Lorcana: Monde Patchwork

Chapitre 10 : C'est la fete (suite et fin)

1843 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 07/08/2024 17:27


Chapitre 10:

C'est la fête (suite et fin)



La corde était tendue. Le condamné en place. Le loquet métallique glissa, refermant la partie supérieure sur le cou du Lièvre de Mars.

-Quelle chance j'ai, d'avoir perdu la tête depuis déjà tant d'années. N'est-ce pas, mon vieil ami ?

Son vieux chapeau en équilibre par-dessus sa cagoule de bourreau, le Chapelier avait bien du mal à trouver matière à rire.

-Vous savez ce qu'on dit : tête qui roule n'amasse pas mousse, mon vieux compagnon. Je lèverai tout de même mon verre en votre honneur.

Les injonctions de la foule ne furent apaisées qu'avec la mise en place du prisonniers sous la guillotine.

Ce fut à cette seule condition que les détracteurs acceptèrent d'écouter le discours du Roi Hercule.


Lui qui avait l'habitude de jouer de poings n'avait pas l'éloquence de son adversaire.

-Foule de Lorcana, sorciers, seigneurs et troubadours, serviteurs et autres… Cartes...

Le roi roux bredouillait. Balayant la foule du regard, il y trouva le visage familier de Gaston. La confiance que le français avait dans les yeux était communicative. Plus près de l'estrade, Hercule reconnu le soldat Ping. S'en trouvant ragaillardi, il reprit :

-Quiconque pousse une partie de son peuple à l'exil, quiconque condamne à mort une partie de son peuple, n'est en aucun cas digne de porter une couronne. Haïr une partie de son peuple avec pour simple excuse la différence, n'est en aucun cas signe d'un esprit enclin à la sagesse nécessaire à une régence saine.

Une rumeur d'approbation sembla monter timidement. Les têtes pensantes de Lorcana n'étaient heureusement pas qu'un ensemble de brigands et de sadiques.

-Pour avoir été un animal moi-même, glissa timidement l'empereur Kuzco à sa voisine, je ne leur souhaite pas la mort pour autant.


La poitrine gonflée de confiance Hercule sorti Excalibur de son fourreau et planta l'épée dans le bois de la scène.

-Maintenant, conclu t'il. Quiconque cautionnera la politique de la Reine Cruella aura à faire a moi ainsi qu'à l'armée du Vieux Londres et celles de nos alliés.

Sorcières et sorciers sentaient l'aura divine du jeune souverain. L'affronter sans un peu de préparation aurait été peu avisé.

-C'est une fichue claymore, mon fleuret ne fait pas le poids, marmonna Crochet à sa cavalière. C'eût été un fleuret, je l'empalais tel un espadon.

Les voix des sorciers, vizirs et autres sympathisants furent finalement couverts par celles, plus nombreuses, de la raison :

-Je suis Vaiana de Motu Nui. Et je m'y oppose !

-Je suis la princesse Tiana de Moldania. Et je m'y oppose !

Même le chef d'orchestre se retourna :

-Je suis Mickey Mouse. Et je m'y oppose !

Le teint pâle de la reine rougi légèrement de colère. Elle pointa du doigt le pauvre lièvre.

-Qu'on lui coupe la tête !!


Hercule délogea son épée. D'un mouvement circulaire puissant et élégant, Excalibur trancha de biais les montants de la guillotine. La partie haute tomba en arrière dans un fracas sourd provoquant le silence parmi l'assemblée.

La corde toujours en mains, le Chapelier se tourna vers sa reine :

-Madame, mon travail est de tirer sur cette ficelle.

Avec un petit geste sec, il ramena la corde vers lui. Sans effet, cela va sans dire.

-J'ai accompli mon devoir.

Toujours fiché dans le restant de la structure, le Lièvre de Mars, mauvais comédien, s'empressa d'ajouter :

-Ah mon Dieu, je me meurs ! Je vois la vie défiler dans mes yeux ! Ça fait beaucoup de tasses de thé !

Après avoir essuyé une larme au travers le tissu de sa cagoule, le chapelier applaudit à tout rompre :

-Bravo, mon ami ! Bravo ! Quel interprétation !

Cruella feula au travers ses crocs :

-Bande de dégénérés!

La frêle frappadingue gesticulait en aboyant ses ordres :

-Arrêtez les tous ! Tranchez-leur la tête !

Planqué derrière la crinoline, le micro monarque marmonna :

-J'ai comme une impression de déjà-vu...


La colonne de soldats-carte-a-jouer avança d'un pas au pied de l'estrade. Mulan également.

Les militaires brandirent une rangée de pointes menaçante, resserrant le manche de leurs lances.

La guerrière libéra ses cheveux, fit sauter les boutons de sa chemise, libérant son dragon.

Mushu sillonna les côtes de Mulan, puis son dos, pour venir se coucher sur son avant-bras.

Le duo fit jaillir le feu en ligne droite aux pieds de la rangée de soldats. Fier et menaçant le petit dragon ordonna :

-Maintenant les rigolos, on dépose les armes !

L'une des cartes hurla :

-Mes pieds !

Dans la manœuvre une flammèche avait embrasée la jambe d'un quatre de carreau. Celui-ci se précipita vers le comptoir et se vida le bol de punch sur les genoux.

-Désolé, grimaça la jeune femme.

Pointant sa redoutable arme à feu, elle garda en joue ses adversaires.


Cruella fit mine de filer à l'anglaise, mais Hercule s'interposa.

-Vous n'êtes qu'une triste vieille folle, déplora-t-il.

-Avant tout, il s'agit d'une très méchante dame.

La voix était ronde, douce, mais déterminé. Un ourson en peluche jaune, portant un chapeau pointu bleu orné d'étoiles et de lunes, venait d'apparaître sur la scène. Hercule et l'enchanteur se rencontraient pour la première fois.

-Qui es-tu ?

-C'est ma future paire de chaussons, persifla la fashionista fanée.

Le petit bonhomme avança, retirant calmement son sac à dos.

-Je suis Winnie l'ourson et je suis un enchanteur. Je suis un enchanteur de peu de chose, mais j'ai ceci…

Après avoir déposé le sac sur le sol, le plantigrade en extirpa un cristal bleu, tout en longueur.

-Cette femme est une méchante femme, reprit-il. Cette méchante femme a fait beaucoup de mal. Et cette méchante femme n'avait aucunement l'intention d'arrêter de faire du mal.

Les bras en croix, elle toisa l'ourson puis Hercule qui venait de glisser la claymore légendaire dans son fourreau. Cruella statua :

-Je ne fais pas "du mal". Je fais des vêtements.

-Et ce sont de très jolis vêtements, concéda Winnie. Mais le lin ou la laine feraient de meilleures matières premières.

Il inspira ensuite profondément, pris son air le plus digne et déclara :

-Par les pouvoirs qui me sont conférés par mon joli chapeau pointu, ainsi que par ces cailloux. Je vous condamne à l'exil, Madame D'Enfer.

Les rides de son visage squelettique s'étirèrent, imprimant doucement un froid rictus de défi sur le visage de Cruella D'enfer.

-Et comment comptes-tu t'y prendre ?

-Il me suffit d'y penser, et de faire comme ceci...

Winnie l'ourson leva le fragment de Lore puis ferma les yeux. Aussi lentement que descendirent ses paupières, le caillou se volatilisa, de haut en bas, derrière un voile de fumée bleue, jusqu'à laisser la patte de l'animal vide. Lorsqu'il rouvrit les yeux, Cruella avait également disparue.


Les yeux comme des soucoupes, le jeune Hercule n'osait pas sourire, n'osait pas y croire.

-Ce sont des fragments de Lore dans ton sac ?

-Tout à fait.

-Et tu as renvoyé la vieille folle dans son histoire ?

-Tout à fait.

La bonhommie de l'ourson tranchait avec la magie dont il venait d'user. Une candeur à réchauffer le cœur. La douceur d'un ours en peluche.


...



Tandis que les soldats-carte-a-jouer s'entretenaient avec leur souverain submergé, Hercule quittait la scène, allant à la rencontre de la combattante au dragon.

-Soldat Ping?

Mushu lui grimpant sur l'épaule, elle se mit au garde à vous :

-Oui, votre Majesté.

Puis, elle se relâcha, se laissa tomber, un genou à terre :

-Non, votre Majesté. Mon véritable nom est Fa Mulan, votre Majesté.

Hercule s'agenouilla. D'une main délicate, il releva le visage de la jeune femme. Il y avait de la honte dans ses yeux.

-Mais pourquoi ?

-C'était moi ou mon père, votre Majesté. Mon père est un vieil homme. Et l'armée ne recrute pas de femme.

-Cela demande du courage et de la noblesse pour agir comme tu l'as fait. Relèves toi, Fa Mulan.

Tout en la tenant par les mains, il accompagna le mouvement.

-Tu as le cœur pur. Quant à savoir si dorénavant l'armée recrutera ou non des femmes, ce sera désormais à toi de décider.

Hercule libéra sa ceinture, prit le fourreau d'Excalibur à deux mains puis s'agenouilla une nouvelle fois, levant l'épée au-dessus de sa tête.

-Reine Fa Mulan, je vous confie l'épée et le trône du Vieux Londres.

-Bravo P'tit Ping!

Toujours accroché l'un a l'autre, Gaston et Blanche Neige émergèrent de la foule. Le brouhaha causait par la disparition de la Reine de Cœur s'apaisait lentement.

Après une accolade, Hercule et Gaston restèrent tout sourire, sans savoir quoi se dire, jusqu'à ce que le demi-dieu s'exprime :

-Merci.

-Merci à toi d'avoir cru en moi. Mais pour être honnête rien n'aurait été possible sans Blanche et Mulan.

-Je regrette de devoir faire de ses retrouvailles des adieux, intervint L'Enchanteur.


...



-Être bon demande des efforts au quotidien, Monsieur Gaston. Et ce n'est pas l'effort qui vous fait peur, je le sais. Vous serez quelqu'un de bien.

De ses lèvres rouges, elle marqua d'un baiser la joue de son roi d'un soir et rejoignit L'Enchanteur, ainsi qu'Hercule.

Ce dernier conseilla à Mulan de ne pas hésiter à recadrer le vieux Grimsby, ajoutant :

-C'est une tête de mule, mais il finira par vous écouter.

Finalement, l'ourson annonça :

-Si vous êtes tous prêts... Nous allons pouvoir y aller.

Il y avait retiré une poignée de Lore avant de donner son sac à dos à la Reine Mulan.

Les yeux fermés, pour toute incantation, il se contenta d'un :

-Pense, pense, pense…

L'instant d'après, ils n'étaient plus là.


...


Mushu dans son sac à dos, Mulan s'éloignait sous la lune, reprenant avec Gaston la route en direction du Vieux Londres. Le français avait balancé sa perruque blanche dans un buisson en sortant de la cour.

-Attendez! Attendez!

Le mini monarque de cœur manqua de glisser par trois fois sur les graviers blancs avant d'atteindre la grille. Il tomba hors d'haleine aux pieds de Mulan.

-Oui, votre Altesse ? Lui demanda-t-elle.

La moustache en berne, triturant les coutures de son interminable cape, le roi de cœur ne posa qu'une question :

-Heu... Qui c'est qui commande maintenant ?

Gaston se pencha pour réajusta la petite couronne du moustachu.

- C'est toi qui commandes. Va falloir assumer le truc que tu as sur la tête et commencer à prendre les bonnes décisions.

-Seul?

-Parfois, il n'y a pas de mal à être seul.

Il se redressa puis donna un léger coup de poing dans l'épaule de son amie.

-Allez, viens p'tit Ping. On a de la route.

-C'est Votre Altesse, pour toi Gaston.

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