Lorcana: Monde Patchwork

Chapitre 9 : C'est la fete

1803 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour il y a 8 mois


Chapitre 9: C'est la Fête



Sous la brise du soir, le deux de Cœur et son comparse le trois avaient été chargés d'accueillir les invités.

Ils observaient leur camarade le quatre, équipé d'un long roseau au bout enflammé, allumer sans précipitation les lampadaires qui cernaient la grande cour face au château. Les soldats-carte-a-jouer n'aimaient guère devoir manier le feu, du fait de leur nature inflammable.


Le jour faisait doucement place à la nuit. Le ciel dévoilait discrètement une lune au-dessus de la frondaison de la forêt toute proche.

Les roues du défilé des carrosses faisaient chanter les gravillons blancs de la cour, se mêlant aux mélodies dansantes qui s'élevaient du château.

Des quatre coins de la région arrivaient toutes sortes de dignitaires : soldats, petits seigneurs et politiciens.

Tous invités pour constater la main mise de la nouvelle dirigeante du Royaume de Cœur.


Une ancienne embarcation convertie en calèche rondouillarde déposa un fier capitaine, dont le crochet avait été lustré et le bouc noir finement taillé pour l'occasion.

Une grande sorcière se libéra de la voiture suivante, se tordant le cou pour passer son improbable coiffe à corne par la petite porte du véhicule. Émergeant de quelques ombres, un corbeau vint se poser sur son épaule. Sa peau pâle et son air lugubre ne pouvaient trahir sa joie d'avoir invitée.

Ainsi fut le défilé de convives jusqu'à l'arrivée du carrosse en forme de gigantesque pot de miel.

Ping/Mulan qui avait rejoint le cocher à l'avant du véhicule sauta à terre. Avec d'amples mouvements maladroitement maniérés, le valet libéra ses compagnons, contrefaçon de chef d'états plus vrai que nature. Élevée depuis toujours dans les conventions dû à son rang, Blanche Neige n'avait aucun mal à présenter un sourire radieux en dépit d'une météo émotionnelle troublée. Ce n'était pas le cas de son compagnon d'un soir: Gaston ne cachait pas sa colère. Fort heureusement, les sourcils froncés d'un dirigeant trahissent bien souvent de préoccupations politiques. Sa mauvaise humeur renforçait donc sa crédibilité.


Habillés d'or, d'ambre et de lumière, le couple avançait, elle radieuse, lui sévère, suivi de leur discret serviteur.

Les gardes firent une révérence, laissant passer le trio, sans remarquer les petits pas invisibles qui s'enfonçaient dans les graviers, juste derrière Ping. Winnie, transparent, fermait le cortège, son sac à dos rempli de fragments de Lore.


...



Les couples dansaient sous l'imposant lustre de cristal de la salle de bal.

Dominant le fond de l'immense pièce, sous d'enormes vitraux ouvragés aux motifs royaux, un orchestre entretenait une valse. L'ensemble était composé d'animaux de basse-cour : cochon, vache, chien... Dans son coin, un canard habillé en marin jouait de la flûte, parfaitement en désaccord avec les instructions du chef d'orchestre : une souris noire, vêtu d'une queue de pie rouge agrémentée d'élégants gants blancs.


À l'autre extrémité de la salle se trouvait une estrade sur laquelle un petit rouquin, surmonté d'un haut-de-forme mal en point, supervisait la mise en place d'une guillotine. Le Chapelier se plaignait :

-C'est un charpentier qu'il nous faudrait.

-Le dernier à avoir passé les portes du château a été décapité, M'sieur Chapelier.

Bill, fringuant lézard de son état, était ramoneur. Il avait eu le malheur de passer par là, et s'était retrouvé réquisitionné. Tout animal qu'il était, il se doutait que ce serait l'obéissance ou les geôles. Aussi benêt fut-il, il savait très bien que ce serait en vérité: l'obéissance d'abord, ensuite les geôles.

La nouvelle reine avait tenu à ce que quelques animaux soient présents. Après tout le message qu'elle tenait à faire passer leur était également réservé.


S'avançant vers la piste de danse, sa reine a son bras, Gaston interpella Mulan:

-Fais ce que tu as à faire, p'tit Ping.

Mulan sentait que la mauvaise humeur du Français s'estompait, à son égard du moins. Ce qui était un début.

Elle adressa un dernier regard entendu à Blanche Neige avant de disparaitre derrière le mur de valet, de majordome et autres domestiques qui entourait la piste de danse.


Mulan avait fini par apprécier Gaston. Elle avait également une réelle affection pour Blanche Neige et sa gentillesse débordante. Si les choses tournaient mal, elle ne reverrait plus ses compagnons. Cette idée venait seulement de la frapper.

De ses mains, elle balaya l'air au-dessus du sol.

-Où es-tu maudis ours ?

Elle le trouva rapidement, saisi l'invisible sous les bras et le souleva pour le poser sur son épaule. Ce qui ne manqua pas de gêner Mushu, toujours glissé sous les vêtements de sa maîtresse.

Winnie semblait lire les inquiétudes de la jeune femme.

-Ne t'inquiète pas, si nous n'atteignons pas notre but, je vous renverrai chez vous.

-Qui a dit que je voulais utiliser tes satanés cailloux magiques? Toute ma famille vis en Lorcana. Mon récit est ici désormais.

À coup de coudes, Mulan se frayait un chemin parmi les domestiques. Elle avait du mal à se contenir.


Gaston n'était d'ordinaire pas un merveilleux cavalier, mais aujourd'hui, il était particulièrement rigide. Blanche Neige essayait de suivre, subissant péniblement cette valse.

-Je sens que vous préoccupez, mon ami.

Autour du couple, virevoltaient les autres invités. Le Capitaine Crochet valsait avec grâce, serrant contre lui Maléfique. La majeure partie des convives n'inspirait guère la sympathie.

La "reine des abeilles" plongea ses yeux noirs dans ceux de Gaston. Sitôt y perçut-elle une certaine mélancolie, qu'il détourna le regard.

-C'est votre vie, Blanche.

Les mouvements de Gaston se firent plus souples.

-Je n'ai aucun droit de vous retenir ici. Peut-être, suis-je envieux.

Il n'y avait plus qu'eux au milieu de la foule.

-Vous avez une vie à affronter, reprit-il. Une vie qui vous attend, un destin à vous approprier.

Son regard n'était plus fuyant.

-Je vous respect pour ça. Je respecte votre courage. Et je vous envie, répéta-t-il. Moi, je n'ai qu'une vie futile et une mort méritée qui m'attend.

-Vous avez une nouvelle chance ici.

Elle déposa sa joue contre le torse de son roi d'un soir. Son cœur donnait de grands coups. Le sien également.

-J'aurais tant aimé vous emmener avec moi.

La valse s'était envolée.


Accoudé près du bol du punch, un grand zigoto tentait tant bien que mal d'impressionner une jeune femme. Cliché parfait du dragueur de soirée, il ne parlait que de lui :

-C'est pas tant d'avoir été changé en lama le problème, quoique si, avoir une langue de lama dans la bouche... Pouah! Je souhaite ça à personne. En tout cas, pas à moi. Enfin pas à nouveau, je veux dire.

La jeune Polynésienne l'écoutait par pure politesse. Par bonté d'âme peut-être. Par habitude, très certainement. Une fille de chef est habituée aux divers protocoles. Faire preuve de diplomatie peut parfois être une véritable corvée.

Elle était très séduisante, de longs cheveux ondulés, charmant haut à motif, petite robe traditionnelle à franges. Les bras en croix, elle attendait la fin du monologue.

Lui, ne la regardait même pas. Le nez dans son verre. Il continuait inlassablement de raconter sa vie. Grand, filiforme, vêtu d'une robe dorée, surmonté d'une ridicule couronne en demi-cercle, il aurait pu être mignon, s'il avait su se taire.

-Je me nomme Kuzco.

-Oui, vous l'avez déjà dit. Deux fois.

-Ho, et vous êtes ?

-Je suis Vaiana de Motu Nui. Mais je vous l'ai déjà dit également.

-C'est sans importance, commenta-t-il, pensif. Où en étais-je ? Oui, les lamas.

Il fut brutalement bousculé d'un coup de coude par un serviteur pressé, remontant la foule en direction de l'estrade.

Sous le choc, le contenu du verre avait teinté de rouge la royale tenue de l'Empereur Kuzco. D'une tape sur l'épaule, Vaiana ironisa avant de s'éloigner :

-C'est sans importance.



Le clairon du Lapin Blanc fit taire les bavardages. À l'extrémité opposée de la guillotine, Cruella montait sur scène. Le lapin annonça, faisant montre de toute la solennelité nécessaire :

-Sa Majesté, la grande Cruella ... Heu... La reine de Cœur.

Puis, il disparut, se contorsionnant en mille courbettes, traînant derrière lui sa trompette.


Accueilli sous les applaudissements, suivi de son petit époux, puis du roi Hercule vêtu de son éternelle armure de cuir, Cruella avançait, imposante.

Arborant sa dernière création: une gargantuesque robe à crinoline surchargée de jupon qui avalaient complètement sa silhouette squelettique.

Les traits anguleux de son visage maquillés de noir étaient menaçants. Sur le vêtement, quelques cœurs apparaissaient de-ci de-là sous des arabesques blanches et noires.


Auréolée d'un nuage de fumée, une cigarette entre les doigts, elle toussotât, puis, de sa voix grinçante, s'adressa à la foule :

-Peuple du Pays des Merveilles, très estimé voisin de Lorcana !

L'acoustique de l'endroit portait sans peine le discours :

-Comme vous le savez la politique intérieure a été réajustée depuis mon accession au trône. Il ne vous aura pas échappé qu'aucun notable ou dirigeant de la Terre des Lions, de Zootopia ou de Duckburg n'a été convié à notre petite sauterie. Les animaux présents ce soir le sont pour une bonne raison : dans un premier temps servir, puis répandre mon message dans un second temps.

Une rumeur approbatrice monta de la foule.

-Je sais de source sûre, que nombreux parmi vous sont ceux partageant notre vision : les humains et les animaux ne devraient pas avoir à vivre ensemble !

La rumeur se mua en acclamations.

Cruella D'enfer était triomphante. Sinistrement radieuse.


Mulan, toujours sous l'accoutrement de Ping le serviteur, un ours invisible sur l'épaule, un dragon dormant sous la chemise, émergea de la foule dans l'espace face à l'estrade. Celle-ci était cernée des gardes-cartes-a-jouer. La guerrière recula de quelques pas, pestant.

La régente venait d'annoncer l'exécution à venir, prélude à celles qui émailleraient chaque mois le quotidien du royaume tant qu'il resterait des non-humains sur le territoire.

-Mais avant les réjouissances, je me dois de vous présenter notre invité d'honneur : le Roi Hercule !


De ses doigts décharnés, elle invita le jeune homme à se rapprocher.

-Il nous vient du Vieux Londres, et aimerez s'entretenir avec vous.

Le jeune monarque fut accueilli sous les insultes et les sifflements.

Au milieu de la foule, le Capitaine Crochet hurla :

-On veut l'exécution !

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