Elle essaya de ne pas rire car sans autre précision, la remarque pouvait très bien s'appliquer à lui-même…

― Docteur, c'est ridicule ! protesta-t-elle. Vous n'avez même pas pensé à prendre une corde dans votre sac ? Cette écharpe est une antiquité et ça ne m'étonnerait pas qu'elle soit mangée aux mites…

― Il n'y a pas de mites dans le Tardis ! Attrapez l'autre bout : je tire à trois. Un…

Elle fit quelques pas horizontaux le long de la paroi pendant qu'il la remontait puis poussa un nouveau cri peu après.

― Aaaaahhhh !

― Quoi encore ? répondit-il sans lâcher.

― Il y a une bête ! Un… insecte, sur l'écharpe, et… il avance vers moi !

― C'est pas la petite bête qui va manger la grosse. Laissez-la…

Il regretta aussitôt d'avoir dit ça car il connaissait, hélas, nombre d'exemples où cela pouvait tout-à-fait être le cas. Pas la peine de le lui faire savoir…Clara cria de nouveau.

― Il bouge… il est tout noir !

― Euh attendez, il n'aurait pas des élytres un peu irisées et de grandes antennes ?

― Si ! C'est exactement ça !

― Bon, ce n'est rien ! Enfin… c'est Katep Helt. Il est inoffensif.

― Docteur ! poursuivit-elle d'un ton furieux et terrifié à la fois. Il grimpe sur ma joue !

― Il a peur, le pauvre ou peut-être même qu'il a froid… Allez un petit effort, je vois votre couvre-chef…

Elle s'avança sur le bord de la congère et rampa sur ses coudes assez loin avant de se mettre à genoux et de retirer son bonnet comme une furie, en se shampooinant la tête en criant. Au bout de quelques secondes, une sorte de scarabée tomba dans la neige.

― Il est allé SOUS MON BONNET ! hurla-t-elle d'une voix déformée par la rage et le dégoût.

― Même lui comprend qu'il valait mieux en avoir un, dépêchez-vous de le remettre ! conseilla-t-il en attrapant doucement l'insecte qui était large comme sa paume.

― Alors, dit-il à la bestiole avec un petit rire amusé, on jouait à cache-cache ? Et bien, je crois que t'as gagné mon petit père !

Il caressa doucement son dos d'un doigt avec un sourire bêtifiant.

― C'est incroyable ! Je l'avais perdu depuis je ne sais plus combien de temps !

Elle remit vite fait le bonnet sur sa tête, à peu près n'importe comment car elle n'était plus à ça près, et puis aussi quand même l'écharpe. Il avait levé la main en l'air et le scarabée s'envola. Puis il revint vers elle et lui retendit les bâtons.

― Vous donnez un nom aux insectes qui vivent dans vos vieux vêtements ?! Et dire que je vous croyais dingue avant…

― Katep Helt a été mon seul ami pendant tout le temps que j'ai passé en prison dans… Bon, on s'en fiche dans quoi, éluda-t-il. Mais je l'ai pris avec moi quand je me suis évadé.

― Et vous laissez tomber comme ça un aussi vieux camarade ? fit-elle sarcastiquement.

― Je reconnais qu'il n'avait pas son pareil pour respecter mes méditations, mais son manque d'interactivité orale pouvait être un peu… Je veux dire… que vous avez beaucoup plus de conversation que lui.

Elle lui lança une œillade furieuse sans répondre.

― Allons, venez ! Nous devons poser les recalibrateurs autour du bâtiment là-bas et après vous aurez bien mérité de boire quelque chose de chaud !

Elle n'osa pas demander quoi, peu sûre que ce soit réellement quelque chose de buvable.

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Après une nouvelle demi-heure de marche, et un peu de retard dans leur timing en raison de l'épisode de la congère, ils finirent par atteindre une grande bâtisse claire légèrement à l'écart du village qui était à peu près aussi élégante qu'un bunker sélénite. Avec un peu de chance, ça devait être leur charmant chalet si généreusement offert par la « Ludocratie »…

Pourtant, d'après ce qu'elle voyait de là où elle était, ce n'était peut-être pas le cas car le village était assez coquet. Des maisons de bois de différentes tailles et formes enfoncées dans des jardins pleins de neige haute, se regroupaient autour de deux ou trois rues principales, dont l'une comportait les infrastructures collectives comme la mairie, la poste, le commissariat, un restaurant… Une parallèle s'agrémentait de quelques boutiques : un coiffeur, une épicerie, un marchand de journaux… Tous les commerces étaient du même côté, et sinon il n'y avait que des maisons, des bungalows pour touristes semblait-il. Plus en arrière, d'autres maisonnettes plus simples devaient être les logements du personnel.

Le Docteur partagea les recalibrateurs entre eux deux, avec la recommandation de les poser à un mètre du sol environ autour du bunker, avant de lui expliquer comment les mettre en fonction une fois qu'ils étaient prêts. Comme les abords de la construction étaient praticables et déneigés, elle retira ses raquettes, ce qui lui permit de voir qu'il y avait une route. Une superbe route même qu'ils n'avaient pas empruntée pour venir… Elle supposa que ça aurait été trop simple et qu'il avait certainement mieux valu crapahuter à travers champs, dans les congères et avec de la neige jusqu'aux yeux…

Elle alla installer les dispositifs selon les indications du Docteur (qui pour une fois étaient plutôt simples) et une fois qu'elle eut terminé, se mit en quête de lui. Près de la porte d'entrée, elle le trouva en pleine conversation avec un homme boudiné dans un anorak marine. Il avait des cheveux châtains et clairsemés sur un visage débonnaire qu'il lui présenta comme celui de Halbek Mercator, le Premier Municipe de la petite station.

― Oh, vous êtes venu avec votre fille ? s'étonna-t-il. Comme c'est attendrissant !

Le Docteur passa un bras autour de l'épaule de Clara et la secoua trois fois avec un air réjoui.

― Ah, il faut bien qu'elle commence à apprendre les ficelles du métier ! Assurer la transmission des savoirs, c'est important ! pérora-t-il d'un ton désespérément « doctoral ».

Le sourire de Clara s'était figé, pendant que le Municipe leur disait d'entrer se mettre à l'abri dans la Salle des Fêtes. Le Docteur ne l'avait pas lâchée pendant qu'ils gravissaient la volée de petites marches avec un sourire et un signe de la main.

― Docteur, qu'est-ce que vous faites au juste ? demanda-t-elle entre ses dents serrées. Pourquoi me faites-vous passer pour votre fille ?

― Pourquoi ? Vous vouliez tenir le rôle de ma mère ? Pas sûr que ce soit une bonne idée, tout le monde vous aurait assailli de questions pour savoir où vous aviez fait faire votre lifting !…

 

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[1] Dans ma déviation, Clara n'a jamais rencontré Danny Pink. Le personnage de Dave Tenner (grand brun timide au sourire contagieux, galbé comme un clou de girofle, furieusement doué en informatique) a été présenté lors de l'épisode 2 "From Vegas with love". Il n'a pas de rôle majeur dans le déroulement de cette aventure "frig-horrifique"...

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