From Vegas with love

Chapitre 12 : C12: Les lois du mariage gallifréen

6438 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 24/07/2015 15:14

2e PARTIE : The world is not enough

CHAPITRE XII

RIVER SONG

— J'en peux plus, j'y retourne !

A bout de patience au fond de la Bibliothèque, le fantôme de River avait fini par réactiver la connexion à distance qu'elle avait su établir une première fois avec la jeune chanteuse Amy-Leigh Watts. Il y avait de cela plusieurs semaines, cette dernière lui avait servi d'hôtesse involontaire, lors de son séjour sur la planète Velquesh.

Dans l'absolu, River aurait vraiment préféré éviter de le refaire aussi rapidement, car elle n'était pas sans savoir que sa présence anormale était source de problèmes pour la jeune femme dans laquelle elle « s'invitait » de la sorte. Mais une aussi belle occasion ne se représenterait peut-être pas.

En effet, en espionnant chez Cormack Industries grâce aux gigantesques ressources que CAL, l'ordinateur de la Bibliothèque, mettait généreusement à sa disposition, elle avait été informée que l'androïde qu'ils construisaient (et qu'elle convoitait toujours) avait fait des progrès remarquables.

Elle avait su également que son dirigeant allait se rendre sur la planète Modarkand où se trouvait déjà la chanteuse pour sa tournée. Un timing parfait pour aller le voir en personne grâce à Miss Watts et, si possible, de se glisser ensuite discrètement « dans ses bagages » afin d'accéder à son labo de recherche dès qu'il y retournerait. En tant que fantôme, passer d'une personne à une autre ne lui était pas difficile.

En faisant le choix de le rencontrer directement pour lui commander un androïde dépourvu des sécurités qui l'avaient tant fait souffrir lors de son premier essai infructueux, il lui restait encore un espoir.

.°.

Arrivée au bout du processus instinctif par lequel elle pouvait se transférer de la mémoire de CAL vers Miss Watts pourtant à des années-lumières de là, elle resta un petit moment à la lisière de la conscience de la jeune femme et eut la surprise de constater que quelque chose n'allait pas du tout. Celle-ci était fatiguée et un peu déprimée. Elle avait peur.

River fut un peu chagrinée car elle appréciait l'humeur toujours égale et plutôt joyeuse de la jeune beauté blonde, ce qui la rendait très facile à piloter. Déterminée à la soutenir, elle essaya de lui recommuniquer plus de force en stimulant certaines glandes de l'intérieur d'elle, et c'est en tentant d'opérer cette manœuvre qu'elle comprit soudain.

Quelques tests préalables lui avaient appris comment faire une lecture rapide de l'état de santé général de ses hôtes, celui de la jeune femme enceinte depuis peu, ne pouvait lui échapper. Le fait était surprenant, car elle savait qu'elle ne s'intéressait pas beaucoup aux hommes. Un peu curieuse et dubitative à la fois, elle essaya de jeter un petit coup d'œil dans les souvenirs récents de la demoiselle et découvrit des bribes de cauchemars où le visage de John Hart apparaissait constamment...Un sentiment de honte déferla si violemment sur elle que même Miss Watts le ressentit et se mit à pleurer.

River venait de prendre en pleine face que la blonde enfant payait durement et dans la plus totale incompréhension ses propres frasques d'un soir avec le bel escroc ! Elle n'aimait pas devoir reconnaître qu'il lui avait tourné la tête, ce qui n'était pas du tout son genre d'ordinaire, ni que les efforts qu'elle avait essayé de déployer pour protéger la jeune femme tant physiquement que psychiquement avaient lamentablement échoué. Dans les tourments de son inconscient, la pauvre petite se représentait elle-même bâillonnée et ligotée face au torrent de passion qu'elle, River, avait déclenché à plaisir chez son partenaire. Elle n'y comprenait rien bien entendu et comme si ce n'était pas assez, elle allait être mère !…

Ce n'est qu'à ce moment que River rabouta réellement les deux informations entre elles, en demandant si son enfant avait été conçu cette nuit-là. L'idée la troublait, mais ce qu'elle connaissait de la vie amoureuse de la chanteuse, ou plutôt de son absence, ne lui laissait pas tellement de marge… La grossesse était si peu avancée qu'elle essaya de compter les cellules du fœtus. Il y en avait plus de cent : elle devait donc être à deux semaines.C'était à peine croyable que le temps lui semble si long lorsqu'elle vivait à l'intérieur de CAL et qu'il soit si court en réalité.

En elle-même, elle l'accepta dans l'instant et décida qu'elle allait faire ce qu'elle pourrait pour l'aider, car la petite ne se serait jamais retrouvée dans cette situation sans sa propre stupidité. En s'appropriant son corps jeune et sain, River pensait toujours être celle qu'elle était avant sa mort, une femme mure plus en âge de procréer. Elle avait oublié que ce n'était pas le cas pour la jeune Amy. Complètement oublié.

Etait-ce à cause de trop de solitude ? L'ivresse d'être désirée ? Et celle de se sentir en vie ?… Elle savait que ce n'était pas une excuse. Juste une pauvre explication des circonstances… Navrée, elle lui murmura de l'intérieur quelques pensées silencieuses de réconfort pour qu'elle arrête de pleurer.

Ce n'était pas très compliqué. Elle était déjà en train de faire des économies pour s'acheter un androïde, elle n'aurait qu'à en prélever une part pour Miss Watts et le bébé… Elle pensa alors soudain à sa propre mère, au prénom si semblable, qui n'avait pas vraiment pu l'élever et se demanda si toutes les femmes de la lignée Pond était aussi malchanceuses depuis toujours avec leurs enfants…

Comme on frappait à sa porte, Miss Watts s'essuya machinalement les yeux, dont elle cacha la rougeur sous ses lunettes avant d'aller ouvrir. Un jeune groom timide lui tendit un bouquet et une carte et puis repartit en vitesse. Elles lurent toutes deux le mot et alors que la jeune femme restait un peu maussade, River trouvait la nouvelle fort bonne : Quentin Cormack lui-même demandait à la voir.

.°.

JACK HARKNESS ET JOHN HART

Jack lui avait demandé comme une faveur personnelle de l'accompagner à deux ou trois rendez-vous de travail qu'il avait sur la station orbitale de Velquesh où ils étaient revenus après leur bref petit saut sur la planète dont la station dépendait. John Hart avait accepté sans discuter. Enfin pas trop, au début. Mais il avait compris assez vite que l'existence de son ami était constamment menacée et qu'ils devaient avoir une vigilance de tous les instants. Des silhouettes les épiaient à peu près tout le temps, certaines tentaient de les attaquer dès qu'elles avaient une ouverture, souvent lorsqu'ils se déplaçaient à l'extérieur entre les différents points de rendez-vous.

De son côté, John n'était pas mécontent de cette distraction qui l'obligeait à rester concentré et en alerte. Il n'était pas très sûr que Jack soit réellement en danger étant donné qu'il ne pouvait pas mourir. Néanmoins il devait reconnaître qu'il aimait bien se retrouver avec lui, à faire semblant d'être son garde du corps, pendant que son Capitaine lui racontait des anecdotes amusantes ou salaces où il se donnait le beau rôle, tout en ayant l'air de ne pas s'offusquer de ses propres méditations silencieuses.

Pourtant à la fin de la journée, alors qu'ils s'étaient arrêtés à un stand ambulant pour manger un morceau en pleine rue – un lieu public et découvert où ils étaient plutôt plus surveillés qu'attaqués – il avait tout de même posé la question après deux ou trois bouchées.

— Alors tu ne vas donc pas me dire qui sont tous ces petits inconscients qui pensent pouvoir t'avoir ?

— Pour la plupart, ce sont des vampires, répondit Jack avec un air amusé.

L'autre afficha un air scandalisé.

— Les vampires, ça n'existe pas ! Ils te veulent quoi, en fait ? On dirait plutôt que t'a contrarié un parrain de la mafia kektèque… Ces mecs poussent comme des champignons, tiens j'en vois encore deux à trois heures… Peu importe combien on en descend, il y en a toujours d'autres… et la journée n'est pas encore finie !

— Tiens puisqu'on en parle… Tu restes avec moi ce soir ou tu as d'autres projets ? demanda Jack sur un ton purement conversationnel, tout en jetant un œil là où John lui avait indiqué la présence des hommes en filature.

— Comme retourner voir mon pote le gros chat qui pue ? Non. J'ai rien de prévu dans ce sens.

— Même pas aller écouter ta petite chanteuse ?

— Elle n'est plus ici. Et ce n'est pas ma petite chanteuse. Faudrait vraiment que tu fasses gaffe à ne pas trop me parler sur ce ton. Je peux encore t'en coller une – ça ne te tuerait pas mais te ralentirait deux minutes. Juste assez pour te refourguer à tes poursuivants...

Jack manqua de s'étouffer de rire. Et il lui lança un regard délibérément séducteur après avoir pris une gorgée d'eau. Il savait qu'il pouvait faire cela s'il lui en prenait l'envie.

— Ok. Moi je disais ça, parce que Modarkand, c'est la porte à côté. On pouvait y être en deux heures si je poussais un peu les moteurs, et ça sèmerait momentanément ces mecs. Mais si tu préfères te battre pour moi toute la nuit à la place, je me sentirais tout de même très flatté.

— Tu ne m'as toujours pas dit ce qu'ils te veulent ni ce que tu fais par ici.

— Johnny, tu n'es pas du genre patient. Et c'est pour ça que je sais que tu n'as pas du tout envie d'entendre parler des vingt dernières années de ma vie… Ce n'est pas tout à fait comme si, nous étions de vrais amis ou que je t'avais… un tant soit peu manqué, n'est-ce pas ?

— Non, bien sûr... Mais ta présence est toujours une source de distractions inépuisables. Et tu pourrais me faire la version courte.

— Je te l'ai dit tout à l'heure, mais tu ne m'as pas cru. Ils veulent mon sang.

John se redressa, comme s'il était soudain intéressé.

— Continue…

Jack hésita.

— Dans la mesure où tu m'as promis de te ressaisir prochainement, je ne pense pas judicieux de te donner trop de détails là-dessus, dit-il en atténuant sa formule avec un clin d'œil.

John afficha l'une de ses petites moues retorses et sexy qu'il aimait tant, un demi-sourire sous son regard qui calculait nonchalamment s'il pouvait le faire parler, ou même s'il en avait seulement envie…

— Ah effectivement je ne pourrais pas te donner tort sur ce coup… Mais quelqu'un m'a déjà dit que mon sang était particulier, et qu'il comportait des traces de je-ne-sais-quoi qui me maintiennent à peu près en état. Et je pense bien que c'est à toi que je le dois.

— A peu près en état de quoi ? sursauta Jack.

John se leva et s'étira.

— Apparemment, je devrais être mort depuis longtemps. Ramène-toi. Finalement, je suis d'accord pour une virée sur Modarkand si tu me dis quel est ton plan pour échapper à tes poursuivants.

— Mais tu le connais… c'est juste que tu ne m'écoutes pas ! Il me faut un manipulateur de vortex qui marche, et le seul qui peut exaucer ça, c'est le Docteur. Je pourrais mieux me planquer à une époque plus reculée et moins technologique… le temps qu'ils se lassent et qu'ils m'oublient.

John hocha la tête en signe d'assentiment.

— Pour ça, il faudrait éviter que tu traînes avec moi. S'il nous voit ensemble, ton Docteur risque de t'envoyer paître.

— Pourquoi ?

— Je m'en suis pris à certains de ses amis. Et… j'ai tué sa dernière compagne avec ma technique favorite.

— Merde ! Mais pourquoi ? explosa soudain Jack en le repoussant brutalement. Imbécile ! Tu voulais en finir avec la vie ?! Tuer une compagne du Docteur… Ah, je ne sais pas ce qui me retient de te filer une bonne raclée !

— Le fait que je pourrais riposter ? suggéra John, un peu surpris de ce brusque éclat.

Hart le comprenait pourtant pour ce que c'était : une manifestation d'inquiétude qu'il éprouvait pour lui. Jack se remit en marche d'un pas vif, manifestement furieux.

— Suis-moi. Mais comment je vais rattraper ça maintenant ! pesta-t-il. Comment ? Qu'est-ce qui t'a pris à la fin ? Une éclipse de cerveau ? Ah je comprends pourquoi tu ne la ramenais pas… Mais qu'est-ce que tu espérais obtenir ?

John se planta devant lui, les pouces carrés dans la ceinture.

— Je voulais très exactement ce qui est en train de se passer maintenant, lui répondit-il avec un air de défi.

Ils se toisèrent un instant, un peu trop proches, un peu trop conscients de l'être, mais leur vision périphérique les avertit que les silhouettes masquées étaient en mouvement vers eux.

— On ne va pas pouvoir finir cette conversation et c'est bien dommage, murmura Jack, parce que j'aurais bien aimé savoir pourquoi tu as changé d'avis !

Il sortit son arme et embrassa légèrement son ami, à peine une seconde, et puis les deux silhouettes qui les guettaient depuis qu'ils avaient cessé de bouger, leur tombèrent dessus.

.°.

CLARA OSWALD ET LE DOCTEUR

Un serveur s'approcha gracieusement sur la terrasse de pierre blonde, louvoyant entre les tables aux nappes d'un blanc à peine rosé, jusqu'à celle du Docteur et murmura quelque chose à l'oreille de Quentin Cormack. Il remercia et puis se tourna vers eux.

— Miss Watts veut bien me voir dès à présent, mais seul.

— Le contraire m'eut étonné, fit le Docteur.

— Y a-t-il quelque chose que je dois savoir avant cette rencontre ? demanda Quentin. Une recommandation peut-être ?

— Soyez très prudent. Évitez de la toucher.

— Je vous demande pardon ? questionna Quentin avec un sourire étonné.

— Il est toujours comme ça, commenta Clara.

Le Docteur ignora la remarque et se tourna vers le jeune homme.

— Je regrette de devoir le reconnaître mais je crois que Hart avait probablement raison quand il vous a dit que Miss Watts était manipulée. Il est possible qu'elle le soit toujours. Qu'elle le soit à cet instant même où elle demande à vous voir. La vraie Miss Watts nous fuit et je crois qu'elle n'aurait aucune envie de revoir aucun d'entre nous… N'y voyez pas d'offense. Et si je vous dis d'éviter tout contact, c'est parce que… Seigneur, y a-t-il un moyen de dire ça ? Elle peut… agir avec les humains comme elle l'a fait avec votre androïde… C'est ce que veut dire Hart par « manipuler ». Et contrairement à votre machine, vous n'avez pas de protection très sûre contre ça.

— Qu'est-ce qui pourrait m'alerter ?

— Vous voulez dire, si elle réussit ? Perte de conscience, confusion mentale légère... En fait, elle a toute latitude agir comme elle l'entend, y compris en étant très discrète. Vous pourriez être « piraté » à votre propre insu, c'est probablement le cas de Miss Watts. C'est une personne simple et réceptive, je pense qu'elle a été choisie pour ça.

— Comment ne pourrait-on ne pas s'en rendre compte ? s'étonna Clara plutôt dubitative face à une telle affirmation.

— Ma chère Clara, vous souvenez-vous quand vous avez piloté le Tardis ?

— Oui très bien ! C'était merveilleux !

— Et bien ce n'était pas vous qui pilotiez ! Ah oui Quentin, Clara vient de m'y faire penser, un autre symptôme dont vous pourriez ne pas vous méfier, vous pourriez vous sentir… euphorique.

Quentin se leva, lissant avec un sourire vague les pans de son costume.

— Vous voulez bien me dire son nom ? Ça pourrait la déstabiliser un peu si je montre que je le connais…

— Votre robot vous l'a dit : son nom est comme une musique qui coule, elle s'appelle River Song.

Le jeune homme sourit et dit en partant :

— Souhaitez-moi bonne chance

— Oui, vous en aurez besoin.

.°.

Le Docteur le regarda s'éloigner, adossé pensivement à sa chaise. Son expression était indéchiffrable.

— Je vais être obligé de vous faire mes plus plates excuses, moi aussi, et reconnaître que j'ai été vraiment idiot. Le cerveau de la bande était bien une femme… même si ce n'était pas Miss Watts, dit-il sans regarder Clara.

— Pourquoi River fait-elle cela ?

— Elle n'est ni tout à fait morte, ni tout à fait vivante. Si vous la connaissiez mieux vous sauriez que ce n'est pas un état qui doit lui convenir… River était une force de la nature. Elle était terrible ! dit-il en souriant un peu. Quand je l'ai rencontrée pour la première fois, c'était une inconnue pour moi mais elle me connaissait déjà depuis longtemps. Nos lignes temporelles étaient à rebours... Je ne vais pas vous dire qu'à neuf cent ans, j'étais jeune et impressionnable… J'ai pourtant vu une femme forte, sûre d'elle, piquante, pleine de ressources, magnifique et… elle avait un tournevis sonique !…

— Ah je gage que ça devait être bien difficile de résister à ça, observa Clara. Pensez-donc, un tournevis sonique…

— Moquez-vous donc !… Personne n'a de tournevis sonique. Il peut y avoir des blasters soniques, des stylos soniques… mais des tournevis non ! Cette femme inconnue qui avait un objet qui ne pouvait que m'appartenir, m'a révélé qu'elle était ma femme, et afin que je la croie – parce qu'à juste titre, ça me semblait impossible car les Seigneurs du Temps ne sont pas bigames – elle a murmuré mon nom en gallifréen. Avec un accent pitoyable mais charmant… Je suis un renégat et un fuyard comme An' Ghar, seuls les gens de mon peuple le connaissent et même eux refuseraient de le prononcer.C'était la première fois que je la voyais, j'étais méfiant et elle avait l'air désemparée que je sois incapable de la reconnaître. Elle a refusé mon aide, elle m'a assommé, elle m'a attaché avec sa fichue paire de menottes qu'elle trimballe toujours sur elle – et qu'elle a dû hériter de sa mère – et puis elle a donné sa vie pour nous sauver tous. Ce n'est pas quelque chose que mon incarnation de l'époque pouvait accepter sans s'en faire… sans se sentir dépossédé. Le grand idiot romantique que j'étais a pensé qu'il devait « faire quelque chose ». Ça me semblait invraisemblable que je change assez dans le futur pour aller jusqu'à épouser quelqu'un, ça m'a rendu bêtement curieux. Ne vous méprenez pas, je trouve ça bien d'être curieux. J'ai toujours trouvé ça bien. Mais là… A aucun moment je n'ai pensé que je la condamnais à l'enfer. Je ne la connaissais pas encore. Je ne savais pas qu'elle ne le supporterait pas… Je me suis juste dit que tout finissait forcément mieux si elle survivait un peu, plutôt que d'être complètement morte.Alors… pourquoi River fait-elle tout cela ? Mais parce que la décision du Tardis de la rappeler après ma dernière régénération, lui a montré qu'elle pouvait vivre ! Le hasard de nos pérégrinations a fait que nous sommes tombés sur une évolution future de la machine de Cormack. River la connaît, elle sait de quoi elle est capable. Il est hors de question qu'elle possède quelque chose d'aussi sophistiqué et d'aussi puissant ! Elle pourrait prendre n'importe quelle apparence humaine ou non, elle serait quasi indestructible, elle pourrait voyager dans le temps et faire tout ce qui lui plairait en toute impunité.

— Et vous seul avez le droit d'être presque immortel et de voyager dans le temps, en toute impunité ?

Il plissa les yeux avec un air mécontent.

— Les Seigneurs du Temps sont éduqués pour ça, pendant des dizaines et des dizaines d'années. Et par ailleurs, si je puis me permettre, j'ai des compagnons qui peuvent me rappeler à l'ordre s'ils estiment que je fais fausse route…

— Alors pourquoi l'avez-vous abandonnée au tombeau de Trenzalore ? Ne pensez-vous pas qu'en la gardant près de vous, vous auriez pu éviter tout cela ?

Il rit mais ce n'était pas joyeux.

— Mais elle ne voulait pas rester auprès de moi ! Je lui ai demandé plusieurs fois de rester, avant de vous rencontrer… Elle n'a jamais voulu !

— Vous a-t-elle dit pourquoi ?

— Jamais.

— Et pourquoi n'avez-vous pas demandé pourquoi ?

Un léger soupir lui échappa.

— River est indépendante. Et je ne suis pas spécialement fait pour la vie de couple. Les rares fois où elle a accepté de voyager seule avec moi, elle me rendait la vie impossible.

— Ah mon Dieu, j'aurais dû me douter que je n'étais pas votre seule « fille impossible », fit-elle comiquement. Vous avez connu pire... Et, vous n'avez donc jamais songé à l'apprivoiser de la seule façon convenable, et qui à mon avis aurait beaucoup contribué à l'amélioration de votre situation ?

— A quoi pensez-vous exactement ?

— Exactement ?... Mais à lui rendre les sentiments qu'elle éprouvait pour vous !

— Vous dites cela bien à l'aise, mais vous n'avez pas la moindre idée de ce que peuvent être les sentiments de River… Par ailleurs, je ne vous l'ai probablement jamais dit mais j'ai eu une famille il y a très longtemps. Ils sont morts sur Gallifrey.

— Et bien ! Donc vous êtes veuf depuis un temps incalculable.

Il arbora une expression triste.

— Le mariage gallifréen est différent. C'est un engagement tel que nous ne nous considérons pas « libres » parce que l'un des deux meurt.

— Vous êtes comme les perruches ? Le survivant se laisse dépérir de chagrin ?

— La comparaison n'est pas spécialement flatteuse…

— Donc quoi ? Vous considérez que vous n'avez pas vraiment épousé River ? Que votre mariage n'est pas valide ?

Il la regarda en soupirant, tapotant nerveusement les bras de la chaise en osier sur laquelle il était assis.

— Et à un moment, vous comptez me dire ce que vous espérez obtenir en me poussant de la sorte dans mes retranchements, ou pas ?

— C'est la première fois que vous voulez bien dire quelque chose de quelqu'un qui a compté pour vous… et Dieu sait quand ça va se reproduire ! Par ailleurs, je trouve intéressant de clarifier la question de vos sentiments pour River (et des sentiments de River pour vous) car s'il s'avérait qu'il en existe toujours de part et d'autre – ce que je tends à croire étant donné ce que j'ai surpris avec Martha quand nous étions sur son cargo – s'il s'avérait qu'il en existe toujours donc : toute cette situation n'existerait pas ! Quentin n'aurait pas à s'en faire pour son androïde, ses concurrents non plus, et vous n'auriez même pas besoin de vous culpabiliser de venir me chercher trop souvent pour que j'aie une vie… car vous pourriez voyager avec River, ou vous occuper de trouver une solution pour lui rendre l'autonomie à laquelle elle aspire… J'ai vu des tas de dessins animés enfant, où un homme de l'espace voyage avec une androïde intelligente et super sexy… Je suis sûre qu'elle les a vus aussi…

— Ah, j'ai dû les manquer… répondit-il avec un faible sourire.

— Et bien ? Qu'en dites-vous ?

Il la regarda un instant et se laissa aller, le dos contre sa chaise qui crissa un peu sous son poids.

— J'en dis que vous êtes une incurable romantique…

— Je ne l'ai pas rêvé ce baiser…

Le regard clair du Docteur s'assombrit.

— Et quand bien même, ça aurait été vrai à ce moment… Certaines choses ont changé depuis et d'une façon telle qu'il me sera difficile de passer outre, comme si de rien n'était. River a manifestement décidé de tourner la page.

— Pourquoi dites-vous ça ? demanda Clara en fronçant les sourcils, un peu dépitée de voir tout son charmant échafaudage romantique tomber à plat sans autre forme de procès.

— Quand votre femme couche avec un homme méprisable, vous pensez qu'il s'agit d'un accident ? Je crois qu'elle a été assez claire.

Clara porta sa main à sa bouche et ses yeux se remplirent de pitié. Triple andouille ! Elle avait oublié John Hart et Miss Watts… qui peut-être n'était pas Miss Watts à ce moment-là.

— Ce n'est pas très sûr… commença-t-elle timidement.

Il l'arrêta d'un geste.

— Clara, vous m'avez dit un jour que vous pensiez que j'étais un bon juge des caractères, vous vous en souvenez ?

— Assez bien, ça devait être avant-hier…

— Et bien dites-vous que je me sens assez sûr de pouvoir reconnaître de quoi serait capable une Miss Watts d'une part, et de de quoi serait capable une River que j'aurais ignorée et déçue après qu'elle aurait tout fait pour essayer d'attirer mon attention… Je n'ai aucun doute là-dessus.

— Peut-être l'a-t-elle fait parce qu'elle était désespérée ? John a dit qu'il n'avait été qu'un pion… qu'il s'était trouvé là…

— Ma chère enfant, je vous ai déjà dit de ne pas l'appeler « John ». Le mariage gallifréen n'est pas de même nature que les unions terriennes, c'est une relation beaucoup plus… fusionnelle et plus profonde qui lie durablement les deux personnes qui s'y engagent. Il ne s'agit pas là d'une simple métaphore romantique et de jolis mots qui n'impliqueraient que de la poésie… Les époux sont liés bien au-delà d'une simple convention sociale, affectivement, mentalement, spirituellement… En se donnant à un autre homme délibérément, River m'a en quelque sorte signifié son divorce… et son nouveau mariage.

— Cela a l'air très rigide et très exigeant comme coutume.

— Tous deux vont bientôt comprendre à quel point ! Mais… vous auriez tort d'imaginer que c'est quelque chose de… désagréable. Et ça n'a rien d'une coutume. C'est une réalité qui impose la fidélité. C'est la raison pour laquelle nous établissons soigneusement nos unions parce qu'elles sont prévues pour durer… L'entente entre les époux est primordiale, car le niveau d'intimité ne se borne pas au seul partage d'une proximité physique et affective. Nous devenons un peu plus notre conjoint au fur et à mesure que le temps passe. Et je veux bien admettre que pour River et moi, le mariage était… un défi permanent et à peu près aussi judicieux que le mariage de la flamme et du bidon d'essence...

La métaphore fit sourire Clara qui se demanda malicieusement qui tenait quel rôle.Elle n'avait pas très envie que cesse trop vite ce petit moment entre eux, où elle avait vraiment l'impression qu'il lui parlait comme à une amie. Elle demanda alors encore :

— Mais si les Seigneurs du Temps se régénèrent, ils sont alors différents… Qu'advient-il de leur mariage dans ce cas ? Est-il dissout ?

— Et bien, je vois que cette question vous passionne !… Déjà les Seigneurs du Temps ne se régénèrent pas à tout bout de champ… Je constitue une sorte d'exception à ce titre, qui tient à mon mode de vie assez dangereux. Sur Gallifrey, ça n'arrivait quasiment pas. En cas de régénération, les époux refaisaient une cérémonie très simple pour signifier sans ambiguïté qu'ils restaient mariés.

Clara fit la moue et réfléchit.

— River est humaine. Est-ce qu'elle connaît bien toutes ces coutumes ? Êtes-vous véritablement et honnêtement certain qu'elle voulait vous blesser intentionnellement ?

— Il y a certaines choses qu'elle ne peut pas ignorer… dit-il prudemment.

Clara plissa les yeux et le pointa d'un doigt accusateur.

— Vous ne lui avez jamais expliqué tout cela, pas vrai ?

— Ce n'était pas nécessaire de l'expliquer.

Elle se leva d'un bond, passablement furieuse, la colère et la déception déformaient légèrement ses traits pourtant pas trop vilains d'habitude.

— Pas nécessaire ?! Mais qu'est-ce qui cloche chez vous à la fin ? Pas nécessaire ?

— Calmez-vous. Vous êtes encore en train d'oublier que je ne suis pas humain. Si je vous dis que ce n'est pas nécessaire, je n'exprime pas un jugement ou une croyance… J'essaie de dire – en dépassant mon embarras croissant – que les époux peuvent communiquer autrement lorsqu'ils sont mariés. Ils n'ont pas forcément besoin de se parler. Ils partagent leurs pensées… parce que nous sommes télépathes.

— QUOI ? Encore quelque chose que vous vous êtes bien gardé de dire ! s'exclama-t-elle en tremblant de fureur.

Il jeta un regard alentours. Les autres clients leur envoyaient des œillades discrètes mais surprises. Quelques murmures se firent entendre.

— Rasseyez-vous, je vais vous expliquer… dit-il en baissant d'un ton. Je ne voulais pas que vous vous sentiez mal à l'aise par rapport à cela. J'apprécie votre spontanéité et je tenais à la préserver… Les gens n'aiment pas forcément être au courant. Ils s'imaginent que je pourrais les espionner, connaître tous leurs secrets… ce genre de chose.

— Parce que ce n'est pas le cas ?

— Non, ce n'est pas le cas.

— Pourquoi ? demanda-t-elle en se croisant les bras, toujours un peu fâchée. Ça doit être un avantage tactique considérable !

— Et bien apprenez qu'ordinairement, les gens sont pleins de souffrance qu'ils cachent sous différents masques. Pas forcément par duplicité, parfois par simple politesse… Je n'utilise mes capacités télépathiques qu'en dernier recours, la plupart du temps pour soulager quelqu'un et avec l'autorisation du patient. Toutefois les Seigneurs du Temps fonctionnent télépathiquement de façon « naturelle » avec les Tardis et avec leur conjoint. C'est ainsi que River connaissait mon véritable nom et qu'elle a pu ouvrir mon tombeau. Je ne le lui ai jamais dit. Mais ce n'était simplement pas possible de le lui cacher parce que lorsque nous étions ensemble et très proches, nous pouvions partager nos pensées.

— Que vous puissiez lire les siennes parce que c'est une prérogative Seigneur du Temps, je comprends, mais pourquoi pouvait-elle lire les vôtres si elle était humaine ?

— Bien observé. River a été conçue dans le Tardis, la proximité du vortex a affecté les cellules de son embryon en lui conférant des caractéristiques propres aux Seigneurs du Temps, qui les ont d'ailleurs partiellement pour les mêmes raisons.

— Mais ?...

Le Docteur lui envoya un regard impatienté. Comment pouvait-elle savoir qu'il y avait un mais ?

— La télépathie est latente chez les humains. C'est… moi qui l'ai fortifiée chez River, et avant que vous ne le demandiez : parce que je l'aimais. Et je vous préviens que je n'en dirai pas davantage !

.°.

Laisser un commentaire ?