From Vegas with love

Chapitre 8 : C8 : Sous l'oeil de Portabellion

8027 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 07/11/2016 18:20

CHAPITRE VIII

AMY LEIGH WATTS

Une fois sa chanson finie, elle laissa quelques applaudissements s'égrener et puis descendit de la petite scène intimiste de quelques mètres carrés. Un autre numéro y prenait déjà place. C'était un tout petit club, attenant à un hôtel nettement moins prestigieux que les deux précédents où elle avait joué, mais un cachet était un cachet... Elle y avait deux chansons par soir pendant la semaine.

Se dirigeant vers le bar, elle s'y était appuyée en essayant d'attirer l'attention du barman. Elle n'osa pas grimper sur un tabouret haut car elle se sentait déjà en équilibre précaire sur ses talons, pas en grande forme avec une pointe de mal de tête persistant et mal au ventre. Rien de très méchant mais elle se sentait fatiguée et elle avait un peu trop chaud. Elle espéra qu'elle n'était pas tombée malade car elle n'avait pas vraiment les moyens de perdre des gains en s'arrêtant de travailler. Le barman vint vers elle et lui demanda gentiment ce qu'il pouvait lui servir.

— Quelque chose de frais s'il te plait, Tony, un jus de fruit… On étouffe dans cette salle, non ?

Le barman s'exécuta en lui préparant un cocktail sans alcool car il savait qu'elle ne buvait pas.

— J'ai appelé hier pour qu'on vienne réparer la clim, mais tu sais comment c'est…

Elle hocha la tête et fit de son mieux pour ne pas boire trop vite tout le verre bariolé de couleurs qu'il lui tendait, mais quand elle le reposa en claquant sur le comptoir du plat de la paume, pour mimer une très légère ébriété, ils rirent tous les deux.

— Un autre !

Elle le but plus lentement cette fois, puis elle se retourna pour profiter du numéro qui suivait le sien : un marionnettiste ventriloque faisait dire des âneries à sa poupée. Il y avait encore un autre numéro qui suivait, puis c'était de nouveau à elle. Elle chanterait et pourrait enfin aller se coucher.

Elle regardait machinalement le public qui riait et applaudissait, anticipant déjà le moment béni où sa tête se poserait enfin sur un oreiller, quand soudain elle aperçut « l'homme mystérieux ».Il était tout au fond de la salle près de la porte, adossé au mur les bras croisés. Son regard posé sur elle la mit instantanément mal à l'aise. Ce n'était pas la première fois qu'elle le voyait mais elle ne se souvenait plus depuis quand elle l'avait remarqué. Peut-être que c'était avant d'arriver sur la station orbitale. Elle regarda ailleurs et puis fit signe au barman.

— Tony, est-ce que tu connais l'homme blond qui est près de la porte ?

— Il t'embête ?

— Je l'ai déjà vu. Je me demande s'il ne me suit pas… je le vois presque chaque soir dans le public des endroits où je chante. Il ne fait rien. Il est juste là.

— Et bien ? Mélomane ou pervers ?

— Je ne sais pas. Je n'aime pas trop la façon dont il me fixe… J'avais pensé que tu pourrais peut-être essayer de lui poser des questions – discrètement – s'il venait boire quelque chose…

— Je vais voir tout à l'heure… acquiesça le barman en étouffant un sourire, car il avait une assez bonne idée de la façon dont tous les hommes la fixaient.

— Merci Tony. Le ventriloque est en train de saluer… zut. J'ai encore le temps de faire un petit tour aux toilettes pour retoucher mon nez qui brille ?...

— Ok, ok, je leur dirai d'attendre…

Elle s'éclipsa pour se faufiler vers les toilettes en empruntant un couloir sombre mais heureusement désert. Une fois devant le miroir, elle vérifia qu'il n'y avait personne, releva sa robe longue rouge sur une jambe pour atteindre la minuscule pochette qu'elle avait scotchée sur l'intérieur de sa cuisse elle contenait son poudrier et son tube de rouge, avec un billet pour ses consommations au bar. Elle ne savait pas comment elle avait eu cette idée, mais elle était pratique. Elle ne comptait plus le nombre de fois où elle s'était fait dérober son sac et cette alternative avait le mérite de lui laisser les mains libres… tout en attirant beaucoup moins l'attention.

Elle ouvrit le poudrier et se sentit prise d'un léger vertige. S'appuyant sur le bord de la vasque, elle le reposa prudemment et humecta ses tempes et sa nuque, en attendant quelques instants que ça passe. Elle s'exhorta à se reprendre, en secouant la tête, puis elle rajusta son maquillage, rangea le tout dans la petite pochette, lissa sa robe autour d'elle et ressortit aussitôt pour regagner la salle. Les accessoiristes remettaient déjà son micro en place quand elle arriva. Juste le temps de remonter sur scène. Elle entra dans le cercle de lumière.

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JOHN HART

La veille, il n'était pas venu la voir chanter. Sa journée avait été des plus étranges. Comme il avait erré en ville ensuite un peu trop longtemps, il avait laissé passer l'heure et raté sa chanson. Pourtant, il avait douloureusement conscience qu'elle n'était pas celle qu'il avait rencontrée au Vegas Highlight sur Velquesh. Elle ne faisait que lui ressembler. Pourquoi ne laissait-il pas tomber ?

Comme il avait faim, il s'approcha un peu du bar et commanda un verre d'alcool, pas trop cher. Sa petite virée devenait compliquée à mettre en œuvre. L'argent sortait mais rentrait peu. Suivre la jeune femme par les transbords planétaires, d'abord sur l'autre continent de la planète, puis vers la station orbitale, était très onéreux. Il trafiquait un peu, juste pour pouvoir manger une fois par jour et quelquefois trouver un endroit pour dormir… Et quand il ne trouvait pas, comme la veille, il dormait dehors.

La journée précédente, alors qu'il se sentait plus abattu qu'à l'ordinaire, ses pas l'avaient conduit dans un entrelacs de petites rues au fond de la vieille ville – enfin, de ce qu'on appelait la « vieille ville » mais qui n'en était pas une. Juste les niveaux inférieurs de la station, les plus anciens. Devant la porte d'une maison close aux allures de temple, une vieille femme toute ridée lui avait fait signe d'entrer. Il avait secoué la tête parce qu'il savait que s'il dépensait son argent de cette façon, il ne mangerait probablement pas et dormirait à la belle étoile. La vieille avait baragouiné quelque chose qu'il n'avait pas compris et l'avait pris par la main, en tirant pour qu'il la suive.

Il savait que ce n'était pas une bonne idée. A l'usage, il avait découvert que cette nuit si spéciale lui avait laissé des séquelles inattendues lorsqu'il faisait l'amour : dorénavant, il se sentait seul et incomplet. Enfin, encore plus seul et plus incomplet qu'il ne l'avait jamais été. Et comme extérieur au phénomène. Par vagues pourtant lorsqu'il dormait, il ressentait l'écho lointain de son désir, mais ce rêve s'effaçait sitôt qu'il était réveillé.

Une autre femme moins âgée était venue, la tenancière et il avait réussi à lui expliquer que c'était la vieille qui l'avait fait entrer et qu'il n'avait pas d'argent pour payer. Elle avait haussé une épaule et lui avait désigné son cheptel de filles.Le comique de la situation finit par l'atteindre. Sexe gratuit et le voilà qui rechignait… Que lui avait-on donc fait ?

Il choisit la plus grande. Brune, le teint très mat elle était plutôt baraquée, mais avec de grands yeux doux. Elle lui avait souri et l'avait pris par la main pour l'emmener dans une minuscule chambre, presque une cellule tant elle était petite, juste la place pour mettre un lit. L'essentiel, somme toute.Il se demanda si ce serait comme les autres fois, quand il repensait à cette femme qui l'avait rendu fou et il se sentit ridicule. Demain, il partirait. Demain, il irait entendre chanter Miss Watts qui n'était si terriblement pas cette mystérieuse River Song, et puis il quitterait Portabaal. River ne reviendrait sans doute jamais, disparue dans les limbes sans laisser ni adresse, ni numéro.La prostituée s'était déshabillée et l'avait pris par la main. Elle était gentille. Et rien qu'à ça, il devinait qu'il devait filer un sacré mauvais coton, pour se mettre à le penser. Les femmes n'étaient pas « gentilles ».

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Après l'amour, elle s'était rhabillée prestement. Encore étendu sur le dos et surpris que tout soit déjà si vite terminé, il soupira. Elle l'aida à rassembler ses vêtements et puis elle dit avec un sourire plein de compassion :

— Pas triste, étranger.

Il ne dit rien en se contentant d'un sourire amer.

— Toi, donner beaucoup plaisir. Moi gratitude, crut-elle bon d'ajouter.

Il se leva et passa ses vêtements toujours sans dire un mot. Puis il sortit un billet de sa poche et le lui tendit.

— Merci. Je n'ai que ça… ce n'est pas beaucoup…

Elle secoua la tête et repoussa sa main.

— Pas argent ! C'est grand honneur recevoir favori du Dieu. Pas payer. Sacrilège.

Il la regarda interloqué.

— Alors, toi tu travailles gratuitement... Oh, miséricorde ! Je savais que j'aurais dû venir sur cette planète beaucoup plus tôt !...

Elle lui ferma la bouche de sa main, l'air alarmé.

— Shhh !... Toi peux faire offrande pour oracle du Dieu.

— Je ne suis pas d'ici, répondit-il en secouant négativement la tête. Je ne connais pas ta religion.

Elle lui reprit la main pour l'entrainer et il résista.

— Non, dit-il, je n'ai rien à faire ici. Prends simplement cet argent et laisse-moi partir.

Elle le regarda avec un peu d'hésitation, elle se mit à parler lentement.

— Etranger cherche ce qui ne peut être acheté sans pécher. Ici, dit-elle en effleurant son sexe avec naturel, facile et simple. Ici, vite content. Mais ici, dit-elle en appuyant sa paume sur son cœur, pas acheter. Ici vit féroce qui a faim... Viens, pour oracle du Dieu et moi expliquer plus.

Il ne voulait pas mais il la suivit quand même, le long de quelques couloirs sombres et décorés de peintures murales étranges. Ils débouchèrent bientôt dans une sorte de petite chapelle très simple où trônait une imposante statue assise, en plâtre, dont le front était orné d'une grosse étoile bleue en plastique. Kitschissime. Quelques bougies blanches constituaient le seul éclairage vacillant. Il trouvait tout cela parfaitement ridicule.Elle prit son billet et alla le déposer dans une petite urne près de la statue. A côté se trouvait un sac de toile. Elle y plongea les deux mains et en retira des pièces de bois patiné ou peut-être d'os, gravées de dessins renforcés à l'encre. Elle les lâcha par terre et les pièces s'étalèrent. Elle s'accroupit pour les observer et lui fit signe de s'asseoir.

— Bouche moqueuse et cœur triste, fais silence. Moi parle l'oracle du Dieu pour toi.

Il eut envie de partir tout de suite car il était vraiment loin de tout ce qui lui était familier : un monde d'hommes, de guerre et de ruse, où l'on survit avec ses poings et les armes qu'on a sur soi. Et sa tête pour échafauder des plans pour fuir… Les oracles, ce n'était pas son genre. Il préférait les informations fiables de première main…

Elle prit une pièce tombée à l'écart et l'examina.

— Toi naître deux. Ami venu avec toi pour vivre. Bébé toi vivre, mais autre mourir.

Elle prit une autre pièce.

— Quand frère mort, toi fermer ton cœur au Dieu. Toi grandir et douleur grandir avec toi. Grand trou vide manger ton coeur. Etranger cherche longtemps ami partout. Chaque visage est peut-être lui… Etranger déçu jamais trouver, part alors très loin du Dieu, et se perd. Loin. Envahi par les ombres. La Mort suit ses pas. Mort le rattrape presque car ami mort appelle fort du tombeau.

Elle avança la main vers une pièce plus proche d'eux et la leva pour mieux la voir.

— Mais après longtemps toi viens ici. Œil de Portabellion te voit, se souvient et prend pitié. Etend sa main sur toi, et te donne ses… bénédictions de feu ? Pas connaître les mots pour dire, reconnut-elle avec embarras. Dieu faire venir foudre sur toi pour chasser ombres et brûler vieux toi. Lui prend toi, en haut de son ciel pour t'aimer… Toi triste parce que tu es un Favori mais tu ne sais pas. Garçons de mon peuple apprennent plus jeunes comment vivre après le baiser du Dieu.

— Si je ne suis pas d'ici, comment peux-tu savoir que je suis un « favori » de ton Dieu ?

Elle se permit un bref rire et ses dents très blanches illuminèrent son visage.

— Etranger très ignorant ! gloussa-t-elle. Portabellion être Dieu de l'Univers, lui aller partout, et avoir de nombreux noms parmi les hommes. Toi porter la marque sur ton visage.

Elle vit qu'il ne comprenait pas et allongea le bras pour lui caresser la joue du bout des doigts.

— Beauté, dit-elle seulement.

— Et après ? demanda-t-il par simple curiosité. Quels sont les projets de ton Dieu pour moi ?

Elle prit la dernière pièce gravée, celle qui était la plus proche et la fit sauter en l'air.

— Choisir ! Dieu va donner épreuve. Toi dire oui ou non.

— Quelle épreuve ?

— Tu sauras reconnaître.

— Et si j'échoue ?

— Portabellion ne veut pas ton échec, avait-elle répondu en se levant. Tu peux partir maintenant.

.°.

Le barman le fixait avec insistance, alors qu'il était accoudé au bar, mais John ne voulait pas d'ennuis. Enfin, ça lui était égal d'en avoir, mais il n'aurait alors pas pu écouter la dernière chanson de Miss Watts. Et par principe, il voulait le faire. Il ignora donc le colosse, le nez dans son verre.

Un homme de haute taille vint s'accouder près de lui.

— Je te paye un autre verre ?

Cette voix ! Son cœur s'arrêta de battre juste une seconde. Jack était là. Dans son long manteau éculé.Toujours aussi grand. Toujours aussi beau. Son sourire toujours aussi plein de dents impeccables.

Combien de fois avait-il prié pour que cet instant se produise ? Combien de pensées obsessionnelles ? Combien de détours par des recoins paumés de l'univers où il aurait pu être ? Et à présent qu'il ne le cherchait même pas, voilà qu'il était là…

— Je crois qu'un seul va suffire car je suis déjà en train d'halluciner, répondit-il en prenant une gorgée.

Jack aboya un rire bref et se commanda un alcool fort.

— Tu es vraiment la dernière personne que je m'attendais à voir là… s'exclama-t-il en vidant son verre d'un trait.

Il sortit un billet qu'il posa sur le bar et fit signe au barman pour qu'il lui en remette un second.

— Qu'est-ce que t'as, tu fais encore la tête ? questionna-t-il avec une surprise rogue comme John restait à peu près sans réaction.

— Du tout. Il se trouve que j'ai vu tes petits potes de Torchwood récemment et ils disaient que tu avais mis les voiles depuis un sacré bout de temps…

— Ouais, c'est vrai. J'ai… pris une pause. Et toi, tu fais quoi dans le secteur ?

— J'étais juste de passage. Je cherchais un type sur Velquesh.

— Et tu l'as trouvé ?

— Ouais.

— Et alors raconte !… Je n'ai jamais à te tirer les vers du nez d'habitude… Qu'est-ce qui t'arrive ?

— Rien, je suis juste claqué, soupira-t-il.

— Et t'as surtout l'air de n'avoir rien bouffé depuis plusieurs jours… Tu es maigre à faire peur et… je ne te parle pas d'avoir vu une salle de bains. C'est toi qui refoules comme ça ?

John eut un sourire sardonique en coin.

— Ouais. J'ai dormi dehors la nuit dernière, et à un moment, une espèce de bestiole famélique et galeuse est venue se mettre contre moi… Je ne sais même pas ce que c'était. Je suppose vu la température qu'elle devait se geler, elle aussi.

Jack lui balança un œil en coulisse et avala une petite lampée d'alcool.

— A mon avis, tu pourrais encore trouver nettement mieux pour réchauffer tes nuits…

Alors Jack qui se mettait à le draguer en public, ça devait probablement être le rêve de son coma éthylique… ou un piège. Peut-être qu'il voulait seulement lui piquer son manipulateur… ça c'était déjà nettement plus plausible. Il ne savait pas comment il pouvait, mais il refusa l'obstacle.

— On verra bien, fit-il en repoussant son verre vers le barman, avant de donner un petit coup de poing dans l'épaule de l'autre. C'était sympa de te revoir, Jack ! A une prochaine !

Jack lui sourit avec une certaine incrédulité. De l'un de ses plus grands sourires charmeurs. Et les plus incrédules. Il fouilla dans sa poche et sortit une clé qu'il fit danser en la tenant par le plastique qui portait son numéro.

— Ecoute… J'ai un truc à faire ce soir et je ne serai probablement pas rentré avant minuit, mais je peux te laisser ma clé en attendant, je suis descendu ici… Si ça te dit, je ramènerai un peu de compagnie… proposa-t-il en accentuant son sourire lascif.

John attrapa la clé sans demander son reste, mais la réponse qu'il fit n'était pas celle qui était attendue.

— Merci, je tuerais pour une douche. Mais il y a un embarquement de prévu pour quitter la station ce soir et il faut que je sois à bord. Je la rendrai à l'accueil dès que j'aurai fini…

— Mais… depuis quand tu prends les transports en commun ? tiqua Jack en fronçant les sourcils. Qu'est-ce que tu as fait de ta navette ?

— Un mec me l'a explosée.

— Ho ho, se réjouit le Capitaine, j'aimerais pas être à sa place… Qu'est-ce que tu lui as fait ?

— Rien du tout.

— John, tu m'inquiètes là…

— J'ai pas dit que j'ai pas essayé… fit John avec un sourire modeste, mais je n'ai réussi qu'à l'énerver davantage et… on m'a conseillé de me mettre un peu au vert.

— Mais qui c'est ce mec ? Un contrebandier ? Un trafiquant ?

— Non. Ton très bon ami qui se fait appeler le Docteur.

La physionomie de Jack changea du tout au tout et il se planta à quelques centimètres de John pour parler à voix plus basse.

— Ah malheureux, je dirai quelques mots sur ta tombe ! ironisa-t-il. T'es pas un peu malade ? T'as toujours été une tête brûlée et une cervelle vide, mais là je crois que tu ne réalises pas bien… Est-ce qu'il est ici ?

— Pas que je sache, mais il y a deux semaines, on l'a vu sur Velquesh.

— Oh, bon Dieu de bon Dieu ! fit Jack tout excité. Si tu ne puais pas autant, je t'embrasserais… Il faut que je te laisse mais je reviens. Reste encore un peu. Si c'est lui que tu fuis, je pourrais peut-être servir d'intermédiaire entre vous deux...

— Je ne doute pas que tu adorerais cette idée… commenta John laconiquement.

Jack lui envoya un clin d'œil et sortit en courant. John le regarda fendre la foule. Il n'avait aucun espoir que Jack puisse faire quoi que ce soit. Tuer une « compagne », c'était probablement assez rédhibitoire. Il grimaça.

Des applaudissements crépitèrent et le firent sursauter. Il comprit qu'avec tout ça, il n'avait même pas écouté la petite chanteuse. Il lui jeta un coup d'œil… pour constater qu'elle était en train de le regarder. Pire, elle prenait en le faisant une très jolie teinte de rose qui avivait sa peau laiteuse. Le public applaudit plus fort et siffla, elle s'inclina et quitta la scène.

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John monta sans attendre dans la chambre de Jack, une petite pièce aux murs blancs dotée d'un mobilier minimaliste orange et vert, assez ignoble. Il prit sa douche en espérant qu'il arriverait à effacer l'odeur déplaisante du fauve, qui lui avait collé à la peau toute la journée.

Faméliques, solitaires et à la rue. Il faut dire qu'ils faisaient bien la paire, tous les deux.Après avoir erré en ville, la tête pleine de souvenirs et de regrets concernant sa vie, tournant et retournant les mots malhabiles et pertinents de la prostituée, il n'avait réellement envie de voir personne, et surtout pas envie de faire le moindre effort supplémentaire pour se trouver un lit pour la nuit… Dans un parc, il avait cherché un assez grand arbre doté de très grosses branches larges, pour se mettre plus ou moins à l'abri des humains, des rondes policières ou sanitaires, et il avait grimpé dedans. Mais à peine une heure après, il s'était trouvé nez à nez avec un genre de gros chat aux yeux jaunes fendus qui lui avait craché dessus de colère. Peut-être qu'il entendait lui signifier bien clairement que c'était son arbre et qu'il devait dégager ? En temps ordinaire, il aurait négocié. Avec les humains, on négociait. Mais avec une bestiole comme ça ?

La bête l'avait regardé. Entre ses dents, John avait murmuré avec un peu d'autodérision :

— Allez viens, fais pas ta bégueule, on va la partager cette branche...

La bestiole avait montré les crocs, toutes moustaches dehors. Cette situation lui rappela comiquement ce moment où « elle » était apparue et où il l'attendait sur le lit aux draps de soie, il tapota la branche à côté de lui et dit à l'attention du très gros lynx :

— Portabellion est levée ce soir, pourquoi ne viendrais-tu pas la contempler à côté de moi ?

La bête avait levé la tête et plissé les yeux dans sa direction, donnant des coups de museau comme pour sentir quelque chose dans l'air. Puis elle avait baillé. Et s'était approchée à pas lents et précautionneux, tête basse mais sans le quitter du regard et sans prévenir, s'était installée lourdement à moitié sur un bout de branche et à moitié sur lui. Les deux grosses pattes avant croisées sur sa poitrine, elle avait posé tête dessus et exhalé un profond soupir.

La poitrine de John s'était soulevée d'un rire irrépressible face à l'étrangeté de ce moment, face au fait qu'il servait d'oreiller à un truc dont il ne savait pas s'il pouvait le manger ou pas... Mécontent de ces secousses intempestives, l'animal avait ouvert un œil et grondé en incurvant légèrement ses griffes pour les lui planter dans la poitrine. « Message reçu, j'arrête » avait-il soufflé. Mais en son for intérieur, il se sentait presque heureux.

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En sortant de la douche pour voir s'il ne pourrait pas trouver quelque chose à manger dans le minibar, il était vêtu d'une simple serviette. Pas forcément la tenue la plus adéquate lorsqu'on se retrouve face à trois malabars moches et maussades aux intentions manifestement peu amicales.

— Harkness ! l'apostropha un des gars. On t'avait dit qu'on te remettrait la main dessus et maintenant on va faire comme on a dit : on va t'éclater ta sale petite gueule pour te faire passer l'envie de nous doubler… et après tu vas finir dans le sas d'évacuation où on retrouvera tes morceaux… Et un, tout particulièrement, qui fait ta fierté…

John fit la moue et, inclinant la tête de côté à droite et à gauche pour un léger assouplissement, il se carra en posture défensive.

— Les mecs, commença-t-il, je tenais à vous dire d'abord que je ne suis pas du tout celui que vous cherchez…

Ils éclatèrent de rire.

— Ha non mais c'est bon ! répondit l'un d'entre eux. On nous l'a déjà fait quinze fois celle-là ! Tu vas dérouiller et c'est tout.

— Bon, bah tant pis…

Effet de surprise. Il arracha sa serviette d'une main et la lança à la tête de celui qui était armé pour l'aveugler. De l'autre main, il attrapa son arme, fort judicieusement pourvue d'un silencieux, et lui tordit le bras, flanqua un coup de coude dans le nez du second agresseur en étirant le mouvement, et tira dans le genou du troisième.Il ne s'était pas passé une minute. Les deux gars encore relativement valides firent mine de se jeter sur lui et il leur agita l'arme sous leur nez.

— A-A-A, fit-il en secouant la tête. Je vous suggère de prendre votre camarade sous le bras et de partir tout de suite, tant que certains d'entre vous peuvent encore marcher… Je ne le répéterai pas deux fois. Un… Faites attention, je vise très mal, ce n'est pas son genou que j'essayais d'atteindre… Deux…

Les deux gars, qui ne voyaient qu'un homme nu, se disaient qu'ils pourraient facilement l'avoir en se ruant à deux dessus, mais John n'attendit pas qu'ils avancent plus. Il tira une balle dans le bras de l'agresseur le plus proche.

— Tss, tss, tss, et voilà je vous l'avais dit… Il m'en reste encore bien assez pour faire un trou malencontreux dans un poumon ou un estomac… Et… trois…

Les types lui lancèrent un regard haineux en levant les bras en signe de reddition, puis se penchèrent sur leur comparse pour le soulever pendant qu'ils étaient toujours en joue. Il les força à reculer jusqu'à la porte.S'ils attendaient qu'il referme la porte sur eux, ils en furent pour leurs frais. John, sortit avec eux tel qu'il était, en continuant à les menacer.

— Je suis pas timide, dit-il en voyant leur surprise. L'ascenseur est de ce côté, ajouta-t-il en secouant l'arme dans la bonne direction.

Ils marchèrent vite en trainant leur compagnon pour appuyer sur le bouton d'appel et John continua à avancer en maintenant deux mètres entre eux. Les porte-flingues étaient manifestement déstabilisés par le fait qu'il soit nu dans le couloir.

Une fois qu'ils furent dans l'ascenseur, John leur sourit et tira dans le boitier de commande. Les portes de métal se refermèrent sur eux en les emprisonnant.

Content de lui, il retourna dans la chambre et remit ses vêtements – qui auraient mérité eux aussi une bonne lessive. Il pensa à étendre la serviette humide parce qu'il savait que Jack détestait quand il la laissait en boule lorsqu'ils étaient ensemble, puis il saisit un crayon et une feuille. Après un dernier coup d'œil circulaire, il quitta la chambre, laissa le mot « EN PANNE » sur l'ascenseur et poussa la porte menant aux escaliers.

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En arrivant en bas, une autre petite surprise l'attendait.Le barman qui était une armoire à glaces, lui bloquait la sortie, avec une petite envie de discuter… John pensa qu'il alternait bizarrement les caresses et les coups de poings ces derniers temps. Il leva les mains.

— Ok, qu'est-ce que j'ai fait ?

Etant donné qu'il faisait souvent plusieurs trucs de travers, il avait remarqué qu'il était toujours bon de se renseigner avant…

— Rien encore, j'espère… fit le gros en jouant volontairement de sa musculature pour l'intimider. Je suis juste venu te faire passer un petit message de la part de la demoiselle que tu suis.

— Ah… fit John. Je me demandais si elle m'avait remarqué… Quel est le message ?

— Tu arrêtes de la suivre et tu arrêtes de la fixer comme un pervers.

John aurait eu envie de répondre « Ou sinon ? » mais se dit que face à un morceau pareil, il avait tout de même des chances de finir salement amoché. Il sourit avec un air que l'autre trouva irritant et se contenta de dire en jetant un œil derrière eux.

— Dis-donc… ça va te faire un max d'heures sup' si tu dois coincer tous les types dans le public qui la regardaient avec des idées en tête…

— Ça, c'est mes oignons… Toi, tu décampes. Et t'es pas invité demain. Compris ?

John leva alors un bras et avec des mouvements délibérément lents, sortit un portefeuille de sa poche d'où il tira une fausse carte de visite.Il se demanderait toujours pourquoi il n'était pas parti juste à ce moment puisque de toute façon, c'était ce qu'il voulait faire. Un jour plus tôt ou un jour plus tard, ça ne changeait rien… Mais peut-être parce qu'il n'aimait guère obéir quand il ne l'avait pas décidé, il se lança et rétorqua :

— Il y a méprise. Je suis un privé et payé pour la suivre.

Le barman prit la carte avec méfiance.

— Yen a qu'ont vraiment des boulots de merde… commenta-t-il avec un air revêche et probablement jaloux. Qui te paie ?

— Une vieille tante qui est sur le point de claquer et qui s'est mis en tête de retrouver ses héritiers.

— Elle dit qu'elle n'a pas de famille et je la crois, lâcha Tony en fronçant les sourcils.

— Et bah maintenant, elle en a… Sauf qu'elle est pas encore au courant. Je suis juste chargé de la suivre et de rassembler des informations que je transmets à la vieille. Elle veut savoir quel genre c'est. On peut comprendre… La vieille est un peu vieux jeu. Une chanteuse qui fait la tournée des bouges, ça ne plaide pas forcément en sa faveur ; elle veut savoir où elle met les pieds…

— Hey, tu ne parles pas comme ça, ni de mon établissement, ni de la dame…

John arbora un air narquois dont il savait pourtant qu'il pouvait lui coûter sa dentition. L'habitude de vivre libre et dangereusement. Mais le barman, et donc propriétaire du club, dit alors :

— Si tu dis la vérité, je suis content. C'est pas bien qu'elle soit toute seule. Est-ce que tu as moyen de dire à cette tante que c'est une fille bien, mais je crains qu'elle ne se soit mis dans une vilaine situation.

— De quelle nature ? s'enquit John avec plus d'intérêt qu'il n'aurait su le feindre.

— Elle est malade, répondit le barman d'un air fermé. Ce serait mieux si elle avait quelqu'un pour l'aider.

— Malade, c'est vague… objecta John. Depuis quand t'as ton doctorat de médecine ? Il m'en faut un peu plus à mettre dans mon rapport…

Le barman s'écarta en jetant son torchon par-dessus son épaule et retourna derrière son bar sans répondre, soudainement emprunté.

— C'est une gentille fille, répéta-t-il. Et elle ne se méfie pas assez des gens. Elle pense trop à sa musique. Et très bientôt ça va devenir assez compliqué pour elle, j'ai pas envie qu'elle tourne mal…

— Elle a l'air de s'en sortir très bien jusque-là, pourquoi veux-tu que ça change ?

Le barman le regarda d'un air froid malgré son sourire.

— Tu sais, je te connais pas, mec. Et j'ai vraiment aucune raison de croire ce que tu m'as dit…

Il posa son torchon et sortit de derrière son bar. La salle était déserte. Il éteignit les lumières.

— Je ferme, dit-il seulement. Tire-toi maintenant.

— Dis-moi au moins ce que tu as vu, il faudrait que je sache si c'est grave… pour évaluer la nature des soins et ce que ça va coûter… si la vieille est radine…

— Ta gueule ! répondit Tony. Je t'ai dit de te tirer, fais-le c'est tout.

— Pas sans…

Le barman bondit très souplement si l'on considérait son volume et coinça John contre le mur. Voilà qu'il l'avait énervé. L'autre lui collait un avant-bras musculeux sur la gorge en l'empêchant à moitié de respirer.

— Une maladie longue durée facile à reconnaître, même pour un idiot comme moi qui n'a pas fait médecine… dit-il d'un air menaçant. Ce que je crois, c'est qu'il y a un bougre de petit salaud quelque part qui l'a serrée dans un coin et qui l'a collée enceinte. Et ça, ça me rend vraiment, vraiment furax.

John commençait à manquer d'air et l'autre finit par s'en rendre compte. Il le lâcha et le poussa devant lui vers la sortie.

— Maintenant, casse-toi, et si je dois le répéter une autre fois, tu peux dire adieu à ton dentier.

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Expédié manu militari sur le trottoir, John était indécis. Il vit qu'une horloge extérieure indiquait bientôt minuit et il résolut d'attendre le retour de Jack, à la fois pour lui rendre sa clé et pour lui expliquer pourquoi il trouverait du sang sur la moquette… Ce grand crétin était bien fichu de ne pas s'en rendre compte avant le lendemain s'il revenait en galante compagnie, mais ça ne faisait rien. Il fallait tout de même qu'il sache que des types étaient après lui.

Ce dernier arriva presque une heure plus tard, et accompagné d'un homme jeune, brun et beau. John se leva du bord du trottoir et marcha jusqu'à eux.

— Bonsoir, dit-il rapidement, surtout à l'attention du beau garçon.

Et à Jack, il lança la clé :

— Tiens, je t'en dois une.

— Tu ne viens pas ? demanda-ce dernier une trace de déception très bien imitée.

John secoua la tête et recula, les mains dans ses poches.

— Non, j'ai la navette à prendre, je dois retourner sur Velquesh.

Jack sourit à sa conquête et lui donna la clé en disant : « Laisse-moi juste deux minutes, je te suis ». Puis il revint vers son ancien amant.

— Mais qu'est-ce que tu fiches ? Viens, il est d'accord…

— Il ressemble à Ianto…

— Ah oui, c'était un tout petit peu le but… admit Jack en hochant la tête les yeux écarquillés avec un sourire moqueur.

— Ah, au fait ! Tu feras gaffe, ajouta John, j'ai trouvé un comité d'accueil en arrivant. Trois mecs qui m'ont pris pour toi. Je m'en suis occupé, tu m'en veux pas ?

— Du tout. Je t'avais dit de faire comme chez toi… J'aurais bien d'autres occasions de rigoler, t'inquiète.

— Ok, dit John. J'y vais alors.

Jack Harkness serra les mâchoires et se mit à le fixer intensément.

— Ne… m'oblige pas à te supplier… chuchota-t-il plus bas. Reste cette nuit. Je renvoie le joli garçon si tu veux.

— Mais non pourquoi ? Ne change pas tes plans. Passe une bonne soirée.

— J'ai envie de la passer avec toi.

John rit mais évita de regarder dans la direction du jeune homme qui leur jetait un dernier regard avant d'entrer dans l'hôtel.

— T'as vraiment une mémoire à géométrie variable !… La dernière fois qu'on s'est vus, quand ton frère a pété les plombs, tu m'as dit qu'on était quittes et que tu ne voulais plus jamais me revoir dans tes pattes. C'était assez clair.

— Ça, c'était avant que je ne perde plusieurs membres de Torchwood ! répondit-il avec véhémence. Perdre des gens auxquels on tient, c'est vraiment…

— Pas ton genre ?

— Tu sais que je vais te la faire payer celle-là ?

— Oh, je sais que tu aimerais bien, oui… Ecoute, tu traverses une mauvaise passe en ce moment, mais ça va aller pour toi. Ça va toujours pour toi. Tu te sors toujours de tout avec une facilité déconcertante.

— Donne-moi ton manipulateur de vortex. Ou dépose-moi seulement, je m'en fiche.

— Aaaah… Alors c'est ça que tu veux vraiment de moi ? fit John avec une grimace en coin. Je m'en doutais un peu, remarque.

— Qu'est-ce qui m'a trahi ? demanda le Capitaine, avec un pauvre sourire.

— Tu veux revenir à une époque où Ianto était encore en vie… Et pour ça tu étais prêt à te servir de moi… Je connais ce regard désespéré. Je le connais très bien, dit-il.

— Alors aide-moi ! En souvenir du bon vieux temps.

— Jack, tu peux arrêter tout de suite. Ton Docteur a flingué le manipulateur. Il est comme le tien maintenant. C'est la vérité.

Jack s'adossa contre le mur le plus proche et ferma les yeux. Il ne dit rien pendant un instant. Puis il se redressa d'un coup de reins et marcha vers l'entrée de son hôtel.

— Laisse-moi cinq minutes d'avance et viens me rejoindre, dit-il d'un ton péremptoire. S'il y a d'autres mecs qui veulent me descendre, je n'ai rien contre un petit renfort… ajouta-t-il pour que les choses soient bien claires.

Il s'en alla, son grand manteau flottant dans le vent. John frissonnait mais il savait que la météo n'y était pour rien. Quand Jack était là, il oubliait un peu le grand trou vide qu'il avait dans la poitrine… Que Jack le reprenne c'était ce qu'il voulait, ce pourquoi il s'était mis en quête du Docteur et de sa boîte d'immortalité… Tout ce qu'il avait fait depuis six mois le conduisait là…

Il haussa son col et serra son blouson contre lui. Demain, il irait sur Velquesh retrouver ce type. Comment s'appelait-t-il ? Cormack de chez Cormack Industries… Le soir où lui-même avait tué Clara, Cormack avait emmené la chanteuse dans sa chambre… Le personnel de l'hôtel l'avait dit. C'était certainement lui qui l'avait mise enceinte. La bonne nouvelle c'était qu'il avait les moyens de payer…Il souffla dans ses mains pour les réchauffer. Sur cette station, ils ne plaisantaient pas avec les économies… La température chutait brutalement la nuit.

Il appréhendait un peu de se retrouver exactement dans le secteur du Docteur. Dans ce même hôtel. Et il ne pouvait s'empêcher de le désirer ardemment.

Alors même qu'il se sentait envahi d'images et d'émotions en repensant à cette nuit d'amour où une sorte de déesse immatérielle, et pourtant si délicieusement tangible, l'avait élevée jusqu'à lui pour l'aimer sans limite, à aucun moment, il n'envisagea sa possible responsabilité en regard de l'état de Miss Watts…En tant qu'ancien Agent du Temps, il savait qu'il était devenu stérile depuis plusieurs années. C'était un des à-côtés déplaisants du voyage temporel à répétition. On le savait. Il soupçonnait même l'Agence d'avoir favorisé cet état de fait dans les rangs afin de pouvoir conserver plus longtemps ses recrues. Déjà souvent repérés parmi les orphelins ou les laissés pour compte, ils étaient rendus rapidement incapables de procréer. Pas de famille, pas d'attache : toujours disponibles…

Il souffla encore dans ses mains, regarda la rue assez déserte où quelques rares passants se hâtaient de rentrer se mettre à l'abri et se dit que ça devait bien faire cinq minutes.

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