Crash Bandicoot : Le Berceau du Bien et du Mal

Chapitre 2 : La Dorela

5101 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 15/05/2024 11:02

Avant qu’ils deviennent les acteurs de la lutte ancestrale du Bien et du Mal, avant que le destin choisisse de les mettre au devant de la scène, ils étaient humains. Ils menaient une existence banale, baignée d’amour et de haine. Les liens qui les unissent ne se rompront jamais parce qu’ils s’aiment et se haïssent trop pour ça. La vie de deux jumeaux Aku Aku et Uka Uka ainsi que leur petite sœur dans son plus simple appareil.



CRASH BANDICOOT : L'EQUILIBRE

Seconde Partie : les préquelles


Crash Bandicoot : Le berceau du Bien et du Mal

Chapitre 2 : Dorela




Un morceau de tissu déchiré attira l’attention d’Oni Oni. Elle inspecta sa robe blanche et poussa un cri d’effroi en voyant un accroc. 


- La cérémonie va bientôt avoir lieu ! C’était bien le moment pour que ça m’arrive !! 

- Calmes toi Oni et laisse moi voir ça, ordonna Paro avec douceur. 


Elle observa la déchirure et rassura son amie en lui disant que ce n’était pas bien grave. Elle alla dans un coin de la tente, dressée pour elles à l’occasion, et revint avec des instruments de couture. Elle arrangea l’accroc sous l’œil stressé d’Oni Oni. 


- Voilà, plus aucune trace ! 

- Oh merci ! Ce n’est pas possible de s’angoisser ainsi ! 

- C’est normal mon amie. Ce que l’on va faire n’est pas rien. Mais n’oublie pas… 

- … qu’il faut avant tout danser pour notre plaisir, termina la jeune fille aux yeux émeraudes en même temps que son amie. Mais il faut tout de même que nous fassions plus que notre mieux ! 

- Et on le fera. Cependant, tu ne devrais pas te mettre la pression de cette manière. 

- Tu trouves que je me mets la pression ?! 

- Absolument ! s’exclama Paro en riant aux éclats. Allez détends-toi ! Le Seigneur Elémentaire va bientôt arriver. 

- Ah c’est vrai qu’il va nous « accorder sa bénédiction ». C’est ridicule ! On n’a pas besoin de prière pour danser !! 

- Oni Oni !! Mesures tes paroles ! Te rends-tu compte des conséquences si les Seigneurs Elémentaires t’entendaient ? 

- Oui mais ils ne sont pas là et je ne vois personne qui pourrait me nuire ! 

- J’admire ton audace mon amie, mais tiens ta langue. Elle pourrait t’attirer des ennuis. 

- Aku Aku m’a dit quelque chose du même genre. 

- Alors il est de bon conseil ! 

- Quelle complicité ! Tu devrais le fréquenter plus souvent. 


Paro s’empourpra et lâcha une exclamation outrée. Oni Oni sourit mais elle n’était pas dupe. Son amie d’enfance jouait très mal la comédie et elle était sûre maintenant que son frère ne laissait pas indifférente sa camarade. Elle se promit de faire en sorte de rapprocher ces deux-là. 

Paro engagea la conversation pour chasser sa gêne mais elle fut prise d’une quinte de toux au milieu de sa phrase. Son visage devint subitement blafard et Oni Oni se précipita vers elle. Maladroitement, Paro cacha sa main derrière son dos quand la toux cessa. Son amie lui attrapa l’avant-bras d’un geste brusque et regarda sa main. Paro referma ses doigts sur la gerbe de sang rouge vif. 


- Vas voir immédiatement le sorcier-guérisseur ! 

- Je ne peux pas ! Le Seigneur Elémentaire va arriver d’une minute à l’autre et ensuite on doit…

- Au diable le Seigneur Elémentaire ! Va voir le guérisseur ! Je trouverais bien un prétexte pour retarder la cérémonie. Allez files ! 


Paro se leva et regarda son amie avant de sortir d’une démarche mal assurée. Oni Oni poussa un profond soupir et fit quelques pas pour tenter d’évacuer sa nervosité. 


- « Au diable le Seigneur Elémentaire… » Je n’ai jamais vu autant d’impudence chez une femme… Ou bien es-tu tout simplement stupide ? 


Oni Oni s’était retournée dès l’instant où la voix grave avait retenti. Un homme se tenait dans un coin de la tente, à moitié dissimulé par un paravent, bras croisés contre sa poitrine. La jeune fille reconnue immédiatement les longues toges que portent les Seigneurs Elémentaires et elle se rembrunit sous l’œil moqueur du sorcier. Elle s’inclina respectueusement devant l’homme qui devait être de dix ans son ainé. Elle qui imaginait les Seigneurs Elémentaire comme des vieux boucs… 


- Ton nom, insolente ? 

- Oni Oni, Seigneur Py-Ro. 

- Ainsi tu sais que je ne suis pas, mon frère, Rok-Ko. 

- Oui. Seigneur Rok-Ko porte une toge marron… la votre est rouge. 

- Tu n’es pas aussi ingénue que tu en as l’air jeune fille. 


Elle releva la tête et planta ses yeux dans les siens. Elle déglutit en bravant les yeux sombres de son vis-à-vis. Ses iris étaient d’un noir d’encre qui allaient presque se confondre avec ses pupilles. Son regard était si froid et cruel qu’Oni Oni en eut la chair de poule. 


- Ce n’est pas au Seigneur Rok-Ko de s’occuper de l’île de Sanidraï ? 

- Si, mais il y a eut un éboulement sur votre île et il a du partir régler le problème. 

- C’est vrai que Seigneur Rok-Ko est le maître de la Terre… Et vous c’est le feu ? 

- Quelle perspicacité, ironisa Py-Ro. 


Il tendit la main et des flammes se matérialisèrent. Oni Oni recula effrayée dans un premier temps puis fascinée. Les flammes dansèrent quelques secondes avant de former un bâton écarlate. La jeune fille regarda, médusée, l’objet magique. 


- Approche et agenouille-toi, ordonna le sorcier. 


Oni Oni s’exécuta tout en gardant la tête baissée. Elle sentit bientôt l’extrémité du bâton se poser sur sa tête. Ensuite l’homme marmonna des paroles qui étaient étrangères à Oni Oni. Elle releva le visage quand elle sentit la main du sorcier caresser ses cheveux. 


- Dire que notre bénédiction est futile… Je dois dire que tu ne manques pas d’audace ! 


Oni Oni lâcha une exclamation de stupeur. Avait-il écouté toute la conversation qu’elle avait eue avec Paro ? Quel voyeur ! 

La main du sorcier descendit sur la joue de la jeune fille qui n’osa pas se dérober bien qu’elle n’aimait pas ce contact trop hardi à ses yeux. Quand elle lut une lueur perverse au fond de ses prunelles noires, une colère sourde naquit au creux de son ventre. 


- Tu as la langue trop pendue… cela pourrait t’attirer de gros ennuis. 

- Mon Seigneur va-t-il se montrer indulgent à mon égard ? 

- Cela dépend de ce que tu as à m’offrir pour mon silence. 

- Je n’ai rien de précieux à vous donner Seigneur Py-Ro ! 

- Cette nuit, rejoints-moi dans l’habitat de Rok-Ko. Tu pourras payer ton insolence en m’offrant ta beauté. 

- Pardon ?! 


Un sourire vicieux s’étira aux commissures des lèvres du sorcier. Comprenant le sournois arrangement charnel qu’il lui proposait, Oni Oni claqua la main de Py-Ro avec fureur pour faire cesser sa cajolerie. L’homme la foudroya du regard et s’apprêta à punir son effronterie quand Paro revint. Son visage avait repris des couleurs mais Oni Oni le savait : la maladie l’affaiblissait encore. Elle ne croyait pas en la bénédiction des Seigneurs Elémentaires mais si c’était le seul moyen d’aider Paro alors elle voulait bien reconnaitre la supériorité de ces sorciers. 


- Prouvez-moi que votre bénédiction n’est pas une fadaise et je vous donnerais le respect que vous méritez, chuchota Oni Oni. 


Py-Ro la toisa avec médisance quand il releva l’étincelle de défi qui luisait au fond de ses yeux verts. Il se détourna d’elle et se dirigea vers Paro qui s’inclina avec déférence. Il réitéra le même rituel qu’il avait fait quelques minutes plus tôt sous l’œil observateur d’Oni Oni. Quand il eut terminé son œuvre, le Seigneur Elémentaire sortit, non sans avoir jeté un dernier regard méprisant à la demoiselle qui avait osé l’injurier. Cette dernière sut que cette histoire était loin d’être terminée et que le sorcier ne laisserait pas passer son impudence sous silence. Dans un effort considérable, la jeune fille refoula sa peur et sa détresse au second plan. Elle se tourna vers Paro qui la dévisagea avec inquiétude. 


- Oni Oni, il s’est passé quelque chose en mon absence ? 

- Oui… mais je t’expliquerais plus tard. L’heure est à la danse ! 

- Puissent les Dieux être satisfaits de notre prestation, souffla Paro sans être convaincue par le ton faussement joyeux de son amie. 

- Je t’assure. Ne t’inquiète pas pour moi ! 

- Quoi qu’il soit arrivé, saches que je serais toujours avec toi. 

- Merci, répondit-elle sincèrement réconfortée par ses paroles. 


Quand les premiers sons de percussions retentirent, Paro et Oni Oni se dévisagèrent. Elles sourirent en chœur et une lueur complice enflamma leurs prunelles. 


Elles sortirent de la tente et entrèrent dans un cercle spacieux, formé par les villageois, en chantant. Là, elles entamèrent la danse du Dorela accompagnées par d’autres femmes. Les deux amies se mouvaient en des gestes précis et gracieux sous le son des percussions et des instruments à vents. Elles valsaient en chantant, avec les autres femmes et quelques hommes qui prêtaient leurs voix à l’occasion, autour du Totem qui représentait leur Dieu. 

Oni Oni et Paro laissèrent leurs soucis respectifs pour se donner corps et âme à ce ballet dont elles connaissaient chaque pas et parole par cœur. Leurs mouvements étaient aussi fluides qu’élégants et leurs voix raisonnaient dans l’air en un doux et agréable écho. 

Oni Oni chercha ses frères dans la foule. Elle les trouva parés des ornements qu’elle leur avait fait. Pour obtenir leur fierté et leur admiration, elle s’abandonna totalement à la chorégraphie et au chant. 

C’est en gardant le sourire, qu’elles s’immobilisèrent dès que la musique se stoppa. Les spectateurs applaudirent et sifflèrent en chœur. Le chef du village vint féliciter les deux danseuses principales et les autres personnes qui les avaient accompagnées. Il étreignit et embrassa sa fille, Paro, sur le front. Dans son regard brillait la fierté et Paro lâcha quelques larmes de reconnaissance. Il félicita Oni Oni avec beaucoup moins d’ardeur mais l’honora comme tout chef de village le faisait, et même bien plus, car il côtoyait cette jeune fille dès son plus jeune âge à cause de l’amitié qui la liait à sa fille. 

Ce fut ensuite à Py-Ro, et Rok-Ko, récemment revenu de son devoir, qui félicitèrent les deux femmes. Le Seigneur Elémentaire du feu complimenta Paro avec chaleur mais devint froid quand arriva le tour d’Oni Oni. Il se pencha vers son oreille et n’eut qu’une parole cruelle à son égard : 


- Je te perdrais toi et ta famille ! 


Oni Oni lâcha un hoquet de stupeur et regarda avec peur Py-Ro qui esquissa un dernier sourire avant de laisser la place à Rok-Ko, venu féliciter la danseuse suivante. Il marmonna des brefs compliments qui sonnaient faux dans sa bouche. La jeune fille sut qu’il était au courant de sa mésentente avec son frère et n’en fut pas rassurée. 

Elle puisa dans ses forces pour ramener le sourire sur ses lèvres et faire comme si rien ne s’était passé. Paro remarqua le trouble de son amie, mais ne put lui en toucher deux mots car les villageois venaient les féliciter. Quand Aku Aku vint vers elle pour la féliciter en l’enlaçant, elle ne sut pas comment elle trouva la force de ne pas s’effondrer dans ses bras. Uka Uka arriva à son tour et se contenta de dire que sa prestation n’était pas mauvaise mais qu’il avait vu mieux. Elle sourit, attendrie, mais n’arriva pas à chasser les paroles du Seigneur Elémentaire. Qu’elle paye son erreur était une chose, que ses proches en souffrent à cause d’elle était une autre. C’est par amour pour sa famille qu’elle prit la décision de se donner au sorcier. Elle chassa de son esprit tout ce que cela impliquait pour ne pas sombrer dans le désespoir et se concentra sur la difficulté principale : fausser compagnie à sa fratrie. 

Quand Paro vint vers elle pour la retrouver, il lui vint une idée lumineuse. Avant que son amie d’enfance n’ait pu ouvrir la bouche, Oni Oni se tourna vers Aku Aku et lui demanda en toute innocence : 


- Cher frère, tu ne m’avais pas dit que tu inviterais Paro à danser ?

- Quoi ?! s’exclama ce dernier, abasourdi.

- Vraiment ? s’enquit Paro avec un sourire.

- Euh… commença Aku Aku visiblement gêné et ne sachant pas s’il devait avouer qu’il était piégé dans un complot ou jouer le jeu.

- Voilà une action bien audacieuse de ta part, mon jumeau, dit Uka Uka avec un sourire moqueur.


     Aku Aku lui lança un regard mauvais puis se tourna vers Paro en lui tendant gauchement son bras. Elle l’accepta de bon cœur et ils se dirigèrent parmi les danseurs qui s’amusaient déjà. 

Sans s’y attendre, Oni Oni sentit quelqu’un prendre son bras et l’entraina à la suite de son frère et de son amie d’enfance. Elle dévisagea, étonnée, quand Uka Uka se tourna vers elle et qu’il commença à danser en sa compagnie. Elle sourit avec chaleur tandis qu’il restait neutre et observa le jeu d’ombre que le grand feu faisait danser sur son visage mat. Elle détailla le bandeau marron posé sur son front où un os ornait son centre. Un vent léger s’engouffra dans ses cheveux de jais en bataille, faisant voleter les deux autres os accrochés par une fine cordelette qui pendait de chaque côté du visage de son frère. 


- Ca te va bien, dit-elle en donnant une légère pichenette à un des os qui pendait. 

- Je trouve aussi. Tu t’es montrée créative. 

- Tu m’as beaucoup inspirée. 

- Vraiment ? 

- Oui… tu sais ton petit côté… enfin tu vois. 

- Et toi, de quel côté es-tu ? 

- Pardon ? 

- Vas-tu me laisser tout seul de ce côté ? 


Il plongea son regard ambre dans les yeux émeraudes de sa sœur qui le regardait avec trouble. Elle détourna les yeux tout en continuant la danse dans laquelle Uka Uka l’entrainait en ne sachant quoi répondre. Lui, en profitait pour observer la magnificence de sa cadette. Sa robe blanche accompagnée d’un châle vert sur sa taille faisait ressortir à merveille sa peau délicate et ses yeux aux couleurs des feuilles. Ses longs cheveux ébènes étaient détachés et voletaient au grès de leur cadence. Il caressa du bout des doigts la fleur blanche dans ses cheveux et elle releva la tête vers lui. 


- Ton côté est trop dangereux pour moi. 

- Je saurais te protéger, répondit Uka Uka. 

- Es-tu sûr d’en être capable ? 


La musique se termina sur ses mots lourds de sens que le jeune homme ne sut interpréter. Un ensemble de nouvelles notes retentirent pour une nouvelle danse et un homme vint inviter Oni Oni. Elle accepta en s’excusant au près de son frère qui méditait toujours sur ses paroles. Il sortit de l’aire de danse mais ne la quitta pas des yeux. La jeune fille profita du fait qu’un homme aborda son frère, Uka Uka, pour s’excuser auprès de son partenaire et se volatiliser. Elle quitta la cérémonie en toute discrétion et se dirigea la peur au ventre vers la demeure de Rok-Ko. 

Uka Uka chercha sa cadette dans l’aire de danse et plissa ses yeux quand il ne la trouva pas. Non loin, il vit les deux Seigneurs Elémentaires s’en aller avec leur magie. Il se rappela soudainement le regard haineux de Py-Ro qu’il avait vu se poser sur sa sœur durant la danse du Dorela. Leur départ avait-il un lien avec la disparition d’Oni Oni ? 


***


Aku Aku et Paro avaient fui l’ambiance festive du village pour se réfugier sur la plage, beaucoup plus calme. Les deux jeunes gens avaient préféré pouvoir discuter sans avoir du tapage autour d’eux. Le jeune homme se détendait au fur et à mesure des minutes écoulées en compagnie de la princesse. Elle avait l’art et la manière de faire disparaître sa gêne avec des sujets de conversation tout à fait intéressants. Aku Aku se surprit à parler autant avec une femme, et surtout avec celle qu’il redoutait le plus. En oubliant son cœur qui ne cessait de battre la chamade, il passait une agréable soirée en sa compagnie. 


- Je plains ceux qui ne peuvent pas participer à la cérémonie. 

- C’est vrai que surveiller les abords du village est beaucoup moins passionnant que… Oh les guets !! s’exclama-t-il soudainement. 

- Quoi donc ? 

- Je devais être de garde juste après la cérémonie ! 

- Allons tu n’es pas aussi en retard que ça. Allons-y maintenant. 

- Mais… tu… enfin toi… 

- Me ferais-tu l’honneur d’accepter ma compagnie ? Je te promets de ne pas te déranger ! 

- Enfin… ce n’est pas un endroit pour toi… 

- Parce que c’est dangereux ? 

- Oui. 

- Mais tu seras là pour me protéger, non ? 

- Oui, mais… 

- Alors le problème est réglé ! 


Aku Aku ne voulait pas le lui refuser. D’une part parce qu’il n’avait pas la force de s’opposer à la volonté de la princesse, et d’autre part parce qu’il n’avait pas envie de la quitter. Il lui sourit timidement et reprit la marche, talonné de près par Paro qui courut de quelque pas pour retourner à ses côtés. Ils reprirent leur conversation et arrivèrent rapidement près des tours de guets qui se trouvaient dans une rivière. Les tours étaient alignées sur une rivière proche du village et Aku Aku avait la charge de la dernière. 


- Par Ten'Laï ! Ce que l’eau est froide !! marmonna Aku Aku entre ses dents quand il sauta dans le cours d’eau. 

- Qu’est-ce que tu as dit ? 

- Rien, rien. Mais il vaut mieux que je te porte ! 

- Pourquoi ?! 


     Il n’allait quand même pas lui avouer qu’il avait été surpris par la froideur de l’eau. Que penserait-elle de lui, guerrier confirmé et apprenti sorcier, s’il sursautait pour si peu ? Bien que le jeune homme ait pour principe la sincérité, le mensonge sortit naturellement de sa bouche. Décidément, l’amour lui offrait des ressources qu’il ne se connaissait, mais pas des plus positives…


- Il y a… euh… des crabes dans l’eau ! Je m’en voudrais que tu en rencontres un. 

- Les crabes sont sur les plages et les mers. Pas les rivières Aku. 

- Euh… 

- Oui ? 

- L’eau est froide et euh… avoua piteusement le jeune homme.

- Il fallait le dire plus tôt au lieu d’inventer une autre excuse ! rit-elle doucement. 


Aku Aku maudit sa maladresse et s’approcha de Paro pour la porter. Il cala un bras sur ses épaules et un autre derrière ses genoux afin de la soulever jusqu’à la plate forme qui se trouvait en bas de la tour. Là, il la posa et commença à monter sur l’échelle. Une fois arrivé sur la plate forme supérieure, il tendit la main à Paro qui avait commencé à grimper et l’aida à entrer dans la tour. 


- Bonsoir Aku Aku, la cérémonie s’est… 


Un homme plus âgé qu’Aku Aku s’arrêta en milieu de phrase en voyant Paro. Il esquissa un petit sourire affable aux coins des lèvres et annonça son départ. Il hocha respectueusement la tête pour saluer Paro et recommanda à son remplaçant de ne pas trop négliger sa tâche. Aku Aku esquissa un sourire gêné emprunt de gratitude envers la discrétion et la complicité de son interlocuteur. Il écouta le conseil de son ainé et exécuta son travail tout en profitant de la présence de la jeune fille qui faisait battre son cœur. 


***


Oni Oni leva sa main pour frapper à la porte de la maison en pierre quand celle-ci s’ouvrit brusquement, la faisant sursauter. Py-Ro s’effaça pour la laisser entrer en esquissant un sourire satisfait. La brune entra en perdant le peu de contenance qu’elle avait pu conserver. En la voyant, Rok-Ko laissa échapper un sourire sardonique et se leva de la chaise où il était assis. 


- Je vous laisse… Amusez-vous bien, clama-t-il avant de sortir. 


Oni Oni se sentit sombrer. Son cœur battait à une vitesse démesurée qui était à la limite de lui être douloureux. Elle faisait de son mieux pour dissimuler sa respiration saccadée par la peur. Elle sursauta quand les deux mains du Seigneur Elémentaire vinrent se poser sur ses bras. D’un geste assuré, il écarta sa chevelure et elle pu sentir son souffle chaud dans son cou. 


- Tu as fait le bon choix, susurra-t-il avant de poser des baisers brûlants sur sa peau mat. 


Sa détresse éclata, et elle laissa rouler des perles salées le long de ses joues. Elle s’écarta brusquement du sorcier et, dans un ultime espoir, s’agenouilla avec servilité en suppliant son pardon. Il s’abaissa et lui prit le menton. Elle releva ses yeux baignés de larmes vers lui. 


- Il fallait y réfléchir plus tôt… Mais tu devrais m’être plutôt reconnaissante. Cette nuit risque d’être très riche en enseignement pour toi. 

- Seigneur Py-Ro, je suis vierge encore ! 

- Je n’en doute pas, répondit-il amusé, alors je vais te faire découvrir les plaisirs charnels et la soumission. C’est une éducation très honorable pour l’insolence dont tu as fais preuve tout à l’heure. 

- Je vous en prie… 

- Relève-toi, ordonna-t-il d’un ton sans appel. 


Elle s’exécuta et ne se déroba pas quand il l’embrassa avec fougue. Que pouvait-elle faire ? Il était plus puissant qu’elle, il avait tous les droits sur elle ! Elle maudit sa faiblesse et son imprudence. Si seulement elle avait prêté plus d’attention aux conseils d’Aku Aku et Paro, elle ne serait pas obligée de se déshonorer de cette manière. Vaincue, elle se laissa faire quand les mains perverses de l’homme s’attardèrent sur sa taille et remonta sur ses attributs féminins. Elle serra les poings de rage et de désespoir tandis que le baiser continuait avec plus d’intensité. 

Puis soudain, il la repoussa avec violence. Abasourdie, Oni Oni tomba à la renverse. Elle eut juste le temps d’entendre un cri de douleur. Quand elle leva les yeux vers son bourreau, il était allongé sur le sol, un couteau sous la gorge. La jeune fille lâcha un cri de stupeur en voyant son frère au-dessus du sorcier. 


- Sors d’ici, lui ordonna-t-il. 

- Uka Uka !

- TOUT DE SUITE ! hurla le jeune homme. 


Elle obéit après avoir sursauté devant le ton colérique qu’il avait utilisé. Jamais encore, elle n’avait vu son ainé dans un tel état de fureur. Et pourtant, elle avait été plus d’une fois garce avec lui. 


- Tu vas payer pour cet affront ! 

- Hahaha ! C’est moi qui donne les ordres. Votre vie est entre mes mains ! 

- Tu n’oserais pas me tuer ! 

- Je me moque des lois des Anciens ! Je n’aurais aucun scrupule à les enfreindre. 

- Tu mens ! 


Uka Uka accentua la pression de l’arme sur le cou de l’homme faisant couler un mince filet de sang. Py-Ro écarquilla les yeux autant de peur que d’étonnement. Son agresseur s’en réjouit et esquissa un sourire sadique. 


- Pourquoi risquer ta vie pour cette fille ? s’enquit le Seigneur Elémentaire. 

- Parce qu’elle n’appartient qu’à moi ! 

- Je vois… tu es son promis. 

- Raté, son frère. 

- Alors tu es encore plus fou de la sauver ! 

- Passons aux choses sérieuses. Nous allons changer les termes du contrat : votre vie contre notre oubli. Faites comme-ci vous nous aviez jamais vus, y compris vos frères, et nous en ferons de même. Mais si vous tenez tant à vous venger, je vous donne carte blanche sur mon jumeau ! ajouta-t-il sur un ton plaisantin. 

- J’accepte, souffla au bout de quelques secondes Py-Ro, résigné. 

- Jurez-le sur votre foi de Sorcier. 

- Moi, Py-Ro, Seigneur Elémentaire du feu, jure sur ma foi de sorcier de respecter les termes de… 

- Mon identité n’a pas d’importance. 

- Tu es un sorcier ? 

- Pourquoi ? Je devrais l’être ? 

- Ton aura… 

- Qu’a-t-elle ? 

- Elle est puissante… 

- C’est intéressant à savoir. Maintenant l’heure est venue pour vous de dormir. 

- NON ! 


Uka Uka n’écouta pas la protestation de Py-Ro et enfonça le manche de son arme blanche en un endroit précis de l’abdomen. Le sorcier ferma doucement les yeux et s’écroula sur le sol, inerte. Le jeune homme rangea son arme dans son fourreau et se détourna avec désintérêt de sa victime. 

Il sortit de la cabane de pierre et retrouva sa sœur recroquevillée sur elle-même, adossée au mur. Il lui tapota l’épaule et elle sursauta. Elle releva la tête et quand elle reconnue son frère, elle se jeta dans ses bras en éclatant en sanglot. Uka Uka fronça les sourcils et hésita longuement avant d’enlacer Oni Oni. Ils restèrent un long moment sans rien dire, avec pour seul trouble du silence, les pleurs de la jeune fille qui s’estompaient au fur et à mesure. 


- La prochaine fois que tu me fais un coup pareil, je te tue ! 

- Oh Uka Uka, pardon ! Pardon ! Pardon…

- C’est bon, j’ai compris ! Maintenant, tu me dois une explication. 


Oni Oni renifla et commença son récit : son franc-parler, l’écoute de Py-Ro, l’arrangement pervers qu’il proposa, son refus, la menace sur elle et sa famille puis sa décision finale de le rejoindre. Uka Uka n’émit aucun mot, ni ne mima aucune expression et écouta sans broncher l’explication de sa sœur. Quand elle eut fini, il lui dit simplement qu’il était préférable de rentrer.


- Uka ? 

- Quoi ? 

- Pourquoi as-tu fait ça pour moi ? 

- Parce que je me réserve le seul droit de te faire verser des larmes, répondit-il en essuyant d’un revers de main les sillons causés par les perles salées sur les joues chaudes d’Oni Oni. 


Elle laissa son frère caresser sa joue et posa sa main sur la sienne en fermant les yeux. Elle se sentait soudainement lasse et épuisée. Son ainé avait raison, il était préférable de rentrer. Toutes ces émotions l’avaient vidée. 


- Tu doutes toujours de ma capacité à te protéger ? 

- Non, plus maintenant, dit-elle avec un petit sourire. 

- Par ailleurs, tu as une dette envers moi. 

- Tout ce que tu veux, Uka Uka. 


Le jeune homme esquissa un sourire mauvais qu’Oni Oni ne vit pas car elle se blottit dans ses bras. 


Il avait gagné !


A suivre dans le chapitre 3 : Relations interdites


Correction effectuée par Lénie.


Notes d'auteure :

- "La Dorela" est un rituel inspiré d'une danse dans le film "Devdas".

- Vous trouvez Py-Ro répugnant de faire un tel chantage à Oni Oni ? Et pourtant c'était un lot très quotidien il y a plusieurs siècles passés ! Donc, ma fanfic, se passant des millénaires avant Crash Bandicoot, reflète cet esprit "moyen-âgeux".

- La scène avec les tours de guets m'est été inspiré par "Twinsanity" et ces tours de guets qu'il faut "infiltrer".

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