Opéra Sanglant

Chapitre 2 : Symphonie...

2004 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 08/11/2016 21:55

Marina était allongée sur le dos.

Les yeux clos, elle ne faisait pas un geste, on aurait pu la croire morte si on ne distinguait pas le faible mouvement de sa poitrine...haut, bas, haut, bas....constamment.

Sa tête tourna brusquement vers la gauche, elle émit un feulement rauque alors que son corps s'arquait un peu puis retomba dans la mélasse de ses songes.

Une goutte de sueur roula sur son front, elle fronça imperceptiblement les sourcils et grogna.

Ses cheveux blonds s'étalèrent un peu plus sur le matelas inconfortable sur lequel elle dormait.

Marina secoua la tête, il faisait chaud...elle n'arrivait pas à ouvrir les yeux...

Elle revivait sans cesse cette scène qui l'avait tant marquée.

Elle le revoyait, lui, dans cette caravane, entouré d'instruments en tout genre, un sourire carnassier aux lèvres...

Elle se souvenait de ce soir-là, ce soir où elle avait erré dans la rue pour la première fois, elle n'avait même pas encore transformé la vieille Wilma en une de ses œuvres, c'était il y a tellement de temps...

Elle revoyait encore l'intérieur de la caravane, tapissé de plastique, le rubis coulant lentement sur le cristal tendu dans tout le véhicule...

c'était tellement beau...

tellement délicat...

Marina sourit doucement dans ses rêves.

Elle n'avait pas fait un bruit, elle était restée cachée dans le noir, à admirer cet artiste si talentueux...

Une lance de feu lui transperça l'abdomen, la peur, cette peur qui l'avait secouée quand il avait tourné son visage vers elle, qu'il avait repéré l'éclat de la lumière dans ses yeux...elle avait fui, vite, terriblement vite.

Mais plus jamais elle ne s'échapperait.

Soit elle aurait l'honneur de lui servir de matière brute, soit il serait son œuvre à elle.

C'était lui ou elle.

***

Dexter éteignit avec une moue ennuyée l'écran de la télévision de son labo, cela faisait maintenant trois jours que le journal hurlait à tout va des sentences terribles au sujet de cet "Artiste" qui sévissait en ville.

Evidemment, il était allé sur la scène de crime, il avait tout examiné, le corps, l'environnement, tout.

Ce qui le perturbait le plus c'était qu'il était dans l'incapacité de dire quoique ce soit sur la mentalité du tueur alors qu'il était le meilleur à ce petit jeu.

Les journaux ressortaient les vieilles affaires reliées à ce tueur pour affoler un peu plus la foule, et ça marchait !

Une vague de terreur s'était écrasée sur tout Miami.

Dexter devait bien admettre que ces "crimes" relevaient du génie, la mise en scène était parfaite, du début jusqu'à la fin, pas une seule fausse note.

L'Artiste avait fait son boulot, clair, net, précis.

Mais il y avait derrière ce genre de génie, une impression dérangeante de folie furieuse, de défi, d'appel...

mais pour qui ?

Lui ?

Ca ne pouvait pas être lui, personne ne l'avait surpris pendant ses manipulations, à part ce petit Cubain qui avait été retrouvé dans le coffre d'une voiture juste à côté d'un de ses lieux de travail.

Il grimaça à ce souvenir, il avait bien faillit être démasqué par ce gosse "terrorisé" et ça aurait été la fin de sa petite vie tranquille auprès de Rita et des petits.

Il sortit de sa rêverie alors que Vince lui tapait joyeusement l'épaule: 

"alors mec, toujours sur ton tueur artiste? Tu ne voudrais pas lâcher l'affaire un peu? Si personne arrive à le retrouver, c'est pas toi qui y arrivera !" 

Dexter sourit intérieurement, si seulement il savait ce qu'il était capable de faire.

Bien évidemment, Masuka n'avait pas tort, il avait eu beau fouiller tous les sites internet, hanter tous les bas-fonds de Miami, lu et relu tous les dossiers de la police, il ne trouvait rien qui pourrait l'aider à démasquer ce tueur.

Dexter soupira, se leva de sa chaise, écarta Masuka de son passage et atteignit la lumière de son labo.

Il devait rentrer à la maison retrouver Rita et ensuite irait "visiter" un dernier endroit avec l'espoir de découvrir un indice sur l'identité ou encore mieux sur l'endroit où se cachait l'Artiste.

Il marcha vers le hall, fit un signe pour saluer le personnel encore présent puis passa sa route.

***

Marina ouvrit les yeux.

Elle regarda sa montre:

18h 26.

Après avoir cauchemardé pendant un moment, elle avait fini par s'endormir, pendant un sacré bout de temps !

Heureusement qu'elle n'avait rien de prévu ce soir-là, de toutes façons, si elle avait eu quoi que ce soit à faire, elle n'aurait pas dormi.

Elle se releva, s'étira et remit en place une mèche blonde rebelle.

Posant ses pieds par terre, elle se demanda si le message qu'elle avait voulu faire passer était bien arrivé à son destinataire.

Marina enfila ses Nike noires et les laça rapidement, elle prit sa veste de jogging sur le dossier de la chaise de bureau qui était à côté de son lit de fortune et s'en alla.

Elle referma la porte du garage dans lequel elle, et beaucoup de sans-abri avaient élu domicile.

Cet endroit n'était qu'une retraite comme les autres, elle n'avait pas vraiment envie de s'attacher à un endroit précis, elle aimait bien jouer les vagabondes.

Dans sa tête, la petite ritournelle tournait encore et toujours, avec une idée.

Et pas n'importe quelle idée !

Marina avait enfin trouvé le moyen de se retrouver face à face avec son idole !

Elle marcha, la tête baissée, rêvant à ce moment fatidique, ça serait magique !

Un concerto de talent !

Le feu d'artifice sanglant que tout artiste qui se respecte adorerait exécuter !

Un grand sourire se dessina sur ses lèvres, cette idée lui donnait presque envie de danser !

Marina leva le nez, elle admira sans s'arrêter l'enseigne qui indiquait la présence des forces de police locales, son sourire s'élargit, elle passait sous le nez de ceux qui la cherchaient depuis des mois après sa première exposition.

Un choc la projeta les fesses droit sur le sol, avant de pouvoir dire quoique ce soit, l'homme qui l'avait fait tomber s'était arrêté et lui tendait la main pour l'aider à se relever.

"Je suis désolé, besoin d'aide?".

Marina le regarda droit dans les yeux, figée, elle n'en croyait pas ses yeux...c'était lui !

Oui !

C’était lui !

Son héro !

Son idole !

Sous ses yeux !

Elle bondit sur ses pieds et le fixa un instant, il ne semblait pas savoir qui elle était...

c'était pourtant simple !

Il ne la reconnaissait pas...

mais qu'avait elle fait de mal ?

pourquoi ne lisait-il pas dans son regard que c'était ELLE l'Artiste ?!

Une vague de fureur la foudroya sur place, il ne la reconnaissait PAS !

C’était INADMISSIBLE !

La rage du caprice se propagea, elle ne le regarda même pas et passa son chemin.

Il la fixa un moment alors qu'elle s'éloignait, puis partit à son tour en haussant les épaules, les enfants de nos jours étaient imprévisibles et mal élevés.

Quand il fut de dos, Marina se retourna et fixa son dos avec un regard brûlant.

Elle DEVAIT savoir où il vivait, elle devait lui laisser un message.

Elle continua à le fixer et commença la traque, marchant doucement derrière lui, à une distance respectable, se cachant pour se soustraire à sa vue quand il se tournait trop.

Marina le suivrait, et lui enverrait son message coûte que coûte.

 ***

Dexter arriva dans la rue où Rita habitait, il avait la sale impression d'être suivi mais à chaque fois qu'il se tournait pour regarder dans le reflet des vitres des maisons voisines, il ne voyait rien.

Sa méfiance le perdrait à force d'être aussi parano.

Il sortit ses clefs et ouvrit la porte.

Cody se jeta dans ses bras et il le fit tournoyer dans les airs.

L’enfant poussa un cri de joie alors qu’Astor les rejoignait accompagnée de sa mère.

Dexter ébouriffa les cheveux de la petite fille et embrassa la petite femme blonde qui était sa compagne.

"Beurk c'est dégueu ! "

Cria Cody encore dans les bras du compagnon de sa mère, Dexter pouffa et reposa le gamin sur le sol.

Le petit blond prit sa sœur par la main et l'entraîna vers le salon.

La sonnette retentit.

"Tu attendais un colis?" demanda Dexter.

Rita secoua la tête à la négative.  

"Je vais voir bouge pas".

Il se dirigea vers la porte et l'ouvrit doucement, s'attendant à voir une personne derrière.

Mais il n'y avait rien, aucun être humain derrière la porte...sauf une pauvre publicité coincée sous le paillasson...

une publicité...

Dexter se pencha, ramassa le bout de papier plastifié et lut les inscriptions.

C'était un papier parlant de la réouverture prochaine de l'Opéra de Miami, tout ce qu'il y avait de plus normal...sauf

...un trait épais fait au marqueur rouge, soulignant le mot "Opéra", il ouvrit le dépliant et découvrit l'image de la nouvelle scène qui accueillerait bientôt des nombreux spectacles.

Sous les feux des projecteurs était écrit en lettre capitales rouges : "COME".

Il referma le document et le rangea dans sa poche discrètement, analysant les alentours dans l'espoir d'y déceler la forme de celui qui lui avait laissé ce petit mot, il ne vit personne.

Dexter referma la porte derrière lui, se composant un masque de sérénité.

" - qu'est-ce que c'était ? demanda Rita

- simple canular ne t'inquiètes pas" lui répondit-il.

Il la prit dans ses bras et l'entraîna dans le salon.

Intérieurement, il était plutôt satisfait,

il n'avait jamais mis les pieds dans un Opéra.

 

 

 

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