From Vegas with love

Chapitre 13 : C13 : Like a prayer

6384 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 10/11/2016 01:42

CHAPITRE XIII

QUENTIN CORMACK

Le groom qui était venu chercher Quentin ne le conduisit pas à la chambre de Miss Watts, mais à une petite pièce au sous-sol qu'ils atteignirent en prenant un ascenseur de service. En marchant le long de fins corridors dont les plafonds s'ornaient d'énormes tuyaux de climatisation, il questionna son guide, un peu surpris par la destination, et le jeune garçon expliqua que c'était la salle de répétition pour les artistes. Il frappa et entra sans attendre la réponse.

Au milieu d'un espace assez triste aux murs ocres qu'éclairaient quelques rares spots un peu faibles, il la vit se détacher comme dans un halo, fraîche dans une tenue blanche très simple, sans maquillage, les cheveux tirés en queue de cheval, avec un casque sur les oreilles. Elle fredonnait mais elle s'arrêta quand elle les aperçut, et le retira.

— Merci Jimmy, dit-elle. Monsieur Cormack, dit-elle en le saluant juste en inclinant brièvement la tête.

Le groom les laissa aussitôt et Quentin le regarda partir avec une certaine appréhension qu'il ne s'expliquait pas totalement. Reportant son attention sur elle, il scruta ses yeux et leur éclat particulier le convainquit qu'il avait bien affaire à celle qu'il avait vue la première fois. Celle qui l'avait incité à monter dans sa chambre pour voir son robot. Il réalisa soudain qu'il n'avait finalement jamais rencontré la vraie Amy-Leigh Watts. Juste cette mystérieuse « River Song ». Les yeux gris de la jeune femme étaient un peu graves, il se sentait vaguement intimidé sous leur examen. Que regardait-elle ainsi ? Ce que tout le monde voyait en lui probablement. Un homme de taille moyenne aux cheveux bruns coupés courts, aux yeux bruns, au visage banal… dans un costume à 7000 crédits ?

— Finalement, vous ne m'en voulez pas trop ? dit-il pour rompre cet intimidant silence.

— Dans la mesure où vous n'avez rien mis du tout dans mon verre, ce serait assez mal venu… Je ne suis pas certaine d'être disponible ce soir et je voulais seulement vous remercier pour vos fleurs et pour vos excuses, dit-elle.

— Vous étiez manifestement en train de répéter, je ne vais pas vous déranger en plein travail.

— Merci. Mais avant que vous partiez, j'avais tout de même quelque chose à vous demander.

Elle baissait les yeux pendant qu'elle parlait mais lança tout à trac :

— Je voulais savoir si vous étiez du genre à aimer connaître la vérité.

— Contre de l'argent ?

Elle rit en secouant la tête négativement.

— Non je n'ai rien à vendre, je veux acheter. Mais je devine que vous voudrez sans doute avoir quelques garanties.

— Pour quelle espèce de transaction ?

— Oh, nous venons d'entrer dans une zone de franchise maximale… Très bien. Je souhaiterais… acquérir l'un de vos androïdes lorsque vous aurez fini leur développement. Je compte bien sûr soutenir vos recherches d'ici là, comme je vous l'ai écrit.

— Je vais être honnête avec vous : je ne sais pas du tout si je pourrai mener ce projet à terme.

— Je vais être honnête avec vous : je suis persuadée que vous allez y arriver. D'ici environ un an, j'aimerais reprendre rendez-vous et revenir voir où vous en êtes.

— Pourquoi un an ?

— J'ai des impératifs personnels. Cela vous laisserait le temps de perfectionner un ou deux autres prototypes.

— Otto sera très déçu. Il voulait vous revoir très vite... J'ai une autre proposition. Pourquoi vous ne viendriez pas rejoindre mon équipe ?

— Qui est Otto ?

— L'androïde que vous avez essayé de subtiliser.

Elle secoua la tête et le regarda directement dans les yeux cette fois.

— Je voulais juste l'essayer. Et à ce propos, je n'avais pas l'intention de vous assommer, j'ai mal réagi aux protections présentes sur votre machine.

— Le Docteur me l'a expliqué. Pourquoi vous avez besoin d'un androïde, voilà ce qu'il ne m'a pas dit.

— Le Docteur dit ce qui l'arrange… Méfiez-vous de lui, M. Cormack. Avec la meilleure volonté du monde, il a tendance à engendrer des monstres de foire à son contact. Je suis l'un d'entre eux.

— Est-ce que ce serait très impoli de vous demander ce que vous êtes, justement ? Otto dit que vous êtes à moitié déesse et à moitié intelligence artificielle…

— A moitié déesse ? s'étonna-t-elle avec un sourire un peu désabusé qui contrastait avec la grande jeunesse de ses traits. Je ne suis rien de tout cela. Je suis bien plus prosaïquement ce qu'on a toujours appelé un fantôme.

— Vous vous moquez de moi ?

— Pas du tout. Vous vouliez la vérité, je vous la donne. Mon corps a été détruit mais ma conscience est toujours active. Je n'ai ni théorie scientifique, ni religion pour l'expliquer. Je veux un androïde réaliste pour pouvoir me déplacer et interagir sans attirer spécifiquement l'attention car actuellement je suis enfermée là où je suis. Je dispose de tout mon temps et de vastes ressources pour apprendre, étudier ou rechercher. Mais je ne peux les partager avec personne.

— Vous êtes enfermée dans Miss Watts ?

Elle sourit avec un signe de dénégation.

— Non, Miss Watts est une solution de fortune – inespérée – mais qui ne saurait être que temporaire. Je ne peux pas la priver de son existence sous prétexte que j'ai perdu la mienne.

— Etes-vous complice avec Hart ? voulut-il savoir.

— Je ne dirais pas cela. J'ai eu besoin de lui uniquement pour ramener votre androïde à l'hôtel car vos sécurités logicielles me rendaient son maniement terriblement problématique.

— Il dit de vous que vous êtes dangereuse et désespérée. Vous avez un commentaire ?

— Si vous êtes d'accord pour me vendre l'un de vos futurs prototypes, j'ai plutôt de quoi conserver espoir, vous ne croyez pas ? Alors dites-moi… Est-ce que nous avons un accord ?

— Professeur Song, commença-t-il, j'ai deux hommes qui ne sont pas du genre à se laisser effrayer qui ont l'air d'avoir pourtant peur de vous... Vous pouvez comprendre que j'hésite à conclure un marché dans ces conditions. Et si vous étiez vraiment dangereuse ? Une psychopathe qui serait à nouveau libre de nuire ? Je ne suis pas prêt à tout ni à accepter n'importe quel financement si…

— Et c'est pour ça que je préfère vous laisser un peu de temps pour me connaître. Vous vous ferez une meilleure opinion par vous-même.

— Donnez-moi immédiatement les raisons pour lesquelles Le Docteur et Hart ont peur de vous. Ce n'est pas négociable. Si vous ne le faites pas, c'est non tout de suite.

Elle se fendit d'un sourire légèrement embarrassé, immédiatement contredit par ses paroles assurées.

— Je suis une femme forte et relativement intelligente, certains hommes n'aiment pas du tout être challengés à ce niveau, ça pourrait déjà être une explication suffisante... Mais je suis aussi l'ex-femme du Docteur. Et il est responsable de l'état qui est le mien. Bien qu'il ne soit pas à l'origine de mon décès, il en éprouve de la culpabilité. Il me connait. Il sait quelle a été ma vie, il sait aussi qu'il n'a pas forcément été un bon mari pour moi. Il n'a sans doute aucune envie de me voir redébarquer dans son existence à la moindre occasion surtout maintenant qu'il a refait sa vie…

— Miss Oswin est son directeur financier. Leurs rapports sont professionnels. Amicaux très certainement mais rien de plus. Il l'appelle « ma chère enfant »…

— Oh vraiment ? fit-elle avec un petit rire amusé. Je parie que la petite Clara ne prend pas ça très bien…

— Et Hart ? coupa Quentin.

— Lui ? Je ne le connaissais pas avant de l'assommer. C'est apparemment un ancien agent du Temps en roue libre depuis que son organisation a été dissoute. Ce n'est pas quelqu'un de très recommandable, je le crains… Je pense qu'il a pu être impressionné quand j'ai « pris possession » de lui. Miss Watts n'est pas réellement consciente de ma présence. Elle n'aura aucun souvenir de la conversation que nous avons en ce moment. Aussi ne vous vexez pas si elle vous ignore tout à l'heure… Hart lui était conscient de bout en bout. Il était très difficile à piloter et il ne se laissait pas faire... J'ai fait ce que j'ai pu pour m'assurer de sa coopération. Je suppose que mes manœuvres d'intimidation ont porté correctement leurs fruits. Et oui, j'ai menacé de le tuer.

— Comment vos menaces pouvaient-elles être aussi intimidantes pour quelqu'un comme lui ?

— J'avais un contrôle total sur toutes ses fonctions vitales, je lui en ai apporté la preuve, il m'a crue.

— J'aimerais vraiment pouvoir comprendre comment vous êtes capable de faire cela…

— Allez-vous réfléchir à mon offre ? éluda-t-elle en se rapprochant de lui.

— Et vous à la mienne ? renvoya-t-il.

Elle secoua la tête.

— Malheureusement je ne peux pas l'accepter pour l'instant car je me suis déjà engagée sur un autre projet.

— Celui d'un concurrent ? N'y a-t-il aucune chance que je vous arrache à lui ?

— Je ne crois pas qu'on puisse considérer que vous soyez réellement un concurrent sérieux pour Dame Nature… s'amusa-t-elle.

Elle tendit sa main fine aux doigts délicats face à lui.

— Avons-nous un accord ?

Il la regarda avec hésitation. Une petite main délicate, au bout d'un bras tout mince. Cela n'avait pas l'air si dangereux.

— Le Docteur m'a bien recommandé d'éviter tout contact physique avec vous.

— Il vous a dit pourquoi ?

— Pour éviter ce que vous êtes en train de faire à Miss Watts. Vous servir de moi, accéder à mes labos et à mes recherches…

— Oui ça bien sûr. Mais si nous avons accord, à quoi cela me servirait-il ? Il me suffirait de vous appeler de temps en temps… Prendre rendez-vous tout à fait officiellement, en tant qu'investisseur… C'est vous qui connaissez le sujet, pas moi. C'est votre intelligence et votre passion qui doivent travailler et elles seront meilleures que le miennes, du moins tant que je n'y travaillerai pas sérieusement… Le Docteur ne vous a pas donné la vraie raison. La vraie raison c'est qu'il craint que vous ne perdiez votre objectivité. Il craint que je vous rallie à ma propre cause parce qu'elle est très proche de la vôtre… Votre frère n'aurait pas pu survivre sans la cybernétique, n'est-ce pas ?

— Vous avez fouillé dans ses dossiers médicaux ?

— M. Cormack, je vis habituellement dans la mémoire d'un superordinateur doté d'une puissance de traitement phénoménale. De temps en temps, je me sers des avantages que ma « maison » me procure, je le reconnais.

— Vous vouliez faire pression sur moi ?

— Pas le moins du monde. Je voulais savoir avant de m'adresser à vous s'il y avait une toute petite chance pour que vous ayez envie d'aider une personne presque morte à retrouver un semblant de vie.

Il la regarda pendant de longues secondes, puis saisit impulsivement sa main dans la sienne assez brièvement. Elle souriait et ses yeux étaient un peu brillants, comme si elle allait pleurer. Il la lâcha et recula vers la porte avant de la saluer pour se retirer.

Effectivement, il comprenait beaucoup mieux grâce à ce bref contact contre quoi le Docteur essayait de le mettre réellement en garde. Une fois dehors, il regarda la paume de sa main et la frotta pensivement de l'autre pouce. Légère absence ? Euphorie ?Il se sentit soudain pris d'une profonde sympathie pour Otto.

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JACK HARKNESS

Il regarda son verre vide. Et la place de John, vide à côté de lui. A la seconde où le Docteur avait mis les pieds dans la salle, son ami s'était éclipsé comme par enchantement en lui disant qu'ainsi il aurait une chance. Il avait oublié qu'il pouvait faire cela. Apparaître et disparaître presque magiquement, on ne savait comment.

Le Capitaine se sentit vraiment stupide d'avoir envie de le serrer contre lui simplement parce qu'il était dorénavant distant. Et qu'il y avait tant d'années qu'il ne l'avait pas vu. La mémoire était une chose étrangement sélective. Il n'avait pas que de bons souvenirs avec lui, loin de là. Sur la station de Velquesh son comportement avait été des plus bizarres. De temps en temps, il avait bien vu briller dans ses yeux des éclairs familiers, mais jamais il ne s'était vraiment laissé approcher ou toucher, alors qu'autrefois tous les moyens étaient bons lorsqu'ils étaient seuls. Tous. Maintenant, il avait l'air tellement réticent. Il repensa à cette nuit qu'ils avaient passé ensemble où il était resté à ses côtés mais… presque… stoïque ? Il n'avait pas insisté, imaginant tout et n'importe quoi. Souvent le pire.

L'apparition du Docteur venu droit jusqu'à lui l'obligea à interrompre le fil de ses pensées. Un vrai choc, sa nouvelle apparence ! Ses cheveux blancs, ses yeux perçants très clairs, une étrange et anachronique petite moustache assortie d'un bouc qui lui donnait vaguement l'air d'un mousquetaire, la prestance d'un danseur dans son costume sombre avec sa redingote doublée d'une très provocatrice soie rouge vermillon, des mocassins fantastiques, un petit rictus moqueur au coin des lèvres. Il eut l'air de prendre la pose en s'accoudant au bar.

— Alors ? Rien à dire ? fit-il d'un ton un peu déçu.

— Si on excepte que vous avez presque exactement la tête de Frobisher !…

— Frobisher ?

— John Frobisher, un secrétaire du gouvernement avec qui j'ai eu à gérer un dossier particulièrement terrible il y a de ça des années…

— Jack ! Vous me dites que vous connaissez déjà cette tête ? Au temps pour mon effet de surprise !…

— Oui, je viens de vous le dire. Et d'ailleurs, c'est… assez flippant. Dites-moi que vous n'étiez pas Frobisher !... Je n'arrive pas à y croire… Où est donc passé mon grand tout maigre ? La dernière fois que je vous ai vu, j'aurais voulu vous parler… mais vous m'avez collé ce type dans les pattes, et puis vous avez disparu des radars…

— Beaucoup de boulot… éluda le Docteur. Que faites-vous par ici ?

— Je vous cherchais, figurez-vous.

— En général, les gens qui me cherchent ne me trouvent pas…

— Peut-être que c'était parce que cette fois, les conséquences dépassent ma seule petite personne…

— Que vouliez-vous ?

— Le manipulateur de vortex. J'ai besoin de me mettre au vert pendant un moment. Et j'envisageais une époque très tranquille et surtout très peu technologique.

— Pourquoi ? Qu'avez-vous encore fait ? sourcilla le Docteur.

— Directement, rien du tout. Est-ce que vous avez parlé à Torchwood ou à Unit récemment ?

— Pas vraiment non, j'étais très occupé ailleurs, avant d'y retourner il y a quelques semaines, je n'y avais pas mis les pieds depuis… très longtemps.

— Longtemps comment ? Des années ?

— Des siècles plutôt…

Jack ouvrit la bouche et une certaine anxiété se peignit sur ses traits.

— Vous voulez dire que la Terre est sans protection pour des siècles parce que vous êtes retenu quelque part en ce moment même ?

— Euh, actuellement je suis bien là, vous ne parlez pas tout seul, fit-il sarcastique.

— Mais vous êtes une incarnation future, n'est-ce pas ? Les rapports disent que vous êtes un homme jeune avec un goût prononcé pour les chapeaux et les nœuds papillons…

.°.

Une voix de femme s'éleva alors derrière eux, s'immisçant dans leur conversation :

— Non, c'est faux ! Ils disent qu'il a un goût prononcé pour les jolies filles !

Jack se retourna avec un sourire surpris et découvrit une petite brune au regard doux et pétillant, avec un adorable nez mutin et des fossettes. Il lui prit la main d'un air ravi.

— Je peux témoigner sur une assez longue période que c'est parfaitement vrai… Jack Harkness. Miss ?

— Je suis Clara, répondit-elle, je voyage avec le Docteur depuis sa précédente incarnation. Celle qui aimait les nœuds papillons. Apparemment, la nouvelle n'a pas encore complètement décidé de me remiser dans son placard à souvenirs…

— Je serais complètement navré qu'il le fasse, répondit Jack d'un ton qui démentait totalement ses propos, avant d'effleurer d'un léger baiser le dos de sa main.

Biiieeen, fit le Docteur pour couper court à toute autre tentative de flirt de sa part, maintenant que les présentations sont faites, Jack allait justement me dire pourquoi il avait besoin de son manipulateur de vortex…

— Encore ce machin ? Vous en avez un aussi ? demanda-t-elle en jetant aussitôt un regard oblique à son poignet.

— C'est-à-dire que… il n'y en a pas beaucoup en circulation, vous savez…

— Vraiment ? J'ai l'impression que c'est le must have, ces derniers temps… fit-elle en jetant un regard inquiet au Docteur.

— Qu'est-ce que Torchwood ou Unit auraient dû me dire ? demanda le Docteur. J'ai vu récemment Martha et Mickey.

— Ils vous ont parlé de moi ?

— Non, mais nous étions un tout petit peu occupés par… une crise sanitaire, fit le Docteur en repensant à la formulation de Mickey concernant les lapins de Pernn.

Le regard de Jack s'agrandit d'effroi.

— Sur Terre ? demanda-t-il d'un air très inquiet.

— Non pas du tout, dans l'espace de Pernn. Allez-vous me dire de quoi il s'agit ?

Jack le regarda avec un peu de nervosité, agita la tête, en cherchant comment présenter les choses.

— Je sais que vous allez me dire « Je vous l'avais bien dit »… Il se passe que Torchwood me considère à présent comme une menace. Je ne peux plus revenir sur Terre. Ce qui est… assez ironique étant donné le rôle que j'ai tenu dans la résurrection de cette organisation et la façon dont je m'y suis dévoué corps et âme… Pendant que vous étiez très occupé, il s'est produit quelque chose de remarquablement ennuyeux. Sur Terre, certains ont découvert ma capacité à refuser de rester mort, et ont essayé de l'utiliser à grande échelle sur la population à des fins de contrôle. C'est allé très loin.

— Très loin comment ? demanda Clara, étonnée de n'en avoir que des souvenirs très vagues et très confus.

— Plus personne ne mourrait mais sans possibilité de guérison non plus… Enfin quand je dis plus personne, plus personne sauf moi… Bref, ce n'est pas le propos, nous avons réussi à résoudre tout cela par nous-mêmes. Seulement vous savez comme moi que la Terre est truffée d'aliens – n'y voyez pas d'offense – et que ce petit détail a fini par fuiter hors du système solaire, en attirant après moi une quantité considérable et toujours croissante de nuisibles venus de tous les coins de l'univers, prêts à tout pour me dépecer afin de comprendre ma biologie… Ceci rendait le travail de Torchwood franchement compliqué… Après presque un an, et toujours plus d'attaques, j'ai été… banni pour le bien de tous.

— J'en suis vraiment navré, Jack, dit le Docteur. C'était il y a longtemps ?

— Assez oui, mais à votre échelle, je suppose que non…

— C'est pour ça que vous êtes avec Hart ? Pour son manipulateur ? Je préfère vous dire que je l'ai désactivé aussi.

Jack eut un petit sourire triste.

— Il me l'a dit presque tout de suite.

— Il vous a dit pourquoi ?

— Non, il n'a pas eu besoin. C'est votre petite marotte.

— Où est-il maintenant ? insista le Docteur.

— Il s'est éclipsé dès que nous sommes arrivés ici. Il m'a dit que j'aurais de meilleures chances si vous ne me voyiez pas avec lui.

Le regard du Docteur se fit glacial.

— Je vous ai déjà vu avec lui… et ça lui donne un peu raison ! Mais je n'aime pas du tout ce que vous m'apprenez sur Torchwood… Je n'ai jamais aimé Torchwood… Mais comment ont-ils pu vous faire cela ? Froidement ?...

— Qui vous dit que ça a été froidement ? rétorqua Jack. Ils ne sont pas à blâmer. J'aurais voulu partir de moi-même. Quel autre choix avions-nous ?

— Pourquoi êtes-vous resté avec Hart quand il vous a dit qu'il n'avait plus de manipulateur ? insista le Docteur, plutôt méfiant.

Jack rit sous l'incongruité apparente de la question.

— Pourquoi ? Mais pour avoir deux minutes de pause enfin !… J'ai des assassins et des chasseurs de primes à mes trousses depuis près de vingt ans… Partout où je vais. Partout où je m'installe. Ils finissent toujours par savoir où je suis. Cela prend quelques semaines, parfois quelques mois… En l'embauchant, disons que je m'accorde un léger répit car c'est un combattant efficace. Et compte tenu de ma situation, c'est déjà beaucoup.

— Et pourquoi lui accepte-t-il de vous aider ? demanda Clara.

— J'aurais aimé pouvoir me flatter en disant que c'était en souvenir du bon vieux temps… mais la vérité c'est plus probablement qu'il doit y trouver un intérêt quelconque, répondit Jack. Car c'est comme ça qu'il fonctionne… Mais je ne sais pas encore vraiment bien lequel…

.°.

RIVER SONG

River laissait Miss Watts se concentrer car elle était sur le point de passer sur scène. Elle se répétait mentalement ses chansons. Elle les connaissait. River elle-même les connaissait, à force de l'entendre répéter. Elle avait aussi tout son trac, ce qui était un peu désagréable ! Elle opéra un léger retrait pour en ressentir moins la pression. Elle faisait les cent pas dans les coulisses, en vérifiant sans arrêt son maquillage dans un petit miroir. Les quelques minutes qui précédaient l'entrée en scène étaient toujours difficiles. Mais une fois qu'elle y était, tout allait bien.

En allant et venant dans le petit espace mal éclairé et encombré de tout un tas de matériel, de caisses et d'accessoires, elle manqua de se tordre la cheville car elle était juchée sur une nouvelle paire de chaussures à laquelle elle n'était pas encore habituée. Elle se mordit nerveusement la lèvre. Et s'appuya sur une boîte assez grande, couchée sur une espèce de socle, qui devait servir pour un numéro de magie, afin de rajuster son escarpin mauve assorti à sa robe longue.

Devant ses yeux au sol, elle vit soudain une paire de bottes. Elles étaient portées sur un pantalon de toile foncée, au-dessus un maillot de coton était visible sous une veste courte un peu bizarre avec des attaches compliquées qu'elle n'avait jamais vues. Mais ce visage, par contre lui, elle le connaissait.River fut tirée brutalement de sa retraite semi-méditative par des niveaux d'adrénaline critiques qui résonnèrent comme autant d'alarmes que quelque chose n'allait pas.

John Hart. Voilà ce qui n'allait pas ! Amy-Leigh ressentait une intense panique à le retrouver là, vraiment tout proche. Il ne disait rien mais son attitude était perçue comme légèrement menaçante, elle recula. L'entrée en scène avait lieu dans un peu plus de cinq minutes.

— Que voulez-vous ? C'est à moi très bientôt. Je n'ai pas le temps de vous parler.

Il secoua la tête lentement sans rien dire, avec son sourire inquiétant accroché aux canines.Oh non, pas ça, se disait River en voyant l'éclat noir de ses pupilles dilatées par le désir qui assombrissait ses yeux clairs. Si elle n'intervenait pas, il allait fondre sur elle et n'en faire qu'une bouchée…

Alors qu'il approchait pour l'enlacer, River revint instantanément au premier plan, et tendit le bras pour le maintenir à distance, mais il vint au contact de sa paume.

« Enfin ! » pensa-t-il. « Enfin te voilà ! ».

Sous ses doigts, elle ressentit partiellement l'ivresse qu'il éprouvait l'envahir à son tour et en réponse, elle investit plus avant Miss Watts pour tenter de la protéger. Il avait noué un bras autour de sa taille et elle ressentit un vertige bizarre comme si il s'était ouvert d'un coup et qu'elle tombait irrésistiblement vers lui.

« Que fais-tu ? John ! Arrête, ce jeu maintenant ! ».

Il la serra plus étroitement et elle se cambra. Elle devait résister et ne surtout pas lâcher Miss Watts. Elle utilisa sa paume toujours sur sa poitrine et celle-ci commença à briller.

— John, tu as envie de tester mon défibrillateur portatif ? demanda-t-elle la voix un peu cassée, tandis qu'il menaçait de déchirer sa robe dont les bretelles étaient trop fines pour ses caresses fébriles.

Il l'écrasa contre lui et elle n'eut pas d'autre choix que de lui envoyer une petite décharge sur le torse. Il attrapa sa main et l'embrassa, avant de la mettre autour de son épaule. Tout à fait gentiment. Comme s'il ne venait pas de se prendre plusieurs dizaines de volts de trop.

— Méchante, répondit-il en la renversant sur la cabine avec un petit rire, avant d'enfouir sa tête dans son cou.

De nouveau, elle ressentit le vertige étrange qui l'appelait.

« Que fais-tu ? »

« Je croyais que c'était évident » répondit-il tout en cherchant ses lèvres.

Il l'embrassa. Malheur ! Elle pensa tout oublier, soudain légère, et elle s'abandonna malgré elle à son baiser. Le prenant pour une acceptation, il émit mentalement un remerciement de soulagement et de joie en la repoussant un peu plus contre la boîte et l'y asseoir. Elle se sentit frémir sous ses caresses de plus en plus précises. Elle n'était pas sûre que ses bras possèdent encore la moindre volonté de le repousser.

« John, lâche-moi, je suis en train de perdre le contrôle de Miss Watts ».

« C'est ce que je veux ».

« S'il te plait ! Tu lui fais peur ! Nous lui faisons peur »…

« Crois-moi, je m'efforce pourtant d'être tout à fait délicat » répondit-il en embrassant un sein pâle et doux qu'il venait de dévoiler en dégageant une bretelle.

Elle ferma les yeux. Pourquoi était-ce beaucoup plus difficile cette fois ? Miss Watts en panique était là et bien là, les caresses de John étaient… oh miséricorde, elles étaient merveilleuses, et elle devait être sur scène dans deux minutes ! Et la mauvaise nouvelle, était que ni elle ni la jeune femme n'étaient en état de chanter, quoique pour des raisons très différentes.

John ne lui laissait pas le choix. Elle augmenta un peu le taux de ses endorphines pour qu'il ne souffre pas trop et le choqua électriquement plus fort dans l'espoir qu'il perde conscience.

— Encore, murmura-t-il.

— Ce n'est pas conçu pour être agréable !

John rit et lui envoya une œillade terriblement lascive. Elle ressentit encore le vertige qui l'attirait vers lui et son désir comme s'il était le sien. Elle soupira, incrédule de la vitesse à laquelle elle pouvait lui céder sans même parvenir à résister, ne serait-ce qu'un peu. N'y avait-il donc rien pour l'arrêter ?

Un toussotement appuyé se fit entendre derrière eux.

.°.

Un grand et bel homme en manteau posté contre la porte les regardait à l'oeuvre sans aucune gêne. Presque avec curiosité.

— Et bien, et bien, et bien… fit-il entre ses dents. Mais vous arriveriez presque à me faire rougir les enfants…

River braqua les yeux sur lui et l'avertit :

— Soit vous déguerpissez, soit vous vous rendez utile en le retenant une minute.

Il s'approcha d'un air curieux, en enjambant sans difficulté le bazar qui trainait par terre.

— Je n'étais pas certain de devoir vous interrompre… Qu'y a-t-il pour votre service ?

— Jack, va-t-en ! gronda John.

— Oh, toi tu n'as pas toujours dit ça, remarqua le Capitaine. Allez, laisse la jeune fille tranquille maintenant…

— Ne t'en mêle pas !

Le Capitaine exécuta aussitôt une prise qui bloquait les bras de Hart et le tira en arrière. Il se débattit mais l'immortel ne lâcha pas.

— Vous feriez mieux de filer, dit-il à la jeune femme, je ne l'ai jamais vu dans cet état et pourtant ce n'est pas faute d'avoir essayé…

Elle se redressa et descendit de son perchoir, offrant un très plaisant tableau maintenant qu'elle était toute défaite, sa blondeur en pagaille et ses joues roses.

A la surprise du Capitaine, elle vint pourtant vers eux et leva une main vers le visage de John.

— Je suis navrée, dit-elle. C'est trop difficile à supporter pour toi…

Elle pressa sur sa tempe et le Capitaine sentit son ami s'effondrer entre ses bras. Il le déposa au sol, tandis qu'elle en profitait pour rajuster un peu sa tenue.

— J'adorerais savoir comment vous avez fait ça… c'est encore mieux que la prise de Spoke !

Elle s'accroupit près de John, retenant le tissu de sa robe contre sa poitrine d'une main, pour poser son autre paume au centre de son torse.

— Qu'est-ce que vous lui faites ? demanda Jack.

— Chut ! dit-elle. C'est de ma faute, tout ça. Je procède à une petite mise à jour… autrement il risque d'être un peu dangereux au réveil.

Jack lui prit le poignet pour l'arrêter.

— Dites-moi ce que vous êtes en train de faire ! insista-t-il fermement.

Elle tourna la tête impatiemment vers lui.

— Laissez-moi finir, je n'ai pas beaucoup de temps, je devrais déjà être sur scène…

Elle se leva tandis qu'il la tenait toujours par le poignet et il se sentit envahi par une délicieuse sensation. Il sourit de contentement sans voir qu'elle le dévisageait avec stupéfaction.

— Mais qu'est-ce que vous êtes ! s'exclama-t-elle en reculant d'un pas sous la surprise.

— Hum, fit-il, votre sauveur du jour, j'ai l'impression ? J'ai plutôt envie de vous retourner la question… Qu'est-ce que vous êtes en train de me faire ?

— Rien, je vous ai scanné. Vous avez l'air humain mais toutes vos cellules sont…

Il arqua un sourcil avec un sourire ravageur. Elle le lâcha immédiatement.

— Toutes mes cellules sont quoi ? demanda-t-il avec curiosité.

— Il doit y avoir une erreur, murmura-t-elle.

— Revérifiez quand vous voulez, proposa-t-il avec un sourire taquin.

Elle secoua la tête.

— Je dois y aller, déclina-t-elle. Faites attention à vous quand il se réveillera !

Elle courut vers les toilettes des dames afin d'essayer de réparer ce qui pouvait l'être dans le carnage de sa tenue. Sa coiffure sophistiquée était défaite, elle retira donc toutes les barrettes pour laisser ses cheveux libres car leur longueur masquerait la bretelle cassée qu'elle attacha en nouant les deux moitiés. Elle nota ses yeux trop brillants et ses joues trop roses, essaya de calmer un peu son souffle court et courut vers la scène.

Miss Watts était tétanisée par ce qui venait de se passer. Ce soir, ce ne serait donc pas elle qui chanterait, les nerfs en pelote, le cœur battant et les jambes tremblantes.

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