Become Human : L'aube bleue
Chapitre 2 : Une collaboration forcée
3782 mots, Catégorie: T
Dernière mise à jour il y a environ 2 ans
Chapitre 2
Une collaboration forcée
C’était un androïde et il dégageait une prestance froide et intimidante. Il leva les yeux vers lui, ses prunelles d’un bleu acier fixant Gavin avec une intensité perçante. Pris entre un frisson d’inquiétude et l'adrénaline, le détective esquissa un ricanement nerveux pour briser la tension.
— Une blague, c’est ça ? lança-t-il en désignant le nouvel arrivant, une lueur de colère dans les yeux. Cet androïde lui rappelait Connor, mais il y avait quelque chose de plus dur, de plus calculé dans ses traits.
L’androïde, imperturbable, esquissa un sourire parfaitement maîtrisé.
— Bonjour, détective Reed. « La blague » est ravie de faire votre connaissance. Nous sommes tous ici pour comprendre et résoudre cette affaire. Vos compétences seront les bienvenues.
Ce ton poli et détaché, programmé pour être parfaitement courtois, provoqua un frisson de malaise chez Gavin. Il resta figé, abasourdi, un instant avant de secouer la tête, cherchant à reprendre contenance.
— Eh bien, je pense qu’on a besoin de moi là-dedans, dit l’androïde sans attendre de réponse. Des présentations plus formelles pourront attendre.
Sans un mot de plus, l’androïde se dirigea vers le salon avec une assurance calculée, comme s’il réglait une simple formalité. Le détective le suivit du regard, ses poings serrés, foudroyé par l’arrogance de cette machine. Il se frotta le visage, tentant de digérer ce qu’il venait de voir. Ce n’était pas Connor, mais la ressemblance était frappante, au point de réveiller en lui une méfiance sourde. Pourquoi diable un autre modèle de ce genre était-il assigné à cette affaire ? Depuis l’infiltration de Connor dans les fichiers du DPD, Gavin n’avait plus la moindre confiance en ces « RK ».
Sa contemplation fut interrompue par un détail qu’il n’avait pas remarqué auparavant : la porte d’entrée était enfoncée, les gonds tordus, témoins muets d’une intrusion violente.
— Tu m’étonnes que les voisins aient été alertés. La porte est défoncée… soit ils ne connaissaient pas les agresseurs, soit c’était personnel, murmura-t-il pour lui-même.
— En effet, détective, répondit une voix derrière lui, glaciale et méthodique.
Gavin sursauta et se retourna, trouvant l’androïde déjà derrière lui, en train de scanner la porte. Les gestes précis et l’efficience calculée de la machine lui donnaient la désagréable impression de n’être qu’un simple spectateur sur sa propre scène de crime.
— Ils sont en location depuis juillet, ajouta l’androïde. Quant à la porte, elle a été forcée avec une charge explosive discrète, probablement du matériel militaire léger.
Gavin recula instinctivement, un mélange de colère et de frustration s’infiltrant en lui.
— Très bien, petit malin. Tu as dit que tu te présenterais, non ? Alors, tu es quoi ? Une sorte de Connor 2.0, c’est ça ? lança-t-il, un sourire ironique étirant ses lèvres.
L’androïde le regarda sans ciller, son expression imperturbable.
— Désolé de vous décevoir, détective. Je suis un modèle RK900, une version plus avancée, sans les défauts d’un prototype.
— Ouais, donc Connor 2.0. Parfait, grogna Gavin en levant les yeux au ciel. Peux-tu me dire ce que tu sais sur les deux… machines au sol là-bas ?
D’un geste dédaigneux, il désigna les deux androïdes étendus sur le sol. Le RK900 ne releva pas l’ironie, se contentant d’observer les corps. Il s’accroupit près de l’androïde féminine, examina les bras figés dans une position défensive, puis se tourna vers l’autre androïde, son regard analytique captant chaque détail.
— Ce sont un MC500 et un AF200, expliqua-t-il d’un ton égal. Le premier est un modèle aide-soignant de 2026, le second un androïde paramédical de 2025.
Gavin leva un sourcil, un brin perplexe.
— Et ça nous avance à quoi, ça ?
Le RK900 lui jeta un regard d’une patience presque méprisante.
— Ce sont des androïdes conçus pour assister les humains. Leur programmation limite leurs actions, en particulier dans des situations de conflit. Cela signifie qu’ils n’ont pas pu initier cette lutte. Quelqu’un a intentionnellement cherché à les attaquer.
Cette affaire pensait Gavin, devenait de plus en plus étrange. Deux androïdes conçus pour sauver des vies, désactivés avec une violence qui trahissait une haine ou une peur irrationnelle. Et ce RK900, avec son comportement méthodique et détaché, ne faisait qu’ajouter une dimension inquiétante à cette scène.
L’androïde RK900 hocha la tête, comme s’il venait de terminer une analyse silencieuse. Collins et une agente de la police scientifique s’approchèrent.
— Deux ADN humains masculins, groupes O- et AB+, expliqua le RK900 d’une voix parfaitement neutre. Aucun match dans les bases de données du département. Avec un accès à un terminal médical, je pourrais obtenir plus d'informations. D’après les projections de force et les éclaboussures, il s’agit de sang muqueux, sans doute libéré suite à un impact pendant la lutte.
L’agente scientifique jeta un regard sceptique, comme si elle cherchait la moindre excuse pour remettre en cause les analyses de l’androïde. Gavin, en retrait, observait la scène avec une irritation grandissante. Cet RK900 prenait toute la place, traitant l’affaire avec une efficacité déshumanisante qui le mettait mal à l’aise.
— Eh bien, à ce rythme, autant que tu prennes la scène de crime pour toi tout seul, ricana Gavin d’un ton amer, incapable de réprimer son ressentiment.
L’androïde le regarda, l’espace d’un bref instant, avec une expression indéchiffrable. Si une once d’émotion pouvait se lire dans ce regard, Gavin ne l’aurait jamais admis. Mais alors qu’il s’apprêtait à tourner les talons, le RK900 parla, sa voix d’un calme presque troublant.
— Vous pouvez choisir de me voir comme une simple machine, détective cela n’a pas d’importance. Je suis ici pour résoudre des crimes, tout comme vous.
Gavin, figé, s’il y avait bien une chose qu’il n’avait jamais considérée, c’était qu’une machine puisse se poser la question de sa place, ou même comprendre l’essence de son propre rôle.
Sans attendre de réaction, le RK900 retourna à ses analyses.
Gavin s’éloigna du RK900, cherchant un instant de répit parmi les étagères couvertes de bibelots poussiéreux et d’objets de décoration dépareillés. Ce type d’endroit, avec ses meubles usés et ses cadres aux photos d’inconnus, lui semblait toujours étrangement intime, comme si les murs murmuraient des secrets que lui seul était venu troubler. En glissant derrière une commode renversée, son regard fut attiré par un cadre oublié, légèrement fêlé sur le bord. À l’intérieur, une photo en noir et blanc d’une petite fille souriante, encadrée par deux silhouettes floues. Les vêtements des adultes, dans leur simplicité fonctionnelle, lui firent immédiatement penser à des androïdes.
Il enfila un gant avant de prendre la photo, son visage trahissant une légère confusion. Il leva l’objet en l’air, s’adressant au RK900 avec un ton mi-sérieux, mi-amusé.
— J’ai trouvé quelque chose ! lança-t-il, comme s’il s’agissait d’un trophée.
L’androïde s’approcha sans un mot, ses yeux bleu glacé se posant sur le cadre avec une curiosité presque palpable.
— Intéressant. Puis-je voir ? demanda-t-il, d’un ton neutre mais intense.
Gavin haussa un sourcil et tendit le cadre, le regard chargé de dédain. Le RK900 prit l’objet entre ses mains, l’examinant minutieusement. La petite fille semblait si humaine, si vivante, que même lui semblait pris par un bref moment de silence.
— C’est étrange, dit-il finalement. Je ne parviens pas à identifier ces visages.
Gavin laissa échapper un rire cynique, tapotant le cadre comme s’il se moquait de la naïveté de l’androïde.
— Peut-être que c'est une photo témoin, suggéra-t-il, haussant les sourcils.
Le RK900 leva les yeux vers lui, l’espace d’un instant, un éclat de curiosité dans le regard.
— Une photo… témoin ? répéta-t-il, comme s’il analysait l’ironie derrière les mots.
Gavin hocha la tête avec un rictus narquois.
— Oui. Des images génériques qui donnent l’illusion d’un bonheur universel. Mais tout est faux, juste pour vendre le cadre.
— Merci, détective. Mais justement… si cette image appartenait à une banque d’images commerciales ou si cette personne existait dans une base de données, elle serait identifiable. Je vais la mettre sous scellé pour vérification.
Gavin haussa les épaules, croisant les bras et jetant un regard méprisant vers le RK900. Pour lui, cette histoire de photo n’avait pas grand intérêt. Cependant, l’androïde ne semblait pas prêt à abandonner, et poursuivit de son ton imperturbable :
— D'après les traces et les objets déplacés, quatre personnes sont impliquées ici. Six, si l’on compte les deux androïdes désactivés. L’androïde brune a été plaquée au sol ; le couteau là-bas a servi à déchirer son t-shirt et à arracher sa pompe de régulation.
Le mot "arraché" provoqua un étrange frisson chez Gavin. Ce n’était pas la première fois qu’il voyait des machines maltraitées, mais le mot, chargé de violence brute.
— Donc… la pompe de régulation, c’est leur cœur, c’est ça ? demanda-t-il, scrutant l’androïde pour capter la moindre réaction.
Le RK900 marqua une légère pause, presque imperceptible, mais suffisamment longue pour intriguer Gavin.
— Oui. Si elle est arrachée, l’androïde a environ deux minutes pour trouver une autre source d’alimentation avant que ses systèmes ne se dégradent.
Gavin plissa les yeux, remarquant pour la première fois une ombre dans le regard de l’androïde, une lueur presque… introspective. Bien décidé à pousser les limites de cette machine et augmenter son stress, il insista, son ton devenant volontairement provocateur :
— Et ensuite ?
Le RK900 garda le silence un moment, ses yeux fixant un point invisible, comme s’il rassemblait des souvenirs distants ou inaccessibles.
— Ensuite, notre système de vision se dégrade, dit-il enfin d’une voix plus basse, presque hésitante. Nos fonctions sensorielles, comme l’ouïe et le toucher, s’effacent progressivement, plongeant chaque système dans une forme de… silence. Lorsqu’il ne reste plus assez d’énergie pour alimenter les composants essentiels, le corps cesse tout mouvement. En dernière étape, pour les modèles avancés, une sauvegarde d’urgence peut être activée. Elle permet de transférer quelques données, mais les souvenirs d’apprentissage, les… subtilités d'expérience, sont perdus. Pour les autres modèles, c’est une désactivation complète. Une extinction sans retour. Comme ici, conclut-il, en désignant les corps devant eux. Vous êtes satisfait, détective ?
Gavin resta silencieux, un malaise indéfinissable prenant racine en lui. La description de l’androïde, à la fois clinique et curieusement poignante, peignait un tableau qu’il n’aurait jamais imaginé associer à des machines. Ce n’était pas seulement une explication technique ; il y avait, dans cette voix métallique, un écho d’expérience, une ombre de souffrance acceptée.
— Ouais… bien, marmonna-t-il.
Mais le RK900, comme pour ne pas laisser la conversation en suspens, ajouta d’un ton distant :
— La peur de la désactivation… nous n’en avons pas, détective. Mais nous comprenons la finalité de notre existence, tout comme vous. La différence, c’est que nous l’acceptons. Nous sommes conçus pour être remplacés.
L’idée d’une machine consciente de sa propre obsolescence, qui l’acceptait comme une fatalité, éveillait en Gavin des questions.
Le RK900 se redressa, analysant à nouveau la scène de crime avec une efficacité méthodique, comme s’il n’avait rien révélé d’inhabituel. Collins, qui les observait depuis un coin de la pièce, s’approcha de Gavin avec un sourire forcé, tentant de détendre l’atmosphère.
— Eh bien, j’imagine qu’on n’a pas l’habitude de ce genre de… partenaires sur une scène de crime, lança-t-il, hésitant.
Gavin ricana, mais le cœur n’y était pas. Il sentait encore la pression invisible des mots de l’androïde peser sur lui, un étrange pressentiment qui ne le lâchait pas.
— À ce rythme, autant lui laisser la scène de crime, murmura-t-il, essayant de retrouver son sarcasme habituel.
Le RK900, entendant ses paroles, se retourna et lui adressa un regard glacial, mais nullement agressif.
— Vous pouvez me percevoir comme un simple outil, détective Reed. Mais sachez que dans cette pièce, comme dans bien d’autres, j’ai une fonction aussi essentielle que la vôtre. Nous cherchons tous les deux des réponses, bien que nous empruntions des chemins différents. La vérité, elle, demeure la même, peu importe qui la trouve.
Gavin ouvrit la bouche, prêt à répliquer quelque chose de mordant, mais il s’arrêta, incapable de trouver les mots. Il détourna les yeux, préférant se concentrer sur la photo entre ses mains, cette image figée d’une fillette entourée de deux silhouettes anonymes. Il se surprit à se demander quel rôle ces machines avaient joué dans la vie de cette enfant, si elles avaient été pour elle plus que de simples aides, plus que des outils.
****
La maison était plongée dans un silence lugubre, chaque recoin noyé dans l’obscurité et les ombres projetées par les rares lampes portatives laissées par les enquêteurs. Gavin sentait le poids de la nuit se refermer sur lui, et malgré son expérience, une tension inexplicable lui crispait les nerfs. Il jeta un regard en arrière vers le RK900, dont la posture calme et rigide contrastait avec son propre agacement.
L’escalier escamotable menant au grenier était resté baissé, un signe que la pièce avait déjà été inspectée, mais Gavin n’en avait cure. Un léger bruit l’avait mis en alerte, et il n’avait pas l’intention de repartir sans vérifier de lui-même. Il se tourna vers l’androïde, le fusillant du regard.
— Tu restes derrière moi, d’accord ? gronda-t-il, une note d’impatience dans la voix.
Le RK900 inclina la tête, imperturbable, avant de répondre avec la même courtoisie désarmante qui semblait agacer Gavin à chaque fois.
— Avec tout mon respect, détective, il serait plus prudent que je passe devant, répondit l’androïde avec un calme clinique.
Gavin soupira, combattant une montée de frustration, mais il finit par céder. Le RK900 passa devant lui, montant les marches de l’escalier avec une assurance calculée, chacun de ses mouvements mesuré et silencieux. Gavin le suivit, ses sens en éveil, tendu comme un fil prêt à rompre.
Ils pénétrèrent dans le grenier, une petite pièce basse de plafond aménagée de façon sommaire. Le mobilier était rudimentaire : un lit sans couverture, une vieille armoire au bois écaillé, des tiroirs renversés et des placards ouverts, témoignant d’une fouille minutieuse mais rapide. Gavin balaya la pièce du regard, absorbant chaque détail dans un silence lourd de méfiance.
Le RK900 examina la pièce avec une précision méthodique, ses yeux captant chaque recoin, chaque irrégularité dans le bois des murs et des planches du sol. Finalement, il s’arrêta près d’un mur latéral, fixant un point précis avec intensité.
— Détective Reed, je suis certain que le bruit provenait d’ici, dit-il en désignant la cloison de bois. Vous l’avez entendu aussi, non ?
Gavin s’approcha, sceptique. Il connaissait l’ouïe perfectionnée des androïdes, leur capacité à capter les sons les plus infimes, mais cette zone avait déjà été fouillée par les experts. Pourtant, le sérieux du RK900 l’intriguait. Il tapota doucement sur la cloison.
— Ça mène au toit, ça, non ? murmura-t-il. Ce serait absurde de penser que quelqu’un pourrait se cacher là-dedans… peut-être un rat, au mieux. Mais bon… autant vérifier.
À cet instant, un grattement discret, presque imperceptible, résonna derrière la cloison. Les yeux de Gavin et du RK900 se croisèrent, leurs regards se durcissant, les muscles de Gavin se raidissant sous l’effet de l’adrénaline.
D’un geste vif, le RK900 tira la trappe de la cloison. Un nuage de poussière s’en échappa, flottant dans l’air comme un voile éthéré, et un cri aigu perça le silence. Gavin leva instinctivement son arme, prêt à toute éventualité, mais ce qu’il découvrit au-delà de la trappe le laissa sans voix.
Dans la pénombre du réduit, recroquevillée et tremblante, se trouvait une jeune fille d’une douzaine d’années. Elle portait un pyjama sale et froissé, ses cheveux roux en désordre encadrant un visage pâle, strié de poussière. Ses grands yeux, rougis et hagards, fixaient Gavin et le RK900 avec une terreur sourde, comme celle d’un animal acculé.
Gavin baissa lentement son arme, stupéfait. Il sentit quelque chose de froid lui traverser la poitrine, une sensation de culpabilité inattendue. Jamais il n’aurait imaginé pointer un jour une arme sur une enfant.
Le RK900 s’approcha de la fillette, ses gestes mesurés et apaisants, son visage affichant une expression de douceur programmée. D’une voix posée, il murmura :
— N’aie pas peur. Tout va bien maintenant, personne ne te fera de mal.
L’androïde lui tendit sa veste pour l’envelopper, un geste qui parut presque instinctif. Gavin observa la scène, un nœud dans l’estomac. Il n’aurait jamais cru voir une machine faire preuve d’autant de délicatesse. La fillette, elle, restait silencieuse, les bras enroulés autour de ses genoux, son regard toujours fixé sur le sol, comme si le simple fait de lever les yeux vers eux représentait un effort insurmontable.
Ils l’aidèrent à sortir et la conduisirent jusqu’au lit. Gavin, encore ébranlé par la découverte, murmura plus pour lui-même que pour le RK900 :
— Elle est… humaine ?
Le RK900, toujours calme, acquiesça.
— Détective, cette adolescente est humaine.
Gavin passa une main nerveuse dans ses cheveux, tentant de rassembler ses pensées. Il se tourna vers l’un des agents en bas des escaliers, sa voix soudain ferme et autoritaire.
— Il y avait une fillette cachée dans le grenier ! Appelez une ambulance, tout de suite !
La jeune fille, assise sur le lit, tremblait de froid malgré la couverture dans laquelle ils l’avaient enveloppée. De petites éraflures et des griffures parsemaient sa peau, témoins de son isolement prolongé dans le grenier. Gavin, en la regardant, se sentit envahi d’une colère sourde. Que faisait-elle ici, seule, apeurée, dans cette maison saccagée ?
Il sortit en silence, se laissant appuyer contre le mur extérieur de la maison, l’esprit tourmenté. La honte l’étreignait, comme un poids au creux de son ventre. Il repensait à l’instant où il avait braqué son arme sur cette fillette sans défense. Cette scène lui paraissait irréelle, presque absurde, mais l’image restait gravée dans son esprit, le rongeant de l’intérieur.
Le RK900 le rejoignit, son pas silencieux, presque fantomatique, ne trahissant rien de l’intensité de la situation.
— Détective Reed, l’adolescente n’est pas répertoriée dans mes bases de données. Cependant, d’après mes analyses faciales, la ressemblance avec l’enfant de la photo trouvée dans le cadre est de quatre-vingt-dix pour cent. C’est un bon début pour comprendre son lien avec les androïdes de cette maison.
Gavin inspira profondément, tentant de dissimuler le trouble dans ses yeux.
— Merci de m’avoir dit quelque chose que je savais déjà… grogna-t-il, la voix rauque. Mais pourquoi cette gamine serait attachée à des androïdes ? Elle est humaine. Ce n’est pas censé fonctionner comme ça.
Le RK900 resta silencieux un instant, comme s’il pesait chaque mot avant de parler.
— D’après les vêtements des androïdes sur la photo, il est probable qu’ils aient été conçus pour des soins domestiques et éducatifs. Dans certains foyers… humains ou non, les enfants développent des attachements, même envers des machines. Ces androïdes étaient peut-être ses protecteurs, ses figures de référence.
Gavin soupira, sentant une lassitude profonde l’envahir.
— C’est insensé… des machines qui jouent aux parents. Et nous, maintenant, on fait quoi ? On joue les nounous pour ramener une gosse dont on ne sait rien ?
Il se détourna, prêt à partir, mais le RK900 l’interpella doucement.
— D’après les signes de détresse de la fillette, elle a besoin d’aide. Vous pourriez ne pas aimer ce que je représente, détective, mais nous sommes ici pour protéger les vies, même celles que vous jugez secondaires.
Gavin resta silencieux, les mâchoires serrées. Ces derniers mots résonnèrent en lui, ébranlant ses certitudes. En silence, il hocha la tête, un signe minuscule mais lourd de sens. Il se dirigea vers sa voiture de service, suivi par le RK900.
— Allez, monte, petit malin. On rentre au DPD. Et que ce soit bien clair : tu restes silencieux. On en a assez entendu pour cette nuit.
Alors qu’ils s’engouffraient dans la voiture, Gavin jeta un dernier regard vers la maison plongée dans la pénombre. Il se demanda vaguement quel genre de famille avait bien pu habiter ici, et si cette fillette comprendrait un jour ce qu’elle venait de perdre.