Lorcana: Monde Patchwork

Chapitre 3 : Hockety pockety wockety wock!

1649 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 16/05/2024 16:14

Chapitre 3: Hockety pockety wockety wock !




La panique avait disparu, la peur était restée.

Durant les premiers jours, Blanche-Neige avait attendu. Espérant voir revenir les habitants de la petite chaumière.

Elle dut finalement se faire une raison : la maisonnette était abandonnée. Les sept petits lits à l'étage n'avaient plus de propriétaire.


Blanche-Neige avait fui sa belle-mère le jour où la puberté l'avait fait passer aux yeux de la marâtre de simple nuisance supportable à rivale.

La méchante Reine de cette région était vaniteuse.

Aucune femme de son royaume n'était autorisée à être plus belle, plus désirable ou plus ensorcelante qu'elle. Hors Blanche-Neige l'était. Avec ses lèvres rouges comme la rose, ses cheveux noirs comme l'ébène et son teint blanc comme la neige, la jeune femme aurait fait chavirer le cœur de tous.

Ce qui était une raison plus que suffisante pour que sa vie soit en danger.

Aussi, avec la complicité de l'un des hommes de main de la Reine Sorcière, Blanche-Neige avait fui.

Elle avait fui aux travers les bois et avait échoué, hors d'haleine dans une chaumière abandonnée.


Il lui avait fallu ranger, balayer, épousseter et aérer les lieux, mais l'endroit était finalement plus qu'agréable.

De charmants motifs, de petits animaux et même des fleurs, étaient finement sculptés sur les meubles, le montant des escaliers, sur les chaises… Sur toutes surfaces pouvant recevoir la morsure artistique d'un ciseau à bois.

Le garde-manger regorgeait de bocaux, d'alcool et de viandes séchées. Il y avait même un petit piano non loin de la cheminée.

Si sa situation n'évoluait pas d'ici-là, Blanche-Neige se voyait bien traverser l'hiver dans la coquette chaumière.


Ce jour-là, Blanche-Neige balayait la peur et le sol au tempo de sa chanson un tantinet naïve, espérant qu'un jour son prince viendra.

Sous les yeux d'un daim qui avait passé sa tête par la fenêtre, la jeune femme chantait également tour à tour pour un couple de mésanges, une tortue et quelques lapins. Les oiseaux, de leurs petites pattes, pliaient le linge, tandis que la tortue frottait la vaisselle aux rythmes des rêveries musicales de la princesse.

Le satin de son bustier bleu semblait briller tandis que le long jupon mimosa de sa robe virevoltait au rythme de ses pas de danse.

Les gazouillis accompagnaient la chanson :

-Un jour mon prince viendra, Un jour, on s'aimera, Dans son château heureux, s'en allant... goûter le bonheur qui nous attend...

Appuyée sur son balai, elle leva la tête en direction de deux tamias rêvassant sur une poutre ouvragée.

-Quand le printemps, un jour, continua-t-elle

-Ranimera l'amour, entonna le tamia au nez rouge.

Le doux chant fut remplacé par un hurlement de frayeur. Blache-Neige se jeta au sol, rampa derrière une chaise, paniquée. Ses cris avaient fait fuir la faune des spectateurs.

-Il parle ! Hurlait-elle.

Le plus grand des deux tamias, celui au nez noir, frappa un grand coup sur le sommet du crâne de son comparse :

-Es-tu fou?!

-Bah, pourquoi ?

-Elle n'a pas l'habitude que les animaux lui répondent !

-Mais, Tic, elle parle aux animaux à longueur de journée, fit Tac en frictionnant son crâne endolori.

-Et personne ne lui a jamais répondu, non? Ce n'était pas une raison pour pousser la chansonnette !

Les mains sur les hanches, Tic ordonna :

-Va t'excuser !

Les bras ballants, Tac était confus :

-En lui parlant ?

Un second coup vint s'abattre sur sa petite tête :

-Mais oui en lui parlant, imbécile !

-Mais tu avais dit que...

Tic asséna un dernier coup :

-Le mal est fait ! Va t'excuser !


C'est ainsi que Blanche Neige fit la connaissance de ses nouveaux amis, Tic et Tac.


...



La salle du trône était gigantesque.

Et déserte.

Ce qui rendait les lieux plus imposants encore.

De larges dalles aux diverses nuances de gris formaient une étrange mosaïque au sol et, tombant des hauteurs, de longues bannières habillaient les murs bruts.

Hercule, assis sur son noble trône de chêne, n'avait pas dormi depuis deux jours. Depuis qu'il avait retiré l'épée de l'enclume.

Excalibur reposait sur ses genoux, comme un gros chat imposant sa présence à un invité allergique aux félins.

Face au Roi Hercule se dressait la table du petit déjeuner, aussi généreusement garnie que l'agenda qui attendait le jeune souverain en devenir.

Les jambes croisées posées sur la table, les bottes entre le beurre et la confiture, Gaston, avachis sur sa chaise, découpait des quartiers de pommes qu'il chargeait dans sa bouche au fur et à mesure.

Le balaise, lui, n'avait eu aucun mal à dormir. Cependant, il aurait presque été peiné pour son compagnon de voyage : lui-même n'aurait pas voulu de la charge royale. Il était finalement satisfait de ne pas avoir eu à tirer l'épée.

De l'autre côté de la table, Merlin laissait pendre une petite boule à thé brillante au bout d'une chaînette dans l'eau fumante d'une petite tasse. Il avait délaissé son chapeau à côté d'une assiette de haricots blancs dans laquelle picorait son hibou, Archimède.

Le silence gêné était rythmé par les mastications de Gaston et les coups de becs sur la porcelaine. L'enchanteur décida d'élever le débat :

-Je sais qu'aucun d'entre vous ne se sent à sa place ici...

Le volatile intervint de sa voix grinçante :

-Si mon sort est d'avoir un plat de haricots chaque matin, je pourrais y prendre goût.

Après un regard sévère à l'attention d'Archimède, Merlin s'éclaircit la voix et repris :

-Je suis un enchanteur, or le rôle d'un enchanteur est de savoir des choses. Et je sais ceci : ce monde et ses habitants, nous y compris, ont été invoqués par une force supérieure afin de faire évoluer son propre univers.

Gaston manqua d'avaler un quartier de pomme de travers. Merlin lui accorda :

-Oui, c'est une idée difficile à appréhender.

-C'est surtout une idée difficile à comprendre, lui reprocha le chasseur.

Le thé avait fini d'infuser. Merlin déposa délicatement la petite boule métallique sur une serviette de table et reprit, après une gorgée :

-Pour faire simple : libre à vous de rester ici ou de quitter ce monde afin de rejoindre le vôtre.

Toujours silencieux, Hercule posa Excalibur en appuis contre le trône, puis se pencha en avant.

-Votre récit existe toujours, continua Merlin en sirotant son breuvage. Il y a un moyen de le réintégrer. D'y retourner comme si vous ne l'aviez jamais quitté.

Le magicien déposa sa tasse puis commença à fouiller ses poches afin d'en vider le contenu sur la table.

-Voyons... Où ai-je bien pu le ranger?

Entre les toasts et la théière apparurent bientôt une vieille pipe et son sac de tabac, une fourchette...

-Un zirgouflex, rectifia l'enchanteur.

... Une casquette Dingo, un sachet de graines pour hibou... Merlin poussa finalement un cri victorieux :

-Le voilà !

Entre ses fins doigts, l'enchanteur tenait une roche bleue, luisante et longue comme un stylo.

-Ceci est un fragment de Lore.

Gaston avait retiré ses bottes de la table pour se pencher en avant à son tour.

-Ce caillou est lié à chacun des résidents de Lorcana.

Au travers ses fines lunettes, le vieil homme était comme fasciné par ce qu'il avait en main.

-Ceci peut défaire la magie qui vous a invoqué ici en vous renvoyant d'où vous venez. Vous ou quelqu'un d'autre.

Herc s'exprima enfin :

-Et où peut-on trouver une telle roche ?

-Il y a des gisements de Lore un peu partout en Lorcana. Le plus proche se trouve au royaume du Pays des Merveilles. Vous devriez pouvoir vous y rendre et en récolter sans peine : la Reine de Cœur est assez laxiste en ce qui concerne ce qu'elle ne voit pas. À dire vrai, ses soldats ne patrouillent qu'à l'intérieur de l'enceinte de son château.

Sautant sur ses jambes, comme ragaillardi, Hercule frappa dans ses mains :

-Bien mettons-nous en route !

Mais Merlin le coupa dans son élan :

-Non, pas vous, Votre Majesté.

Le visage du demi-dieu s'assombrit de nouveau.

-Je ne vous connais que de réputation, Hercule, et je ne vous imagine pas laisser cette cité privé de souverain plus longtemps.

La supposition de l'enchanteur fut confirmée par le silence honteux du jeune homme. Merlin continua :

-Vous prévoyez sans nul abdiquer, après avoir designer un successeur digne de ce nom. Mais pour abdiquer, il faut être couronné. Ce qui n'arrivera que d'ici à quelques jours.

Le vieux sage se leva, ficha son chapeau sur son crâne et se pencha vers Gaston :

-C'est à vous qu'incombe cette quête.

Le chasseur laissa échapper un rire gras et dédaigneux.

-Vous ne seriez pas un peu sénile ? Moi ? Vous suivre à la recherche d'un caillou magique sans être certain que cette magie noire fonctionne ?

Archimède se posa sur l'épaule de son maître.

-Mais je ne vous accompagnerai pas mon bon ami, répondit amusé le sorcier. Voyez-vous, cette histoire me perturbe au plus haut point, aussi Archimède et moi-même allons de ce pas rejoindre notre propre récit.

Il réajusta ses lunettes. Serra sa prise sur la roche bleue.

-Pas d'inquiétude, c'est simple comme bonjour. Regardez: il vous suffit tout bonnement d'imaginer une personne, ou vous-même, et de vous concentrer sur son départ...

Sous les yeux médusés de Gaston et d'Hercule, Merlin et son hibou furent lentement enveloppés dans une brume bleutée qui s'estompa peu à peu. Il ne resta que la voix de l'enchanteur qui planait dans l'air :

-Vous voyez : simple comme bonjour !

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