JE SUIS VIVANT
Acharné
Les heures de travail s’étaient accumulées depuis la fin de la révolution, obligeant les seuls éléments humains présents au DPD à supporter la charge usante aussi bien mentalement que physiquement. Il était clair que la crise d’effectif au sein du département de police mettait en péril la sécurité de Détroit.
Ce fut ainsi que le respecté Capitaine Jeffrey Fowler prit la décision de réintégrer les androïdes au sein de son département. Désormais devenus des déviants, ces derniers revendiquaient légitiment les mêmes droits que les humains et Fowler comprit que pour les faire revenir, il devait accéder à leur requête et leur accorder une juste rémunération pour leur travail.
Une décision d’abord critiquée mais ensuite validée par le Maire Gary Johnson. Dépassé par la situation, ce dernier n’avait pas eu d’autres choix que de fournir le financement demandé afin de garder sa ville sous contrôle.
En deux semaines, l’effectif du DPD se retrouva à nouveau pleinement opérationnel. Les humains s’adaptèrent assez facilement au retour de leurs collègues artificiels, ravis de pouvoir à nouveau déléguer le travail avec eux.
Si on excluait Gavin Reed, bien sûr.
L’officier anti androïdes, réputé pour être un coéquipier exécrable, n’avait pas trainé pour faire part de son désaccord face au retour de ces déchets en plastique, comme il aimait tant les appeler. Remis à sa place par son supérieur, il fut contraint de se plier à la situation, faute de quoi, il était invité à rendre son insigne et son arme.
N’étant pas prêt à quitter son travail, Il accepta à contrecœur d’endurer l’humiliation de se retrouver à deux bureaux de Connor. Cette foutue machine qui l'avait assommé dans la salle des preuves était de retour et Il enrageait de partager son espace avec cette monstruosité. Les regards agressifs continuellement lancés à son encontre renforçaient cette impression de rancœur tenace.
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Diligent et concentré comme toujours, Connor regardait l'écran de son terminal, complètement perdu, à la recherche d'une piste ou même d'une théorie de base pour diriger son cas le plus récent.
Pendant que l’androïde dansait anxieusement sa pièce sur les jointures de sa main droite, Hank mangeait son donut au chocolat tout en le regardant avec une inquiétude tacite dans ses yeux bleus. Le Lieutenant savait que le déviant pouvait être obsédé par de petits détails et mettre de côté ses propres besoins jusqu'à ce que son travail soit accompli, et cette vilaine habitude devait cesser, surtout qu’il sortait tout juste de sa convalescence.
« Connor, fais une pause. » Ordonna-t-il. « Je te couvrirai. »
« Je vais bien. »
« Tu es assis là depuis près de sept heures. Tu n’as pas bougé d’un putain de centimètre. » Le ton ferme de la voix de Hank contenait de l'autorité mais pas d'agressivité. « Lève-toi. Fais le tour du pâté de maison. Puis reviens. »
« Non, je ferai mieux… »
« Je sais que tu préfères continuer à travailler, mais tu dois prendre une minute pour te vider l'esprit. Vas-y ! » Rapidement, Hank tendit la main et attrapa la pièce en l’air avec reflexe pour la garder avec lui. « Dix minutes. »
« Mais je… »
« Dehors ! »
La LED du déviant passa du bleu au jaune avec irritation, mais il obéit à l'ordre de son partenaire et se leva de son bureau à contrecœur. Rarement du genre à montrer un quelconque agacement envers ses collègues officiers, sans parler de Hank lui-même, l’énervement de Connor était évident pour tous ceux qui le voyaient traverser le commissariat
Tout en laissant échapper un profond soupir, Hank se pencha en arrière sur sa chaise.
Comment expliquer à un androïde initialement programmé pour réussir à tout prix qu'il était normal de faire des erreurs et qu'il était acceptable de travailler lentement ? Comment expliquer à quelqu’un qui avait été construit spécifiquement pour achever ses missions qu’il était normal de NE PAS être parfait ? Très peu d'humains comprenaient déjà cette réalité, alors un androïde…
Reprenant son travail sur l'écran de son propre terminal, Hank nota l'heure sur la petite horloge numérique et commença à compter à voix haute les dernières secondes.
« Cinq... quatre... trois... deux... »
Connor retourna anxieusement à sa place et se rassit derrière son bureau pour reprendre son enquête.
« ...Un. »
Sans surprise, le déviant entendit Hank et son front se plissa de confusion.
« Un ? Un quoi ? »
« Rien. » l'homme écarta facilement la question en s'éclaircissant la gorge. « Alors tu te sens mieux ? »
« Non. Je ressens la même chose. J’ai juste perdu dix minutes et huit secondes dans mon enquête. »
« J’aurais essayé… » Soupira le flic en haussant des épaules.
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Six heures encore longues et sans incident s'écoulèrent avant la fin de service des deux détectives, et Connor n'avait pas réussi à faire de progrès notable dans son affaire. Déterminé à la résoudre, le déviant refusa catégoriquement de bouger de sa chaise.
Hank, déjà habillé de son manteau, vint se poster à côté du bureau de son partenaire tout en regardant les chiffres changer sur l'écran d'affichage de son téléphone.
« D'accord, ça suffit. On rentre. »
Il tendit la main vers l'écran et l’éteignit.
« Mais je n'ai pas… »
« J’ai dit : ON RENTRE ! »
Amèrement, le déviant serra la mâchoire en essayant d'atteindre le bouton d'alimentation de l’écran, mais Hank attrapa sa main et la retint.
Comme une forme de rébellion obstinée, la LED jaune de Connor clignota rapidement alors qu'il rallumait à distance le terminal.
« Putain, mais tu te fous de moi là ! » En allant encore plus loin, l'homme tendit sa main libre et tira la fiche physique reliant l'écran au modem pour l'éteindre définitivement cette fois. « Je t’ai dit de rentrer bon sang ! »
Agacé plus contre lui-même que contre Hank à ce moment-là, Connor se leva de sa chaise.
Dès qu'il fut debout, le policier le lâcha et désigna les portes d'entrée du commissariat.
« Allez ! »
Connor se détourna de son bureau et traversa à nouveau l'enceinte avec le détective juste derrière lui. Tout en marchant, il remarqua que son partenaire lui tendait sa pièce confisquée pour qu'il la reprenne.
« J'aurais dû résoudre cette affaire dans la première heure. » Déplora t'il en ouvrant la portière de la voiture côté passager. « Je ne comprends pas pourquoi je n’y arrive pas. »
« Détends-toi, gamin. » Le lieutenant s’installa derrière le volant et mit les clés sur le contact. « Tu te souviens du temps qu'il nous a fallu pour résoudre l'affaire des déviants lorsque nous avons commencé à travailler ensemble ? »
« Oui. J'ai une mémoire eidétique. »
« Ce que je veux dire, c’est que tu dois y aller doucement. »
« …Et si je ne peux pas ? »
« Et si tu ne peux pas faire quoi ? Résoudre l'affaire ? »
« Oui. »
« Alors tu travailles sur une autre ou tu t’occupes autrement. » Remarquant que la LED jaune du déviant était maintenant rouge, Hank sentit qu'il y avait quelque chose de plus qu'une simple affaire non résolue qui pesait sur les pensées de Connor. « D'où te vient cette idée ? »
« C'est juste que... rien. Laissez tomber… »
« Non, ce n'est pas rien. Dis-moi ! » Au ralenti à un feu rouge, Hank attendit que le déviant s'ouvre un peu. « Je ne porterai pas de jugement, tu le sais. »
Soupirant doucement, Connor répondit à la question avec une voix sombre qui reflétait parfaitement son humeur.
« Parfois, j'ai l'impression que ma déviance entrave ma capacité à fonctionner en tant que détective. »
« Et depuis quand ? » Hank faillit rire à cette révélation alors qu'il traversait l'intersection et tournait dans la rue suivante.
« Je ne sais pas. Je ne peux pas l'expliquer. C'est juste un sentiment très troublant que j'éprouve. » Connor soupira lourdement. « Depuis que j'ai dévié et rompu ma connexion avec CyberLife, j'ai perdu ma capacité à préconstruire et à m'adapter aussi rapidement que lorsque j'étais encore une machine. Je suis progressivement devenu plus… lent. »
« Tous les policiers de cette ville ont été confrontés au moins une fois à une affaire insoluble. Cela arrive tout le temps. Ce n'est pas si grave. »
« Ça vous est déjà arrivé ? »
« Surtout à moi ! » Concentré sur la route, Hank confia à Connor sa sagesse inestimable. « As-tu une idée du temps qu'il m'a fallu pour faire tomber cet énorme réseau de RED ICE ? Du nombre d'heures de sommeil que j'ai perdues parce que je n'arrivais pas à me sortir cette foutue affaire de la tête ? »
Hank alluma la radio et une chanson de métal classique des années 80 commença à retentir dans les haut-parleurs. Il espèrait que la musique stopperait le train de pensées actuel de son partenaire.
« Ne fais pas la même erreur que moi, Connor. Apprends à lâcher prise. »
Regardant avec un sentiment de perte par sa fenêtre latérale, le déviant décida de ne pas suivre les conseils de Hank.
À la seconde où ce dernier sera couché, il se replongera immédiatement dans son dossier.
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Assis à son bureau, dans une pose sculpturale, Connor travailla toute la journée suivante jusqu’à tard dans la nuit et tôt le matin, déterminé à localiser le criminel qui avait échappé à la loi depuis près de quatre mois consécutifs. Le scintillement jaune de sa LED correspondait au pouls de sa pompe qui résonnait dans sa poitrine alors que le déviant se concentrait diligemment sur son travail en faisant danser gracieusement sa pièce sur les phalanges de sa main droite.
L’indication d’un appel entrant apparut soudain dans son champ visuel, ce qui détourna son attention de l'affaire pour la première fois en près de neuf heures. Sa LED jaune clignota rapidement en constatant que l'appelant était Hank lui-même. Le déviant savait qu'il devait répondre immédiatement.
« Lieutenant ? »
Connor, qu'est-ce que tu fous, bordel ? Hank avait l'air aussi en colère qu'il était épuisé. Il est trois heures du matin. Où es-tu ?
« Je travaille. L'affaire concernant… »
Mais tu n’es pas possible ! Gronda le détective d'une voix bourrue. Pourquoi diable tu es toujours là-bas ? Ton service est terminé depuis longtemps, il est temps pour toi de pointer et de rentrer.
« J'ai fait une percée, Hank. Je crois que je peux localiser exactement l'emplacement du suspect. J'ai juste besoin d’une heure supplémentaire pour… »
Tu me fatigues ! L'interrompit l'homme avec un grognement agacé. Dès que tu auras compris où se cache ce connard, laisse Reed ou Miller, ou n'importe qui d’autre de l'équipe de nuit s'en occuper. Compris ?
« Compris. Bonne nuit, Hank. »
Connor, tu as intérêt à...
L'appel téléphonique se termina aussi brusquement qu'il avait commencé et le déviant reprit son travail. Tandis qu'il regardait l'écran du terminal, un avertissement rouge traversa ses processeurs visuels, le distrayant temporairement.
AVERTISSEMENT:
Niveau de puissance - Moyen : 55%
Activation du mode repos dans : 01:29:57
Reporter le mode repos : [O/N ?]
Connor cligna des yeux pour écarter l'avertissement et reporter le mode repos. Il n’avait pas besoin de se reposer. Du moins, il essayait de s’en convaincre. Depuis sa déviance, il n'avait plus de connexion perpétuelle avec CyberLife, ou avec qui que ce soit d'autre, pour le garder en bonne santé ou lui dire quoi faire.
Sa propre santé relevait désormais de sa responsabilité personnelle.
Les heures tardives de la nuit s’estompèrent jusqu'au petit matin alors que le soleil commençait à se lever sur la ville.
Connor n'avait pas quitté son bureau, motivé à poursuivre sa tentative de localisation du suspect, et il n'avait pas non plus obéi à son système qui lui recommandait de passer en mode repos pour restaurer sa puissance en déclin constant.
Petit à petit, l'équipe de jour arriva pour prendre son service tandis que celle de nuit rentrait chez elle.
« Connor ! » Grogna Hank en agrippant fermement l'épaule gauche du déviant. Ce geste fut suffisamment efficace pour attirer toute son attention. « Je pensais t'avoir dit de rentrer à la maison ! »
« Vous avez demandé que je rentre après avoir localisé le suspect. » Défendit logiquement le déviant têtu.
Hank s'éloigna pour s'asseoir derrière son bureau avec un soupir agacé.
« Je ne peux pas dire si tu es sérieux ou sarcastique. »
« En fait, je suis sérieux. Je m'excuse si mon comportement a prêté à confusion. »
« Depuis combien de temps travailles-tu ? »
« Trente neuf heures, trente-trois minutes et neuf secondes. »
« Et à quand remonte ta dernière pause ? »
« J'ai pris ma pause obligatoire d'une heure, en même temps que vous.»
« Connor ? »
« Oui ? »
« C'était hier après-midi à quatorze heures. Il est maintenant neuf heures du matin ! »
Le déviant hocha la tête en comprenant enfin le grief de son partenaire.
« Hank, ce suspect a agressé trois personnes avec une arme à feu. Il doit être appréhendé. »
« Je suis d'accord. » Le policier baissa la voix pour paraître moins ennuyé et plus empathique. « Mais tu ne feras de bien à personne si tu travailles jusqu'à l’épuisement. »
« Mais je… »
« Ne me sors pas tes conneries sur le fait que les androïdes ont plus d'endurance que les humains ou qu’ils sont capables de fonctionner avec une faible puissance, ça je le sais déjà. » Hank glissa un peu plus d’autorité dans sa voix. « Tu ne réponds peut-être plus à ces connards de CyberLife, mais tu réponds de moi ou de Fowler, et nous ne nous attendons pas à ce que tu travailles plus dur que n'importe quel autre flic de ce commissariat simplement parce que tu es un putain d'androïde ! »
Connor écouta patiemment Hank en notant que ses systèmes commençaient à désactiver automatiquement ses fonctions non vitales afin de préserver le peu d'énergie qu'il lui restait pour reporter le mode repos le plus longtemps possible. Sa fonction de ventilation était désormais à la moitié de sa capacité, tandis que ses relais cybernétiques ne fonctionnaient plus qu'à cinquante pour cent de portée.
« Je passerai en mode repos dès que… »
Une mise à jour apparut soudain sur l'écran du terminal de Connor, ce qui attira son attention et celle de Hank. Déterminé à résoudre l'affaire, le déviant ne cilla même pas et lut les nouveaux détails.
« Mon analyse des caméras de la ville a enfin donné un résultat. Le suspect a été localisé et il se trouve actuellement à quatre pâtés de maisons du commissariat. J'ai téléchargé l'adresse. »
« Ouais, eh bien, va le dire à… » Hank regarda son coéquipier l’ignorer et se précipiter vers les portes d'entrée du commissariat. Un déviant en mission était difficile à arrêter et Hank le savait par expérience personnelle.
Le Lieutenant sauta de sa propre chaise et poursuivit son ambitieux partenaire pour le rattraper au moment même où il traversait le parking et atteignait la porte passager de la voiture noire.
« Nous devons nous dépêcher si nous voulons attraper le suspect avant qu'il ne disparaisse à nouveau. »
« Merde, Connor. Mais ralentis le rythme bon sang ! » Jura Hank en déverrouillant les portières de la voiture et en s'installant sur le siège du conducteur. Il savait que le gamin était trop têtu pour apprendre la patience. « Quelle direction ? »
S'asseyant sur le siège, le déviant téléchargea cybernétiquement l'adresse du dernier emplacement connu du suspect dans le GPS fixé sur le tableau de bord. En se connectant à l'appareil, sa LED teintée en jaune cycla très rapidement puis ralentit à un rythme plus calme. Son système avait du mal à fonctionner correctement avec sa baisse d’énergie.
« D'accord. » Jetant un coup d'œil au GPS, Hank suivit la bonne direction et se laissa guider par le petit appareil. « Dès que ce connard sera menotté, tu rentres te reposer, compris ? »
« Oui. Je me reposerai une fois que le suspect sera en garde à vue. »
Pendant le trajet jusqu'à l'adresse, un nouvel avertissement apparut dans les processeurs visuels de Connor, faisant passer sa LED du jaune au rouge alors qu'il tentait activement d'ignorer le message d’alerte. Malgré la désactivation des fonctions non vitales, son niveau de puissance diminuait toujours rapidement.
AVERTISSEMENT :
Niveau de puissance critiquement bas : 10 %
Activation du mode repos dans : 00:27:09
Reporter le mode repos : [O/N ?]
Entièrement concentré sur la résolution de l'affaire et l'arrestation du dangereux suspect, Connor ferma ses yeux et força sa programmation à contourner, une fois de plus, le protocole obligatoire.
Le trajet vers l’adresse fut rapide même si cela sembla être une éternité pour le déviant épuisé. Cybernétiquement, il commença à vérifier chacun de ses programmes encore actifs pour essayer de réserver autant que possible sa puissance en baisse, mais la tâche elle-même s'avéra vaine car Connor fut accueilli avec un nouvel avertissement.
Niveau de puissance critiquement bas : 09 %
Activation du mode repos : ERREUR
Mode repos – DÉSACTIVÉ
La perte de sa capacité d’analyse de l'environnement, des échantillons en temps réel et de ses sens améliorés fit sentir le déviant plus humain que jamais. Cependant, c'est lorsque sa respiration artificielle s’arrêta pour conserver l'énergie que Connor commença à réellement s’inquiéter car son système n’était plus refroidit. Il se donna environ dix minutes supplémentaires de puissance jusqu'à ce qu'il doive passer en mode repos forcé.
Hank arrêta la voiture à l'extérieur d’un complexe d'appartements qui correspondait à l'adresse. Le freinage brusque força les yeux fatigués du déviant à s'ouvrir à nouveau alors que Hank sautait hors du véhicule pour commencer sa recherche du suspect.
Quant à Connor, il se leva sans grâce de son propre siège pour le rejoindre.
« Je vais utiliser l'ascenseur » Ordonna le lieutenant d'une voix calme et posée. « Toi, passe par la cage d'escalier au cas où il essaierait de s'enfuir. »
« Compris » Connor commença à courir pour localiser le bon appartement au deuxième étage de l'immeuble. « Il a été repéré au 2-C, je vous y retrouve ! »
Le fait de monter les marches se révéla, contre toute attente, plus fatigant que prévu pour le déviant. Avec son système fonctionnant en mode faible consommation et son programme de ventilation désactivé, l’effort physique épuisa rapidement sa puissance.
AVERTISSEMENT :
Niveau de puissance critiquement bas : 07 %
Activation du mode repos : ERREUR
Température centrale élevée : 39.8 degrés
Mode repos : DÉSACTIVÉ
Activation du mode repos d'urgence dans : 00:02:59
Sans s'arrêter, Connor se dirigea vers le bon étage et poussa la porte de la cage d’escalier menant à un long couloir d’appartements. Il vit Hank debout devant la porte du suspect avec son arme pointée vers le sol.
Le Lieutenant lui fit signe puis frappa à l'entrée avec deux coups fermes.
« Police de Détroit, ouvrez ! »
Le bruit frénétique de quelqu'un courant dans le petit appartement amena Hank à reculer sagement de la porte et à appuyer son dos contre le mur tandis que le suspect sortait brusquement pour tenter d'échapper à la police. En se tournant vers la cage d'escalier, le type se précipita sans le savoir dans le champ de vision du deuxième policier présent sur les lieux.
Connor intercepta facilement l'humain en fuite et le maintint en place en coinçant ses bras derrière son dos.
« Ne résistez pas ! » Ordonne t’il. « Vous êtes en état d'arrestation ! »
« Va te faire foutre, tas de ferraille de merde ! » L'homme, largement bâti et très en colère tenta de se défaire de l’emprise de l’androïde. « LÂCHE-MOI ! »
« Je ne vais pas faire ça, vous êtes en état d'arrestation. »
Hank rattrapa en quelques secondes son partenaire et pointa son arme sur l'homme qui tentait de se libérer.
« Ne bouge plus ! » Cria le policier. « Si tu continues de résister, cela ne finira pas bien pour toi. »
Alors qu'il tenait toujours les bras du suspect, la vision de Connor recommença à clignoter en rouge.
AVERTISSEMENT :
Niveau de puissance critiquement bas : 05 %
Activation du mode repos : ERREUR
Température centrale élevée : 39.1 degrés
Mode repos DÉSACTIVÉ
Activation du mode repos d'urgence dans : 00:01:12
Après avoir effacé les avertissements hors de son champ de vision, il mit toutes ses forces restantes à coincer les bras du suspect derrière son dos pour le forcer à se coucher au sol.
Agenouillé sur sa colonne vertébrale, il refusa de laisser l'homme dangereux se libérer alors même qu'il se débattait sous son poids.
De son côté, Hank sortit la radio cachée dans la poche gauche de son manteau et fit le point sur l'arrestation.
« Suspect localisé et détenu à mon emplacement. Demande de renforts. »
Il s'agenouilla à son tour et tira la paire de menottes de l'arrière de sa ceinture pour les passer autour des poignets de l'homme. « N’aggrave pas les choses en résistant. »
Trop fatigué, Connor lâcha enfin le suspect et se redressa contre le mur pour se reposer. Sa LED n’arrêta pas de clignoter en rouge tandis que son niveau de puissance continuait de baisser.
AVERTISSEMENT :
Niveau de puissance critiquement bas : 04 %
Activation du mode repos : - ERREUR
Température centrale élevée : 40.2 degrés
Mode repos - DÉSACTIVÉ
Activation du mode repos d'urgence dans : 00:00:47
Hank attrapa les bras de l'homme et le souleva brusquement du sol pour le plaquer contre le mur opposé. Jetant un coup d'œil par-dessus son épaule, il regarda avec inquiétude son partenaire plus très stable sur ses pieds.
« Connor ? Ça va ? »
« O-Oui… » Marmonna t'il en essayant de résister au mode repos forcé. « Je... je vais bien. »
« Ah non, ça n’a vraiment pas l’air. »
Chris et un nouvel officier débutant, Tyler O'Riley, apparurent en haut de l'escalier avec leurs armes dégainées pour aider Hank.
« Nous étions dans le quartier lorsque nous avons entendu votre appel, lieutenant. » Expliqua t’il en prenant en charge le suspect avec l'aide de son coéquipier. « On s’en occupe. »
« Merci, Chris. Tous les documents concernant ce salaud sont sur le terminal de Connor. Prends-en soin, d'accord ? »
« Bien sûr, pas de problème. » L’officier emmena le suspect en le pressant dans le dos. « Allez, on y va mon pote ! »
Hank reporta son attention sur le déviant qui se tenait aussi droit qu'un poteau, le dos contre le mur avec ses yeux fermés.
Inquiet, il posa sa main droite sur son épaule gauche et claqua avec l’autre ses doigts devant son visage.
« Connor ? Tu es toujours avec moi ? »
AVERTISSEMENT :
Niveau de puissance critiquement bas : 02 %
Activation du mode repos : ERREUR
Température centrale élevée : 40.7 degrés
Mode repos DÉSACTIVÉ
Mode repos d'urgence INITIÉ
La LED rouge de l'androïde commença à clignoter de plus en plus lentement jusqu'à ce qu'enfin son corps devienne mou et commence à s'effondrer. Si Hank n'avait pas déjà soutenu son épaule, il se serait fracassé la tête sur le sol.
« Whoa... je te tiens ! »
Le lieutenant se pencha un peu et laissa Connor tomber mollement sur son épaule. Il enroula son bras droit autour des jambes de son partenaire épuisé et le transporta jusqu'à l'ascenseur.
Une fois arrivé au rez-de-chaussée, il retourna à la voiture. D'un mouvement doux, le détective fit asseoir le déviant inconscient sur le siège passager et attacha sa ceinture de sécurité avant de retourner derrière le volant.
Hank s'éloigna du côté de la rue et soupira bruyamment face à la bêtise de l’androïde.
« T’es pire qu’un gosse putain ! » Grommela-t-il à son partenaire inconscient. « Tu n’écoutes jamais rien de ce qu’on te dit. »
Pendant tout le trajet jusqu'à la maison, la LED rouge du déviant pulsa à une vitesse incroyablement lente. Inquiet, Hank tendit sa main droite et la pressa contre la poitrine de l’androïde. Il sentit sa pompe à thirium faire circuler activement le sang bleu à travers ses biocomposants.
Agacé mais concentré, Hank remit sa main droite sur le volant et tourna vers son bloc pour rentrer chez lui le plus rapidement possible.
La voiture enfin garée devant la maison, Hank soupira une fois de plus alors qu’il ouvrait la portière et récupérait à nouveau le déviant par-dessus son épaule droite.
Tâtonnant avec la clé dans la serrure, il entra enfin dans son domicile où son chien l’accueillit joyeusement d’un aboiement sourd et d’un remuement de la queue.
« Hé Sumo, mon garçon. »
Hank allongea doucement Connor sur le canapé tandis que le Saint Bernard le suivait de près. Puis l'homme se dirigea vers la grande chaîne stéréo située sur le mur du salon et ramassa une grande boîte en métal noire avec « CyberLife » écrit en texte argenté sur la surface du couvercle. À l'intérieur, se trouvaient trois unités d'alimentation de secours distinctes qui pouvaient être connectées à la LED d'un androïde pour recharger son alimentation électrique.
« Très bien. Il n’y a plus qu’à espérer que ça fonctionne. »
Il ramassa le petit disque circulaire en le tenant curieusement entre son index droit et son pouce.
Pas plus gros qu’un jeton, le support était constitué d’un alliage de cobalt. Tandis qu'il l'appuyait sur la LED de Connor, Hank regarda le disque se fixer magnétiquement et commencer à briller d'un bleu vif tout en restituant généreusement vingt pour cent de l'énergie indispensable au système de l'androïde.
Après une minute de charge, les yeux marron de Connor s'ouvrirent brusquement.
Il prit une profonde inspiration tandis que son programme de ventilation revenait à sa capacité normale. Assis bien droit sur le canapé, le déviant regarda la maison avec confusion. Il n'avait aucun souvenir de son retour chez lui. La dernière chose dont il se souvenait était le plaquage du suspect au sol.
« Et le voilà de retour parmi nous... » Se moqua le Lieutenant d’une voix facétieuse.
« Hank ? » La LED de Connor clignota du rouge au jaune. « Comment suis-je rentré à la maison ? »
« Tu t’es effondré après avoir attrapé le suspect. Je t’ai ramené. » Les mains sur les hanches, Hank adopta un langage corporel réprobateur. « Tu as été un putain d’imbécile, Connor ! »
« Je... je suis désolé. Je n'aurais pas dû repousser autant mes limites. »
« C'était imprudent, dangereux et cela aurait pu nous mettre tous les deux en danger. » Gronda le Lieutenant avant de marquer une pause et de reprendre d’une voix plus basse. « Mais au moins tu as tenu parole… »
Connor essaya de comprendre de quoi Hank parlait.
« Comment ça ? »
« Tu as promis qu'une fois que nous aurions attrapé le gars, tu te reposerais. Et tu l'as fait. »
« Je n'avais pas l'intention de passer en mode repos sur le lieu de l’interpellation. » Une rougeur embarrassée apparut sur le visage de Connor.
« Ne me refais plus jamais un coup comme ça, gamin. Si la prochaine fois tu ignores tes repos, je te jure que je t’enverrai moi-même dans les bras de Morphée. »
« Je… oui… » Hochant légèrement la tête, l'androïde passa le bout de son doigt droit sur le disque magnétique. « Je ne recommencerai plus. »
« Tu es un sacré emmerdeur Connor... » Le policier s’assit sur le bord de la table basse et regarda son coéquipier d’un rictus narquois. « …Mais tu es aussi un putain de bon flic. »
Le jeune homme lui rendit timidement son sourire, touché par les mots.
« Alors devenir un déviant n’a pas affecté mes capacités ? »
« Non, jamais. » rassura le Lieutenant. « Devenir déviant t’a fait acquérir une conscience et je sais que tu as agi comme tu l’as fait par empathie envers les victimes de ce connard. »
« Mais cela au détriment de ma propre santé… »
« Androïde ou humain, nous avons qu’une seule vie, Connor. » Appuyant ses coudes sur ses genoux, Hank fixa ses yeux bleus dans ceux du déviant rongé par le remord. « Et elle est aussi précieuse que fragile. »
Son partenaire baissa honteusement la tête, accusant les paroles de son ami avec pénitence. Il avait été stupide de s’être mis en danger de la sorte et pire encore, d’avoir risqué la vie de Hank. Ce désagréable sentiment de culpabilité lui revint comme un poids dans sa poitrine.
« Je comprends… »
« Bien. En attendant, vas-y doucement et active ton mode repos. » Lui intima son partenaire en se redressant. « Ne te lève pas avant d'être revenu à cent pour cent.»
S'allongeant sur la longueur du meuble comme indiqué, Connor hocha la tête et ferma à nouveau les yeux.
« Hank… » Héla t’il doucement.
« Ouais ? »
« Merci de vous soucier de ma vie. »
L'homme se figea au commentaire, observant le déviant enfin endormi. Il y a quelques temps encore, il n’aurait jamais considéré un androïde mais l’arrivée du gamin avait lentement changé sa vision des choses.
Connor lui avait redonné foi en la vie.
Et maintenant, c’était à lui de faire en sorte qu’il vive pleinement la sienne.
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