Règles et Principes du Grand Jeu de Duane

Chapitre 6 : Votre très dévoué Jack

4495 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 08/11/2016 08:28

CHAPITRE V

« Docteur ? Vous n'allez pas l'ouvrir cette lettre ? » fit la voix de Clara au bout d'un moment.

Le onzième Docteur la rangea dans sa poche. La pluie continuait de tomber et il rebroussa chemin dans l'espoir de gagner Central Park avant qu'il ne fasse nuit. Il n'avait pas d'endroit où aller puisqu'il n'avait pas de Tardis. Mais peut-être pourrait-il au moins retourner là où il était déjà allé une fois, avec Amy et Rory ?

— Non. Du moins pas tant que je ne serai pas seul.

« Les Juges veulent que vous la lisiez à haute voix » l'informa-t-elle.

— C'est du courrier privé. Non.

« Je dois vous dire qu'ils ne sont pas contents ».

— Oh, nous voilà avec enfin quelque chose en commun… Tout ceci commence à m'ennuyer profondément. J'en ai assez vu. Je veux arrêter.

« Euh… Ils disent que vous ne pouvez pas. Et que vous devez lire la lettre ».

— Ma chère mademoiselle Clara, vous n'avez qu'à leur dire que s'ils veulent des lettres d'amour, ils n'ont qu'à se débrouiller pour en avoir qui leur soient adressées ! Qu'ils voient un peu si c'est facile...

« Votre rébellion n'est pas appréciée ».

— Il n'y a de rébellion que face à une autorité que l'on reconnait. Pour l'instant, ils se comportent en autocrates, grand bien leur en fasse. Cette épreuve est un non-sens complet car cette jeune femme qui lui ressemble comme une sœur, n'est pas Rose, il n'y a aucun risque qu'elle me reconnaisse. Je suis juste un inconnu. Elle n'a jamais rencontré aucun d'entre nous… Pourquoi espère-t-on que je vais me laisser abuser ou tenter par ce qui n'est qu'un magnifique mais douloureux simulacre ? Je n'ai pas tissé de liens avec cette personne, je n'ai pas voyagé avec elle, ce n'est pas celle qui m'a sauvé la vie, ce n'est pas celle que j'ai fait sourire ou fait pleurer. Il n'est pas très difficile de constater par ailleurs que toute sa vie tourne autour de son fils et qu'elle chérit comme le seul lien qui la rattache toujours au souvenir d'un homme de son passé…

« Vous ne croyez donc pas au coup de foudre ? Euh… la question ne vient pas de moi et je vous suggère de peser soigneusement votre réponse… » l'avertit Clara.

— Que puis-je répondre à cela ? Les Seigneurs du Temps n'y sont guère sujets, cela ne fait pas très couleur locale… Mais j'ai vécu assez longtemps pour le voir à l'œuvre chez d'autres espèces.

« L'un des Juges vous traite en ce moment de rhétoricien et ça n'a pas tellement l'air d'un compliment… Il dit : les Seigneurs du Temps n'y sont pas sujet certes, mais qu'en est-il de vous spécifiquement ? »

— Oserai-je vous répondre que « moi spécifiquement », j'aime parler face à face avec mes ennemis. Et que je ne suis guère enclin à évoquer ma vie sentimentale devant des étrangers hostiles…

« Là… vous les avez bien énervés… Ils sont furieux et ils disent que vous êtes un imbécile ».

— Oui, oui je sais, répondit le Docteur.

« Vous savez ? »

— Oui. Demandez-vous pourquoi ils sont furieux si ce n'était parce qu'ils attendent quelque chose de moi, ou de nous, et parce que je ne fais pas ce qu'ils attendent... Ils m'insultent en pensant que ça va me pousser à réagir. C'est finalement assez dépaysant ! Je pensais que ma réputation me précédait partout où j'allais, et bien vous voyez Clara, il y a encore des gens qui n'ont pas la moindre idée de qui je suis, et je ne parle pas que des gens de ce monde-ci…

« Docteur, je dois couper, on nous renvoie attendre ailleurs. Je crois qu'ils vont prendre une décision grave ».

— Et songer à me rapatrier, non ?

Personne ne lui répondit. Il esquissa un petit sourire. Plus que quelques rues encore et il serait dans le Parc. Un endroit parfait pour lire un peu au calme.

.°.

Il s'était installé sous un arbre pour sortir l'enveloppe qu'il décacheta avec un soupçon de fébrilité. Plusieurs feuillets parme s'en échappèrent, exhalant un léger parfum suranné. Il sourit. Il n'était pas le genre à qui l'on envoyait des lettres d'amour d'habitude. Bien que l'un de ses cœurs au moins puisse souhaiter que ce soit une lettre de Rose elle-même, qui aurait employé ce subterfuge parce qu'elle aurait été trop timide, une autre part de sa conscience soulignait combien l'enveloppe était vieille et le pli fortement marqué sur les feuilles. Elles étaient couvertes d'une écriture fine et assez agréable. Mais pas féminine.

« Salut Docteur !

Voilà un bon bail que je ne vous ai plus revu maintenant. Je pense bien que ce n'était pas parti pour s'améliorer bientôt, parce que mon dernier souvenir avant d'avoir été parachuté ici, c'était d'avoir été tué. Je sais que vous n'êtes pas du genre patient, particulièrement quand il est question de moi, alors je vais vous la faire courte. Oui, je sais que je ne peux pas mourir. Mais là, il y en a un qui m'a eu. Une créature horrible, un monstre énorme comme je n'en ai jamais vu. J'ai souffert comme une bête quand elle s'est acharnée sur le maigre rempart que mon corps offrait encore pour les autres et je dois reconnaître que j'ai accueilli la mort avec soulagement.

Quand je me suis réveillé… j'ai été bien surpris. Je ne savais pas où j'étais mais des mecs étaient là. Ils avaient plein de questions pour moi à m'en filer le tournis. Je les ai arrêtés car je mesure moi aussi l'intérêt de la version courte. Je leur ai demandé qui ils étaient et ce qu'ils me voulaient. Ils m'ont répondu tranquillement : « Nous sommes les Tout-Puissants et nous avons un marché à vous proposer. Nous avons besoin que vous fassiez quelque chose pour nous et en échange, nous ferons quelque chose pour vous. »

Docteur, je veux bien reconnaître qu'au moment où je vous écris, je suis saoul. Mais pas très. Rose vient de me dire qu'elle est enceinte... En ce moment, comme elle dort, je lui ai volé quelques feuilles pour vous écrire, ce qui explique pourquoi vous recevez cette lettre parfumée à… à la violette, on dirait. Oh, Docteur, s'il vous plait, ne me haïssez pas pour tout ça ! J'ai eu besoin de m'enivrer un peu pour supporter la douleur… Car si Rose est enceinte, alors ça ne peut signifier qu'une seule chose : j'ai fait ce qu'ils attendaient de moi et ils vont me faire disparaître d'ici. Enfin, s'ils tiennent parole.

Vous savez, je vous ai dit que j'avais quitté l'Agence du Temps parce qu'ils m'avaient volé deux ans de ma vie. Mais quand je vois ce qui se passe ici, je pense que je n'ai peut-être pas accusé les bons... Certaines choses qui m'ont été dites me laissent maintenant envisager que ce sont peut-être simplement ces couilles-molles de l'Agence qui m'ont juste sous-loué à ceux-là. Et plusieurs fois.Évidemment, je ne me souviendrai pas de ce que je vous dis là. Mais peut-être que vous vous en souviendrez, si un jour nous nous revoyons malgré tout. Et peut-être que vous voudrez bien m'en parler si votre mémoire est dans un meilleur état que la mienne. Je ne sais pas si je dois le souhaiter d'ailleurs. Qui sait si vous ne voudrez pas juste me faire un joli collier avec mes tripes pour avoir osé la toucher… Je ne serais pas surpris si un jour, vous me laissiez définitivement tomber pour ça.

Ils sont forts, vous savez. Pas tellement parce qu'ils auraient la capacité de vous faire faire ce que vous ne voulez pas. Ils ne jouent pas comme ça. Ils vous étudient, voient ce que vous avez à donner et trouvent le moyen de vous le faire faire à leur avantage. Ils savonnent juste la planche de votre pente… Pourquoi se battre contre les courants, hein ?

Nous savons très bien vous et moi que Rose, celle que nous avons connue d'abord, était toute à vous. Je l'ai aimée à la seconde où je l'ai rencontrée. Mais parce que vous étiez là, comme l'étoile la plus brillante du nouvel univers que vous dérouliez à ses pieds adorables, elle me considérait comme la mascotte turbulente de votre couple à bord du Tardis. J'en ai reparlé bien plus tard avec Mickey, on avait des choses à se dire là-dessus. Pendant que j'y pense, il n'a pas très bien tourné ici. J'ai pris un grand plaisir à lui flanquer la trouille de sa vie en ressuscitant plusieurs fois sous ses yeux. Encore un joli coup de poker : j'étais loin d'être sûr que ce tour de magie marcherait encore…

Attendez, je perds le fil. Hélas, je ne crois pas avoir le temps de dessouler pour être plus clair. Bon, je pense que vous devez avoir compris que nous sommes dans un autre univers. Rose est là, Mickey est là, Jackie même est là. Mais on n'est pas dans le bon pays ni à la bonne époque. Les mecs m'ont dit – à moi qui venais de mourir alors que je ne devrais pas pouvoir – « Si vous voulez vivre encore, nous pouvons arranger ça. Accomplissez seulement une petite mission pour nous ». Je leur ai demandé d'être un peu plus explicites, évidemment. Et ils m'ont répondu : « Vous devez trouver une femme qui s'appelle Rose Tyler. Séduisez-la et faites-lui un enfant. Un garçon ».

Là, je reconnais que ça m'a fait un petit choc. J'ai ri et j'ai répondu : « Oh mon Dieu, est-ce que je suis tombé au Paradis ? ». Et alors, celle qui a une voix vraiment très spéciale, je suis sûr que même à vous qui êtes une bûche les trois quarts du temps, cette voix a dû vous faire quelque chose… Bref, elle a dit : « Pas encore, trésor ». Oh, cette voix, c'est incroyable ! Il m'a fallu un peu de temps pour m'en remettre…

Je ne sais pas ce qui m'a pris, mais à ce moment, j'ai pensé à vous. Enfin… plutôt par rapport à la nature de la « mission ». J'ai dit que vous étiez mon ami (même si j'étais bien persuadé que je me flattais largement en affirmant une telle chose) et que je n'allais certainement pas séduire la femme que vous aimiez. C'est quand même con qu'aucun de nous deux ne se souvienne jamais de ça… Enfin un truc qui aurait pu me faire remonter dans votre estime… Et c'est là qu'ils m'ont répondu que je n'avais pas de scrupules à avoir parce que dans ce monde, vous n'existiez tout simplement pas. Notez qu'à priori, moi non plus. Mais pas sûr que ça vous consolera tellement.

Ils m'ont montré ce qu'avait été sa vie. Et ce qu'elle était aujourd'hui. Vous êtes-vous jamais demandé ce qu'aurait été la vie de Rose si elle ne vous avait jamais rencontré ? Je vous garantis que vous n'aimeriez pas du tout le savoir. Ça m'a fichu un sale coup au moral. Mais peut-être qu'ils l'ont fait exprès. Vous savez, au sujet de ce que je vous ai dit de la planche à savonner… Alors j'ai dit encore un truc du genre : « Les gars et madame, en admettant que tout cela ne soit pas un horrible piège uniquement destiné à faire souffrir le Docteur un peu plus – parce que tout est toujours à propos de lui, n'est-ce pas ? – il y a quand même un petit problème pour moi. Séduire cette femme, admettons. Mais lui faire un enfant, déjà ça ne va pas être possible : je suis à peu près stérile ».

Alors, celle qui a la voix la plus enthousiasmante, a ri. Et le grand mal embouché qui la ramène tout le temps m'a rétorqué d'un air condescendant et sarcastique – un air que j'ai si souvent vu sur votre figure quand vous me parliez : « Y a-t-il quelque chose que vous ne compreniez pas dans le mot 'tout-puissant' ?». Je suis resté un moment sans rien dire. Puis j'ai ajouté : « Vous êtes en train de me dire que vous avez un traitement contre la stérilité générée par le vortex ? Parce que si c'est le cas il y aurait pas mal d'argent à se faire… ». Grincheux m'a interrompu froidement et m'a demandé : « Est-ce qu'on a un accord ? ».

Docteur, qu'est-ce que je pouvais faire ? J'ai dit oui en pensant que je devais rassembler un maximum d'infos pour vous et vous les faire passer. Parce que quoi qu'ils en disent, je n'ai aucun doute que tout ceci ait bien un rapport avec vous... Alors j'ai temporisé. J'ai fait mine d'entrer dans leur jeu. Rien de bien nouveau pour moi. Pendant quelques jours, j'ai donc fait la cour à Rose.

Je ne sais pas s'ils avaient un timing précis, mais au bout de ce temps, ils m'ont rappelé pour me dire d'accélérer un peu le mouvement. Hem, c'est une métaphore, bien sûr. J'ai protesté que je n'étais pas une brute et que je n'allais pas me jeter sur elle comme ça, alors qu'elle venait de me rencontrer... Pour une fois, ça m'arrangeait plutôt d'essayer de le faire croire. Le grand chieur a dit à la femme : « Règle ça ». Elle est venue près de moi, a posé une main vraiment grande sur mon ventre, en disant qu'elle était désolée de devoir faire ça. Quelle bande de salauds finis ! Je ne sais pas comment elle pouvait s'y prendre : elle a juste augmenté mon désir d'un cran supplémentaire…

Je ne dis pas ça pour me vanter mais ce n'est pas un domaine où j'ai tellement besoin d'être poussé. Le pire, c'est que personne ne saura jamais combien j'ai été proprement héroïque, j'ai pas d'autre mot. Bien inutilement d'ailleurs – ils ne se sont pas privés de me le dire quand ils m'ont rappelé une troisième fois l'air particulièrement furax. Car il est arrivé un moment où j'ai reconnu que j'avais atteint mes limites. Le moment où l'un deux m'a récapitulé la situation : j'étais amoureux d'elle, je crevais de désir et si je n'avais pas été si concentré sur autre chose que la mission qu'ils m'avaient assignée, je me serais rendu compte qu'elle me voulait aussi. Alors un beau soir, ce qui devait arriver… arriva.

Ils étaient venus me rechercher parce qu'ils avaient réalisé… Bon, comment je vais vous dire ça pour vous épargner un peu ? Et bien, que je ne faisais pas exactement tout ce qu'il fallait pour qu'elle tombe enceinte. Le grand emmerdeur s'est penché sur moi pour articuler : « Est-ce qu'il faut qu'on vous explique comment vous y prendre ? ».

Je suppose qu'il a fini par me vexer, quand même. Ils sont tous partis sauf celle qui a la voix indécente. Elle m'a juste dit : « Mon cœur, ne résiste pas, ça te fait souffrir pour rien. Nous avons juste besoin d'un garçon ». J'ai voulu savoir pourquoi. Elle m'a répondu : « Mon tout petit, tu m'as toujours très bien servie ». Je vous jure que quand elle a dit « servie » je l'ai vraiment pris comme si je n'avais été qu'un simple ustensile et vous savez pourtant combien je suis un mec facile... Mais ça m'a filé froid dans le dos. « Je n'ai jamais eu à regretter de t'appeler sur le Tableau. Les enjeux de tout ceci te dépassent et tu ne peux pas les comprendre ». Elle avait miraculeusement rapetissé, je n'ai pas eu le temps de me demander pourquoi qu'elle s'est mise à m'embrasser. Je reconnais que je n'ai jamais vraiment compris le sens du mot « combustion spontanée » avant cette minute… J'étais en feu. Elle m'a dit : « Va voir cette fille, donne lui tout ton amour et avec, fais lui un joli petit garçon. Je ne te demande rien de difficile, rien qui aille contre ton cœur : juste de donner de l'amour et tu as toujours su que tu le faisais bien ».

Je ne sais fichtre pas comment j'ai réussi à protester. « Mais faire un enfant que je ne connaitrai jamais, à une femme que je ne reverrai pas, n'est-ce pas un peu trop cruel ? ». Elle me renvoya en disant : « La plupart des hommes n'aspirent à rien d'autre ! ». « Pourquoi en avez-vous autant besoin ? » ai-je insisté. Et puis je me suis permis d'ajouter : « Vous qui vous faites appeler les Tout-Puissants, si vous pouviez tout… ». Elle s'est mise à rire et elle a rétorqué : « Que voilà un Cavalier qui a passé trop de temps avec le Fou ! ».Là, je me suis un peu énervé, je le reconnais. J'ai demandé si c'était une manière pas bien subtile de me dire que je n'étais qu'un pion entre leurs mains dont ils pouvaient user comme ça leur chantait. Elle a souri d'une manière qui aurait fait fondre la banquise. « Tu es mien et je me soucie des miens ».

Je me suis retrouvé dans la rue, sur Terre, mais dans mon oreille, j'entendais encore l'écho de sa voix qui me secouait de délicieux frissons : « Sois fier, nous avons besoin de lui car nous espérons qu'il puisse guérir les eaux de Mars ». Et voilà. Comme d'habitude, ils parlent mais ils n'expliquent rien. Je ne sais pas du tout ce que ça pouvait bien signifier.

Mais laissez-moi au moins vous dire ce que je crois. Ces gars, ce ne sont pas juste des gars. Vous devez faire très attention à eux. Ce sont des manipulateurs de première. Je sais que vous n'êtes pas forcément un petit joueur à ce niveau et que vous pourriez être excité à la perspective de rencontrer des gens moins ennuyeux que nous ne le sommes tous pour vous, mais je crains qu'ils n'aient des moyens qui ne soient pas à votre portée. De très très gros moyens. Je ne suis pas en train de vous sous-estimer en disant ça. Ne les laissez pas vous tromper. Ils ne disent que des demi-vérités qui sont déjà le stade supérieur de vos pieux mensonges... Vous pourriez découvrir un jour que vous avez été enrôlé de force dans leur partie sans même le vouloir. Et que vous feront-ils quand vous cesserez de leur « servir » ?

Si jamais vous êtes là, tout seul, à me lire, soyez sûr que je vous aime et que je suis inquiet. Si vous êtes là, c'est qu'ils ont des plans pour vous et vous feriez mieux de découvrir très vite ce que vous avez encore la possibilité de faire. J'ai peur que ça ne soit même déjà trop tard. Dites à cette Rose que je l'aime. Je ne sais pas depuis combien de temps je serai parti quand vous aurez cette lettre entre les mains.Je lui ai parlé de vous. Assez pour qu'elle vous reconnaisse et qu'elle vous la donne. Je sais que j'ai fait ça en dehors des clous et à mes risques et périls. Mais vous en valez la peine, et j'espère que ni elle ni mon futur enfant n'auront à en subir les conséquences.

Et par pitié, puisque je vous tiens, si jamais vous retrouvez notre autre Rose un jour, dites-lui les trois seuls mots qu'elle ait jamais attendu de vous. Débranchez cinq minutes votre foutu cerveau que vous devez avoir en quintuple exemplaires sous votre crâne obstiné. Sûr que deux cœurs face à ça, c'est loin de faire le poids. Je veux que vous connaissiez le miracle qu'opèrent ces trois petits mots une fois chuchotés à sa délicate petite oreille et que vous vous êtes toujours refusé à contempler (le miracle, pas l'oreille).

Vous m'avez toujours donné l'impression que l'amour était pour vous une faiblesse qui vous diminuerait. Étrange comme moi il m'est toujours apparu qu'il me rendrait plus fort, de sorte que je l'ai toujours cherché partout. Lorsque nous étions ensemble, vous n'avez cessé de me marteler avec agacement « Jack, arrêtez ça, ce n'est ni le moment ni le lieu... ». Je suis resté avec vous assez longtemps pour comprendre que là aussi vous me trompiez délibérément car j'avais beau attendre, ça n'arrivait jamais. Vous voyez l'ironie ? Vous avez une belle boîte qui peut vous emmener partout et n'importe quand, mais il n'y a pourtant jamais aucun temps ni aucun lieu pour vous. Le trop simple paradoxe du Seigneur du Temps. Voilà où est votre vraie malédiction : vous êtes trop fier pour ployer le genou devant l'Amour.

Peut-être qu'au moment où vous lisez, vous êtes déjà différent que ceux que j'ai connus. Peut-être qu'une autre femme est venue un beau jour (ou une belle nuit) – une que vous n'aurez pas repoussée – et que vous avez réussi à vous remettre tout entier entre ses petites mains… Rien que pour ça, je lui dirais merci… Et alors, peut-être qu'aujourd'hui, vous êtes toujours un foutu Seigneur du Temps arrogant, mais aussi un homme accompli et aimant. Je l'espère. Je l'espère vraiment. Car celui-là pourrait bien tous nous sauver un jour.

Il est temps de finir cette longue lettre car l'aube se lève déjà. Comprenez bien qu'il était assez grisant de vous imaginer là, sans que vous puissiez m'interrompre pour en placer une.

Je reste malgré tout et toujours, votre très dévoué,

Jack ».

.°.

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