Règles et Principes du Grand Jeu de Duane

Chapitre 5 : Caducée : la couleuvre et le bâton de pluie

4187 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 23/05/2015 13:04

CHAPITRE IV

— Et vous me cherchez depuis trois jours ?

Le Docteur cligna des yeux. En fait, il l'avait retrouvée le matin-même mais il essayait de se convaincre depuis lors de franchir le seuil de sa boutique…Il savait bien qu'il aurait l'air idiot. Cette Clara qu'il entendait par intermittence le lui répétait tout le temps. Mais honnêtement, que pouvait-il dire ou faire ? Il ne comprenait pas le sens de l'épreuve, s'il n'avait pas le droit de lui dire qui il était… Il allait rentrer là et ne surtout pas dire : Bonjour Rose ! Hey ! Je suis le Docteur ! Nouveau nouveau visage. Rose Tyler, je… suis un parfait crétin ! Il poussa un petit soupir impatienté.

Ça encore, il aurait presque pu s'y résoudre. Et lui raconter une histoire comme quoi il était tombé, il ne savait pas trop comment, dans son monde parallèle… et qu'il était merveilleusement heureux de la revoir… Mais là ? S'il ne devait pas se faire reconnaître ? Ah, il voyait la scène de là : Bonjour Rose, je suis un type que vous ne connaissez pas et je voulais vous dire que je vous aimais… Complètement débile. Qu'allait-elle pouvoir dire à part : Merci bien mais vous êtes malade. Partez ou j'appelle la police ?

— Clara ? avait-il appelé une fois dans la rue. Redites-moi pourquoi je dois lui dire que je l'aime ? Elle va me prendre pour un détraqué… Elle ne me connaît pas comme je suis maintenant… et peut-être même que je ne suis pas son genre…

Docteur, vous êtes en train de paniquer. Respirez.

— Non, je ne panique pas du tout. Mais si je ne peux pas lui dire qui je suis, à quoi ça sert ? Je n'ai même pas le tournevis sonique, pour lui prouver que je suis bien moi…

Je crois que le test n'est pas de savoir si vous réussissez ou pas à vous faire reconnaître…

— Ah bon ? Vous avez plus d'infos là-dessus maintenant ? s'enquit-il avec curiosité.

Oui, partiellement. Ecoutez-moi. Vous avez été marié non ? Vous n'avez jamais fait la cour à votre femme ?

— Euh non. Pas eu besoin.

Quoi ?!

Il prit un air rêveur et un tantinet snob pour déclarer :

— Figurez-vous que pour une raison bien incompréhensible, elle m'a toujours trouvé formidable quoi que je dise ou fasse… Je pouvais sortir n'importe quoi, même « inverser la polarité du flux de neutron » et voilà qu'elle ronronnait en se mordant la lèvre qu'elle avait hâte de voir ma polarité de plus près… Par contre, je ne suis pas sûr qu'on se connaisse assez pour que j'en discute comme ça avec vous…

Clara fit un gros effort pour conserver son sérieux en balançant un petit regard vers Twelve qui donnait l'impression de vouloir l'étriper. Nine étouffa un sourire moqueur en faisant mine de se passer la main sur la figure. Ten tournait comme un lion en cage en murmurant un truc comme quoi leur sort était entre les mains d'un «…». Suivait un mot qu'elle ne comprenait pas. Elle soupçonnait du gallifréen pas traduit.

Et bien, avait-elle commenté sobrement, dans ce cas, je crois que vous avez bien fait de l'épouser… Mais pour ce qui nous occupe, je crois que ça va être plus compliqué que prévu si vous n'avez pas les bases élémentaires de la drague.

— Mais qui vous a dit que je ne les avais pas ? Ma bibliothèque fait 483 mètres cubes et croyez bien qu'il n'y a pas que des manuels techniques sur les rayons… fit-il avec un peu de hauteur vexée.

Et avec votre mémoire extensive, ne pourriez-vous pas vous appuyer sur ces lectures, pour vous inspirer et créer un climat de confiance réciproque, susceptible de vous inciter à exprimer librement les sentiments que vous éprouvez pour elle ? développa Clara en gardant un ton patient.

— Je suppose que je le pourrais. Mais ne prenez pas ce petit ton avec moi…

Faites-lui vos yeux de bébé chien, conseilla-t-elle les paupières baissées pour éviter de croiser le regard des autres. Ceux que vous faites pour que je vous laisse le dernier cookie…

— Oh ? Pourquoi ? Ça marche ? Vous, vous me laissez les derniers cookies ? Parce que pour être honnête, vous seriez bien la première à…

Docteur, je crois que nous devons interrompre cette fascinante conversation car j'entends les gardes qui approchent, on revient nous chercher…

.°.

Pendant le trajet, Twelve s'approcha de Clara et lui prit la main.Elle le regarda avec étonnement et soudain sa voix éclata dans sa tête.

« N'ayez pas peur ! Je nous assure une conversation un peu plus privée ».

« Oh mon dieu, Docteur ! Mais vous avez toujours pu faire ça ? ».

« Et bien… euh… oui. Mais c'est un cas de force majeure. Nous n'avons pas pu parler de ce qui s'est passé quand vous avez été convoquée. Résumez au plus vite, nous n'avons que quelques instants ».

« A vos ordres ! Très résumé : un des juges est venu, il m'a expliqué pourquoi vous n'étiez pas mon ami et à quoi servaient les compagnons. Alors, heureux ? » émit-elle mentalement avec un air mécontent.

Une main s'abattit sur l'épaule de Twelve, au bout de laquelle se trouvait le bras du Seigneur de guerre. Son style de tireur embusqué les avait fait sursauter. On ne le voyait pas, on ne l'entendait pas, il ne disait presque rien, mais quand c'était le cas… bam !…Le vieil homme répondit puissamment par le même canal.

« Est-ce que je peux savoir ce que vous êtes en train de faire au juste avec cette jeune fille ? » tonna sa voix dans leurs deux têtes.

Twelve le regarda comme s'il se sentait attaqué dans sa dignité.

« Comme vous avez manifestement pu l'entendre, j'essayais d'avoir une conversation un peu moins collective avec elle ».

Le Seigneur de guerre adressa un petit sourire à Clara.

« Non, je n'ai pas écouté car je suis bien élevé, mais j'ai vu la tête qu'elle faisait à l'instant et j'ai préféré intervenir ».

« Pourquoi les autres ne nous entendent pas ? » demanda Clara avec curiosité.

« Il faut un contact physique, ma chère enfant, répondit le Seigneur de guerre. Vous n'avez pas été maltraitée ou intimidée quand ils vous ont emmenée ? ».

« Pas le moins du monde » le rassura-t-elle en fermant brièvement les paupières.

« Qui était ce juge ? A-t-il du poids dans cette assemblée ? » questionna Twelve qui ne voulait pas se laisser distraire ni perdre plus de temps.

« Il est comme vous : il ne donne pas son vrai nom ! Mais oui je pense qu'il devrait avoir beaucoup de poids même si ce n'est pas lui qui parle »…

« Clara, supplia Twelve, je suis désolée de vous avoir brusquée, mais si vous savez quelque chose, dites-le, nous arrivons… ».

« Et bien, fit-elle malicieusement, je crois qu'au moins j'ai compris pourquoi vous vouliez toujours être roux… ».

Sitôt qu'ils pénétrèrent dans la salle d'audience, le Seigneur de guerre fut séparé d'eux sans ménagement pour être placé dans son boxe. Twelve serra plus fort la main de la jeune femme avant qu'il ne leur arrive la même chose.

« N'importe quelle information, demanda-t-il encore instamment. Ne m'obligez pas à faire les yeux de petit chien pour ça ! ».

Elle eut un large sourire qu'elle essaya de masquer pour ne pas attirer l'attention.

« J'avoue que je ne vous imagine pas du tout dans ce registre, ça ne va pas du tout avec le reste du package… Mais si vous voulez tout savoir, ce n'est pas un procès… c'est un casting ! ».

.°.

Lorsqu'ils furent tous réinstallés dans leurs boxes de bois, dans une ambiance toujours aussi glauque, aucun des Docteurs ne pipa mot. Twelve continuait de fixer Clara comme s'il avait été frappé par la foudre, le cerveau turbinant sans doute à plein régime. Le Premier Juge demanda à Clara de reprendre l'affichage de l'épreuve, apparemment satisfait de leur nouvelle docilité.

Lorsque la petite boutique d'objets rares réapparut sur la surface qui faisait office d'écran, ils virent qu'Eleven était assis en retrait sur un comptoir, tandis que Jackie et Sam entouraient Rose pour une menue scène de vie familiale. Son fils et elle avaient une petite conversation de mise au point :

— Alors, ç'a été l'école aujourd'hui ?

— Ouais.

— La maîtresse a pourtant appelé pour dire que tu avais escaladé le mur de la cour tu ne dois pas faire ça.

— Oui, je sais.

— Alors pourquoi l'as-tu fait ?

— Parce que Danny Corbin a dit que j'étais pas cap' de le faire…

— Écoute Sammy, je sais que tu es cap', tu sais que tu es cap' et ça devrait te suffire. Tu t'en fiches de ce que les imbéciles disent de toi. Ceux qui te disent ça ne récoltent pas les punitions à la fin : c'est toi qui les as. Tu as plus de punitions que tous les autres élèves de l'école simplement parce que tu es trop soucieux de ce qu'on pense de toi. Est-ce que tu trouves ça malin ?

— Tu es fâchée ?

— On va en reparler tout à l'heure à la maison parce que là, j'ai un client qui attend que j'aie fini de te gronder… Va avec Mamie, elle va t'acheter ton goûter.

Rose prit un peu d'argent dans la caisse et le donna à sa mère. Shareen en profita pour venir lui dire qu'elle avait une course à faire et qu'elle aurait aimé quitter plus tôt.

— Non ! Non ! chuchota Rose. Tu ne me laisses pas toute seule avec lui !

Shareen n'en tint aucun compte et s'éloigna quand même, en clamant qu'elle ferait la fermeture le lendemain. Quand la porte de la boutique claqua sur les deux femmes et l'enfant, Rose soupira. En se tournant vers le pompier, elle tâcha de se composer un visage plus détendu. Il n'y était pour rien, lui.

Le Docteur s'approcha, heureux de l'avoir enfin rien qu'à lui. Elle s'excusa de l'avoir fait attendre et le vit sourire inexplicablement à ces mots, puis elle s'enquit du but de sa visite. Il n'osa pas lui rappeler qu'elle lui avait promis un café et répondit plutôt qu'il souhaitait trouver un cadeau pour une amie.

— Quel genre d'amie ? Une amie-amie ou une petite-amie ? demanda-t-elle en le scrutant sous ses longs cils recourbés.

— Une amie que j'aimais beaucoup quand j'étais plus jeune. Je suis tombé sur elle par hasard et je ne sais pas trop quoi choisir dans ces circonstances…

— C'est vrai, vous avez dit que vous n'étiez pas d'ici… Vous êtes venu là pour la convention des anciens étudiants, n'est-ce pas ? Laissez-moi deviner : vous étiez à l'université ensemble, vous craquiez pour elle, mais vous ne lui avez jamais dit ? Et maintenant vous espérez l'impressionner parce que vous avez réussi et que vous avez un super job ?

Il haussa ses fins sourcils avec un sourire un rien embarrassé.

— Un genre de truc comme ça. Mais je ne suis pas sûr d'avoir un super job…

— Attendez, vous sauvez des vies, non ? Ça je vous le dis, c'est un super job ! Il faut que vous me parliez d'elle si vous voulez que je vous aide à trouver le cadeau parfait. Ici, il y a des objets plutôt originaux, ça ne plaît pas à tout le monde…

Elle vit qu'il était indécis et le trouva définitivement timide. Toujours cet étrange mélange ! D'un côté, il affrontait un serpent à mains nues ou plongeait dans un brasier et de l'autre, il avait l'air paumé quand il s'agissait de dire deux mots sur quelqu'un qu'il aimait…

— Oui ! Comment était-elle ? Qu'est-ce qui l'intéressait ? Vous lui avez déjà parlé au moins ?… demanda-t-elle d'un ton soupçonneux.

— Oui, je lui ai déjà parlé, rassurez-vous. Elle était… très… spontanée. Elle aimait beaucoup les voyages.

— Ah, une voyageuse ! Elle doit aimer les trucs exotiques qui lui rappellent ses escapades alors… Il y a plein de jolis bracelets ou des pendentifs ethniques dans cette armoire… Ne bougez pas je vais vous rapporter ce que j'ai en stock…

Elle s'élança vers le fond de la boutique et trébucha… sur le sac à dos de Sam, qui n'aurait pas dû se trouver là. Vif comme l'éclair, le Docteur fut près d'elle, la retenant fermement par le bras pour l'aider à se stabiliser. Rose écarquillait les yeux, entre la colère et la stupéfaction.

— Oh ! Il a encore oublié son sac ici ! tempêta-t-elle. Encore un coup pour ne pas se mettre à faire ses devoirs !

Elle attrapait le sac pour le poser sur le comptoir quand elle entendit un sifflement qui en sortait et sentit quelque chose bouger à l'intérieur. Elle poussa un cri de frayeur en lâchant le tout…

— Oh c'est pas vrai ! Mais je vais l'étriper ce gamin !

— Ce pauvre petit serpent ne vous a encore rien fait, objecta le Docteur qui l'avait assez naturellement recueillie tout contre lui avec bonheur.

Lorsqu'elle s'en rendit compte, elle recula d'un pas et rangea ses cheveux nerveusement derrière ses oreilles.

— Non, je parlais de mon fils !

— Attendez, il y a un serpent dans son sac à dos et vous accusez votre enfant ?

— Vous ne le connaissez pas ! Dix contre un qu'il s'est dit qu'il le ramènerait pour faire un exposé et impressionner son institutrice… Et je vous soutiens même à quinze contre un qu'il l'a ramassé l'autre jour à la fête foraine. Ma mère m'a dit que l'un d'eux avait pondu des œufs… Il va me faire mourir !...

— Un bébé python ? Je crois que vous allez devoir le prévenir qu'il ne va pas pouvoir le garder car ça grossit vite, répondit le Docteur pince-sans-rire. Est-ce qu'il ne pourrait pas avoir plutôt un hamster ou quelque chose dans le genre ?

— Il en a un ! rétorqua Rose. Mais qu'est-ce qui vous fait rire ?

Elle venait tendre la main vers une étagère et de s'armer d'un bâton de pluie qu'elle avait soulevé avec une farouche détermination. Il la trouvait délicieuse ainsi.

— C'est une petite couleuvre… Ce n'est pas dangereux, expliqua-t-il.

— Vous ne pouviez pas le dire plus tôt ? Et comment vous le savez ? Vous avez un doctorat en serpent peut-être ?

— Oui, et en chats perchés dans les arbres et… en nids de gros frelons sous les toits ! J'ai l'habitude qu'on m'appelle quand il y a de drôles de bestioles dans les parages…

— Et qu'est-ce que vous faites dans ces cas-là ?

Il vint vers elle d'un pas très assuré qui la troubla parce que ce mélange de détermination, d'assurance et de taquinerie lui plaisait, puis il lui prit son bâton des mains en résistant à l'envie de faire des moulinets avec. Il se contenta de le peser pour déterminer son point d'équilibre.

— D'habitude… Je fais connaissance. Je parlemente. Nous convenons ensemble que leurs revendications sont déraisonnables et, le plus souvent, je les flanque dehors… répondit-il en la toisant du coin de son œil.

Il tapa deux coups secs au sol et le petit serpent sortit sa tête du sac, dérangé par les vibrations. Le Docteur se jeta par terre pour l'attraper au col et se releva avec en le tenant à bout de bras. Il marcha vers la porte pour aller l'ouvrir et le jeta dehors, avant de refermer. Puis il se tourna vers elle et dit :

— Voilà, comme ça.

Elle ouvrit la bouche, surprise. Tout s'était passé si vite.

— Vous êtes bizarre !

— Vous préfériez la couleuvre ? demanda-t-il d'un ton légèrement offensé.

Elle le regarda d'un air perdu, secoua la tête, ramassa ses affaires, son blouson et le sac de Sam. Et puis elle lui suggéra de sortir par l'arrière-boutique, histoire de ne pas risquer de retomber nez-à-nez avec une langue fourchue.

.°.

Dehors, elle lui avoua qu'elle devait rentrer chez elle sans tarder et il proposa de la raccompagner car il n'avait pas la moindre envie d'en être séparé encore. Comme une nouvelle averse venait d'éclater en les obligeant à marcher vite sous des trombes d'eau, il lui dit que c'était de sa faute et que la prochaine fois, il ne ferait pas le malin avec un bâton de pluie… Elle avait ri en secouant la tête et en lui envoyant des gouttes. Des gouttes de Rose.

« Il aura pour lui les yeux les plus profonds du monde » avait dit Jack. Elle ne croyait plus à cette histoire depuis longtemps. Mais si c'était lui ? Jack lui avait dit aussi que c'était son ami, un ami très cher. Comment pouvait-il savoir qu'un jour très lointain il viendrait ? Et celui-là la regardait comme si… comme s'il savait des secrets sur elle, de grands secrets qu'elle-même n'avait jamais sus.

Lorsqu'ils arrivèrent devant son immeuble, elle se demanda si elle allait lui poser la question, là maintenant. Juste pour occuper ce petit moment gênant où il fallait se dire au revoir, sans savoir très bien comment. Comment traite-t-on un inconnu avec lequel on a partagé uniquement des frayeurs ?

— Merci de vous être fait tremper en ma compagnie. J'ai… quelque chose d'un peu bizarre à vous demander.

— Bizarre, ça c'est mon créneau, fit-il en pinçant un peu comiquement les lèvres. Envoyez !

Elle sourit d'un air embarrassé, en serrant ses affaires contre elle.

— Est-ce que vous êtes… John Smith ?

Dans son kit oreillette invisible, la voix de Mademoiselle Clara intervint préventivement : « Attention Docteur ! »

Alors, il fut juste heureux d'être sous la pluie et qu'elle puisse masquer combien il avait envie de pleurer en entendant cela. Oh, comme si une main brutale avait broyé ses deux cœurs d'un coup. Il venait de comprendre à l'instant pourquoi il ne devait pas se faire « reconnaître »… Non pas en raison des règles arbitraires d'un jeu débile. Mais tout simplement parce que c'était inutile ! Cette Rose ne l'avait jamais rencontré !

Rose Tyler savait qu'il se faisait parfois appeler ainsi sous couverture. Elle n'aurait pas pu prononcer ce nom sans aucune réaction. Cet endroit n'était pas un rêve ou une chimère construite à la va-vite. C'était un autre monde parallèle, différent du "monde de Pete". Un monde où il y avait bien un New-York autour d'eux, mais où il n'y avait jamais eu New-New-New-New-New-New-New-New-York… Un monde où elle n'avait jamais connu le Docteur, sous aucune de ses incarnations !…

Il eut un faible sourire qui donna soudain à la jeune femme envie de pleurer.

— Qu'est-ce qui ne va pas ? demanda-t-elle incompréhensiblement touchée.

— Rien. Rien du tout, répondit-il bravement. Tout va très bien. Je… je me demandais seulement… et bien, qui vous avait dit mon nom ?

Elle le regarda timidement sans parvenir à être vraiment dupe. Pendant une seconde, il se passait quelque chose de merveilleux avec cette charmante petite promenade sous la pluie et puis soudain, patatras…

— C'était quelqu'un qui n'a fait que passer dans ma vie. Il y a longtemps.

— Vous me rendez mortellement curieux… Un devin sûrement ? Je ne savais pas que j'allais être ici la semaine dernière…

— C'était le père de Sam.

Elle fouilla fébrilement dans son sac à main pendant une bonne minute en pestant et finit par lui tendre une vieille enveloppe jaunie et toute écornée.

— Prenez, c'est pour vous. Je vous avoue que je ne sais pas pourquoi je ne l'ai pas jetée.

— Qu'est-ce que c'est ?

— Il m'a dit que c'était une lettre d'amour et qu'il espérait que je sois jalouse… répondit-elle avec un peu d'amusement. Mais il aimait bien toujours plaisanter et dire des bêtises. Mettez-la dans votre veste, il repleut ! Je vous aurais bien invité à entrer mais c'est minuscule chez moi. On y vit à trois… et c'est toujours le chantier !

Et comme il avait l'air vraiment triste, elle ajouta pour le réconforter :

— En tous cas, c'est très gentil à vous d'être repassé.

Elle s'engouffra dans le hall de son immeuble avec un signe de la main. Et il resta tout seul, à se demander ce qu'il pouvait bien y avoir de plus cruel que ça.

.°.

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