Règles et Principes du Grand Jeu de Duane

Chapitre 10 : Epilogue : Un magnifique spécimen de petit salopard

Chapitre final

2232 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 09/11/2016 15:15

Nota bene : cet épilogue n'est qu'une introduction à mon épisode suivant. Il est dispensable.L'histoire s'arrêtait au chapitre précédent quand les Silences ont effacé implacablement la mémoire de tous les Docteurs, afin qu'ils ne gardent aucun souvenir des événements qu'ils venaient de vivre.

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ÉPILOGUE

— … Serait-il possible que cet indigne petit… Zygon dont vous m'incitiez à pardonner la jeunesse, vous ait blessé plus gravement que prévu ?

Le Docteur cligna des yeux. Pendant un bref instant de déphasage, il s'était attendu à ce qu'elle dise autre chose que « Zygon » sur lequel elle venait d'hésiter. Indigne petit quoi ?

Peu importe, soupira-t-il. Je suis assez capable de suivre moi-même les bons conseils que je vous ai donnés. Je ne lui en veux pas…

Elle s'était croisé les bras et avait répondu de ce même ton trop patient qu'elle devait prendre avec les petits de sa classe :

Je ne vous demande pas si vous lui en voulez, je vous demande s'il vous a blessé. Comment pourrais-je vous réconforter si vous ne dites pas ce qui ne va pas ?

Vous n'avez pas à me réconforter, Clara.

Il se sentit inexplicablement mal à l'aise en prononçant cette phrase. Comme si ce mensonge lui devenait lentement plus insupportable que jamais… Comme il l'avait injustement maltraitée aujourd'hui à bord de la Caravelle du Corsaire* ! Elle ne méritait certainement pas ça. Pourtant, elle voulait quand même le réconforter ? La pauvre petite, dans sa tenue d'écolière fripée, était dans un état si pitoyable qu'il ne voyait pas bien comment l'envisager sans se faire l'effet d'être – plus encore que d'habitude – un affreux pervers.

N'avez-vous pas dit que j'étais votre amie ? C'est le rôle des amis d'apporter du réconfort quand c'est difficile, vous ne croyez pas ? continuait-elle sur sa lancée.

Elle n'avait manifestement aucune envie de le laisser partir sans le cuisiner là-dessus. Il n'entendait pas rester car il fallait qu'il sorte. Après avoir passé tout ce temps enfermé et à essayer de respirer le moins possible pour limiter l'effet de… quoi ? Oui, la Brume. Il ouvrit lui-même la porte et fit quelques pas au dehors. Elle l'avait suivi.

Oh, très bien, vous voulez que je devine… Il a essayé de vous amadouer en prenant des visages qui ont encore du pouvoir sur vous ? River ?

Oui, il a essayé. Mais il faut reconnaître que River, à l'état naturel, était bien pire que lui…

La si fraîche et si troublante Mlle Rose ?

Un léger vertige prit. C'était si étrange d'entendre Clara parler de Rose comme si elle la connaissait. C'était étrange et troublant.Pressé d'en finir, il ne voulait que rentrer chez lui. Au Tardis.

Oui, elle aussi puisque vous insistez ! Et le moindre compagnon homme ou femme auquel j'avais le malheur de d'essayer de ne pas penser devant lui… Mais ce n'est pas le problème.

Votre culpabilité envers eux n'est pas le problème ? J'ai bien fait de vous poser la question…

Il ferma à demi les paupières pour masquer l'éclat de son regard, mais mû par une impulsion de tendresse, il porta sa main à ses lèvres pour embrasser légèrement le dessus de ses phalanges, en éludant la question.

Je reviendrai bientôt, promit-il à l'encontre de ce qu'il faisait d'habitude.

Il lâcha sa main et regagna son vaisseau, perturbé par l'impression de déjà-vu persistante qui lui donnait une légère nausée.

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Il n'y repensa pas tout de suite cependant, parce qu'en ouvrant la porte du Tardis, il s'aperçut qu'il y avait quelqu'un à l'intérieur. Un étrange jeune homme brun, revêtu d'un accoutrement invraisemblable dont l'élément le plus bizarre était un marteau, attendait debout près de la console.

— Que faites-vous dans mon vaisseau ? questionna froidement le Docteur, outré par cette intrusion incompréhensible. Et pendant que j'y suis, comment diable êtes-vous entré ?

— Docteur ! J'ai attendu longtemps votre retour ! Tardis m'a tenu compagnie… Aimez-vous mon nouveau tissu ?

— Votre… quoi ? Êtes-vous fou ? Je vous demande ce que vous faites-là et comment vous êtes monté à bord !

Le jeune homme le regarda fixement en battant plusieurs fois des paupières, puis il se redressa.

— Tardis m'explique que vous ne me reconnaissez pas. Je suis Otto, j'ai transmaté depuis Velquesh directement ici et je vous attendais car un grand malheur est arrivé : nous avons perdu la munificente Riversong. Je dois la retrouver vite car mes pères sont périssables et ne peuvent attendre longtemps que je revienne**.

— Otto ! Tu es méconnaissable !

— C'est mon nouveau tissu ! confirma l'androïde. Venez vite sur ma planète. J'ai demandé à Tardis et à Cal où était Riversong mais ils ne savent pas. Mes processeurs courent trop vite à la pensée qu'elle pourrait être détruite.

— Comment ça « détruite » ?

— Je crois que vous utiliseriez le mot… « morte ».

Le Docteur secoua la tête avec un air qu'il voulait rassurant.

— Non, fit-il avec un sourire légèrement supérieur, si River était morte, je crois tout de même que je l'aurais…

Il ne finit pas sa phrase, la main portée à la poitrine, son visage dépeignait une profonde incrédulité. Là où d'ordinaire ses souvenirs d'elle palpitaient dans un chatoiement irisé infini, il ne ressentait que le vide désolé d'un espace froid… Il mit un petit moment avant de se réaliser que du fait de leur « divorce », le lien entre eux s'était distendu, ce qui pouvait aussi expliquer le symptôme qu'il ressentait à cette minute.

— J'entends vos deux processeurs qui courent trop vite aussi, commenta platement Otto.

— Mêmes causes, mêmes effets, grommela le Seigneur du Temps en programmant la destination de Guernö. Que s'est-il passé ?

— Le troublant automate de Chair où vivait l'esprit de la glorieuse Riversong a éclaté lors d'une tentative de transmat. J'ai les images dans ma main si vous voulez les voir.

Le Docteur haussa un sourcil et avec un léger sourire en coin, il demanda sur un mode purement conversationnel tout en pilotant :

— Je serais bien curieux de savoir comment un être cybernétique comme toi peut envisager d'être troublé par la chair…

— Je parle trop vite et de façon imprécise, reconnut Otto un peu contrit. Seul l'esprit de Riversong m'est une source de trouble. Mais, quelques-uns de mes pères voient leurs fonctions physiologiques altérées à sa seule vue…

— Hum, j'ai une petite idée de ce que tu essaies de dire par là. Lequel en particulier ?

— Tardis me recommande de ne pas vous le dire. Tardis est toujours de bon conseil et bienveillant pour moi.

— Otto, tu espères mon aide tout en suggérant que je ne suis pas bienveillant ? joua un peu le Docteur tout en manipulant les réglages de la console.

Otto pencha la tête en avant tout en continuant à le regarder par en dessous, dans une assez bonne imitation d'une émotion localisée entre la crainte et le défi.

— Non, rassurez-vous, je suis encore en deçà de la suggestion. Mais je vous remercie de m'apprendre, répondit Otto. Grâce à vous je pourrais devenir un jour un redoutable mark IV.

Le coup de gong sourd du Tardis qui venait d'atterrir interrompit cette conversation que le Docteur trouvait très stimulante. Il savait que Quentin Cormack ne l'autoriserait jamais, mais il se demandait s'il ne pourrait pas envisager de voyager avec Otto un peu, avant qu'il ne devienne… ce qu'il était destiné à devenir.

— Pars devant rassurer ceux qui doivent te chercher Otto. J'ai un ami auquel je dois rendre visite.

— Vous avez oublié d'emporter Claraöswin. Vous n'avez donc pas d'ami ici, objecta Otto.

Le Docteur soupira. Il porta sans réfléchir sa main à la poche intérieure de son veston.

— Laisse-moi vérifier par moi-même si c'est bien le cas, veux-tu ? Je te rejoindrai après.

Otto inclina la tête et ne prit même pas la porte. Il s'éclipsa plutôt dans un halo de lumière blanche qui laissa le Docteur stupéfait. Combien de temps était-il resté loin de Velquesh, au juste ?

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En regardant sa main, il vit qu'il avait sorti la lettre d'Amy et celle de Reinette aussi, ce qui le laissa perplexe. Il ne les déplia pas. N'étaient-elles pas le symbole même de ceux pour qui il était arrivé trop tard ? Il les rangea sans les relire parce qu'il les connaissait toujours par cœur, mais dans le geste un peu tremblant qu'il faisait pour les empocher, une autre enveloppe inconnue s'échappa et tomba sur la grille près de la console.

Étonné, il la ramassa, car il n'avait aucun souvenir d'avoir reçu un autre courrier qu'il aurait pu vouloir conserver à cette place. Il l'ouvrit avec curiosité et l'incrédulité se peignit graduellement sur son visage.

Il était venu exprès dans l'intention d'aller voir Jack pour lui poser des questions sur ce qui était arrivé à River. Et comment il avait pu faillir à la protéger. Et voilà qu'il y avait soudain cette lettre insensée qui lui donnait une seconde bonne raison d'aller l'interroger...

Le Docteur sortit du Tardis qu'il avait garé dans une ruelle de Guernö. Il tourna à l'angle sur la rue principale et marcha quelques mètres jusqu'à ce qu'il voie sur un immeuble la plaque « H&S Investigations ».Dans l'ascenseur, il sentit déjà, à mesure qu'il gagnait l'étage où les bureaux se trouvaient, l'écho violent et répulsif d'une aberration temporelle monumentale se répercuter par vagues. Jack était là, au moins. Il inspira plusieurs fois en fermant les yeux. C'était toujours aussi dur de lutter contre l'aura de point fixe horrifiante qui entourait le Capitaine… Il serra les dents et sonna à l'entrée de l'agence sur le palier. Celle-ci s'ouvrit automatiquement à distance.

Par la porte ouverte de l'un des deux petits bureaux, il vit le regard aigu et ravagé de Jack se poser sur lui avec avidité et une sorte de rage contenue… Le Docteur sourit très fugacement face à ce spectacle, parce c'était très exactement ce qu'il ressentait lui aussi pour ce magnifique spécimen de petit salopard…

Il s'avança en soupirant vers son bureau. S'il en était déjà aux insultes silencieuses, ça promettait.

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FIN

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Notes de l'auteur :

* Ce passage se situe à la fin de l'épisode 4 (Allons sauver le Corsaire), il serait donc normal que vous ayez, vous aussi et comme le Docteur, une "impression de déjà vu"...

** L'androïde Otto est un personnage original présent dans mes épisodes 2 et 3 (From Vegas with love) également publiés ici.

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