Règles et Principes du Grand Jeu de Duane

Chapitre 8 : Le réquisitoire d'Abalon

4683 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 05/06/2015 13:57

CHAPITRE VII

Le juge Harmond considéra l'assemblée qui lui faisait face avec patience. Il se racla la gorge en indiquant par là qu'il avait l'intention de poursuivre. Il regardait son protégé qui restait debout en dépit de la libération d'un boxe maintenant que sa petite compagne était partie. Avait-il l'intention de tout chambouler à la dernière minute ?

Il était vraiment fier de son petit Seigneur du Temps et de l'avoir subtilisé à Krane… L'introduire dans le Jeu c'était presque aussi terrible que ne pas le faire. Son choix de refuser l'épreuve les lésait tous gravement, mais lui permettrait d'être moins exposé au Prochain Tour. Ce serait donc un Tour où les Adversaires auraient l'avantage. C'était bien malheureux. Tout était question de stratégie dans le Grand Jeu de Duane. Qu'on appelle quelqu'un trop tôt et il échouait. Qu'on appelle quelqu'un trop tard et il n'avait plus la puissance nécessaire pour anticiper face à un ennemi devenu plus fort…

Le Docteur avait été étonnamment perspicace et sage en choisissant son prédécesseur comme substitut pour l'épreuve, pourtant. A la base, c'était celui qui était prévu. Avec le dixième, on avait frôlé la catastrophe sur Mars. Les radiations nocives qu'il avait absorbées précédemment le corrompaient sans qu'il voie comment ni jusqu'où. Il avait fallu précipiter sa régénération pour le sauver. Ensuite, ils n'avaient plus tellement le choix. Ils s'y étaient mis activement à plusieurs pour bétonner son dossier. La dernière incarnation devait être assez mûre pour qu'ils puissent lui proposer de jouer dans une autre catégorie bien supérieure. Après sa mort.

Celle-ci avait d'ailleurs été parfaite ! Le couronnement d'années de sacrifice, de compassion et de lutte constante pour ses idéaux et la protection des plus faibles. Il était mort de vieillesse, sans le moindre regret, sans le moindre égoïsme. Il était prêt à être élevé. Son chiffre était la clé : Eleven.

Le juge Harmond ne pouvait que se féliciter de s'être allié à Offerdith. Mais comme à chaque fois qu'elle était impliquée, ces pauvres petites créatures avaient du mal à supporter sa puissance… Et alors Clara, la si parfaite toute petite Clara – qui avait voué délibérément une dizaine de ses incarnations au Docteur, au détriment même de sa propre évolution – avait commencé à développer pour lui une affection et un attachement romantiques contre lesquels elle aurait dû être mieux immunisée…

Pourtant celui qui devait être le tout dernier Docteur devait absolument être protégé en l'ancrant solidement sur tout ce qui lui manquait. Ce n'est pas juste une nouvelle compagne aimante qu'on lui avait donné, ou des amis nombreux comme ils l'avaient tenté pour Ten. C'était toute une famille. Oh le bougre avait résisté à tomber dans le puits émotionnel des Pond et de leur fille… Mais ça avait fini par marcher jusqu'aux Anges Pleureurs. Pour ne pas tout ruiner, ils avaient in extremis dépêché Clara, encore une fois.

Et puis au bout du bout, alors que c'était presque gagné et qu'ils anticipaient de récupérer un sage, Clara incapable de se résoudre à le perdre avait supplié les Seigneurs du Temps de lui donner d'autres régénérations. Evidemment les Adversaires s'étaient engouffrés littéralement « dans la brèche » en ouvrant la grande craquelure. Et les Seigneurs du Temps prisonniers (qui voulaient être libérés) avaient consenti au vœu de Clara, en implantant dans leur cadeau le germe d'une dette à rembourser. Il était même possible que ce pisse-froid de Krane qui lui en voulait toujours, soit derrière tout ça.

Et maintenant, voilà que le Docteur était parti pour douze nouvelles incarnations. Et la première décision qu'il prenait, c'était de s'éloigner le plus possible émotionnellement de Clara, et pire : de River. Avec les meilleures justifications du monde. Chassez le naturel… Pourtant cette fois, Offerdith n'avait plus mille ans pour le travailler au corps. Non pas qu'elle déteste ça du reste, mais…

Il regarda le Docteur resté debout, qui justement la regardait fixement. Allons, il fallait parler. Attendre ne servait plus à rien. Le Réquisitoire d'Abalon était proche et tout le monde allait trembler. S'il avait une carte à jouer, il fallait le laisser faire.

.°.

Le juge Harmond reprit la formule rituelle :

— Très estimés juges du Grand Jeu de Duane, compagnons, surveillants arbitres et membres de la Partie Adverse, je vais tenter une dernière fois de faire enregistrer notre verdict dans l'affaire du Seigneur du Temps renégat autoproclamé « Le Docteur », fils de Ras-Al-Huon, comte de Prydon, anciennement sous la tutelle du Juge Krane que je remplace très avantageusement. Après examen conjoint du dossier par les Juges Zeiss et Offerdith, il a été constaté d'une part que le Docteur n'était pas en mesure de se qualifier pour la Proposition à la date butoir et d'autre part qu'il a refusé l'épreuve de rattrapage proposée en dernier recours par le Juge Offerdith et acceptée très sportivement par la Partie Adverse… Notre Commission est donc au regret d'informer l'assemblée des Limpians que nous ne disposerons pas d'une candidature valide pour le Prochain Tour du Jeu.

Eleven se manifesta en s'avançant vers lui.

— Excusez-moi. Puis-je proposer quelque chose ?

— Il est trop tard, microbe, maugréa le Juge Zeiss depuis son fauteuil.

— Oh, vous savez, j'ai bien du mal avec cette notion… Si je comprends bien, c'est grâce à la bienveillance particulière du Juge Offerdith que cette… hum… « session de rattrapage » a été mise en place et il faut me faut un minimum deux voix en ma faveur. Je crois vaguement saisir les motifs qui sous-tendent mon échec programmé...

— Programmé ? releva Zeiss en colère. Vous avez reçu des aides tellement nombreuses que ce…

— Oui, oui, oui, le coupa-t-il. Pardon mais c'est vous qui êtes pressé. Je voudrais demander – humblement – au Juge Offerdith de descendre ici afin de lui permettre de recevoir, en personne, l'offrande symbolique qu'elle semble réclamer de ma part…

— Le temps est dépassé, tonna Zeiss qui, une fois calmé, semblait avoir spontanément repris du poil de la bête et son rôle de porte-parole.

— C'est vous qui voyez. Mais ça ne va pas me prendre plus d'une minute. Et croyez bien que je ne fais cela que pour me montrer arrangeant…

— Ce serait bien la première fois et l'un de vos pires mensonges ! Si vous aviez réellement voulu l'être, vous auriez passé l'épreuve comme on vous l'avait demandé au départ, rétorqua perfidement le Juge Zeiss.

— Je n'ai que peu de notions de ce qu'on appelle chez les poètes « l'élégance du cœur », mais je suis ravi de voir qu'apparemment ce n'est pas un critère car vous en êtes démuni et ça ne vous empêche pas d'être là, à me juger. Vous ne sauriez me reprocher de manquer de ce que vous n'avez pas vous-même… Cette épreuve était inutilement cruelle. Et j'ose penser cruellement inutile... Je ne veux pas infliger plus de souffrance à mes autres « moi ». Vous désirez un témoignage de soumission ? Une preuve de mon allégeance qui vous rassurerait ? Ok. Je ne suis plus à ça près, car j'imagine vu l'endroit trop célèbre où je me trouvais avant d'être ici, que je suis au bord de ma propre fin. Vous n'avez pas de pitié d'obliger ainsi un homme de mon âge à faire ce genre de chose et en public par-dessus le marché, mais je veux bien, si le Juge Offerdith est d'accord.

Il jeta un coup d'œil et un sourire en coin à Twelve et au War Doctor. Que pouvait-il faire sinon suivre le conseil de Jack et mettre un genou en terre face à Offerdith ? S'incliner « symboliquement » devant l'Amour ?

— Vous ne pouvez pas changer les règles à votre convenance ! répondit le Juge Zeiss, en cela bien soutenu par un murmure approbateur diffus dans la salle.

— Sûr que le jour où l'on fera un jeu idiot sur ce thème, c'est moi qui distribuerai les trophées... commenta-t-il avant de se tourner vers celle qui siégeait en silence depuis un moment.

Le Juge Offerdith se leva et soupira d'un ton boudeur parfaitement factice.

— Allons finissons-en, qu'on puisse passer au Réquisitoire…

Le juge Harmond regagna son siège pour lui laisser un peu de place car ils tenaient mal à deux dans ce tout petit espace. Eleven regarda les autres Docteurs, avec son sourire flou, comme s'il semblait quêter cette fois leur appui et leur approbation.

Il se pencha en arrière pour contempler la taille ridiculement grande de celle qui lui faisait « face ».

— Je suppose que si m'adresse à votre tibia, ça compte aussi…

— Es-tu en train de suggérer que je passe pour toi une tenue plus confortable ? dit-elle de sa voix impossible et suave qui leur mettait la chair de poule.

— Juge Offerdith, vous parlez bien comme ma quatrième femme… et de façon tout aussi intimidante.

— C'est elle qui parle comme moi. Oui ou non, pour la tenue ?

— Et bien, répondit-il délicieusement confus, ça dépendrait de la tenue. Surtout si vous avez d'autres traits de caractère en commun avec elle…

— Pourrait-on cesser ce badinage insupportable ? fit Zeiss impatienté.

— Non ! répondit Offerdith. Avez-vous donc oublié pourquoi nous sommes là ?

— Ma patience et celle de cette Cour ont des limites qu'il ne vaut mieux pas titiller, avertit-il.

Le juge Offerdith inclina sa tête et muta soudain en rapetissant vertigineusement. Eleven ne mit pas longtemps à comprendre ce qu'elle venait de faire : se remodeler sur la forme de River. Toutefois, elle ne s'arrêta pas là, à sa grande surprise. Une fois les boucles dorées et les beaux yeux bleus en route, le bouton de rose de sa bouche prit un modelé encore plus délicat, sa peau devient encore plus fine, et ses traits plus angéliques à l'arrivée, elle faisait la moitié de sa propre taille à lui…

Elle venait de lui offrir un miracle totalement inédit. Quelque chose d'impossible qu'il n'avait jamais vu et qu'il n'aurait jamais pu voir. River enfant. Non pas la toute première Melody Williams brune qui appelait le Président Nixon parce qu'un costume d'astronaute vide terrifiant la poursuivait. Non pas la jeune Mels Zucker et son teint de chocolat qui avait grandi avec les Ponds... River était arrivée directement dans une incarnation adulte. Aussi la fillette qu'il avait sous les yeux n'avait-elle jamais vraiment existé.

Il tomba à genoux devant elle, ne sachant quoi faire de ses grands bras.

— Oh, non ce n'est pas possible… dit-il en essayant de contenir son émotion qui menaçait de déborder par les yeux.

Il tendit la main, n'osant pas la toucher. Le sourire qu'elle avait était au-dessus de l'âge qu'elle affichait. Il se décida à la prendre dans ses bras pour la serrer convulsivement et puis embrassa son front.

— C'est magnifique, merci ! dit-il avant de se détourner pour passer une main sur son visage pour effacer quelques larmes furtives qui coulaient sur son sourire.

Une voix aux accents plus cristallins que celle qu'il connaissait demanda :

— Donc tu aimes ce que tu vois ?

— Oui !

Le Juge Offerdith s'écarta du Docteur puis se tourna vers les Mains anonymes et déclara en détachant les mots qu'elle fit résonner très fort malgré son tout petit gabarit actuel :

— Greffiers, veuillez enregistrer que le Seigneur du Temps ici présent sous le nom du Docteur, subjectivement localisé au cours de sa douzième incarnation physique, vient de témoigner qu'il était finalement accessible aux puissances et réalités de ma fonction. Devant cette Cour, il s'est spontanément agenouillé et remis entre mes mains, sans coercition aucune. Par là même, il accomplit l'épreuve de rattrapage et je déclare que je rejoins le Juge Harmond en lui donnant mon vote. Selon la loi du Jeu de Duane, ce Docteur est donc officiellement qualifié pour la Proposition qui interviendra ultérieurement. Gardes, emmenez-le !

— Mais… ? fit Eleven pendant qu'on l'embarquait. C'est lui que je représente ! Ne m'emmenez pas !…

Personne n'avait entendu sa protestation car un tumulte indescriptible retentissait dans toute la salle. Des gens se levaient, renversaient leur chaise de colère en hurlant face à ce qui avait l'air de leur apparaître comme un certain reversement de situation.

Et pour la première fois, les quatre Docteurs restants les virent nettement. Ce n'étaient pas du tout des gens. Enfin, si une moitié de la salle présentait un aspect relativement trompeur de public normal, l'autre moitié était remplie de ce qui avait l'air d'être purement et simplement… des démons.

.°.

Les Docteurs se consultèrent du regard. Alors qu'un immense démon cornu était en train de s'avancer d'un pas tranquille vers le centre de la pièce, sous les vivats et les approbations de sa moitié de salle, le War Doctor et Nine comprirent qu'il semblait familier aux deux autres en notant leur réaction de recul.

Le Juge Zeiss martela un coup de tonnerre pour faire établir le silence et dit :

— Honorable assemblée, il est temps à présent d'entendre le Réquisitoire et les préconisations de la Partie Adverse dans le choix de son propre champion. Nous appelons Abalon, la Bête.

— Le choix de quoi ? releva Twelve.

Abalon se mit à rire lentement et approcha des boxes une tête monumentale et dépourvue de nez.

— Un petit instant, ça vient. Nous autres ne sommes pas comme eux, nous allons tout vous expliquer et vous dire la vérité, ça devrait vous changer.

Il plissa les yeux et écarta les narines creuses, avant de scruter chacun des Docteurs présents. Lorsqu'il s'arrêta sur Ten, il étira un rictus amusé et satisfait.

— Salut toi ! Un peu surpris de me revoir, n'est-ce pas ?

Ten hocha la tête sans rien dire, le regard assombri.

— Oh, voyez comme j'ai séché le flot intarissable du bavard ! fit Abalon en ayant l'air content de lui. Juge Zeiss, vous auriez dû me demander de faire l'ouverture, on aurait gagné du temps…

— Procédez, l'invita le Premier Juge sans autre commentaire.

Abalon se dressa et mit les mains dans son dos qui était toujours aussi large, toujours aussi musculeux et toujours aussi rougeoyant, comme les deux braises pointues qu'il avait à la place des yeux. Sa mâchoire s'entrouvrit dans ce qui devait être un sourire mais ressemblait juste à une grimace abominable.

— Triade limpiane, compagnons, surveillants arbitres et… Docteurs, je vous annonce que le choix de mon champion est quasiment arrêté. Mais j'ai trouvé fort édifiante votre suggestion « d'épreuve révélatrice », et je souhaite l'adapter afin de me conformer également à votre notion d'inattaquabilité du verdict…

— A quoi pensez-vous ? demanda le Juge Harmond.

— Laissez-moi un instant pour éclairer d'abord ces pauvres créatures que vous avez appelées au Tableau de Jeu et leur expliquer ce que vous leur avez fait… Docteurs, sachez que vous avez été appelés pour servir les desseins et les intérêts des Limpians ici présents dans le Jeu de Duane. Même s'il n'en a pas l'air, le Jeu de Duane est l'exaltation même de la plus stricte équité entre les adversaires qui disputent une partie. Nous entendons par là que tout avantage consenti à un joueur – ici il s'agit plutôt d'un groupe de joueurs car c'est un jeu d'équipe – tout avantage consenti d'un côté, devra trouver sa contrepartie de l'autre. C'est l'une des règles majeures. Nous autres commençons à connaître les méthodes louches et subversives des Limpians qui n'utilisent pas sans raison un habillage légal pour leurs convocations, et se permettent d'exploiter ainsi avec brio de nombreux « vides juridiques », en jouant sur l'ambiguïté des formules et sur la façon de les interpréter. Le « Juge » Harmond a été tout à l'heure assez bon pour nous gratifier d'un exemple en direct, en escamotant par un vil tour de passe-passe, la très petite créature humaine qui aurait fait pourtant un merveilleux support… Sachez que je ne me le tiens pas forcément pour dit… Docteurs, vous avez été rassemblés ici dans vos dernières incarnations, parce que ceux-ci veulent jouer avec vous…

— Qu'entendez-vous par « jouer avec » ? interrompit le War Doctor. La formule prête à confusion.

Abalon lui souffla dans le nez un rire chargé d'un acre parfum de souffre.

— Précisément. Bienvenue dans le monde si nuancé des Limpians !

Il se redressa à nouveau et repris sa marche en cercle pendant qu'il continuait :

— Ah j'en profite pour vous dire… Si vous aviez jamais eu la tentation de croire que vous étiez des joueurs dans cette partie, permettez-moi de vous indiquer que vous n'êtes qu'une des pièces du Jeu. Une pièce certes particulièrement travaillée et puissante, si l'on compare avec d'autres. Mais pas des joueurs à part entière. Enfin, vous ne l'étiez pas jusqu'à ce que l'un d'entre eux se mette à croire que vous seriez plus efficace en étant une « pièce consciente ».

Il rit.

— Un pion qui réfléchit en somme ! Moi, je n'ai rien contre le fait de corser la partie. Admirez pourtant avec moi l'étendue de ce marché de dupes : ils vous flattent en vous faisant croire que vous allez pouvoir peser et influer sur le cours des choses. Ne l'ont-ils pas toujours fait ? Ils savent que vous adorez cette illusion-là. Mais en réalité vous ne faites qu'exécuter ce qu'ils s'attendent à vous voir faire. Ne vous croyez pas imprévisible. Vous l'êtes atrocement. Il est excessivement facile de tirer sur les fils de votre marionnette… Oh, je vois que je vous choque. Vous avez si peu l'habitude qu'on vous dise la vérité que vous vous êtes fait une fierté d'être un menteur vous-même. Où sont les pervers ? s'amusa-t-il.

— Tout autour de nous, lâcha Nine plutôt froidement.

Abalon le gratifia d'un monstrueux sourire.

— Oui, un point pour vous ! Mais comprenez qu'il en a aussi à votre droite, à votre gauche, et encore plus face à vous dans le miroir… Où en étais-je ? Loi d'Equité, c'est fait. Simple pion dans un jeu de dupes, c'est fait. Marionnette facile à manipuler, oui !... Je voudrais vous aider à comprendre que le Jeu où vous avez été appelé à votre corps défendant pour permettre à ceux-ci d'espérer gagner, impose que l'avantage qu'ils viennent de se consentir en sélectionnant un nouveau poulain à cravacher, trouve une contrepartie équivalente pour mon propre camp. Je vois d'ici à vos têtes peu enthousiastes combien vous n'avez pas idée du cadeau qui vous est fait... Certes le Jeu de Duane est terrible. Je ne saurais vous dire qu'il est fatal tant vous avez perdu de vue, vous les fils de Krane, le sens profond de ce mot et la terreur implacable avec laquelle il aiguillonne les autres espèces…

— Et c'est moi qui suis taxé de bavard ! soupira Ten.

Abalon s'interrompit dans son monologue. Pas sûr qu'il fut réellement vexé tant son sourire était terrifiant. Il se tourna vers la Triade, puis vers la salle.

— Très bien. A sa demande implicite, je vais donc à présent désigner celui qui va nous rejoindre.

Twelve se leva d'un bond.

— Il est hors de question que nous nous prêtions plus longtemps à cette mascarade ! Personne ne va rejoindre personne !

Abalon tordit à nouveau sa bouche et tendit un doigt incandescent vers lui en l'obligeant à se rasseoir tant la chaleur qu'il dégageait était forte.

— Toi, tu étais mon second choix ! prévint-il en détachant les mots avec une forme de délectation. Il n'est pas question ici de ce que tu veux ou ne veux pas. Il est question de ce que nous avons besoin, nous. Tu n'as pas de pouvoir ici. Tu n'as pas remarqué ? Tes gadgets sont inutiles, les tours de mentaliste et de medium avec lesquels tu impressionnes les créatures moindres, sont sans effets et même l'assistance du grand esprit protecteur qui t'accompagne et te veille, t'est retirée. Pourquoi n'as-tu pas tes pouvoirs ici, petite chose ?

— Parce que je ne suis pas « ici », répondit Twelve sans sourciller.

— Oui et non. C'est compliqué ! le parodia Abalon. Allons, laissons cela, je ne vous fais pas languir.

Le War Doctor se leva à son tour.

— Ça suffit maintenant. Nous savons tous que vous ne pouvez choisir que moi. J'ai détruit un nombre de gens considérable dans la Guerre du Temps et tout mon peuple avec !

La grosse tête du démon se mit à dodeliner de droite et de gauche, comme la marque de son hésitation.

— Et je dois bien admettre que toi, tu m'as vraiment impressionné. Franchement, maintenant je peux vous avouer qu'il y a eu débat. Quand on voit un joueur marquer des buts à ce point contre son propre camp, ça laisse rêveur ! Nous étions à ça de réclamer une élévation immédiate dans nos propres rangs ! C'était grandiose.

— Et puis quoi ? Ce n'était pas assez ? Qu'est-ce que je pourrais bien avoir fait de pire que ça à l'avenir ?

— Ce n'est pas un problème d'éthique ou de morale. Enfin pas tellement. Je ne sélectionne pas celui qui a fait les pires choses, auquel cas tu aurais certainement gagné haut la main.

— Puis-je me permettre de demander alors ce que j'ai de moins que mes aînés ? répondit le War Doctor en levant un sourcil.

— Tu n'y es pas. D'abord, les Limpians t'ont menti (oh surprise) et ton peuple n'est pas « détruit » mais provisoirement mis hors-jeu. Ce qui est assez drôle compte tenu du fait que ça pourrait être un provisoire qui s'éternise. En plus, cet acte tu le portes comme une croix. Je sens d'ici et chez tous les autres, la puanteur des regrets et de la culpabilité qui ternissent considérablement l'éclat bravache de ton geste magnifique. Non, ne le prends pas personnellement, je reconnais tes mérites, mais tu n'es pas choisi. Il te fallait encore mûrir un peu.

— Allons bon, fit Nine en levant les yeux au ciel, si ce n'est ni le War Doctor ni Twelve, alors c'est entre lui et moi, c'est bien ça ? dit-il en désignant Ten.

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Note de l'auteur : A quelques exceptions près, vous avez tous loupé le chapitre 6 car le carousel des nouvelles fics a été inondé le jour de sa sortie.Pas de bol, pour une fois que Jack déclarait son amour au Docteur... 

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