From Vegas with love

Chapitre 9 : C9 : Nurse Johnny

6172 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 10/11/2016 05:13

CHAPITRE IX

LE DOCTEUR ET CLARA OSWALD

Le Docteur et Clara étaient restés quelques jours avec l'équipe de recherches de Cormack Industries, juste le temps pour lui de comprendre que l'androïde sur lesquels ils travaillaient était bien l'une des toutes premières versions de ce qu'il avait connu comme le Teselecta. TESLA ACT ONE était le nom de code originel du projet et il était encore appelé à évoluer.

Il devait admettre qu'il aimait l'esprit qui régnait entre eux. La tension vers un but unique et stimulant, la solidarité, l'amitié, l'émulation permanente… Mais il savait aussi ce que deviendrait le Teselecta dans leur futur. Un implacable département de justice autonome chargé d'infliger leurs peines aux plus grands criminels impunis, ou supposés pas assez punis, que l'univers ait porté. Il ne voyait pas cette première équipe faire cela. D'autres personnes, plus tard, allaient récupérer cette formidable machine. Et là-dessus, il ne saurait intervenir puisqu'il avait lui-même bénéficié et pâti à la fois, de la justice du Teselecta.

Clara et lui les avaient donc quittés avec regret pour les laisser continuer à travailler à leur rythme, non sans leur avoir offert quelques recommandations de sécurité. Il avait assuré à Cormack qu'il pourrait retrouver l'homme qui avait rapporté Otto, persuadé qu'en le faisant parler, ils obtiendraient des informations sur l'origine de la tentative de prise de contrôle désormais avérée.

.°.

Pendant leur retour vers le Tardis, le Docteur égrenait la liste de ceux qui pouvaient ne serait-ce que connaître l'existence du Teselecta. Si l'on exceptait bien sûr tout son équipage qui était assermenté, il lui restait Amy, Rory et… River. Tous morts. Ou plus ou moins.

Une fois sur le vaisseau, il sortit le vieux téléphone de Martha. Il lui fallait des informations plus précises sur John Hart et les Smith avaient l'air d'en avoir. Se résoudre à devoir « utiliser Torchwood » ne lui plaisait guère. Le numéro aboutissait à un répondeur, il laissa un message. C'était un ancien numéro, il n'était pas sûr qu'on le rappelle.Clara l'observait sans mot dire depuis un moment. Elle attendait qu'il veuille bien sortir de son mutisme et elle savait qu'il le ferait rapidement quand il serait au bout des pistes qu'il avait. L'avantage c'était qu'il pensait vite, aussi n'eut-elle pas à attendre trop longtemps.

— Bon, dit-il en se frottant les mains, ce qui la fit sourire car c'était le même geste qu'il faisait lorsqu'il était encore le Onzième Docteur. Que savons-nous de ce Hart ? Et comment pouvons-nous tenter de deviner où il est allé ?

— Nous ne savons rien qui puisse nous être utile parce qu'il n'a pas l'air de se comporter comme nous voudrions qu'il le fasse. Il aime troquer et échanger des trucs, ou les vendre et il a juste rendu le robot. Il a besoin d'argent et il n'en a pas demandé. Il tenait à la Fontaine (pour un motif que nous ne connaissons pas) et n'est pas revenu à la charge. Peut-être qu'effectivement les Smith nous en diront davantage sur qui il est, ses contacts, ses habitudes et où on peut le trouver…

— Mais… ?

— Mais en ce qui me concerne, nous n'avons qu'une seule piste sérieuse. Et si j'en crois ma propre théorie, alors ce n'est pas très compliqué de deviner où il est allé, fit Clara.

Le Docteur lui décocha une œillade surprise, elle souriait un peu.

— Votre théorie ? Celle qui veut qu'il soit le complice d'une machiavélique chanteuse ?

— Vous avez dit ça d'un air si condescendant…

— Certainement pas, dit-il avec mauvaise foi.

— Ok, moi je dis que s'ils sont complices, il aurait été normal qu'ils fassent semblant de partir séparément tout en planifiant de se retrouver plus tard. Or, si nous ne connaissons pas la feuille de route de Jo… de M. Hart, nous avons sans doute la possibilité d'avoir celle de Miss Watts.

Le Docteur réfléchit.

— Elle avait dit… un autre hôtel sur cette planète, qui fait partie de la même chaîne que le Vegas, puis la station orbitale, puis une autre planète voisine de ce système… Après, je ne sais pas. Mais ça me va ! Voyons si nous pouvons la retrouver avant le coup de fil des Smith…

Il actionna les leviers du Tardis avec une énergie qui la fit sourire. Toujours pas patient. Toujours à préférer faire quelque chose plutôt que d'attendre.

.°.

Le personnel du Vegas Star Resort se montra tout aussi affable que celui du Vegas Highlight en communiquant les dates de la tournée de Miss Watts. L'avantage d'une carrière publique, avait commenté le Docteur à l'attention de Clara, c'était qu'on trouvait les gens plus facilement. En consultant la liste, ils avaient réalisé qu'elle serait probablement en partance pour la planète voisine de Modarkand le jour même ou le lendemain.

Clara suggéra donc, plutôt que de la manquer de peu, d'aller l'attendre directement là-bas à son arrivée et le Docteur fut tout à fait d'accord car cela leur permettrait en outre de repérer un peu mieux les lieux. Et de faire un peu de tourisme.Elle était d'accord du moment qu'il la ramenait pile pour la rentrée des classes d'après Noël.

.°.

MARTHA JONES

Ils venaient tout juste de se poser quand le téléphone de Martha sonna. Le Docteur la mit sur haut-parleur afin que Clara puisse bénéficier également des informations. Clara fut très heureuse d'entendre à nouveau la voix de l'ancienne compagne du Docteur. Après quelques politesses d'usage que Martha sut garder très courtes car elle connaissait la patience de son vieil ami, elle demanda ce qu'elle pouvait faire pour l'aider.

— Notre route a croisé celle de ce John Hart, dit le Docteur sans aucune aménité. Et je me demandais, vu que vous aviez l'air de le connaître, en tous cas mieux que moi, si vous pouviez nous en dire plus… D'où le connaissez-vous ?

Il figure dans d'anciens dossiers de Torchwood, répondit tout simplement Martha. En réalité son dossier a été constitué par Jack qui a été Agent du Temps à la même époque que lui. Comme vous savez, Jack a quitté l'Agence avant de vous rencontrer, mais à l'époque, il n'était pas parti seul. John Hart l'a suivi. Ils se connaissent donc très bien. Ils ont été associés pendant quelques années, mais se sont trouvé séparés après que Jack ait commencé à voyager avec vous, et après qu'il ait perdu l'usage de son manipulateur de vortex et se soit trouvé coincé sur Terre et à une époque antérieure.

— Quel genre d'homme est-ce ?

Jack a écrit, je cite : « Ne lui faire confiance sous aucun prétexte, toujours l'avoir à l'œil ». Et aussi « ne jamais le laisser vous embrasser – menace toxique : divers paralysants et poisons ».

— Il y avait des choses intéressantes dans ce dossier, commenta Clara.

Il y a aussi des rapports de mission qui expliquent en détail, la façon dont il a déjà essayé de manipuler la précédente équipe Torchwood, et comment il y est presque parvenu. Dans une autre mission, Jack écrit pourtant qu'il est revenu alors qu'il était sous la menace d'un chantage de la part de son jeune frère, et que John en définitive agi dans l'intérêt du Capitaine. Jack écrit qu'il lui a sauvé la vie – pour autant que celle-ci puisse être considérée comme sauvable étant donné son état. Il écrit : « a enterré avec moi une bague dont la radioactivité était détectable, et a été détectée par l'une des premières équipes Torchwood, ce qui m'a permis de ne pas passer le restant de mon existence à jamais à six pieds sous terre… ». Je suppose qu'il considère que c'est porté malgré tout à son crédit.

— Bien, fit le Docteur, y a-t-il quelque chose de particulier à son dossier sur le plan médical ? Sur sa physiologie ? Il a l'air humain…

Pourquoi cette question ? demanda Martha.

— Parce que son sang a pu guérir Clara d'un empoisonnement pourtant mortel.

Oh mon Dieu, je vois que c'est toujours pareil par chez vous ! Est-ce que Clara va bien maintenant ?

— Oui très bien, répondit l'intéressée. Mais nous ne comprenons pas pourquoi.

Attendez un petit instant, je cherche en entrant le mot « sang »… A priori le dossier mentionne que c'est un humain tout ce qu'il y a de plus basique quoique pas de la même époque que la nôtre… Oh-oh ! Bingo !

— Ne nous faites pas languir ! la pressa le Docteur.

Oui, oui, fit-elle tandis qu'on entendait distinctement le cliquètement rapide d'un clavier. C'est un détail mais… une note dit qu'il était porteur d'une bombe d'un genre spécial, codée sur son propre ADN…

— A quel degré d'insanité… commença le Docteur.

Chut ! Ce n'est pas lui qui a fait ça… Le Capitaine Harkness écrit dans le rapport qu'ils ont utilisé le « cocktail sanguin » de Torchwood qu'ils ont injecté à John pour que la bombe se détache de lui. C'est ça... Torchwood garde des échantillons de sang sains de tous ses membres étant donné les nombreux risques épidémiologiques divers auxquels ils sont exposés. John a reçu un mélange sanguin qui a été suffisant pour perturber l'accroche de la bombe, qu'ils ont prise et balancée dans la faille. John n'était pas censé survivre à la vendetta du frère de Jack.

— Martha, êtes-vous en train de postuler que… le sang de Jack a d'une façon ou d'une autre, influencé le métabolisme de Hart et qu'il soit toujours actif après tout ce temps ?

Voyez-vous une autre explication au phénomène ?

— Je ne comprends pas pourquoi Jack n'a pas saisi là l'occasion de se débarrasser de lui, pourquoi le sauver ? Ça ne lui ressemble pas.

C'est à vous Docteur que cette question ne ressemble pas, fit Martha d'un ton de reproche.

L'expression de Clara montrait qu'elle était bien d'accord. Elle intervint.

— Il me semble dans ce qui vient d'être rapporté que le personnage est un peu plus complexe que nous l'avions envisagé au départ. Et que s'il a cherché à nuire à Torchwood, cela s'inscrit toujours dans le cadre de quelque chose qui concerne ce capitaine Jack Harkness. Ils s'entendaient comment ?

Et bien, commença Martha, ça ne figure pas au dossier mais je le sais par Gwen, disons qu'ils ont été… proches.

— Proches ? releva le Docteur.

C'est ça. Très très proches. Beaucoup plus que des amis… vous voyez ?

— Oh mon Dieu, fit Clara.

— A l'époque où ils sont nés, ça n'a rien de très choquant, commenta distraitement le Docteur. La démographie féminine ayant fortement chuté, les chances de trouver une partenaire étaient faibles…

— Ce n'est pas ce que je veux dire, reprit-elle. Il veut la boîte de Engar, pas pour la revendre au plus offrant mais pour être comme Jack ! C'est un motif purement personnel.

— Qu'est-ce que ça change ? Il ne l'aura pas !

— Ça change qu'on ne comprenait pas ses motivations parce qu'on supposait qu'il était froid, calculateur, uniquement motivé par l'appât du gain et surtout rationnel. Mais rien de ce que nous avons appris ne cadre avec ça. Parce que c'est une image qu'il projette, un système de défense, c'est la première chose que j'ai pensé quand je lui ai parlé. Il fait tout pour l'entretenir à dessein… Sauf que non... Quel âge a-t-il Martha, c'est indiqué ?

— Est-ce que vous pouvez me dire pourquoi ça nous intéresse ? soupira le Docteur en roulant des yeux.

Martha répondit.

Docteur, je comprends ce que veut dire Clara. Pour nous autres petits humains éphémères, dit-elle d'un ton à la fois docte et moqueur, nous nous resituons en permanence par rapport à l'âge supposé de notre mort. Lorsque nous arrivons au milieu de notre vie, enfin ce qui est socialement désigné comme le milieu approximatif d'une vie humaine moyenne, nous effectuons une remise en question importante. C'est souvent une période un peu déstabilisante où l'on se sent sommé d'agir différemment et d'être ce que nous n'avons pas encore été simplement parce que nous avons conscience qu'il ne nous reste plus beaucoup de temps, et surtout en bonne santé physique… Mickey et moi qui avons expérimenté la Boîte nous savons très précisément la séduction que ça peut représenter.

— Vous essayez toutes les deux de me faire avaler que Hart se débattrait au sein d'une espèce de… crise spirituelle ?

— Docteur, dit doucement Clara, vous avez déjà reconnu que vous ne compreniez pas pourquoi il n'agissait pas comme prévu, et que ses motivations sont obscures. La logique n'est-elle pas d'étudier d'autres options ?

— Je suppose que vous avez raison, convint-il de mauvais gré. Martha, j'ai une dernière question. Avez-vous moyen de savoir si vous avez connu une effraction sur le système de Torchwood ?

Vous m'inquiétez là. Si oui, nous ne l'avons pas su… Il faut qu'on repasse tout au peigne fin ?

— Quelqu'un nous a aidés à immobiliser Hart et savait que son sang pourrait aider à résoudre l'empoisonnement de Clara. Alors de deux choses l'une, soit ce quelqu'un est un tiers qui a eu l'info grâce aux dossiers de Torchwood, soit c'est Jack lui-même qui nous a aidés mais qui s'est retrouvé… comment dire… pris entre deux loyautés.

Mais vous l'auriez reconnu si c'était Jack… objecta Martha.

Le Docteur se passa une main sur la figure.

— Ah, c'est compliqué… Nous sommes à la poursuite d'une personne qui agit masquée. Donc nous ne savons pas si cette personne est le Capitaine ou quelqu'un d'autre. Mais Jack est dans cette affaire un candidat sérieux parce qu'il a une histoire personnelle avec Hart…

Docteur, si je puis me permettre, termina Martha. Les gens qui agissent masqués le font parce qu'ils ne veulent pas être reconnus, et parce que sans cela ils pourraient l'être. Il est vraisemblable que ce soit donc une personne que vous connaissez ou que vous pourriez reconnaître facilement. Mais je ne conçois pas de raison qui pourrait motiver Jack à agir à visage couvert, surtout en vers vous. Jack n'est pas comme ça, il assume à peu près tout, ses contradictions comme le reste... Je vous tiendrai au courant pour vous dire s'il y a eu un vol de données chez Torchwood, mais il nous faut un peu de temps pour mettre un spécialiste dessus.

— Très bien, merci Martha pour votre aide précieuse.

C'est toujours un plaisir, répondit-elle, bonne chance.

.°.

En raccrochant, Martha se tourna vers ses fils et les enfants de Gwen qui écoutaient tous silencieusement autour de la table de la salle de réunion.

— Que ferons-nous si le Docteur retrouve le Capitaine ? Nous avons un plan ?

Son fils aîné prit la parole.

— Nous pouvons y penser. Mais d'après ce que nous pouvons essayer de déduire de ce qu'il a dit, ça n'a rien d'une mission prioritaire pour lui car il est déjà occupé par plusieurs questions, et tu l'as habilement aiguillé ailleurs.

— Il n'empêche, intervint Mickey, qu'il vaut mieux vérifier si quelqu'un a pu entrer dans le système, que ce soit Jack ou pas Jack.

Les jeunes hochèrent la tête.

— On s'y met tout de suite.

.°.

JOHN HART

Quand John entra dans la chambre, il trouva le Capitaine à terre et eut juste le temps d'apercevoir une silhouette noire se faufiler par la fenêtre. Il courut s'y pencher, mais se recula par réflexe dès que les balles commencèrent à siffler autour de ses oreilles. Un instant plus tard, il vit seulement quelqu'un courir rapidement en bas dans la rue. Jack s'était déjà relevé et semblait chercher des yeux quelque chose dans la pièce. Il présentait une blessure dans le dos qui saignait.

— Jack tu as été touché, tu saignes.

Le Capitaine marcha jusqu'au miroir le plus proche, se tourna et vit en effet une grosse fleur de sang rouge s'épanouir sur sa chemise.

— Et voilà, fit-il grognon, une belle chemise toute neuve !

Il la déboutonna, et puis retira aussi son maillot pour mieux regarder l'allure de la blessure.

— Bon, ça va s'arranger, fit-il en se tournant vers son comparse. Ne te fais pas d'idées, je ne compte pas rester dans cette tenue…

John haussa les yeux au ciel (qui se faisait des idées ?) et alla fouiller dans la salle de bains. Il revint vers lui aussitôt.

— Tiens, j'ai trouvé du désinfectant et une compresse.

— Je n'en ai pas vraiment besoin, dit Jack en le regardant avec un air un peu trop suffisant.

Mais ce genre de scène leur était assez familière car plus jeunes, ils étaient souvent obligés de se servir d'infirmier l'un à l'autre, quand quelque chose tournait mal. Les vieux automatismes reprenant spontanément le dessus, John l'avait laissé dire et fait asseoir d'autorité sur la chaise orange vif, pour nettoyer sa plaie.

— Hey ça pique… Fais attention.

John étouffa un sourire et continua presque machinalement des gestes qu'il avait accompli des dizaines de fois : nettoyer, désinfecter, appliquer une compresse stérile ou un bandage… Il contempla son œuvre.

— Tu es content de toi ? le chercha un peu Jack.

— Ça continue à pisser le sang… dit-il en voyant la compresse rougir. Il faudra remplacer ça très bientôt… Je vais descendre en chercher d'autres.

— Ou c'est moi, ou j'ai l'impression que tu m'évites…

— Je pense que si j'avais voulu faire ça, je serai déjà à bord de cette foutue navette… Je vais voir en bas pour demander du rab et je reviens. Tâche de ne pas te faire descendre dans l'intervalle…

Il était en train d'ouvrir la porte quand Jack l'interpela.

— Qu'est-ce qui t'es arrivé ? demanda-t-il.

— Qu'est-ce que tu veux qu'il me soit arrivé ? éluda John.

Il referma la porte sur un Jack complètement interloqué. Cela n'avait rien à voir avec le John Hart qu'il connaissait. Il en avait manifestement les souvenirs mais il se comportait d'une façon déroutante.

.°.

A l'accueil de l'hôtel, il demanda quelques compresses supplémentaires et l'adresse d'une pharmacie ou d'un dispensaire, pour aller chercher des analgésiques. Jack avait beau être immortel il n'était pas immunisé contre la souffrance... La réceptionniste de nuit, une vieille femme revêche qui devait peser deux quintaux, lui dit qu'il y en avait une plus bas dans la rue.

— Vous y allez maintenant ? demanda-t-elle.

— Oui, j'ai un ami qui s'est blessé. Il dit que c'est une égratignure mais bon ça saigne…

— Est-ce que… ça vous dérange de me ramener un autre médicament au passage ?

— Non, puisque j'y vais.

— Tenez, voici le nom et de quoi l'acheter.

John empocha le tout et descendit la rue en courant parce qu'il faisait toujours assez froid. La pharmacie était tranquille et il obtint rapidement ce qu'il était venu chercher. Il ne s'éternisa pas et retourna le plus vite possible à l'hôtel où il rendit sa monnaie à la réceptionniste.

— Tenez, comme je vous en ai pris pas mal, je vous ai repris une boîte de compresses neuves…

— Merci. Est-ce que je peux vous demander un autre service ?

— Allez-y, c'est ma soirée annuelle du Bon Samaritain… répondit John avec un sourire mi-figue mi-raisin.

— Mes jambes me font souffrir quand je marche, ce serait pour l'apporter au client qui me l'a demandé… Chambre 6.

— Donnez donc, Je vais faire un crochet, bonne soirée.

— Merci ! dit-elle en se penchant pour le regarder partir.

.°.

La chambre était au premier, il frappa et une Miss Watts pâle et défaite vint lui ouvrir. Elle le regarda avec stupeur.

— Bonsoir, pardon de déranger à cette heure, mais la réceptionniste a dit que vous aviez besoin de ça, dit-il en tendant le sac qu'il avait ramené de la pharmacie.

Elle allait probablement dire quelque chose mais elle écarquilla les yeux, et attrapa le sac sans demander son reste avant de filer vers la salle de bains en le plantant là. De là où il était, il entendit qu'elle vomissait. Il resta indécis un petit instant et puis décida d'entrer puisque la porte était restée s'approcha de la porte de la salle de bains et y cogna avant de demander à mi-voix.

— Ça va aller ?

— Oui, merci pour les médicaments, répondit-elle derrière la porte.

Il entendit qu'elle tirait de l'eau puis la porte s'ouvrit en grand. Elle avait l'air vraiment mal.

— Vous n'avez besoin de rien d'autre ? demanda-t-il.

— A part un nouvel œsophage, je ne vois pas, marmonna-t-elle.

— J'ai… un autre malade un peu plus haut que je dois voir, vous voulez que je repasse un plus tard ?

Elle secoua la tête énergiquement.

— Absolument pas ! Je veux que vous arrêtiez de me suivre !

— Votre ami le barman me l'a déjà bien fait comprendre.

— Oh, Tony a fait ça ? Il ne me l'a pas dit…

— A moi si. Très vigoureusement.

Elle cligna des yeux, en vacillant légèrement et se rattrapa à la porte.

— Qu'est-ce qui ne va pas ?

— Est-ce que vous êtes réel ?

— Et bien, je ne suis pas bien certain de la réponse que vous attendez…

Elle enfonça spontanément son index sur son avant-bras.

— Ah si, bredouilla-t-elle, en regardant sa main avec surprise.

— Ça vous déçoit, on dirait.

— Vous êtes dans mes cauchemars, chuchota-t-elle.

— J'en suis navré, répondit-il sur le même ton. Mais je fais souvent cet effet-là…

Elle fronça les sourcils.

— Vous vous moquez de moi ?

— Pas… expressément.

— Ça veut dire oui, ou ça veut dire non, dans votre langage ?

— Ça veut dire que si c'est le cas, et bien je m'en excuse.

— Vous ne devriez pas solliciter mon cerveau en ce moment, répondit-elle.

— Qu'avez-vous dit ? sursauta-t-il.

Elle eut un pauvre sourire.

— Je ne sais déjà plus… Est-ce que vous pouvez vous en aller maintenant, que je puisse enfin m'évanouir tranquille ?...

Il hocha la tête et quitta la pièce. Il ne savait pas du tout pourquoi il avait aussi mauvaise conscience.

.°.

En regagnant la chambre de Jack, il le trouva allongé sur le côté, sans doute pour essayer d'épargner un peu sa blessure.

— Où étais-tu passé ? demanda-t-il en se relevant sur un coude.

— J'ai fait un saut à la pharmacie du coin, et un détour par une autre chambre où la réceptionniste m'a envoyé porter un truc pour elle : ce n'est plus un hôtel, c'est un hôpital…

— J'ai cru que tu ne reviendrais pas.

— Mais non, c'est ton truc à toi ça, de disparaître sans laisser d'adresse… Fais voir si ça saigne encore.

Jack s'exécuta avec un sourire malicieux.

— Enfin un reproche !

En guise de réponse, John arracha sans ménagement la compresse précédente. Et puis il dit à son oreille :

— Ça va tu te sens mieux maintenant, avec des représailles ?

— J'ai rien senti du tout.

John aspergea à nouveau la blessure d'antiseptique et Jack lui décocha une œillade qui en général signifiait « Tu me paieras ça ». Il refit un nouveau pansement, puis alla ranger les compresses et le désinfectant dans la salle de bains.

— Je prends le premier tout de garde, dit-il. Ça va si je te réveille dans une heure ?

— Ça va, répondit le Capitaine d'un ton rogue en le voyant s'asseoir dans la chaise orange à deux mètres de lui.

— Quoi ? fit John.

— Rien.

— Dors un petit peu, conseilla-t-il. Parce qu'en ce qui me concerne, j'ai pas mal de rattrapage à faire quand ça sera mon tour !

Jack le regarda sans rien dire pendant quelques minutes. John avait fermé les yeux.

— John, tu ne dors pas, hein ?

— Non Jack, je ne dors pas.

Il attendit encore quelques minutes et puis dit encore :

— T'es obligé de le prendre à l'autre bout de la pièce, ton tour de garde ?

— Pas… expressément… répondit-il en tâchant de ne pas sourire. Mais d'ici, j'ai quand même vue sur la porte et sur la fenêtre. Et c'est plutôt pratique pour ce que j'ai à faire…

Jack resta encore silencieux un petit peu et puis revint à la charge.

— Qu'est-ce qui a changé ? demanda-t-il.

John eut un petit rire mais ne répondit pas. Est-ce qu'il pouvait simplement dire « J'ai rencontré quelqu'un » ? Jack n'avait pas tellement l'air bien, ce n'était sans doute pas ce qu'il avait envie d'entendre en ce moment.

— Allez ! Dis-moi… insista Jack.

— Si je viens à côté de toi, est-ce que tu vas finir par la fermer enfin ? demanda-t-il dans un léger soupir.

— Je pense que tu ne perds rien à essayer…

John se leva et vint s'allonger à côté de lui, un bras calé derrière la tête. Le Capitaine soupira d'aise et l'enlaça.

— Voilà, c'est beaucoup mieux comme ça…

— Ben voyons…

.°.

Le lendemain matin, tous deux furent levés tôt. John Hart parce qu'il voulait rendre visite à Quentin Cormack sur Velquesh et Jack Harkness parce qu'il n'avait aucune envie de voir ce nouveau John disparaître dans la nature, et ne comptait pas le lâcher d'une semelle… Pour y parvenir, il avait des arguments : un moyen de transport personnel qu'il était disposé à lui prêter si, bien sûr, c'était lui qui conduisait.

Le Capitaine pensait qu'au vu des embrouilles dans lesquelles il s'était fourré, mieux valait disposer d'un équipier tel que John, et ça méritait bien un petit détour sur la planète s'il voulait y aller. Il pensait aussi qu'il se faisait fort de découvrir ce qui ne tournait pas rond avec lui, et pourquoi il refusait de lui parler. Il comptait un peu sur le trajet pour améliorer ça. Il supposait que cela avait un rapport avec le Docteur.

Lorsqu'ils descendirent pour que Jack rende sa clé et paye, John sortit l'attendre dehors dans l'aube blafarde et factice de la station. C'est là qu'il trouva Miss Watts en train de fumer sur le trottoir. Il trouva étrange qu'elle fume en étant enceinte, mais ne dit rien tout d'abord. Au bout d'un moment, comme elle tirait nerveusement sur sa cigarette, elle se mit à tousser. Il n'y tint plus et la lui prit des mains pour l'écraser d'un coup de talon de sa botte.

— Vous ne devriez pas fumer.

Elle ouvrit la bouche pour protester, estomaquée par son attitude sans-gêne.

— Mais pour qui vous prenez-vous ?

— Vous ne devriez pas fumer dans votre état.

— Dans mon état ?

— Enceinte.

Elle se mit à rire.

— D'où tenez-vous une information aussi saugrenue ? Je ne suis pas enceinte.

— Votre ami le barman pense que vous l'êtes, et je soupçonne qu'il aurait aimé que j'y sois pour quelque chose, rien que pour avoir une bonne excuse pour pouvoir me défoncer la tête…

Elle se contenta de froncer les sourcils et Jack sortit à ce moment. Il repéra aussitôt quelque chose de très inhabituel dans la physionomie générale de son ami.

— Bonjour, se présenta-t-il avec son sourire surdimensionné, Capitaine Jack Harkness. Vous êtes une amie de John ?

— Non.

— On y va maintenant ? coupa John. Où est ta navette ?

— Oh vous partez ? fit-elle en souriant pour la première fois, sans doute à l'idée de cette enchanteresse perspective.

— Oui, fit Jack, et j'en suis vraiment navré. Vous allez chanter ce soir ?

— Comment savez-vous que je suis chanteuse, c'est lui qui vous l'a dit ?

— C'est plutôt l'affiche qui est juste là, dit-il en désignant derrière elle, celle qui se trouvait placardée dans la réception.

— Je ne suis pas sûr qu'on soit rentrés… prévint John. On y passera peut-être quelques jours.

— Adieu alors, dit-elle ravie, je quitte la station ce soir.

— Si nous avions de la chance, vous allez sur Velquesh ?

— Jack ! s'impatienta Hart. Tu ennuies la demoiselle, et je te préviens que son petit-ami est très très baraqué…

— Tony n'est pas mon petit-ami !

— C'est la meilleure nouvelle de la journée, dit-il ravi sans qu'on puisse vraiment savoir à quelle information il faisait précisément référence. Et vous allez où ensuite ?

John s'approcha et lui prit des mains le démarreur de sa navette en indiquant entre ses dents, à deux centimètres de son nez :

— Je vais faire chauffer le moteur.

Jack eut un sourire parfaitement immodeste à l'attention de la jeune femme.

— C'est très impoli de vous quitter si abruptement mais je dois vous laisser car il est en train de me faire une crise de jalousie.

Il lui lança un clin d'œil et rattrapa son compagnon.

Miss Watts les regarda s'éloigner. Une crise de jalousie ? Ils étaient en couple ?Elle se mit à sourire involontairement et se trouva stupide. Des nuits à cauchemarder sur son fan un peu trop collant… et tout ça pour apprendre qu'en fait, elle avait beaucoup trop d'imagination !

L'homme en manteau avait essayé de passer un bras autour de l'épaule de son amant, et ce dernier l'avait rembarré en se dégageant. Elle sourit. Une crise de jalousie. Parfaitement.Elle se sentit presque soulagée.

.°.

Laisser un commentaire ?