Life note

Chapitre 40 : Le retour de Kira (8)

2573 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour il y a 3 mois

Le silence pesant qui régnait dans la maison fut brisé par le bruit sec d’une assiette que Light—désormais Tenshiko—reposa lentement sur la table basse. Devant lui, Ichiro faisait les cent pas, la mâchoire serrée, les poings crispés. Il ne cessait de jeter des regards méfiants à Aiko, assise sur une chaise en bois laquée, un sourire presque imperceptible flottant sur ses lèvres.


— Tu es… étrangement de bonne humeur ce soir, Aiko.


Il tenta de masquer l’amertume dans sa voix, mais celle-ci suintait malgré lui. Light leva discrètement les yeux vers elle. Aiko se contenta de croiser les jambes avec une élégance étudiée, laissant sa robe fendue glisser légèrement pour dévoiler une peau pâle sous la lumière tamisée du salon.


— Oh ? Je n’ai pas le droit d’être heureuse dans ma propre maison ? répondit-elle d’un ton chantant, en effleurant du bout des doigts le rebord de son verre.


Ichiro grimaça, passa une main tremblante dans ses cheveux ébouriffés.


— Ce n’est pas ça… Il hésita, puis planta ses yeux dans ceux de sa femme. J’ai entendu des rumeurs. Le pasteur Oga…


Aiko haussa un sourcil, amusée.


— Quoi, tu penses que je me suis envoyée en l’air avec ce pauvre homme d’église ? Elle rit doucement. Tu crois vraiment que je perdrais mon temps avec un rat de bénitier incapable de comprendre une femme ?


Ichiro sentit quelque chose se briser en lui. Il avança d’un pas, saisit violemment le bras d’Aiko.


— Réponds-moi ! siffla-t-il entre ses dents.


Light ne bougea pas. Il observa la scène, spectateur silencieux, son estomac noué par un sentiment inconnu.


Aiko, loin d’être intimidée, le fixa avec une lueur narquoise dans les yeux.


— Tu veux la vérité, Ichiro ? Elle se rapprocha, son souffle chaud effleurant la joue de son mari. Tu es un homme pathétique.


Ichiro tressaillit.


— Quoi… ?


— Regarde-toi. Un simple électricien. Un raté. Tu as l’argent, tu as le statut, mais tu n’as jamais été un homme capable de me satisfaire.


Ichiro relâcha son étreinte, recula d’un pas comme si on venait de le frapper en pleine poitrine.


— J’ai… J’ai tout essayé… murmura-t-il, sa voix brisée.


Ses jambes faiblirent. Il tomba à genoux, ses épaules secouées par des sanglots incontrôlables.


Aiko le contempla de haut, avec une froideur presque surnaturelle.


— Tu es un déchet, Ichiro.


Elle se dirigea lentement vers la cuisine. Light suivit son mouvement, son cœur battant à tout rompre. Quelque chose clochait. L’atmosphère était trop lourde, trop électrique.


Le reflet de la lame d’un couteau illumina brièvement l’obscurité de la pièce.


Light comprit trop tard.


— Ichiro, attention !


Aiko se retourna, brandissant un grand couteau de cuisine. Elle le leva au-dessus de sa tête et, sans la moindre hésitation, l’abattit avec force sur le dos de son mari recroquevillé au sol.


Un bruit sourd. Un gémissement étouffé.


Puis, le sang.


Ichiro tenta de crier, mais un second coup lui coupa le souffle. Le troisième fit éclater un gargouillis macabre. Aiko s’acharnait. La lame s’enfonçait dans la chair avec une régularité presque mécanique, éclaboussant le parquet et ses propres vêtements.


Light ne bougea pas.


Son corps était paralysé.


Son esprit, lui, analysait la scène avec une lucidité effrayante.


Un filet de sang gicla sur sa joue. Il sentit la chaleur du liquide visqueux couler lentement jusqu’à son menton.


Ce n’était pas un cauchemar.


C’était bien réel.


Il observa Aiko, qui souriait, couverte du sang de son propre mari. Elle se délectait du spectacle, ses yeux brillants d’un plaisir malsain.


Light comprit alors.


Il venait d’être témoin du vrai visage du meurtre.


Lui, Kira, avait toujours tué à distance. Il écrivait un nom et le crime se produisait ailleurs, loin de son regard. Il n’avait jamais vu l’agonie, les hurlements étouffés, le corps qui se vide de son sang goutte par goutte.


Il se remémora la gérante du restaurant, cette femme qui l’avait supplié de croire en l’innocence de son fils Kaido. Il revit son regard empli de haine lorsqu’elle avait traité Kira de monstre.


Avait-elle raison ?


Aiko se tourna vers lui, haletante. Ses yeux perçants le fixèrent avec une intensité troublante.


— Toi et moi, on se ressemble, n’est-ce pas ?


Light frémit.


Il repensa à leurs ébats, à cette nuit où elle lui avait murmuré ces mêmes mots.


Il comprit.


Il comprit que, pour la première fois, son propre idéal vacillait.


À quoi bon purifier le monde si, pour cela, il devait se salir les mains ?


Ichiro, cet homme qui l’avait recueilli, venait de mourir.


Et Light, Kira, en était indirectement responsable.


La pièce était plongée dans une obscurité troublante, seulement éclairée par le halo de la lune qui filtrait à travers la fenêtre. Le silence n’était interrompu que par le crépitement d’une cigarette consumée entre les doigts d’Aiko et la respiration irrégulière de Light – ou plutôt Tenshiko, du nom qu’on lui avait attribué dans ce corps volé.


Il était figé, le carnet grand ouvert devant lui, ses doigts crispés sur un stylo qui ne servait plus à rien. Les pages du Death Note étaient devenues vierges. Plus une seule inscription, plus de règles, plus de pouvoir. Un simple cahier, inutile. Son cœur battait à tout rompre.


“C’est impossible…”


Il releva la tête vers Aiko, qui l’observait en silence. Son ombre découpait une silhouette inquiétante sur le sol en bois. Elle porta la cigarette à ses lèvres, en aspira une longue bouffée avant d’expulser la fumée dans l’air, comme si elle se débarrassait d’un fardeau.


— Au fond, petit, tu es fascinant… murmura-t-elle en penchant la tête sur le côté, un sourire carnassier sur les lèvres. Je n’ai jamais été aussi satisfaite qu’avec toi. Je crois même que je commence à tomber amoureuse… C’est pour ça que je vais devoir t’éliminer ici et maintenant.


Elle avança lentement vers lui, le couteau ensanglanté dans une main, la cigarette dans l’autre. Le reflet de la lame captura un éclat de lumière, illuminant un instant son regard noir, insondable.


Tenshiko comptait mentalement les secondes. Cinq… Il était convaincu que la crise cardiaque frapperait d’un instant à l’autre. Quatre… Son regard scrutait Aiko, cherchant le moindre signe de souffrance. Trois…Rien. Pas même un frémissement. Deux… Elle continuait d’avancer, tranquille, mortelle. Un…


Elle éteignit la lumière de la pièce d’un simple geste.


— Arrête de jacasser comme un canard et laisse-toi faire, souffla-t-elle dans l’obscurité.


Tenshiko sentit une goutte de sang lui tomber sur la joue. Il laissa un frisson parcourir son corps. C’était donc réel. Il n’était plus un dieu qui tuait à distance, sans voir la douleur de ses victimes. Il était , face à la brutalité du meurtre, témoin d’un acte aussi viscéral que cruel.


C’était ça, tuer ?


Le sang poissait encore le sol. L’odeur métallique emplissait la pièce. Ichiro gisait sur le sol, son corps inerte recroquevillé sur lui-même, transpercé de multiples coups. Son sang s’étalait en une flaque sombre sous lui.


Tenshiko entendit alors un bruit feutré derrière lui. Il tourna lentement la tête et vit des silhouettes noiresentrer discrètement dans la maison. Les nettoyeurs.


— J’ai fait appel à des professionnels, déclara Aiko en les regardant s’activer.


L’un d’eux s’agenouilla près du cadavre et enfonça deux doigts dans son cou, vérifiant l’absence de pouls. Un autre ouvrit une mallette en métal, dévoilant des outils chirurgicaux et des produits chimiques.


Tenshiko sentit un nœud se former dans son estomac.


— Tu crois que je suis une simple femme au foyer ? ricana Aiko en s’asseyant sur le canapé, les jambes croisées. Je viens d’une des plus célèbres familles de tueurs à gages du pays. Cet idiot d’électricien ne le savait même pas.


Elle fit un signe de tête aux nettoyeurs, qui commencèrent à envelopper le corps dans une bâche noire.


Tenshiko sentit la sueur perler sur sa nuque.


— Pourquoi me raconter tout ça ? murmura-t-il.


Aiko écrasa sa cigarette dans un cendrier en cristal et plongea son regard dans le sien.


— Parce que tu n’as pas le choix.


Elle se leva lentement et s’approcha, posant une main glaciale sur sa joue.


— Si tu ne fais pas exactement ce que je te demande, tu iras en prison pour meurtre. Tu crois que mes relations ne me permettent pas de t’accuser et de te faire enfermer à vie ?


Elle pressa légèrement son visage, ses doigts fins et implacables encadrant sa mâchoire.


— Si tu ne coopères pas… Elle sourit. Ce ne sera pas la prison qui t’attendra, mais la mort.


Tenshiko resta silencieux. Pour la première fois depuis sa résurrection, il se sentait réellement piégé.


Depuis que Ryuk l’avait ramené à la vie dans le corps d’un adolescent mourant, il percevait le monde différemmentSon propre corps ne lui appartenait pas. La douleur, le plaisir, la peur… Il les ressentait avec une intensité qu’il n’avait jamais connue avant. Comme si chaque sensation était décuplée, comme si son âme, ramenée de l’au-delà, réagissait à la moindre émotion.


Mais dans tout ce chaos, une seule chose l’obsédait.


Il baissa les yeux vers le carnet, toujours vierge.


Pourquoi ?


Pourquoi le Death Note était-il devenu un simple cahier ? Pourquoi les règles avaient-elles disparu ?Pourquoi Aiko était-elle toujours en vie ?


Il leva lentement les yeux vers elle, son cœur battant à tout rompre.


“Je dois comprendre… Je dois trouver une solution… avant qu’elle ne me détruise.”


Conseil des Shinigamis – L’ombre d’un bouleversement


Dans le monde du Néant, un silence funèbre régnait. D’ordinaire, les Shinigamis étaient des créatures amorphes, dénuées de toute véritable émotion. Mais aujourd’hui, une chose impensable avait ébranlé leur royaume : une tombe était apparue. Une tombe marquée du nom de Ryuk.


Les torches éternelles qui brûlaient dans le Conseil des Dieux de la Mort vacillaient sous une brume obscure. Un trône massif, sculpté dans la pierre la plus ancienne de l’Entre-Monde, dominait la salle circulaire. Devant lui, les Shinigamis les plus influents s’étaient réunis. Leurs corps monstrueux, composés d’os, de plumes, de métal rouillé ou de chair décomposée, formaient une assemblée cauchemardesque.


L’un d’eux, un Shinigami massif aux yeux creusés de ténèbres et à la mâchoire garnie de dents acérées, prit la parole.


— “Ryuk est mort.” Sa voix rauque résonna dans la salle, aussi tranchante qu’un glas funéraire.


Un murmure s’éleva parmi les créatures de la nuit. Certains Shinigamis ricanaient, d’autres tremblaient d’incompréhension. Un Shinigami mort ? C’était rare, extrêmement rare. Et surtout… inexplicable.


Une silhouette s’avança, drapée d’un voile de fumée noire. Son crâne était fendu en deux, laissant apparaître un unique œil luminescent. Il s’appelait Zralthos, un ancien, l’un des rares Shinigamis ayant assisté à l’aube de leur ère.


— “Vous ne comprenez pas ce que cela signifie ?” demanda-t-il, d’une voix aussi lente que le temps lui-même.


Les murmures cessèrent.


— “Ryuk n’était pas un simple imbécile joueur. Il était un opportuniste. Un survivant.”


Les griffes d’un autre Shinigami, couvert de symboles gravés dans sa chair, raclèrent le sol de pierre.


— “Alors explique-moi, Zralthos. Comment un être aussi malin que Ryuk a-t-il pu tomber ?”


Zralthos laissa planer un silence. Puis il pointa un doigt osseux vers la tombe scintillante au centre de la pièce.


— “Parce qu’il convoitait ce que nous avons toujours rêvé d’avoir.”


Un Shinigami au corps fait d’un amas de chaînes et de métal grinça des dents.


— “Le Life Note.”


Un frisson traversa l’assemblée.


Le Death Note était une arme terrible, mais il ne pouvait que prendre des vies. Le Life Note, lui, était une aberration. Il permettait de redonner la vie, de manipuler l’essence même de l’existence.


— “Nous pensions tous que Ryuk s’était contenté de son Death Note,” continua Zralthos. “Mais il avait en réalité contourné la malédiction du Shinigami Suprême.”


Les yeux des Shinigamis présents s’illuminèrent. Cette malédiction, imposée par leur maître absolu, faisait qu’un Dieu de la Mort ne pouvait posséder qu’un seul de ces deux cahiers. Pourtant, Ryuk avait réussi à briser cette règle.


— “Comment ?” grogna un Shinigami dont la peau était parcourue de fissures brûlantes.


— “Il a ressuscité Kira.”


Cette fois, ce fut une onde de choc dans toute la salle.


— “Ryuk… a utilisé le Life Note pour ramener à la vie son précieux humain ?”


Zralthos hocha lentement la tête.


— “En faisant cela, il est redevenu un véritable Shinigami. Et il a récupéré son Death Note. Il était le seul parmi nous à maîtriser à la fois la vie et la mort.”


Un silence glacé s’abattit.


Si un seul Shinigami pouvait manier ces deux forces, alors il devenait un être absolu. Il pouvait créer la vie et la reprendre à volonté. Il pouvait devenir un dieu au-dessus des dieux.


Mais alors…


— “Qui l’a tué ?” demanda un Shinigami au corps d’insecte, dont les ailes frémissaient d’inquiétude.


C’était bien là toute la question.


Si Ryuk, rusé et imprévisible, avait été éliminé, cela voulait dire qu’un autre Shinigami avait découvert une manière de tuer ses semblables.


Une révélation terrifiante.


Un rire lugubre résonna dans la salle.


— “Vous avez peur ?” moqua un Shinigami aux yeux multiples. “Pensez-vous qu’un jour notre nom apparaîtra sur une tombe ?”


Personne ne répondit.


Zralthos contempla la pierre funéraire de Ryuk, gravée de symboles anciens. Si Ryuk avait réellement atteint la maîtrise des deux cahiers, alors sa mort signifiait que les règles avaient changé.


Le Conseil des Shinigamis n’avait plus affaire à un simple jeu de carnets et d’humains arrogants. Une guerre invisible était en train de débuter.


Et ils n’en étaient plus les seuls maîtres.

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