Fairy Big 4 : La légende des quatre saisons
[Royaume de l’Hiver]
Triste, Jack s’était éloigné de la frontière, suivi par Elsa. Il regardait au loin le frémissement qui délimitait les royaumes autours de l’Arbre-Monde.
- Jamais tu n’as eu envie d’y aller ? De sortir d’ici ? Demanda-t-il avec peine.
- Ce serait te mentir que de dire non… Mais je m’y suis faite. On a pas le choix.
-… Mais pour moi c’est différent. J’aimerai faire la rencontre des trois fées d’hier. J’ai ce besoin vital en moi.
- Oh crois moi, je sais ce que c’est…
- Ah bon ?
Jack la fixa avec profondeur. Elsa avait recroquevillé ses mains l’une dans l’autre, les yeux perdus dans le lointain. Elle regardait vers le Printemps elle aussi.
- Les naissances multiples sont aussi rares que les éclipses, expliqua-t-elle. La tienne est totalement inédite mais… Il y en a eu d’autres… Des fées nées le même jour, de la même plante. Mais pas du même royaume.
- Tu as toi aussi une autre fée de naissance ?!
Elsa ferma les yeux puis s’envola.
- Suis moi, je vais te présenter quelqu’un qui connait TOUT de la vallée. Elle t’expliquera mieux que moi.
Jack obéit avec empressement. Il suivit Elsa vers une foret gelée qui s’étendait à perte de vue. Elle cherchait quelqu’un du regard, en silence. Il sentait l’impatience le gagner.
- Qui est-ce exactement ? La reine ?
- Non, c’est une simple fée de l’Hiver, mais pas n’importe laquelle.
Elle lui sourit en biais avec mystère. Il la questionna du regard.
- C’est la toute première fée née dans la vallée, lâcha Elsa après un petit suspense malicieux. Après la reine issue de l’étoile bleue polaire et les ministres de saisons de sa main bien sûr. C’est la plus ancienne de toutes les ouvrières et la plus sage. Elle connait tout sur tout !
- Incroyable !!
Sur une branche d’un sapin, Elsa l’aperçut. L’ancienne fée à la peau blanche comme la neige, les lèvres rouges comme le sang et les cheveux noirs comme l’ébène caressait le pelage d’écureuils endormis au creux d’un trou bien chaud. Elle veillait sur eux comme une mère, en les abritant du gel avec des feuilles séchées.
- Blanche !
Elle détourna les yeux de ses amis pour sourire à Elsa et Jack.
- Quel plaisir de te voir en compagnie de notre nouvel ami. Bienvenue en hiver.
- Jack, se présenta-t-il avec respect. Je suis honoré de rencontrer la toute première fée Givrée de la vallée !
- Et moi l’un des quatre phénomènes d’hier soir. Mais ne soit pas si tendu, je suis comme n’importe qu’elle autre fée ici, sourit Blanche avec gentillesse.
Elle s’assit tandis qu’ils la rejoignirent sur le sapin. Elsa expliqua aussitôt la question qui brûlait les lèvres de Jack. La plus âgée semblait s’y attendre. Elle sourit au nouveau puis expliqua avec sagesse :
- En effet il y a déjà eu des naissances multiples bien que cela soit très rare. Uniquement par paire. Ton cas est encore différent. De toutes les naissances en duo, il a toujours été question de la même plante et d’un lien fort entre les deux fées que nous appelons « Jumeaux ou Jumelles ». Car elles sont identiques dans leur âme même si différent pour le reste : Que ce soit la saison, l’apparence où le talent.
- Lorsque je suis née, ajouta Elsa. Une autre fée est née en même temps que moi. Deux pétales de perce-neiges accrochées l’une à l’autre. Comme entremêlées. Dans mon dos, une fée aux cheveux châtains clair à ouvert les yeux en même temps que moi. Nos ailes étaient collées… Mais il s’est avéré qu’elle était une fée Enflammée de Printemps. Et moi une Givrée Voltigeuse. Deux contraires. Cela m’a toujours perturbé.
- Des jumelles… Commenta Jack. J’ai donc trois jumeaux ?
- Non, répliqua aussitôt Blanche en secouant la tête. Comme je le disais ton cas est différent. Tu es né d’une plante différente de tes pairs. Vous ne partagez rien en commun si ce n’est votre naissance. Si un lien existe nous ne savons encore pas ce qu’il est mais cela n’a rien avoir avec la juméllité ou la fraternité.
- Oh… Et donc, ce n’était jamais arrivée ?
- Hum… Pas vraiment…
Jack la fixa avec intensité. Blanche se mit à réfléchir longuement. Elle le regarda ensuite avec intérêt.
- Il existe « un cas » similaire au tiens.
- Ah bon ?! Sursauta Elsa avec surprise.
- Si je me fie aux dires de la reine … Lors de la création de notre belle vallée, la grande fée bleue, venue de l’étoile polaire, était désemparée par tout le travail, les erreurs commises, les ennemis noirs et l’immensité du monde qui attendait son aide. Alors, elle a pris quatre pétales de quatre fleurs qui poussaient dans la vallée pour donner naissance aux ministres que nous connaissons aujourd’hui : Flora, Pimprenelle, Pâquerette et Verna. Quatre naissances, quatre pétales différentes, un lien fort… C’est ce qui me vient en tête.
- Je ne savais pas tout ça, commenta Elsa songeuse.
- Le fait que nous soyons tous d’une saison différente… Cela n’a-t-il pas un rapport avec ce passé dont tu me parles ? Réfléchit Jack.
- C’est justement ce que je me disais. Tout cela n’est pas un hasard. Il y a un destin qui t’attends. Toi et tes amis êtes liés au-delà de l’imaginable. Et je pense que vous aurez fort à faire dans vos saisons respectives. Pour une raison ou une autre, Mère-Nature désirait votre venue. Ce n’est pas anodin, la reine et les ministres le savent. Vous êtes spéciaux. Surtout après cette pénurie de naissance. Pour ma part, j’y vois un présage. A la fois bénéfique et dangereux.
Un lourd silence s’installa entre les trois fées. Jack se demandait bien ce que Dame-Nature attendait de lui et ce que signifiait tout ceci. Qu’est-ce qui pouvait bien l’attendre à l’avenir ?
- Il n’y a aucune chance que je rencontre mes trois autres pairs ? Questionna-t-il.
Blanche secoua la tête.
- Tu ne peux quitter le royaume hivernal et ils ne peuvent venir dans le tiens. C’est une chose immuables dans la vallée, je suis désolée.
- Pourtant… Les quatre ministres s’entretiennent ensemble comme hier soir ?!
- Parfois, Verna peut se rendre à l’Arbre-monde, avec ou sans ses fées, grâce à sa puissante magie pour la protéger de la chaleur. Mais elle le fait rarement et elle ne va aucunement dans les autres saisons. C’est sa forte magie qui lui permet de survivre en dehors de l’Hiver. De mémoire, aucune fée n’a pu reproduire cet exploit et des drames sont survenus pendant les tentatives. N’est-ce pas, Elsa ?
- …
La blonde platine regroupa ses jambes contre sa poitrine, la tête basse. Elle opina lentement.
- Ma jumelle, Anna… à voulut venir me voir. Elle refusait qu’on soit séparée. J’ai essayé de la dissuader mais elle ne m’a pas écouté... Elle a franchi la barrière pour me prendre dans ses bras. Elle voulait tant me rencontrer. Malheureusement après quelques minutes de discussion…, son corps s’est mis à geler et elle est tombée gravement malade. La reine l’a soigné en urgence aux abords de la frontière. Elle en garde toujours des séquelles, de ce que Verna m’a raconté. Et… j’ai moi-même tenté d’aller la voir quand j’ai voulu m’assurer qu’elle allait bien. Mais je suis aussi tombée sous le coup de la chaleur… Il m’arrive d’avoir des faiblesses depuis, mais par chance, mes ailes ont été sauvés avant qu’elles ne se brisent. Depuis, nous ne nous sommes plus revues, même si Anna revenait parfois à la frontière. Je refusais de lui parler pour ne pas l’inciter à recommencer. On s’ignore depuis...
- Je comprends mieux… Mais ça me fais mal d’être isolé. Surtout si un lien nous lie…
- Il faut accepter Mère-Nature comme elle est. Avec ses qualités mais aussi ses défauts.
Jack questionna d’avantage Blanche sur les « défauts » de Dame-nature. Elle lui parla des fées sans-talent, des catastrophes naturelles, des maladies, des calamités et autres imprévues... De ses hasards, ses ratages et ses aléas qui la rendait aussi imparfaite que n’importe quel être sur cette planète. Elle n’était pas parfaite, elle n’était pas une déité. Simplement un esprit portant la vie et la Terre sur ses épaules.
- Je te remercie pour tes réponses, ça m’a fait beaucoup de bien de pouvoir en parler.
- Avec plaisir, n’hésite pas. Je suis toujours ici, à voguer entre ma tanière et mes animaux adorés.
Il lui sourit sincèrement, rassuré de ne pas être « seul ». Il toucha sa poitrine malgré lui, la main serré sur sa tunique bleuté.
- Je sens que je les reverrai. Malgré tout… j’y crois et tu m’as conforté dans l’idée que l’avenir qui nous lie va nous rapprocher. Que nous avons quelque chose qui nous attends. Et je compte bien découvrir de quoi il en retourne !
- J’ai hâte de voir cela de mes yeux, répliqua Elsa. Je te soutiendrai !
- De même, se releva Blanche avec un grand sourire. Mère-Nature se trompe souvent mais elle sait aussi ce qu’elle fait. Je suis certaine que tu vas changer beaucoup de chose !
Jack les remercia d’une accolade chaleureuse. Il se sentit plus serein. Tous trois discutèrent encore un peu avant de repartir pour visiter le reste de la vallée. Elsa fut plus silencieuse, comme perdue dans ses pensées. Jack se dit qu’elle devait repenser douloureusement à sa jumelle Anna. Autant que lui pensait aux trois autres dont il ne connaissait même pas les noms.
L’après-midi, Jack et Elsa visitèrent chaque recoins de l’Hiver, Elsa expliquant tout ce qu’elle avait apprise en une année ici. Ils rencontrèrent ensuite Arista, une fée des Eaux Givrées qui s’occupait des ruisseaux glacées et des stalactites. Puis ils rejoignirent Honeymaren et Rider, deux fées des Jardins qui prenaient soin des plantes de saison et s’assuraient que les autres dormaient profondément pendant toute la période de gel. Ils virent ensuite Toothiana, une fée étrange aux cheveux multicolores qui s’occupait des oiseaux affamés par le froid. D’après Elsa, elle était obsédée par les dents et n’arrêtaient pas d’en voler dans le monde des hommes, d’où la présence de centaines de dents et canines dans son antre . Il en était resté bouche bée.
Tous ensembles ils se réunirent ensuite pour organiser des jeux dans la neige et des concours de patins à glace sous la supervision de Verna qui les couvait du regard. La ministre se mit à discuter avec eux et avec Blanche, sa fée préférée, qui semblait bien pensive. Après une longue journée épuisante de jeux, Jack retourna au village où il retrouva sa tour dans la lueur de la lune descendante.
Elsa resta en retrait avant de l’inviter à venir s’asseoir au bord de la terrasse. Il la rejoignit, croquant dans un chocolat glacé appétissant tout droit venue des autres saisons -avant d’être refroidie par une fée Givrée du coin.
- Tu penses à Anna ?
- Tous le temps, avoua-t-elle. Mais je songe aussi à autre chose. Une chose dont je ne t’ai pas encore parlé.
- Je suis tout ouïe.
Elsa inspira puis expira une grande buée froide. Sa main tremblait involontairement. Jack la lui saisit. Elle le fixa avec profondeur.
- Une chose m’a hanté quand on parlait avec Blanche… On parlait de danger, « d’ennemis noirs » et je… J’ai repensé à eux... Ceux qui nous menacent et veulent nous détruire… Normalement on attends un peu avant d’en parler mais je pense que tu es prêt à l’entendre. Surtout que tu as un an pour t’y préparer.
- Quel est-il ?!
- Les fées noires… Tel notre reflet maudit dans un miroir…
Elsa se mit à expliquer le danger qui se terrait dehors. Elle expliqua leur naissance par un cri de profonde terreur d’un enfant. De leur vocation à détruire Mère-Nature et tout ce qui s’y rapprochait, telle la faucheuse du Malin. Des fées vouées aux pires vices et à la destruction. Jack ne s’y attendait pas. Il ne dit mot pendant un moment, perturbé par l’existence de tel être maléfique.
- Ils ne sont pas nés de la main de Mère-Nature ou de poussière d’or ? Questionna-t-il. Donc, qui leur donne la vie ? Quel esprit ? Quel être ? Quel pouvoir ? D’où viennent-ils ?
Elsa secoua la tête. Elle n’en savait pas plus.
- Et Blanche elle…
- Elle ne sait pas non plus, ni la reine, ni personne. Ces êtres sont apparus en même temps que nous. Lors de la naissance des fées entre Dame-Nature et l’Arbre-Monde. Depuis, il y a une guerre intemporelle entre eux et nous. Ou plutôt… notre survie et notre évitement de ses fées ténébreuses. Tu vas devoir apprendre à les craindre et les fuir. Apprendre à rester en groupe et à se protéger dans le monde des humains. Mais ne t’en fait pas, ici, la barrière de L’Arbre-Monde nous protège. Toute la vallée est en sécurité. Elle ne peut être brisée.
Il se posa milles et une questions sur les fées noires avant de fixer de nouveau Elsa. Elle était pâle.
- Tu en as croisé ?
Elle se crispa d’avantage puis le regarda avec des yeux apeurés.
- Juste une fois… C’était il y a à peine quelques jours… J’ai du mal de m’en remettre. On était plusieurs avec Blanche et Arista quand… Au détour d’une écurie, trois ténébreux nous sont tombés dessus en embuscade ! On a paniqué en les arrosant de glace et de magie mais ils ont tout esquivé. Dans leurs yeux je n’y ai lu que de la fureur et de la folie… D’office, Blanche nous a protégé, grâce à son expérience elle les a tenue à distance. Arista m’a alors dit d’aller chercher de l’aide avant qu’une ténébreuse ne l’attaque de loin sous une cascade d’eau verte… J’étais paniquée, j’ai volé à tire d’ailes !! L’un d’eux m’attendait dans un angle, il m’a attaqué par derrière et balancé au sol ! Il tenait un morceau d’acier pointu dans les mains et me menaçait la gorge avec.
Elsa déglutit, Jack la prit d’office contre lui. Elle tremblait mais continua pour se délivrer de sa peur :
- Juste en face de moi, * elle renifla * une fée s’est faite arrachée une aile… Elle est tombée en piquée sur le sol. J’ai hurlé de terreur alors que celui qui me tenait ricanait. Je ne sais pas pourquoi il ne m’a pas achevé mais j’ai eu le temps de voir un ténébreux se poser juste devant moi pour torturer la pauvre fée à coup de lames noires faites de je ne sais quel étrange matériaux poussiéreux… Il s’est ensuite retourné et j’ai dû affronté son regard jaune vif, son air vicieux… « C’est la fin », c’est ce que j’ai cru à ce moment-là.
Jack lui frictionna le dos. Elsa essuya ses yeux remplit de larme.
- Heureusement, Verna a entendu le combat et a ramené tout le monde pour les repousser. Elle m’a sortie du pétrin grâce à sa baguette magique. J’ai eu le temps d’apercevoir la fée noire qui me tenait promettre de me retrouver avant de partir… A la fin de la bataille, on est toute rentrée en sécurité dans un camp qu’on avait dressé non loin de là, entouré de magie de l’Arbre-Monde… Il n’y a eu « que » deux morts. Mais je… Je n’oublierai jamais ce moment. Cette pauvre fée torturée, la folie des ténébreux, l’angoisse la plus terrible que j’ai eu à ressentir de ma vie ! Je ne suis pas impatiente de retourner dans l’autre monde…
Seule la brise hivernale se fit entendre autour d’eux. Jack était atterré par son récit, soudain moins confiant quant au départ imminent vers le Printemps… La fée blonde… !! Il continua de serrer Elsa contre lui qui se détendit sous les caresses de son ami.
- Je te remercie de m’avoir écouté, dit-elle après un long moment de silence. Ca m’a fait du bien de vider mon sac. Je sais qu’ensemble on a pas à avoir peur, qu’on est plus fort mais… Il y a toujours des risques. Deux fées ont péri cet hiver… Notre nombre diminue lentement mais sûrement à chaque saison, tandis que les naissances s’amenuisent. Heureusement que vous êtes arrivés à quatre. Cela va bien nous aider.
- Ne t’en fais pas, je te protègerai. Et j’en ferai de même avec tous nos amis. On va devoir se serrer les coudes à chaque sortie ! Tu resteras à mes côtés et toi au mien, d’accord ?
Elle lui sourit en se relevant de son étreinte.
- Ça me soulage, tu n’imagines même pas. Avec ton potentiel, je me sens plus en sécurité. Mais la menace demeure, et je suis inquiète… Ce ténébreux qui a promis de me retrouver, et l’autre fou furieux aux yeux jaunes… J’espère ne jamais les revoir.
- Je l’espère aussi. Il va falloir que je m’entraine rapidement à utiliser mon pouvoir.
- Un an cela devrait être suffisant, sourit-elle malgré ses yeux encore brillants.
Il lui sourit en caressant sa main.
- Plus que suffisant.
D’un soupir de soulagement, Elsa reposa sa tête contre l’épaule de Jack et ils discutèrent encore un peu de l’avenir. Quand elle repartie pour laisser son ami se reposer, le nouveau se posa sur le toit de sa tour, les yeux rivés vers une étoile brillante de mille feux.
Son cœur tambourinait fort dans sa poitrine… Son destin, les fées noires, le départ des Printanières… Il aurait donné tous les pouvoirs du monde pour pouvoir participer à l’expédition et protéger la blonde aux magnifiques longs cheveux dorés… Son impuissance l’empêcha de trouver le sommeil cette nuit-là.
Un mauvais pressentiment le hantait.
**
[ Royaume du Printemps]
- Tu comprends ? Je ne peux pas te laisser aller dans le monde des humains alors que tu maitrises à peine ta magie, répliqua Flora avec peine. Les ténébreux sont bien trop dangereux ! Il y a eu des pertes l’année dernière… Bien plus que de raison.
Raiponce, Anna et Esmeralda faisaient la moue. Elles implorèrent Flora à plusieurs reprises, inlassablement. La blonde rêvait de pouvoir parcourir le monde entier, apprendre et tout voir ! Anna comprenait plus que bien cette envie, de même qu’Esmeralda qui avait les voyages pour passion.
- N’insistez pas… C’est non !
- Mais je la protègerai, je vous le promet, reprit la fée Voltigeuse. Je connais bien les dangers, j’ai toujours su défendre les Printanières ! Je ne suis pas une éclaireuse chevronnée pour rien !
- Moi aussi, avec mon feu je suis puissante, ajouta Anna. Pour une fois, faites une exception ! Raiponce a vraiment envie de venir !! Et on veut qu’elle nous aide, on a besoin de bras.
- En plus sa magie est puissante ! Elle a fait de grosse orbes de lumière aujourd’hui, n’est-ce pas, Raip’ ?
- Oui… Je ferai très attention, je ne m’aventurerai nulle part !! Je resterai avec mes amies, en sécurité ! Pitié laissez-moi y aller ! Je veux faire ce voyage ! Attendre un an serait bien trop long !!
Les trois fées firent des yeux de biches. Flora vacillait… Mais laisser une des nouvelles fées partir dans l’autre monde ? Au vu du danger, la perdre serait terrible. Cela dit, les bras manquaient et toute aide était la bienvenue…
- Je vais demander à la reine, conclut la ministre d’un soupir. C’est elle qui tranchera. D’accord ? Laissez-moi une minute.
- Merci ! Merci !! Sautilla Raiponce.
- Attendez moi ici, je reviens.
Flora disparut en une fraction de seconde en poussière. Esmeralda leva son pouce en direction de la blonde.
- Allez, on y croit !
- Je prie de toute mon âme !!
- Pitié, pitié, pitié, psauma Anna.
Raiponce ne put attendre assisse, elle fit les cents pas dans la maison de Flora.
- Mais tout de même… Ses fées noires… Pourquoi nous veulent-elles autant de mal ? Et pourquoi nous traquer ainsi ? Je ne comprends pas… Sans Mère-Nature, point de vie et de lumière ! Quel intérêt à tout cela ?
- Je n’en ai aucune idée, avoua Anna qui suivait son impatience à tire d’aile au plafond. Je n’en ai pas encore rencontré. Je ne suis partie qu’une fois l’année dernière, c’était tout juste pour moi aussi, je venais à pleine de naitre avec ma jumelle.
- Ta jumelle ?
Anna se posa sur le sol. Elle se mit à parler d’Elsa, du lien qui les unissait et de la différence entre leur jumélité et la naissance à quatre d’hier soir. La blonde était suspendue à ses lèvres, choquée par la nouvelle.
- Tu as donc une jumelle en Hiver ! Que tu ne peux même pas aller voir… Que c’est triste !
- Ouais… J’ai essayé mais ça m’a valu une grave faiblesse dans ma magie et cette mèche blanche qui ne veut plus partir.
- Oh…
Raiponce caressa la mèche, gelée au touché !
- Ca a failli toucher mon cœur, je l’ai échappé belle… Je ne suis pas prête de recommencer même si ça me démange. A quelques minutes près la reine ne pouvait plus rien faire. Cela dit je suis heureuse que mes ailes soit sauves.
- Donc je… je ne reverrai jamais mon ami de naissance non plus… Celui de l’hiver ?
- Jamais.
La blonde se souvint l’avoir vu plus tôt dans la journée. Elle se rappela avoir eu envie de lui parler, qu’il l’attirait tel un aimant. Un lien inexplicable. Cela lui morcela le cœur. Esmeralda se posa à ses côtés pour la prendre contre elle.
- Ne soit pas triste, il faut accepter les choses telles qu’elles sont. Tu pourras lui parler par la frontière si vraiment tu veux le rencontrer. Et puis, tu pourras aller voir les deux autres. Sois plutôt contente d’avoir autant de singularité dans ta vie.
- Tu as raison, merci Esmeralda ! Toujours le mot qu’il faut !
- Je suis d’un naturel optimiste ! Avoua-t-elle.
- Et toi, tu en as rencontré des fées noires ?
- Oui, plusieurs fois. Crois moi, il ne faut pas les prendre à la légère. L’un deux me pourchasse frénétiquement lors de mes voyages. Il a avoué vouloir me tuer de ses mains car je lui avais mis la misère lors de notre première rencontre.
Elle eut un sourire amer, teinté de colère et de regret.
- Mais jusqu’à présent j’ai réussi à me défendre et à les repousser à chaque fois. Il suffit qu’on reste toutes ensembles et qu’on évite les escapades loin du camp. Les ténébreux n’osent pas venir près de notre ministre ou d’un troupeau de fée. Ils sont fourbes mais assez intelligent pour connaitre leur limite. C’est ce qui les rend aussi dangereux à mes yeux.
La blonde opina, posée contre son amie Voltigeuse. Elle se releva ensuite pour montrer sa détermination.
- Ils ne m’empêcheront pas de vouloir découvrir le monde ! Ce n’est pas en me cachant que je répandrai la lumière du Soleil! Je refuse d’avoir peur. Je refuse de fuir !
- Bien dit ! Répliqua Anna en la prenant dans le dos. On ne se laissera pas faire !
- Jamais ! Approuva Esmeralda qui vint dans la grande accolade avant qu’elles ne rient ensemble, heureuses de se sentir proche toutes les trois.
Quand Flora revint, elle portait un sourire sur ses lèvres. Les trois fées se rangèrent en rang et attendirent la sentence.
- A ma plus grande surprise…, la reine a accepté ton départ pour le monde des hommes. Tu vas donc faire partie du voyage !
Un cri et les trois filles sautillèrent de joie ensemble. Flora émit un soupir de joie mais aussi d’angoisse. La reine avait hésité et fini par accepter sans donner plus d’explication. D’ordinaire elle était plus prudente avec ses fées et bien plus protectrices envers les nouveaux. Que lui cachait-elle ?
- Merci infiniment ! A vous et à la reine ! Je vous promet de faire très attention et de travailler dur pour répandre le Printemps avec mes amies. Je suis impatiente de partir !
- Je veillerai sur toi avec attention, répliqua la ministre avec son doigt levé. Tu vas devoir très vite t’adapter au voyage et tes pouvoirs. Je comptes sur toi pour bien t’entrainer pendant ses cinq jours. Et surtout, si la moindre fée noire apparait, vous FUYEZ tout de suite au camp. Sans réfléchir, d’accord ?
- Promit, dirent-elles en cœur.
- Bien, dans ce cas, la question est réglée. Au lit maintenant mes petites!
- Heu, avant de partir, s’avança Raiponce. J’aimerai vous poser une dernière question.
- Bien sûr, dis-moi.
- C’est à propos de mes cheveux…
Elle raconta ses péripéties de la veille et ce matin. Flora resta pantoise. Elle ne sut que répondre.
- Tu es certaine d’avoir coupé tes cheveux hier… ?
- Oui…
- Hum… Je n’ai jamais entendu parler de ce genre de chose.
Flora se saisit de sa baguette magique, souleva la longue tresse et invoqua une lame de vent surpuissante pour trancher les cheveux. Ses yeux s’agrandirent. Elle reprit son invocation puis se saisit d’une paire de ciseau tranchante pour trancher tout ça. Il se brisa en mille morceaux tandis que la chevelure brillante d’une lumière vive ne reçue pas une égratignure.
- C’est étrange ! Très étrange !!
Anna et Esmeralda se regardèrent avec des yeux ronds. Raiponce se sentit comme une bête de foire devant la mine incrédule de la ministre.
- Des siècles que je vie jamais je… C’est curieux… Impossible…Comment diable … ?
Elle en perdit ses mots.
- Il semble que tes cheveux ont un pouvoir qui va au-delà de ce que je connais, expliqua Flora en abandonnant la manœuvre. Je vais devoir faire de plus ample recherche pour découvrir de quoi il en retourne. J’en parlerai également à la reine. Pour le moment… Il va falloir faire avec.
- D’accord, merci…
- Je suis désolée.
- Oh, je vais m’y faire.
Raiponce lui sourit même si au fond elle se demandait pourquoi elle était aussi bizarre… En rentrant chez elle, après avoir salué ses bonnes amies, elle se coucha en touchant sa toison d’or et en fixant le ciel nocturne.
Son départ futur l’excitait mais malgré tout, une peur sourde bourdonnait en elle… Comme un étrange pressentiment.