From Vegas with love

Chapitre 14 : C14 : Fever

7260 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 29/07/2015 12:56

CHAPITRE XIV - Fever

JACK HARKNESS

Il attendit que son ami se réveille, ce qui ne prit pas longtemps. Il s'était assis par terre à côté de lui. Lorsque John ouvrit les yeux, il vit flamboyer de la colère dans son regard tandis qu'il serrait les poings en se relevant pour s'asseoir lui aussi. Il se frotta la figure, et prit une profonde inspiration. Il tremblait légèrement.

— Est-ce que tu peux m'expliquer ce que je viens de voir ? demanda le Capitaine.

— Non, répondit John abruptement.

— Tu as pris quelque chose ? voulut-il savoir avec sollicitude. C'est un nouveau mélange ?

— Non ! répondit l'autre plus agressivement.

Plutôt au hasard, Jack posa sa main sur son genou et son ami sursauta. A la base, c'était davantage un geste amical parce qu'il le voyait hagard et tremblant et qu'il savait que parfois le contact rassurait ceux qui étaient sous l'emprise d'un mauvais trip.

— Ne me touche pas ! gronda-t-il.

Jack retira ostensiblement et lentement sa main, mais ne put s'empêcher de demander :

— Ou sinon quoi ?

Un rictus se peignit sur le visage de John.

— Ou sinon, je te retire toutes tes fringues et c'est toi qui vas y passer !

— A la bonne heure ! s'égaya Jack. J'ai cru que tu ne me le proposerais jamais…

— Je ne plaisante pas.

— Je le vois bien, répondit le Capitaine du tac au tac. Mais je veux bien m'offrir en sacrifice pour la bonne cause… Je suis un peu plus solide que cette charmante et délicate créature. Et, en ce qui me concerne, tout à fait consentant… Est-ce qu'à aucun moment tu n'es donc capable de te rendre compte que tu vas trop loin ? Que ce serait-il passé si je n'étais pas intervenu ?

— Ne me fais pas la leçon…

— Et pourquoi non, si tu as l'air d'en avoir autant besoin ?

John le regarda de travers mais son ami avait l'air sincèrement préoccupé.

— Mais d'abord qu'est-ce que tu fais là ? contre-attaqua-t-il. Tu ne devais pas tenter de convaincre ton précieux Docteur de t'aider ?

— J'adore quand tu es jaloux… Mon « précieux Docteur » ne me paraît toutefois pas complètement disposé à me filer un coup de main. Je compte sur l'influence de sa compagne pour l'attendrir un peu.

— Il a déjà une nouvelle fille avec lui ? Ça été rapide…

— Clara. Une très jolie petite brune, avec des fossettes tout à fait ravissantes. Maligne. Le Doc ne la voit pas du tout, un vrai gâchis, si tu veux mon avis. N'est-ce pas celle que tu es censé avoir tuée ? demanda-t-il sur le ton de la conversation.

— Ça lui ressemble… Tu dis qu'elle vit ? questionna-t-il stupéfait.

— Il m'a semblé… Mais il reste inflexible à ton sujet. Il m'a dit qu'il allait réfléchir mais je pense qu'il va dire non. Ou bien c'est moi qui n'accepterai peut-être pas ses conditions.

— Qui sont ?

— Il pourrait m'obliger à choisir entre son aide et toi… Ce ne serait pas formulé en ces termes, bien sûr mais il ne voudra rien faire dont tu pourrais tirer un quelconque avantage.

— Ce serait crétin de refuser son aide. Imagine que ces mecs t'attrapent… et qu'ils s'amusent à te saigner jour après jour… Jusqu'à présent, tu t'en es toujours tiré, mais est-ce que tu vas devoir fuir tout le restant de ta vie ?

— Pas pire que de se réveiller à chaque fois avec de la terre dans la bouche pour re-mourir étouffé pendant des dizaines et des dizaines d'années, commenta Jack en faisant la moue.

— Là tu n'avais pas le choix… observa John en s'assombrissant à ce souvenir, mais puisque tu l'as maintenant… il vaudrait mieux que tu fasses des choix intelligents. S'il veut t'aider, ne t'occupe pas de moi, je me débrouillerai bien tout seul.

Jack sourit et secoua la tête d'un air parfaitement dubitatif et très insolent.

— J'en doute fort. Et quant à faire des choix intelligents, je vais te dire une chose. « Mon précieux Docteur » comme tu l'appelles ne m'a jamais vraiment apprécié en tant que tel. Je le sais très bien. Bien sûr il pouvait très bien se faire à mon utilité pratique en période critique ou aux connaissances que j'avais dans la mesure où elles lui servaient pour ce qu'il avait à faire... Mais je suis pour lui une aberration temporelle qui le met mal à l'aise, justement parce que c'est un Seigneur du Temps. Il me tolère sur de courtes périodes. Il se sent simplement responsable de ma « création » en tant qu'anomalie.Mais quand nous sommes ensemble, c'est dément ! Il m'interdit de dire bonjour à qui que ce soit… il m'interdit de voyager dans le temps autrement qu'à ses conditions et se moque de mon manipulateur de vortex qu'il qualifie de trottinette… D'ailleurs c'est tout juste s'il supporte que j'ouvre la bouche… Il n'aime pas mes blagues, il n'aime pas que je me serve de mon flingue… Il n'aime pas non plus que je flirte avec lui, ni avec ses compagnes, ni avec qui que ce soit d'autre du reste…

— Et tu supportes ça ? s'étonna John avec un petit sourire. Je ne comprends pas bien…

— Ce n'est pas exactement n'importe qui. Et il attire à lui des filles assez exceptionnelles, qui en général, m'aiment bien. Il y a donc un avantage direct à rester dans les parages… Et puis, ses incarnations précédentes avaient l'air un peu plus jeunes et quand même un peu plus joueuses, admit-il. Je pense que celle-là n'a pas tellement envie d'être sympa.

John resta un petit moment à réfléchir à ce qu'il venait d'apprendre, puis se leva avec précaution.

— Partons d'ici, dit-il. Je crois que ça vaut mieux. Je ne sais pas ce que je pourrais faire si je la revoyais…

— Prendre une bonne douche froide… suggéra Jack. Tu maintiens que ce n'est toujours pas ta petite chanteuse et qu'il n'y a rien entre vous ?

— Qui donc est jaloux maintenant ? Ne t'inquiète donc pas tant. Entre elle et moi, c'est purement physique… railla-t-il un peu.

Jack ne répondit rien et le suivit hors des coulisses.

Ils repassèrent par la grande salle de réception de l'hôtel, aux murs décorés d'arabesques et d'or rose, où le Docteur se trouvait toujours, en discussion avec un homme brun qu'il ne connaissait pas. Sur la scène devant un rideau de velours blanc, la chanteuse lui accorda un regard et il lui répondit par un sourire. Elle chantait une chanson du Livre de la Jungle, ce qui l'amusait, étant donné ce qu'il venait de la voir accomplir un peu plus tôt :

Trust in me, trust in me, close your eyes, and trust meYou can sleep safe and sound knowing I am aroundSlip into silent slumber, sail on a silver mistSlowly and surely your senses will cease to resist…

Demain, le Docteur lui donnerait sa réponse. Mais il savait aussi que quelle qu'elle fut, elle lui briserait le cœur.

.°.

RIVER SONG

Cette fois, Miss Watts avait été bien plus consciente de ce qui s'était passé avec John, même si cela n'avait duré que quelques minutes. Une fois terminées ses prestations scéniques, soutenue à bout de bras par River, la jeune femme avait regagné rapidement sa chambre et s'était jetée sur son lit pour pleurer d'angoisse. River avait passé au moins deux heures à essayer de la rassurer et de la cajoler par des paroles apaisantes murmurées à la lisière de son subconscient.

Elle réalisait non sans un certain mécontentement qu'elle avait été tout simplement incapable de repousser John, d'abord, ce qui était tout sauf une bonne nouvelle, et qu'il semblait par-dessus le marché avoir trouvé une tactique pour la forcer à se séparer de son hôtesse pour l'avoir toute à lui… Elle devait admettre que le rééquilibrage des forces en présence entre eux ne pouvait être aussi plaisant qu'il l'aurait dû dans la mesure où Amy-Leigh avait à en souffrir. Sans l'intervention providentielle de l'homme en manteau, elle aurait probablement cédé. Il en résultait une conclusion simple : en aucun cas, elle ne devait le laisser approcher de nouveau. John semblait hors de contrôle. Mais le point qui l'intriguait était : pourquoi diable avait-il laissé s'accumuler un tel niveau de frustration sexuelle ?

Elle-même ne craignait pas du tout la passion qu'il déployait, ni l'intimité de ses caresses. Mais Amy-Leigh, c'était une autre affaire !… Tout heurtait sa sensibilité romantique. Elle rêvait encore du prince charmant, qu'elle imaginait attentionné, doux et bien élevé. Il lui ferait la cour en lui offrant des fleurs, des disques de musique qu'elle aimait, elle voulait se promener avec lui main dans la main au crépuscule et sentir son cœur battre un peu plus vite lorsqu'il déposerait un chaste baiser, à peine appuyé, sur ses lèvres tremblantes et timides…

Comparé à cette image très idéalisée qu'elle s'abstenait de juger, John n'était qu'un sauvage qui sortait absolument du cadre. C'était vrai qu'il pouvait l'être, au demeurant, mais elle-même avait réglé la question d'entrée de jeu la première fois en appariant leurs esprits, afin de l'obliger insensiblement à apparier également leur plaisir. S'il avait voulu lui faire du mal, il l'aurait su aussitôt et en aurait ressenti le contrecoup dans sa propre chair… Fort heureusement, il avait compris sans délai l'intérêt de ce cercle vertueux… Enfin, vertueux, d'un certain point de vue

Ce partage lui permettait également de comprendre les raisons de son comportement et de connaître ses intentions. Les relations entre les gens sont sans arrêt compliquées par différents brouillages. Omissions, mensonges, distorsions diverses de la personnalité entre ce que l'on pense sans le dire et dit sans le penser… Pourtant ce qu'elle avait fait là menaçait de lui faire perdre la raison. Pour un motif qui lui échappait, il restait marqué par l'expérience. Elle aurait dû savoir que pour une personnalité comme la sienne, cela comportait des risques.

Elle se sentit misérable en contemplant crument les dégâts qu'elle avait déjà infligés à la jeune femme, sans parler de ce qui se dessinait pour John. Il fallait absolument qu'elle rentre à la Bibliothèque et qu'elle ne vienne plus sur place. Car à chaque fois, elle aggravait la situation. Aussi difficile que ce soit, elle devait prendre son mal en patience et travailler de là-bas, en échangeant par écrit avec Cormack et en aidant de loin Miss Watts comme elle pourrait, en lui trouvant des engagements par exemple, en garnissant son compte pour l'aider à tenir si elle n'avait pas de travail…

.°.

Seule dans sa petite chambre, plongée dans l'obscurité, elle se retourna une énième fois dans le lit, incapable de dormir, l'esprit à moitié envahi par des visions de John se repaissant de sa chair, tout droit sorties des cauchemars d'Amy. En tassant son oreiller à coup de poings rageurs, elle aperçut le lumignon du téléphone clignoter sur le chevet, indiquant que la réception avait essayé de la joindre.

Puisqu'elle ne dormait pas, elle alluma une petite lampe et les rappela. On lui indiqua qu'un certain Jack Harkness l'avait demandée et avait insisté pour qu'on lui laisse un message. Elle s'enquit de savoir s'il avait laissé un numéro où pouvoir le joindre et Carlo le réceptionniste de nuit du Vegas Diamond répondit qu'il était toujours là et qu'il attendait.

Jack Harkness. Le Jack rédacteur des dossiers Torchwood si bien documentés qui lui avaient permis de sauver Clara. L'ancien compagnon du Docteur, et peut-être ce même Jack qui hantait Hart lorsqu'elle avait pris possession de lui dans les jardins… Celui qu'il aimait passionnément avant qu'elle ne se mette en travers.

Elle se sentait si abattue qu'elle n'avait pas envie de savoir ce qu'il lui voulait. Pourtant, en comprenant qu'elle était en ligne avec le réceptionniste, il avait saisi d'autorité le combiné et sa voix était dans son oreille.

Miss, dit-il d'une voix pressante et très tendue, j'ai besoin de vous voir tout de suite à propos de notre ami commun. C'est très urgent.

— Il est tard et j'ai eu une journée assez difficile…

Miss, je vous en prie, je suis très inquiet pour lui. Vous avez dit tout à l'heure que vous n'aviez pas eu le temps de finir ce que vous aviez commencé. Il ne va pas bien. Pouvez-vous descendre pour que nous en parlions en privé ou m'autorisez-vous à monter ?

.°.

RIVER SONG ET JACK HARKNESS

Elle donna son accord pour qu'il monte et remit les vêtements blancs qu'elle avait portés dans la journée. Attendant nerveusement le ding de l'ascenseur, elle pria pour que ce ne soit pas une manœuvre ou un nouveau piège. Elle vit arriver en courant le fringant inconnu au manteau militaire et le fit entrer.

— Que se passe-t-il ?

Il avait le visage défait, les traits tirés par l'inquiétude.

— Il est au plus mal. Il a une forte fièvre et a commencé à délirer. Je l'ai laissé à la garde de quelqu'un dans notre hôtel qui est tout près pour venir vous chercher, parce que j'ai cru comprendre à ce qu'il disait que vous pouviez le soigner. Il m'a supplié d'y aller... Est-ce que vous pouvez quelque chose pour lui ?

Elle baissa les yeux.

— C'est déjà de ma faute s'il est dans cet état… Pourquoi n'appelez-vous pas un médecin ?

— Il s'est sauvé en courant quand son corps a commencé à luire et que le thermomètre a explosé… Je vous ai vu faire quelque chose sur sa poitrine et votre main brillait, qu'est-ce que c'était ?

— Monsieur Harkness, pour commencer, je ne suis pas Amy-Leigh Watts, je me sers d'elle comme… hôtesse et sans son réel consentement qui plus est... Sa constitution est délicate, elle a déjà été très secouée par ce qui s'est passé tout à l'heure, je ne peux pas lui imposer une nouvelle épreuve, j'en ai déjà bien assez fait. Vous pouvez comprendre que ma présence est dangereuse pour mes hôtes rien qu'en voyant ce qui se passe avec John, qui l'a été aussi.

— Je vous en prie, j'ai peur qu'il ne meure.

— Quand je l'ai trouvé, il voulait mourir, répondit-elle un peu durement. Êtes-vous sûr qu'il a vraiment envie d'être sauvé ?

— Je suis sûr que moi j'en ai envie, c'est tout ce qui compte. Je sais bien qu'aux yeux de bien des gens, il ne vaut pas la corde pour le pendre. Mais il est important pour moi et je viens juste de le retrouver…

Elle secoua la tête.

— Ce n'est pas possible. Miss Watts est traumatisée, je ne peux pas risquer de l'exposer encore. Et peut-être qu'elle redeviendra consciente si jamais je dois… finir ce que j'ai commencé.

— Alors laissez la dormir ici. Pouvez-vous prendre un autre hôte ?

— Oui en théorie, mais c'est un peu compliqué de trouver quelqu'un au beau milieu de la nuit… réfléchit-elle en plissant le front.

Il la regarda interloqué.

— Quoi ? demanda-t-elle. Je pourrais essayer le liftier ou un groom mais…

Il sourit et s'avança d'un pas.

— Prenez-moi, je suis volontaire ! On n'a pas le temps de chercher quelqu'un d'autre.

Elle le considéra avec un air surpris.

— Vous savez que vous avez tous les deux un style assez similaire sur ce point ? releva-t-elle sarcastiquement.

— J'ai déteint sur lui… dit-il en étouffant un sourire. Je vous en prie ! reprit-il d'un ton plus sérieux. Je ne veux pas qu'il meure. Comment faut-il procéder ?

— Mais… Vous n'êtes même pas humain ! Les cellules de votre corps sont comme enveloppées d'une bulle temporelle qui entourerait chacune d'elles… C'est extrêmement bizarre… Je ne sais pas si je peux y arriver avec vous...

— A la base, si je suis humain. Ça devrait marcher. Faites un essai. Vous ne pourrez rien me faire.

— C'est justement ce qui m'inquiète ! Pour que ça marche, il faut que je puisse prendre le contrôle de votre corps, et on dirait qu'il a son propre pilotage automatique résident…

Il sourit.

— Je voulais dire que vous ne pourrez pas me blesser gravement. S'il vous plait, le temps presse, essayez.

Elle soupira et le prit par la main. Par précaution, elle s'assit sur le bord du lit, et lui demanda de faire de même.

— Détendez-vous, dit-elle, essayez de ne penser à rien. La sensation est très étrange et très surprenante la première fois, peut-être que ça vous semblera angoissant. Vous pourrez ressentir des fourmillements et…

Il pressa gentiment sa main.

— Faites-le, c'est tout. Je verrai bien à l'usage.

Effectivement, le moins qu'il pouvait dire c'est que c'était surprenant. Il sentit sa respiration s'emballer. Une voix, plus grave, différente de celle de Miss Watts, éclata partout en lui à la fois, dans sa tête, dans sa gorge, dans ses poumons...

« Restez tranquille, j'essaie de m'adapter ».

Elle attendit quelques instants et il ressentit de nouveau la même sensation qu'un peu plus tôt dans la journée, quand elle l'avait touché – mais décuplée. Délicieusement.

« Oh mon dieu », pensa-t-il sans pouvoir l'exprimer.

« Qu'est-ce qui ne va pas ? » demanda la voix d'un ton distrait.

« Je vais… très bien, répondit-il pareillement. Mais est-ce que je peux savoir ce que vous faites, au juste ? »

« Un simple scan… Je crois que je vais pouvoir me maintenir. Cela me demande plus d'attention que d'habitude… Relâchez-vous, restez en retrait, je prends le contrôle ».

Jack se leva et il commença à trembler.

« Calmez-vous. Dites-vous que vous êtes sur le siège passager et que c'est moi qui conduis ».

« Je suis désolé. Je ne laisse jamais le volant… »

« Non ?… J'aurais pu m'en douter. »

Elle se pencha sur Miss Watts qui s'était affaissée sur le côté, et passant un bras sous ses genoux, elle l'installa mieux sur son lit, déploya une couverture sur elle, puis d'une main sur son front, elle influença ses ondes cérébrales pour qu'elle dorme plus profondément. Ses mouvements étaient encore légèrement maladroits et comme grippés. La souffrance en moins, c'était à peu près ce qui se passait avec le robot de Cormack…

« Jack, ne luttez pas » recommanda-t-elle.

« Hem, je ne peux pas m'en empêcher… Comment avez-vous fait avec John ? »

« Ce n'est pas un bon exemple. Il se débattait. Il ne comprenait pas ce qui lui arrivait. Au moins vous, vous étiez prévenu... J'ai dû employer une méthode radicale et il a sombré dans l'inconscience. Et ça n'ira pas sur vous. J'ai besoin de savoir où nous allons, c'est moi qui conduis mais c'est vous qui connaissez le chemin ».

River lui fit faire quelques pas vers la porte et baisser les lumières avant de sortir. Ils prirent l'ascenseur et sortirent de l'hôtel.

« Il faudrait que nous allions plus vite » insista Jack.

« Je n'ai pas l'habitude d'un gabarit comme le vôtre » expliqua-t-elle en manière d'excuse. « Vous êtes plus grand, plus lourd, et votre système est légèrement perturbé par ma présence, il surcompense un peu ».

« Alors, vous asseyez-vous sur le siège passager et laissez-moi courir ».

.°.

Elle accepta immédiatement et Jack partit comme une flèche tandis que River restait en retrait. Apparemment très motivé, il remonta deux rues au pas de course et s'engouffra à l'entrée d'un autre hôtel. L'ascenseur mit un temps interminable à arriver.Lorsqu'il entra dans sa chambre, il trouva John laissé seul dans la pièce, gisant sur le grand lit, seule une petite veilleuse était restée allumée sur le chevet et qui diffusait une faible lumière dorée.

« S'il vous plait, demanda River, laissez-moi voir comment il va… »

Elle reprit le contrôle de Jack et alla s'asseoir sur le lit à côté. Il avait l'air assez faible. Sous sa paume fraîchie par la course à l'extérieur, le visage de John était brûlant, il fallait obligatoirement faire descendre sa température très vite. Elle se leva et alla voir dans la salle de bains qui était assez miraculeusement spacieuse, et équipée d'une baignoire assez grande. Il était plus riche que Miss Watts… Elle n'avait pas pris le temps d'observer les lieux en détail, mais ils étaient assez confortables… Elle ouvrit le robinet d'eau froide à fond et puis revint sur ses pas dans la chambre jusqu'au minibar.

« J'avais raison en lui suggérant une bonne douche froide tout à l'heure alors » émit Jack.

« Tout à fait. Je peux l'aider mais il faut amorcer un processus de refroidissement très vite… Zut, pas de glace ».

« On peut en fabriquer en petites quantités » l'informa-t-il.

« Ok, tout à l'heure, quand il sera dans l'eau ».

Elle retourna dans la salle de bains vérifier le niveau d'eau, qui montait un peu lentement pour sa patience, puis trempa une serviette dedans pour venir baigner son visage.

« Bon, dit-elle le redressant pour faire passer son tee-shirt par-dessus sa tête, je suis bien contente de ne pas être venue avec Miss Watts, elle n'aurait jamais pu le porter jusque dans le bain… ».

« On le déshabille en entier ? » s'amusa Jack.

« Je suppose que pour vous ça ne sera pas la première fois » répondit-elle.

« Vous êtes nerveuse ? » la taquina-t-il.

« Pas exactement pour les raisons que vous croyez » répondit-elle en attaquant la boucle de son ceinturon.

.°.

John ouvrit des yeux luisants de fièvre et attrapa le poignet de Jack pour l'arrêter.

— Suis pas franchement… en état, dit-il, parlant difficilement car sa gorge était sèche.

— Nous n'allons pas du tout profiter de la situation, répondit Jack d'un ton étrangement patient. Il faudrait que tu boives, tu es très déshydraté.

— Le Dieu m'a brûlé et il ne reste rien de moi, énonça-t-il énigmatiquement.

Jack s'était levé avait arrêté l'eau dans la baignoire et ramené un verre à dents pris sur la tablette au-dessus du lavabo. Il soutenait son ami pendant qu'il le faisait boire à petites gorgées. Il recommença trois fois, et cela fait, il finit de lui retirer son pantalon et sous-vêtements avec un étrange sourire aux lèvres.

— T'as pas fini de me mater ? grogna John en commençant à claquer des dents.

Jack ignora la remarque en restant inhabituellement silencieux.

— Ok, répondit-il. John, on fait un essai pour voir si tu tiens debout, ou partiellement debout. Il y a un bain bien frais qui t'attend là-bas.

— Non, je ne veux pas, j'ai déjà froid. Fiche-moi la paix.

— C'est parce que ta fièvre remonte, tu vas mourir si elle ne baisse pas.

Il le repoussa en tenant d'attraper le drap pour se recouvrir.

« On va être obligé de le motiver un peu » observa River.

« Oui. Je n'y connais rien mais je vous suggérerais bien un petit scan »

« Mhh, non ça ne lui fait pas le même effet qu'à vous ».

« Pourquoi ça ? s'étonna le capitaine. C'était très agréable »

— Qu'est-ce que tu fabriques ? demanda John en ouvrant les yeux, étonné de le voir rester immobile.

— Chut ! Je discute avec… Et bien, je ne sais même pas comment vous vous appelez !… Mais si, je me rappelle du nom de ceux avec qui je c…

John étira ses paupières en deux fines lignes minces, mais il ne put cacher la soudaine dilatation de ses pupilles. Il attrapa le bras de son ami d'une poigne particulièrement ferme et poussa un soupir de plaisir.

— Oh, gémit-il dès qu'il reconnut la vibration pulsatile caractéristique qui trahissait la présence de River, pourquoi est-ce que vous me faites ça tous les deux ! River est avec toi ?

— Oui, j'avais besoin d'aide…

En tirant de l'autre main sur le tissu de sa chemise, d'un geste totalement imprévisible, il attira Jack vers lui et l'embrassa passionnément en priant de toutes ses forces pour qu'elle passe en lui. Cela avait presque marché tout à l'heure. Presque marché. Il poussa un petit gémissement quand la merveilleuse sensation familière qui lui avait tant manqué regagna ses membres énervés par trop de fièvre. Il se laissa retomber avec un soupir. C'était vraiment parce qu'il était trop malade qu'il ne pouvait pas jouer avec le concept un peu vertigineux qui aurait donné à Jack les étourdissants pouvoirs aphrodisiaques de River…

— Où êtes-vous ? demanda Jack, surpris par l'étrange sentiment de solitude de de froideur qu'il ressentait soudain par contraste.

— Ici, fit River avec la voix de John. La bonne nouvelle, c'est que vous n'allez pas avoir à le porter, je vais l'emmener directement.

— Il va être furieux quand vous allez le plonger dans l'eau froide.

— Je vais gérer ça, répondit River. Ramenez des glaçons.

.°.

Elle le laissa tremper jusqu'à ce que sa température interne descende à peu près à 38°. Régulièrement, Jack refaisait de nouveaux glaçons, et pendant ce temps, elle faisait ce qu'elle pouvait pour l'apaiser, trouvant dans la situation une étrange similitude au réconfort qu'elle avait déjà dû apporter à Miss Watts un peu plus tôt.

Les raisons de son état n'avaient rien de spécifiquement physique, ce n'était dû ni à un virus, ni à une intoxication. Jack lui avait dit qu'à sa connaissance John n'était jamais malade. Profitant de ce qu'il était plongé dans une semi-inconscience un peu béate, elle s'approcha doucement du secteur où étaient les souvenirs. Elle comprenait à peu près que ce qu'elle avait fait lors de cette nuit au Vegas Highlight, sans doute de façon totalement insouciante était à l'origine du problème.

Elle déplia avec précaution les souvenirs récents. Elle y vit du danger, des poursuites, des combats. Elle y vit Miss Watts assez souvent, et une tristesse croissante. Elle y vit Jack et la surprise enivrante de l'avoir retrouvé. Du désir. Et bien caché là-dessous, elle trouva la peur de ne plus rien ressentir pour lui, ce qu'elle trouva étrange dans la mesure où maints autres indices lui indiquaient qu'il avait toujours des sentiments. Et encore plus caché en dessous de tout ça, elle trouva la « déprime de la comparaison ». Il avait eu d'autres relations sexuelles depuis, mais elles avaient toutes la même conclusion amère qui le fixaient toujours plus nostalgiquement à « cette nuit-là ». Celle où elle s'était un peu laissée aller

Elle se sentit coupable de cela. Dans la vie de John, le sexe avait une place assez importante. Aussi diamétralement importante d'ailleurs que son absence celle de Miss Watts !… Elle ignorait ce qu'elle pouvait faire pour arranger le désordre qu'elle avait mis. Fallait-il qu'elle prenne la décision de lui faire tout oublier pour qu'il cesse de considérer qu'il n'était plus satisfait de ce qu'une relation sexuelle « normale » pouvait lui apporter ? Pouvait-elle prendre cette décision à sa place ? Certainement pas. D'autant qu'elle ignorait si ça n'engendrerait pas d'autres dégâts qui n'auraient rien de plus pressé que de se tapir dans l'inconscient… Et pour tout dire, celui de John était déjà bien suffisamment encombré !

Elle s'avisa soudain que peut-être qu'elle n'en éprouvait pas les mêmes ravages parce qu'elle n'avait justement plus de corps pour en souffrir en bout de course. L'autre option, c'était parce qu'elle était partiellement Seigneur du Temps. La télépathie naturelle du Tardis en marquant ses toutes premières cellules d'embryon en avait peut-être fait d'elle une épouse temporaire acceptable pour le Docteur, parce qu'elle pouvait endurer génétiquement, une union bien plus étroite et plus fusionnelle, comme celle qu'il lui avait fait connaître. Elle revit soudain son jeune visage d'alors et son front pourtant ridé, sa surprise ravie et joueuse quand elle avait défait son nœud papillon la première fois…

Elle secoua la tête pour effacer le souvenir et sourit tant la situation lui semblait bizarre de repenser à lui maintenant, alors qu'elle était enfermée dans le corps d'un homme qui avait été son amant d'un soir, et qu'elle essayait de le guérir de l'épouvantable traumatisme psychique que c'était, pour un humain moyen…

— C'est bizarre de ne pas savoir à qui je suis en train de parler précisément… Madame ? John ? fit la voix de Jack. Encore que vous n'ayez pas du tout les mêmes expressions… Encore des glaçons ?

Elle ouvrit un œil.

— Non ça va aller, je pense qu'il a suffisamment refroidi. Trouvez-moi une serviette, je vais le sortir de là.

Jack lui lança une grande serviette de bain qu'elle attrapa au vol. Elle s'enveloppa dans le tissu éponge moelleux qu'elle serra autour d'elle et il ne put s'empêcher de rire de bon coeur à ce spectacle.

— Quoi ? fit-elle vaguement vexée, en suspendant son geste.

— Excusez-moi, vous ne vous séchez pas du tout comme lui…

— Et bien, je n'ai pas du tout l'intention d'apprendre ! rétorqua-t-elle en fronçant les sourcils. Ça ira bien comme ça. Et regardez ailleurs, au lieu de vous rincer l'œil !

Jack obtempéra et se retourna – mais uniquement parce que le reflet du miroir lui procurait strictement la même vision.

— Je plaide coupable. John est beau, même si je préfère quand il est moins maigre… Et je suis navré, je n'ai pas pensé un seul instant que vous pouviez être mal à l'aise que je vous regarde.

— Comment arrive-t-il à garder la ligne en ingurgitant autant d'alcool, voilà un vrai mystère... Pour votre information, je ne suis pas mal à l'aise, ce n'est pas moi que vous regardez, c'est lui. Et en ce qui le concerne, il s'en fiche…

— Il s'en fiche que je le regarde ? Vous faites bien de me le signaler…

— Non, ce n'est pas ce que j'ai voulu dire…

— Et qu'est-ce que vous avez voulu dire ? demanda-t-il d'un ton séducteur en se retournant vers elle.

Elle lui balança la serviette mouillée et roulée en boule à la tête.

— Qu'il n'est pas spécialement pudique.

.°.

Jack sourit. Il adorait cette femme.Il vida l'eau de la baignoire et étendit la serviette. Quand il revint dans la chambre, il fut légèrement déçu de constater qu'elle avait rhabillé John de son pantalon de toile et de son tee-shirt, et elle raccrochait à peine le téléphone.

— Qui avez-vous appelé ? voulut-il savoir soudain inquiet.

— La réception, j'ai demandé qu'on vous monte des cachets qui prendront le relais pour finir de faire baisser la fièvre.

— Et qu'est-ce qui va se passer maintenant ?

— Continuez à faire attention à ce qu'il s'hydrate régulièrement. Son état général devrait s'améliorer d'ici peu. J'ai fait ce que j'ai pu pour le stabiliser. En ce qui me concerne, je vais rentrer en stop.

— En stop ?

— Oui, répondit-elle avec un sourire. Il faut absolument que je retourne voir Miss Watts.

— Je préférerais que vous restiez encore un peu, dit-il en penchant la tête sur le côté.

— Non, il va mieux, vous pouvez tout à fait vous en occuper, c'est dans vos cordes.

— Et s'il rechutait ? insista-t-il. C'était quand même inquiétant ce phénomène lumineux…

— John a un problème d'ordre énergétique. Je suppose que sa frustration de tout à l'heure l'a fait exploser quand il a compris qu'il n'aurait pas ce qu'il voulait alors qu'il était tout près d'y arriver…

Jack rit de bon cœur en secouant la tête.

— Non, John n'est pas un adolescent qui découvre le sexe ! Et s'il y a bien un mot qui n'est pas dans son vocabulaire, c'est « frustration »…

Elle ne répondit pas tout de suite et suggéra seulement :

— Peut-être pourrez-vous en parler avec lui, quand je serai partie.

— Vous dites qu'il n'est pas pudique, mais quand il s'agit de ne pas me parler, il est devenu très entêté… Cela fait des jours que j'essaie de savoir ce qui ne va pas. Je vois bien qu'il n'est pas dans son état normal, ce n'est presque plus le même homme…

— Et ça vous déçoit ?

— Euh, pendant qu'il n'entend pas… Non ! Mais vous devez bien savoir ce qu'il a… Vous avez dit que c'était de votre faute… Je ne sais pas comment l'aider s'il refuse de me parler. Qu'est-ce que vous avez bien pu faire pour qu'il soit dans cet état ?

A la porte, on frappa trois petits coups.

— Ah, mon chauffeur est arrivé, dit-elle. Je crois que vous devriez vraiment discuter de cela entre vous deux. Il vous aime passionnément depuis un certain temps. En ce qui me concerne, je n'ai pas la moindre envie de me mêler de votre relation.

River ouvrit la porte et sourit au réceptionniste venu lui apporter des cachets. Elle changea d'hôte d'un simple effleurement de la main, et John se retrouva avec la boite en main, un merci sur les lèvres. Il regarda le réceptionniste partir avec une légère confusion. Il referma la porte en fronçant les sourcils.

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JACK HARKNESS ET JOHN HART

— Est-ce que ça va ? lui demanda Jack.

— Non, j'ai la tête qui me tourne comme si j'avais bu dix litres de whisky… Qu'est-ce qui s'est passé ?

— Tu dois refaire de la fièvre. Prends-en deux déjà… fit Jack en lui tendant un verre d'eau. Quand on est rentrés à l'hôtel tout à l'heure, tu t'es effondré. Tu es resté dans les vapes un bon moment, à claquer des dents et à délirer… Tu disais des choses vraiment bizarres.

John choisit prudemment de s'asseoir, il appuya doucement sur ses pommettes bouffies par la fièvre.

— Ah j'ai l'impression qu'on m'a collé la tête dans un four…

Il se releva et tituba légèrement vers un miroir.

— Ah ouais, sale gueule… Si ça ne te fait rien, moi je ne ressors pas ce soir, je suis claqué…

Il souriait, mais soudain, Jack vit la transformation s'abattre sur lui.

Des souvenirs lui revinrent en vrac avec violence : l'exquise suavité vanillée de la peau du décolleté de Miss Watts, Jack qui l'arrachait à elle en lui tordant les bras dans un étau inflexible, un baiser merveilleusement agréable échangé avec lui… la sensation de flotter nu dans l'espace… River…

— River était là ! dit-il.

— Qui c'est "River" ? demanda innocemment le Capitaine.

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