Règles et Principes du Grand Jeu de Duane

Chapitre 3 : Vous pouvez m'appeler Lux

4527 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 09/11/2016 12:15

CHAPITRE II

Les deux gardes l'avaient escortée sans une parole vers un vaste cloître. Il y faisait grand jour et assez beau temps. Jolie pelouse, massifs de fleurs bien taillés, plusieurs gros arbres… L'espace était toutefois enclos par un mur de pierre trop haut pour qu'elle puisse y grimper, d'autant qu'elle n'était toujours pas habillée pour faire de l'escalade… Elle fut conduite vers un banc de pierre blanche, où on lui dit de s'asseoir et d'attendre car le Juge allait arriver.

Clara ne fit aucun commentaire mais dès qu'ils se furent retirés, elle se leva d'un bond pour arpenter les lieux en essayant de trouver une sortie. Elle n'avait aucun problème avec l'idée de fouiller chaque buisson s'il le fallait, voire de trouver un arbre pas trop loin du mur…

Elle cherchait le chêne le plus proche quand elle se trouva, le temps d'un clignement d'œil, nez à nez avec une jambe. Elle tomba assise en arrière sous la surprise et entendit un rire bas et lent.

— Où voulez-vous aller, Très-Petite ?

Clara pencha la tête en arrière et constata qu'il y avait tout le reste d'un géant au-dessus de cette jambe, fort bien proportionnée malgré ses dimensions, au demeurant.

— Euh, je vous cherchais ?…

— Menteuse ! Ne vous a-t-on pas dit de rester et d'attendre là au milieu ? demanda-t-il avec un air bien trop amusé.

— Vous avez donc un visage ! Je ferais mieux de grimper dans cet arbre pour vous parler en face…

Il se pencha vers elle. Son énorme tête s'approchant à toute vitesse, elle ne put s'empêcher de fermer les yeux et lever les bras instinctivement pour éviter la collision. Elle sentit qu'on attrapait sa main et en regardant, elle découvrit un bel homme aux cheveux roux qui lui adressait un large sourire.

— Comme ça, c'est mieux ? demanda-t-il légèrement, à présent qu'il arborait une stature plus conventionnelle.

— Ça m'évitera de me ruiner les cervicales, opina-t-elle en le considérant avec méfiance.

Il y avait quelque chose chez lui en dépit de son air avenant qui effrayait Clara. Peut-être parce que ses yeux étaient bizarres : ils n'avaient pas d'iris ni de pupille. Ou peut-être parce qu'elle était dans un jardin avec un inconnu qui lui tenait la main et que la dernière fois que ça lui était arrivé, elle avait failli mourir de ne pas s'être assez méfiée [*]. Il lui adressa un sourire et lui indiqua le banc de pierre.

— Peut-être voudriez-vous vous asseoir pendant que nous parlons ?

Elle resta debout, reprit sa main et croisa ses bras.

— Qu'est-ce que vous nous voulez ?

Il s'assit sur le rebord du banc et conserva un abord aimable.

— Votre curiosité est très légitime, toutefois je voudrais que vous compreniez que je suis moins là pour répondre à vos questions que vous aux miennes… Vous avez exprimé en salle d'audience le désir d'aider votre « ami » plus efficacement pendant son épreuve. Je suis venu vous offrir cette possibilité.

— Mhh, y aurait-il des dissensions dans vos rangs ? Alors que votre chef ne se fait aucune illusion sur mon utilité… vous, vous permettriez un avis contraire ?

— Non, il n'y a aucune dissension dans nos rangs. Nous sommes d'accord sur les lignes directrices générales.

— Mais ce sont détails des modalités qui achoppent ? termina-t-elle avec un sourire entendu.

Il ne lui répondit pas mais l'expression de son visage était toutefois une manière d'aveu implicite. Il tendit à nouveau la main vers elle.

— Asseyez-vous près de moi, insista-t-il. Pour épargner… mes cervicales ?

Elle ne put s'empêcher de sourire malgré elle.

— Est-ce que je vous connais ? demanda-t-elle. J'ai l'impression que…

— Non, vous ne m'avez jamais vu. Mais vous faites partie des miens, répondit-il sans cesser de sourire et de la fixer.

— Mhh. Laissez-moi réfléchir... yeux bizarres, gigantisme à stature modulable, capacité produire des illusions crédibles… Euh, non. Je ne peux pas être « des vôtres », nous ne sommes manifestement pas de la même espèce !

— Mes yeux vous dérangent ? Vous auriez dû le dire, je peux les faire ressembler aux vôtres si cela peut vous aider…

Pendant qu'il parlait, Clara vit la surface cristalline bleue transparente de ses yeux s'opacifier pour former le blanc de l'œil, un iris bleu et une pupille, avec quelques cils en plus. C'était extraordinaire.

— M'aider à quoi ? demanda-t-elle en restant délibérément en retrait.

— Nous avons à parler et j'aimerais que vous ayez confiance en moi mais… quelqu'un a endommagé votre confiance et c'est très problématique.

— Oh, comme je compatis ! répondit-elle caustiquement.

— Très-Petite Clara, si vous ne faites plus confiance aux hommes, ni au fait que rien de mauvais ne devrait jamais résulter d'un doux baiser, vous ne serez pas à même de conseiller le Onzième comme il convient pendant son épreuve… Le Premier Juge le sait très bien et c'est pour ça qu'il pense que vous êtes inutile... Vous restez avec le dernier parce que vous pensez qu'il n'y aura jamais rien de romantique entre vous et que cela vous rassure à présent. Mais le rôle des compagnons n'est pas celui-là. Et vous êtes en train de causer une grande perturbation dans la trajectoire du Docteur.

— Pardon ? fit-elle indignée. Mais je me suis sacrifiée pour tout réparer tout au long de ce que vous appelez sa « trajectoire » !

— Nous le savons, répondit-il d'un ton apaisant. Mais depuis, vous avez fait autre chose. Vous l'avez fait en toute bienveillance et nous le savons aussi, mais les conséquences sont terribles.

— Vous restez allusif. Terribles pour qui ? releva-t-elle.

— Terribles pour nous, terribles pour le Docteur, terribles pour l'Univers.

— Et tout ça, c'est de ma faute maintenant ? maugréa-t-elle en fronçant les sourcils, à la limite de la colère. Mais dans ce cas, pourquoi n'est-ce pas mon procès que l'on fait plutôt que le sien ?

Il la regarda avec une expression tendre qui la fit frissonner malgré elle.

— Je ne devrais pas vous le dire, mais nous sommes dans une impasse de communication, alors… je n'ai pas trop le choix. Ce n'est pas un « procès ». Il n'y a pas de crime ni de coupable…

— Pourquoi vous êtes-vous désignés comme des juges alors ? Qui êtes-vous ? Que nous voulez-vous ? Je suis navrée de devoir reposer toujours les mêmes questions mais vous n'y répondez pas.

Il afficha un sourire désarmant.

— Nous l'avons dit dès le départ. Nous sommes les Juges, l'affaire qui nous occupe est celle du Docteur, et nous voulons qu'il passe une épreuve qui nous éclairera sur la suite à donner à son dossier.

— Mais vous ne trouvez pas bon de nous dire à quoi rime tout ceci ? Pourquoi nous ternir à l'écart de ce qui semble nous concerner au premier chef ? Il n'y a donc que moi à qui cela apparaît aberrant ?

Il se leva du banc en voyant qu'elle ne faisait pas du tout mine de vouloir le rejoindre.

— Je pense que vous n'aimerez pas apprendre que ce que vous pensez, en la circonstance, n'est pas très important… ou, en tous cas, est bien moins important que ce qui nous occupe et dont je ne peux pas vous parler.

— Pourquoi ?

— Parce que si je le faisais, je serais en train de vous avantager. Je sais très bien qu'à la seconde où vous réintégrerez l'antichambre, votre loyauté vous poussera à tout raconter aux Docteurs… La puissance de feu de leurs quatre cerveaux alignés en batterie se servira du moindre indice que j'ai semé pour peu que vous vous en souveniez… Comprenez que je n'ai pas le droit de vous aider dans cette épreuve qui doit être neutre et spontanée pour être valable. Nous avons impérativement besoin que la réaction du Docteur qui subit l'épreuve soit spontanée pour qu'elle soit lisible et incontestable…

— Mais alors qu'est-ce que vous êtes en train de faire ici avec moi, si vous n'avez pas le droit de nous aider dans un jeu stupide dont personne ne prend la peine de nous expliquer ni les règles ni les risques ?

— Ce n'est pas un jeu stupide. Ce n'est pas un jeu du tout.

Clara ferma les yeux et posa deux doigts sur son front et réfléchit tout bas :

— Alors, ce n'est pas un procès et ce n'est pas un jeu, mais il y a néanmoins des juges… Où y a-t-il donc des juges ailleurs que dans ces deux cas ?

— Oh vilaine petite maligne qui me fait parler pendant qu'elle cherche encore… dit-il en ayant l'air très content de cet état de fait. Je ne peux pas vous avantager en vous apportant des informations mais je peux le faire autrement.

— Mais pourquoi voudriez-vous le faire, si c'est interdit ?

— Parce que vous faites partie des miens…

— Vous répétez toujours ça mais ça n'a pas de sens. Comment vous appelez-vous ?

Il inclina la tête et esquissa une légère révérence face à elle.

— Ah, voilà quelque chose de pas trop compromettant. Vous pouvez m'appeler Lux.

— Luxe ? Et bien au moins, vous annoncez la couleur…

— Oh par l'Enfer ! Je vous aime ! Vous êtes si drôle, dit-il en riant franchement. Non. Ce n'est pas ce que vous imaginez !... Peut-être que je dois prononcer « Luke » ?

Elle haussa une épaule boudeuse.

— Pff… J'ai l'impression que ce n'est qu'un pseudo que vous me jetez en pâture comme un os à ronger… Pourquoi faut-il donc que je traîne tout le temps avec des types qui refusent de me donner leur vrai nom ? soupira-t-elle. En fait, vous êtes en train de me dire que vous vous fichez complètement de ça et que je pourrais tout aussi bien vous appeler « Luke Skywalker » si je voulais ?

Il acquiesça avec un sourire plus large qu'elle trouva légèrement hypnotique. Elle en croisait beaucoup avec ce genre de sourire ces derniers temps…

— Étymologiquement, ce serait très approprié. J'ai beaucoup de noms, un de plus n'y changera rien.

— Ne me dites pas que vous savez qui est Luke Skywalker…

— Évidement que je sais qui c'est. Je lis tout ce qui est publié.

— Tout ce qui est publié ? Mais… comment pouvez-vous connaître une histoire de ma planète ? s'étonna-t-elle en fronçant les sourcils.

Réfléchis, réfléchis, s'exhortait-elle. Géants, surpuissants, tonnerre, colonnes. Beaucoup de noms

— Je vais devoir vous quitter maintenant. Vous ne me reverrez plus, annonça-t-il.

Elle sursauta, un peu étonnée que leur entretien tourne court de cette façon, alors qu'elle n'avait pas le sentiment d'être tellement plus avancée.

— Quoi déjà ? Mais… avez-vous eu votre complément d'information ?

— Vous avez été convoquée pour un complément d'information, mais qui a dit que c'était moi qui devais le recevoir ? fit-il avec rouerie. Avant de vous dire adieu, je voudrais faire une dernière chose. Vitale. Mais vous devrez me promettre de ne pas le prendre trop personnellement.

Elle secoua la tête avec une consternation surprise en s'écartant pour faire quelques pas, histoire de relâcher sa frustration.

— Vous êtes donc réellement incapables tous de comprendre que nous fonctionnons sur le mode du donnant-donnant ? Je ne promets rien si vous n'expliquez rien. C'est ce que je considère comme un deal équitable…

— Accordez-moi d'user du seul moyen qui me permette de vous avantager sans vous fournir la moindre information préjudiciable à la validité du test. Comme vous l'a suggéré le Docteur sans titre, voyez-le comme un simple symbole.

— Qu'est-ce que vous cherchez ?

— Et bien à dire vrai… éviter une gifle, répondit-il très honnêtement.

— Une gifle ? Mais je ne comprends rien du tout quand vous parlez… Et franchement, je devrais avoir plutôt l'habitude avec le Docteur mais… Qu'avez-vous l'intention de faire qui pourrait vous valoir un tel traitement ?

Un sourire en coin flottait sur ses lèvres, hésitant très exactement entre le flirt, le jeu et la bienveillance. Elle eut le temps de se dire que ceci lui était d'une certaine façon assez familier, mais pourquoi ? Elle ne le connaissait pas du tout.

— Approchez-vous plus près de moi et passez vos bras autour de ma taille, dit-il en écartant les siens légèrement.

— Ah mais pour le coup, je comprends mieux la problématique de la gifle... Vous rêvez tout debout, je ne vais certainement pas faire ça !…

— Vous savez comment on fait. Vous en avez gratifié le précédent Docteur des dizaines de fois ! Vous rentriez d'une mission couronnée de succès, ou bien vous étiez heureuse de le revoir après un temps qui vous avait paru long. Vous couriez vers lui, vous glissiez vos bras sous son manteau pour exercer une légère pression, en posant votre tête sur ses cœurs pour les écouter battre un instant et vous laisser aller contre lui. Et puis vous reculiez d'un pas ou deux et c'était fini. Et vous étiez plus heureuse alors, je me trompe ?

— Que vous importe ?... Comment savez-vous cela ? Vous nous espionniez ?

— Donner l'accolade au Docteur est l'une des raisons même de la présence des compagnons auprès de lui !

— Vous vous fichez de moi ?!

— Non. Combien de fois l'avez-vous fait depuis la dernière régénération ?

— Je n'aime pas du tout comment sonne cette question…

Il sourit.

— Je m'en doute, mais vous savez que ce n'est pas ce que je dis et vous connaissez pourtant la réponse qui est : « pratiquement pas ». Vous êtes devenus distants l'un envers l'autre. Le Docteur n'est pas votre ami. Le Docteur est votre mission. Vous n'êtes pas là pour le suivre partout en pensant que vous l'aidez dans la propre tâche qu'il s'est assignée… Même si occasionnellement ça peut arriver. Les compagnons étaient là pour ancrer le Docteur dans des réalités qu'il a naturellement tendance à mettre de côté. Il est résistant, il n'a besoin de presque rien, il est difficile à tuer, il n'a pratiquement pas besoin de manger ni de dormir… A ses côtés, les compagnons sont fragiles, ils ont faim, ils ont soif, ils ont besoin de se reposer, ils ont des sentiments dont il doit tenir compte… Les régénérations laissent croire aux Seigneurs du Temps que tout ce qui est inférieur à leur mental brillant, y compris dans leur propre constitution, n'a aucune importance. Alors oui, les compagnons doivent le serrer contre eux brièvement et périodiquement pour lui rappeler qu'il a un corps. Ça n'a rien de sensuel, c'est prophylactique.

Elle resta muette à le regarder pendant quelques instants. Effectivement, depuis qu'elle était avec Twelve, ces petits rituels avaient totalement disparu. Bien sûr, il y avait eu la fois où il l'avait consolée quand elle avait failli mourir empoisonnée… Mais il s'était mis en colère quand elle l'avait invité à danser sur Velquesh. Et elle songea à la façon dont il lui avait plutôt lancé des seaux d'eau à tête pour empêcher toute velléité de rapprochement de sa part à bord de la Caravelle [**]… ça aussi c'était très symbolique.

— « Prophylactique » ou pas, commença-t-elle avec hésitation, le Docteur, il… n'aime plus cela.

— Qui vous l'a dit ? interrogea-t-il en levant un sourcil goguenard.

— Tout son comportement ! Il fuit le moindre contact… Enfin, en tous cas, le mien.

— Oh ma Toute-Petite ! Le Docteur vous ment là-dessus ! Quiconque peut dire qu'il n'a pas envie d'un si bref contact – doux, réconfortant et sans la moindre arrière-pensée – est un très piètre et triste menteur… Vous ne devriez pas le croire. Personne ne pourrait le croire. Mais vous, parce qu'il vous est arrivé cette chose regrettable et presque tragique dans un autre jardin, vous avez peur. Et vous marchez dans cette combine… Ce qui ne vous aide, ni vous, ni lui.

Elle se tourna à demi, un peu troublée par ses paroles et mécontente de constater que son boniment ridicule était en passe de trop bien prendre sur elle. Il vint de nouveau plus près d'elle.

— Serrez mon enveloppe comme vous le faisiez autrefois, pour vous prouver à vous-même que rien d'affreux ne se passera si vous faites cela. Vous avez souligné très judicieusement vous-même qu'à l'exception du Neuvième, tous les Docteurs appelés étaient sans compagnons. Même le Douzième est aussi sans vous, d'un certain point de vue, parce qu'il déjoue votre mission… Et vous ne pouvez pas savoir combien c'est si terriblement dangereux, un Docteur sans compagnon ! Vous ne pouvez pas savoir ce qu'il peut devenir !

— Un « Valiarde » ?... C'est quoi d'ailleurs, au juste ?

— Imaginez un Docteur qui ne serait pas au service du Bien, corrompu par trop de solitude et de souffrance, un Docteur sans frein, qui aurait oublié comment se soucier de toute créature plus faible que lui. Imaginez sa capacité à mentir et les pouvoirs qu'il a, employés pour tuer ? pour torturer ?…

— Un Seigneur du Temps noir ? frissonna-t-elle. N'était-ce pas déjà le cas de celui qui se faisait appeler le Maître ?

— Ce serait bien plus terrible, si le Docteur devenait le Valeyard car son pouvoir de nuisance serait sans commune mesure. Bien supérieur à celui du Maître.

— Et tout cela vous inquiète ? Qu'en avez-vous à faire ? Oh… attendez, vous avez peur de ça ! Est-ce qu'il deviendrait une menace pour vous ?

— Venez juste contre moi, esquiva-t-il. Comprenez que votre peur peut être traversée de part en part, et que c'est de cette façon que vous pouvez aider le Docteur.

Elle cligna des yeux, détournant la tête, s'accrochant désespérément à ses dernières résistances.

— Il y aura toujours d'autres hommes comme celui qui m'a tuée… Ce ne serait pas intelligent de croire qu'ils peuvent disparaître parce que je ne veux pas y penser…

— Tête de mule ! Si cela peut vous réconforter, je puis vous assurer que certains d'entre nous ont consacré pas mal d'énergie à régler le problème qu'il représentait, en payant abondamment de leur personne pour y parvenir…

Il écarta les bras en prenant la pose, un air d'encouragement peint sur son étrange visage. Et... elle se laissa fléchir, maudissant sa propre faiblesse qui la poussait à l'écouter dire ce qu'elle avait envie d'entendre. Elle enlaça sa taille et le serra contre elle, enfouissant sa joue contre le tissu de sa tunique…

— Oh, enfin ! dit-il seulement. Vous êtes vraiment dure à convaincre… Puis-je mettre mes bras autour de vous maintenant ?

Elle hocha la tête plusieurs fois contre lui sans répondre, en signe d'assentiment.

— Vous voyez, ce n'est pas si terrible… Est-ce que c'est terrible ?

— Ça dépend de ce que vous entendez par là… Vous vous vexeriez peut être je disais que ça ne l'est pas ?...

Un rire secoua sa poitrine et c'était drôle de l'entendre à la source par-dessus le bruit du cœur. Un seul cœur, au moins ce n'était pas un Seigneur du Temps…

— Ha ha… « Pas terrible », je comprends…

Il la relâcha le premier. Elle dût admettre en elle-même que ça lui avait semblé trop court.

— Et voilà ! dit-il. Vous allez pouvoir rejoindre les Docteurs maintenant.

Elle s'écarta de lui mais l'un de ses bras la retint à la taille.

— Ah oui, j'oubliais…

Il approcha ses lèvres des siennes et les effleura à peine d'un baiser sans poids, léger comme une plume. Elle ne comprenait pas bien comment elle avait pu ne pas reculer instinctivement, comme ça lui arrivait toujours maintenant. Mais au contraire, fermer les yeux, sentir son souffle et juste ce bref contact, gentil et très agréable.

— Dernier petit cadeau d'adieu, commenta-t-il avec un clin d'oeil. Maintenant, ça aussi c'est réglé. Ça aurait été dommage… Vous voyez, je viens de vous embrasser et il n'y a eu aucune catastrophe. Tâchez d'y repenser de temps en temps.

— Aucun risque !

Légèrement interloqué, il se retourna vers elle alors qu'il avait déjà commencé à s'éloigner en reprenant ses dimensions normales.

— Aucun risque que vous y repensiez ?

— Vous m'avez bien dit que ça n'avait rien de personnel et qu'il fallait y voir un acte symbolique d'une portée plutôt… thérapeutique ?

— Ravi de constater que vous comprenez si bien ma philosophie, rétorqua-t-il avec un sourire charmeur. Vous allez me manquer. Gardes ! Raccompagnez-là !

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Les deux gardes qui l'avaient escortée à son arrivée dans le cloître, revinrent pour la ramener dans l'antichambre. Avant la fin du trajet de retour, elle s'était fait une idée beaucoup plus claire de l'identité de leurs ravisseurs, mais elle avait besoin d'en parler avec le Docteur et de confronter leurs points de vue. Car si elle avait raison, c'était tout à fait vertigineux.

Quand elle entra dans la pièce, elle les trouva tous inquiets et soudain soulagés de la voir revenir entière. Twelve s'approcha d'elle avec sollicitude.

— Clara, mais ça fait des heures que vous êtes partie ! Est-ce que vous vous sentez bien ? Vos joues sont très… euh, roses et je trouve que vos yeux ont l'air fiévreux. Avez-vous été droguée ?

— Non pas du tout, je vais très bien. C'est juste que je viens de comprendre l'expression "embrasser comme un dieu" !...

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Note de l'auteur : Ne trépignez pas, à la demande des juges, les trois prochains chapitres reprennent le déroulement de l'intrigue centrée sur les protagonistes de New-York seventies !

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[*] Cf. du même auteur : Episode 2 - From Vegas, with love t.1 novembre 2014. FFnet - [**] Cf. du même auteur : Episode 4 - Allons sauver le Corsaire février 2015.

 

 

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