Règles et Principes du Grand Jeu de Duane

Chapitre 9 : Sois le Valeyard des prophéties !

3617 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 08/11/2016 05:29

CHAPITRE VIII

— C'est long ! murmura Clara. Ils nous ont oubliés ou quoi ?

Elle était avachie sur l'un des canapés et regardait le plafond, en essayant de compter le nombre de fleurs dans les moulures. Juste avant, elle avait compté le nombre de losanges. Et avant encore, les points et les volutes.

— Vous êtes étrangement méditatif… remarqua-t-elle encore comme il ne répondait pas.

— Je l'ai toujours été, répondit-il.

— Rarement en ma présence.

— Ce serait mal élevé, non ?

— Mpff, pas le genre de chose qui vous arrête d'habitude…

— Hey ! fit-il en arborant une moue vexée.

— Pardon, soupira-t-elle. Mais c'est tellement bizarre toute cette situation !... De vous parler et que vous ne sachiez pas qui je suis. Vous ressemblez parfaitement au Docteur que je connais, enfin que j'ai connu, mais vous n'êtes pas encore lui… Je comprends que vous n'ayez rien pu dire à cette Rose finalement...

Le Docteur haussa un sourcil et un coin de lèvres. Il devait reconnaître qu'il était heureux de la revoir parce que de son point de vue, il y avait plusieurs années qu'il était sur Trenzalore et qu'il l'avait renvoyée chez elle sans lui dire adieu. Il trouvait réconfortant de comprendre qu'elle était restée avec lui, même après la régénération et même après qu'il l'ait abandonnée de cette façon.

— Et… si vous pouviez me parler librement, qu'auriez-vous eu envie de me dire ?

Elle le toisa de biais et se redressa un peu sur ses coudes pour le scruter. Cherchait-il à lui soutirer des informations ? Pire : était-il vraiment le Docteur ou bien une imitation ?

— Cette question, c'était très exactement le propos de votre épreuve. Alors vous comprendrez certainement mieux que quiconque si je m'abstiens !

Elle conserva le silence pendant un moment qui lui sembla affreusement long.Mais tout ça, c'était entièrement de sa faute. S'il n'avait pas menti, il aurait pu avoir à présent avec elle une conversation bien plus intéressante. Lui avouer par exemple combien elle lui manquait et pouvoir vraiment lui dire adieu, quoiqu'il lui en coûte…Il n'hésita pas très longtemps. Ce qui est bien, quand on est à la fin de sa vie, c'est qu'un certain nombre de postures stupides n'ont plus lieu d'être maintenues, envers et contre tout…

— Ok Clara, je n'ai pas été honnête avec vous. Je vous connais. Je suis actuellement à Trenzalore sur ma ligne temporelle... après votre départ. Je n'ai rien dit parce que je ne voulais pas embarrasser Twelve. Regardez l'animosité qui existe déjà entre Nine et Ten à cause de Rose… Est-ce qu'il fallait forcément remettre ça, cette fois entre lui et moi ?

Il s'approcha d'elle et s'assit sur le bord du canapé avant de lui prendre la main. Elle fit mine de l'ignorer en regardant ailleurs, mais ne retira pas sa main.

— Je suis en train de faire les yeux de bébé chien, l'avertit-il pour lui arracher un sourire.

— Docteur, la situation n'a rien à voir, objecta-t-elle en conservant tout son sérieux, les traits tendus. Vous aimiez cette jeune femme. Elle était terriblement importante pour vous. Alors que moi je ne suis qu'une amie ! Votre « nouveau vous » ne peut pas se sentir « jaloux » de vous voir réapparaître. Il n'a pas plus ce genre de sentiments problématiques envers moi, que vous n'en aviez vous-même. La façon dont vous vous justifiez pour m'avoir joué cette comédie ne tient pas debout. Au moins, j'ai l'impression qu'il me ment moins. Il est même d'une franchise parfois… horripilante !

— Vous n'êtes plus heureuse à bord du Tardis ? s'inquiéta-t-il. Vous voulez arrêter ?

— Cela ne vous concerne plus, laissa-t-elle tomber. Vous m'avez congédiée avec ma dinde, souvenez-vous…

— Mais… argumenta-t-il avec un sourire confiant, je suis bien revenu vous chercher, non ? Si nous voyageons toujours ensemble, ça veut dire que vous m'avez pardonné… et aussi que vous ne m'aimiez pas que pour mon physique !

Elle lui jeta un drôle de regard qu'il ne sut pas analyser pendant qu'elle lui reprenait sa main.Non, il n'était pas revenu la chercher. Non, elle ne lui avait pas complètement pardonné et non… elle n'était pas indifférente à son physique de l'époque.

— Votre silence est assourdissant, la prévint-il en la toisant de côté comme il le faisait toujours.

— Je ne peux pas vous parler de votre futur. Ce sont vos règles.

— N'ont-ils pas dit qu'ils allaient nous effacer la mémoire ? lui rappela-t-il avec une expression malicieuse.

Elle se leva en manifestant des signes d'impatience et d'anxiété. La brusquerie de son ton le surprit, et la façon dont elle lui parlait si directement droit dans les yeux sans lui sourire aussi. Il se demanda ce qui avait bien pu lui arriver pour qu'elle se montre si tranchante.

— Est-ce que ça ne devrait pas vous inquiéter plutôt que de vous faire sourire ? Est-ce que vous ne vous préoccupez pas du tout de ce que ces gens vont vous faire ? Ni pourquoi les autres ne reviennent pas ? Je n'ai pas un bon pressentiment sur tout ça. Pas du tout même.

— Oh, Clara ! Mais que vous est-il arrivé ? Vous savez bien que je plaisante mais que peux faire plusieurs choses à la fois… Bien sûr que je pense à notre situation. Mais je suistrès heureux de vous revoir… Et vos yeux sont aujourd'hui si tristes. Vous avez l'air tellement changée…

— Vous m'avez expliqué récemment que vous étiez un homme différent.

— Non ! protesta-t-il. La régénération change mon apparence et quelques-uns de mes goûts, c'est tout.

— Et bien, lui ne voit pas les choses ainsi. Il dit qu'il n'est pas le même homme et qu'il a simplement tous vos souvenirs. Je dois faire en sorte de m'adapter à ce que vous êtes devenu. Ne vous demandez pas d'où vient le changement que vous observez chez moi, vous savez très bien d'où il vient ! Ce qui m'est arrivé, c'est juste une autre version de vous qui a rebrassé presque intégralement toutes ses cartes. Si vous êtes encore là, c'est tellement loin sous la surface qu'il est plus simple et plus rapide pour moi de ne jamais vraiment espérer vous reconnaître… et de ne pas m'y attendre. Beaucoup plus simple de considérer que ce nom que vous vous donnez n'est effectivement qu'un titre et… qu'il est passé à un autre.

— Non, non, non, Clara vous êtes ma fille impossible et cela ne changera jamais.

Elle secoua la tête avec un pauvre sourire.

— Il vous arrive encore de le dire, mais vous donnez aujourd'hui à ce mot un sens bien différent. Particulièrement quand vous êtes mécontent de moi. De temps en temps, je vous entends grommeler que vous préfériez encore avoir une cafetière !…

Il la rejoignit pour la prendre spontanément contre lui. Son geste la remplit de bonheur. Se pouvait-il que Luke ait finalement raison ? Que le meilleur endroit au monde pour poser sa tête soit sur sa poitrine, pour écouter ses deux cœurs la bercer de leur cavalcade folle ?

— Pas une cafetière. Mais « Cafetière », mon compagnon d'infortune sur Trenzalore. C'est une vieille tête de Cyberman que j'ai rafistolée pour... enfin… J'imagine que ça n'est pas très gentil pour vous… et que je fais fonctionner à fond mon côté vieux grincheux… répondit-il avec un air hésitant et presque un peu coupable. Ça faisait un moment qu'il n'avait pas servi…

.°.

A ce moment, la porte de l'antichambre se rouvrit enfin et les arrivants les trouvèrent ainsi blottis l'un contre l'autre. Twelve marchait en tête de la délégation et ses yeux semblaient lancer deux fois plus d'éclairs que d'habitude. Mais quand il les vit tous les deux son teint devint livide et ses mâchoires se contractèrent.

Elle dût enregistrer en quelques instants plusieurs informations dans un scénario qui se déroulait trop vite. Les gardes portaient un corps inanimé qui s'avéra être celui de Ten. Ils ne le lâchèrent sans ménagement par terre que pour embarquer Eleven, ce que Twelve les regarda faire avec une intense satisfaction. Son visage exprimait sans la moindre erreur possible un sentiment féroce qui frappa Clara comme la foudre : la jalousie.

Elle courut vers les portes refermées sur le peloton armé qui venait d'enlever Eleven pour l'emmener dieu sait où. Elle frappa dessus à coups de poings inutiles et rageurs. Dans son dos, elle entendait Nine et le Seigneur de guerre parler à voix basse. En se retournant, elle les vit penchés sur le corps du dixième Docteur dont le visage était creusé et cireux, avec un vilain bleu à la mâchoire.

— Que lui a-t-on fait ? demanda-t-elle en venant près d'eux, doublement inquiète pour lui et pour aussi Twelve assis plus loin, comme en proie à une certaine confusion.

— Je ne suis pas sûr qu'il s'en sorte, commenta le War Doctor. Une sorte de grande créature d'aspect démoniaque a aspiré une grande partie de son énergie vitale et de ses émotions. Il est très faible. S'il n'est pas déjà mort, c'est uniquement parce que j'ai eu la présence d'esprit de demander à mon voisin d'intervenir et de l'assommer avant la fin du processus…

— Mais… ? commença Clara très troublée. Comment cette créature a-t-elle pu entrer soudainement au beau milieu de… de l'audience ?

Nine trafiquait quelque chose sur les bagues de son sonique, il ouvrit une paupière de Ten et projeta une petite lumière dedans avant de répondre :

— Il était dans le public… Les juges étaient parfaitement au courant de ce qui allait se passer. C'était un piège. Deux d'entre nous en ont fait les frais.

— Est-ce que je peux faire quelque chose pour vous aider ?

Le War Doctor déclina mais adressa un coup d'œil inquiet à Twelve, assis plus loin sur l'une des chaises, sa tête aux mèches grises pressée entre ses mains.

— Non merci ma chère petite, mais peut-être pour lui, là…

A la surprise de Nine, elle leur suggéra de regarder dans les poches du Dixième pour voir s'il avait encore du thé de Jackie Tyler, puis elle s'approcha alors du douzième Docteur pour lui demander comment il allait.

— Ça va très bien.

— Vous n'en avez pas l'air.

— Je vais mieux que lui. C'est juste que je m'en veux.

— Que s'est-il passé après mon départ ? demanda-t-elle.

— C'est vraiment la dernière chose que j'aurais envie de vous raconter…

Clara le regarda avec une pointe de déception qui lui fit mal. Luttant contre l'envie qu'elle avait de le boxer parce qu'il ne voulait même pas partager ce fardeau, elle insista.

— Hem, même très résumé ?

L'éclat très inattendu d'un sourire reconnaissant brilla sous sa moustache. Il se tapa sur un genou avant de lui tendre la main.

— Venez là une minute, je ne refuserais pas un câlin.

— Quoi ? fit-elle en manquant de s'étrangler sous le coup de la surprise.

— Oh, ça va, ne faites pas cette tête ! Rien de compromettant, je vous rassure. Et puis les autres sont un peu trop occupés pour faire ça pour moi…

Elle resta bouche bée et il l'assit de côté sur son genou, l'enserrant dans ses bras avec un soupir. Elle n'osait pas bouger ni presque respirer. Le Douzième, qui n'était pas du tout affectueux, en train de réclamer d'autorité un peu de réconfort : il avait dû se passer quelque chose d'ignoble !…

— Alors vite, car j'imagine qu'on va venir nous chercher pour nous renvoyer d'un instant à l'autre, dit-il à voix basse. Les Limpians ont choisi Eleven pour champion et leurs adversaires ont choisi Ten. Abalon est une créature que je croyais avoir défaite quand j'étais Ten. Je me suis manifestement trompé car il était là en pleine forme, désireux de prendre sa revanche et il a voulu quand même le torturer un peu avant, même si son choix était fait depuis le début. Pour faire mine de se plier à une épreuve similaire à celle des Limpians, il a exigé que nous voyions Rose et Jack dans un moment d'intimité, en déclarant qu'il prendrait celui qui en souffrirait le plus…

— C'est quand même bien un jeu alors, mais c'est avec vous que l'on joue… Pourtant Docteur, j'ai du mal à comprendre, d'habitude vous êtes surentrainé quand il s'agit de conserver votre sang-froid…

— Certes, mais Abalon n'arrêtait pas de faire des commentaires déplaisants sur le film qu'il projetait… Je ne saurais vous les répéter car c'était… extrêmement embarrassant… Au début, tout s'est bien passé pourtant. Je voyais bien que Nine cherchait des idées pour lui couper une corne pour l'étouffer avec mais rien de bien méchant…

— En fait, je songeais plutôt à arracher un bout de boxe à mains nues pour en faire un pieu et lui fourrer dans l'œil, commenta calmement celui-ci qui écoutait tout en soignant Ten. Je reconnais qu'il devait chercher à me faire souffrir et aussi probablement à abîmer mon affection pour mes deux compagnons. Séparer, diviser, c'est le credo traditionnel de son espèce, n'est-ce pas ?

— Qu'est-ce qui a mal tourné alors ? demanda Clara.

— Il nous a révélé que Rose n'était pas, comme nous le pensions, une autre Rose née dans un univers parallèle, mais notre Rose, dont on avait effacé la mémoire, en soulignant que le nom de sa boutique « The Blue Box » n'était pas une coïncidence.

— Mais tous nous manipulent depuis que nous sommes ici ! Pourquoi l'avoir cru ?

Twelve soupira. Il prit conscience qu'il serait toujours un peu convulsivement Clara contre lui, comme si elle pouvait être un rempart face à ce qu'ils avaient vu, comme si son innocence pouvait effacer les visions d'une Rose éperdue de plaisir sous les caresses osées du beau Capitaine. Rose qui lui disait qu'elle l'aimait et qu'elle n'aimerait jamais personne comme lui… Ne pas détester Jack. Ne pas détester Jack. Ne pas détester Jack…Il frissonna. Le besoin qu'il avait d'étreindre Clara serait bientôt trop puissant pour être endigué et il devait la laisser aller, s'il ne voulait pas lui faire peur. Il la relâcha à contrecœur et la remercia d'un léger sourire et d'un battement de paupières.

— Je suppose que Ten était affaibli par toutes les radiations qu'il a absorbées… répondit-il. Savoir ça l'a rendu dingue ! Il a sauté du boxe comme s'il voulait étrangler Abalon qui faisait quatre fois sa taille… Je comprends aisément qu'il ait eu l'envie irrésistible de lui fermer son maudit clapet… Les Limpians restaient de marbre sans lever un doigt pour nous aider. Puis Abalon a projeté Ten au sol et pendant qu'il commençait à mourir et a aspiré sa souffrance. Nous le savons parce qu'il a expliqué ce qu'il lui faisait. Ensuite, il a dit qu'il n'allait pas s'arrêter là et prendre aussi la frustration et tous les désirs inassouvis, les regrets et les colères… En entendant ça, le Seigneur de guerre a ordonné à Nine de le mettre KO – je ne sais pas pourquoi je n'y ai pas pensé – c'était évidemment la seule chose à faire.

— Je ne comprends pas très bien dans quel but cet Abalon a fait cela, reconnut Clara qui une fois libre, était partie s'agenouiller près de Ten qui poussait un faible gémissement.

— Oh nous l'avons vite compris, répondit le Seigneur de Guerre. Je serais bien curieux de comprendre le processus mais après avoir aspiré une partie de l'essence vitale de celui-ci, il a soufflé par ses narines une noirceur qui s'est mise à prendre forme et à lui ressembler, expliqua-t-il avec un hochement de tête en direction de Ten. Il a continué avec un rire : « Comme ça tu ne veux pas partir ? Mais bien volontiers, moi je t'ai entendu ! Viens à moi et sois le Valeyard des prophéties ! ».

— Oh non ! fit Clara en caressant affectueusement les cheveux de Ten. Ce n'est pas possible que ce soit lui le Valiarde! Pas lui…

Ten battit des paupières et tenta de parler difficilement.

— La peste soit de tous mes doubles ! réussit-il à dire. Promis, la prochaine fois, je meurs pour de bon…

Clara essuya des larmes sur ses joues.

— Ah voilà que je vous fais pleurer alors que j'essayais d'être drôle pour…

La fin de sa phrase se perdit dans une toux inquiétante et l'on ne sut jamais ce qu'il allait dire. Car à cet instant, les portes de l'antichambre s'ouvrirent une dernière fois pour eux, tandis que d'effrayantes créatures pâles en costume noir tendaient leurs bras disproportionnés et leurs mains énormes vers eux, en happant leurs regards stupéfaits vers leurs visages de mort. Seuls le douzième Docteur et Clara les reconnurent. C'étaient des prêtres confesseurs du Silence. Leur présence expliquait comment leur mémoire avait été manipulée.

— Oh c'est vraiment parfait ! laissa échapper Twelve. Des Silences ! Qu'ils soient maudits !

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