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Chapitre 2 : Étrange cerf sur un continent insoupçonné

1860 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 30/12/2024 12:34

Étrange cerf sur un continent insoupçonné, ou À la recherche du Cerf aux cornes d’or




Lorsque Maria Vassilievna vit l’air accablé et triste de son mari, elle l’interrogea de sa mélodieuse voix et, une fois qu’il l’informa, elle lui avisa : 

— Fédia, il n’y a pas de quoi être triste, puisque rien n’est impossible. Impossible n’est pas humain ! Pars dormir, prie Dieu et tout ira mieux demain. La nuit porte conseil.

Il approuva d’un geste de la tête et partit s’endormir.

Quelques heures plus tard, Maria la très Sage se leva et partit dans la cuisine, préparant des biscuits et prit l’alliance de son mari et murmura une incantation en slavon avant de la lui remettre. Ainsi, elle créa un double de l’alliance sur laquelle elle psalmodia un chant magique.



Le lendemain matin, Maria Vassilievna embrassa son mari, confiante qu’il arrivera à bout de l’épreuve, et l’informa : 

— Fédia, prend cette bague, elle saura te guider jusqu’à l’endroit, qui est après le vingt-septième pays, dans le trentième pays. Et prend ces biscuits pour amadouer le cerf. Aussi, prend ce filet pour le capturer plus facilement. Le filet est magique.

Elle lui donna lesdits objets et souria à Théodore. Ce dernier lui afficha un sourire forcé et prépara son unique sac qui contient quelques vêtements, son passeport, un parapluie, une boussole et une carte du monde.


Alors que Théodore était parti à l’étranger, le Ministre des Finances se frottant les mains de joie, appela un fidèle espion et lui ordonna : 

— Voilà mon fidèle et dévoué serviteur, je vous donne cette somme de vingt mille roubles et de vingt mille dollars à donner au médecin et au collègue de Maria Vassilievna. Donnez-lui une pilule abortive dans un verre d’eau.

L’espion approuva d’un geste de la tête et s’éclipsa, exécutant la demande.

Aussitôt dit, aussitôt fait, la collègue complice de Maria arriva au-devant de la jeune femme et lui déposa le verre d’eau sur le coin de son bureau en chêne.

— Collègue Maria Vassilievna, je comprends bien votre inquiétude pour votre mari, mais ne vous tuez pas au travail. Voulez-vous un verre d’eau pour vous hydrater ?

La collègue s’éclipsa, revenant à son travail, guettant néanmoins les gestes de sa collègue à l’aide d’une caméra. Mais Maria la très Sage n’était point dupe, reconnaissant la supercherie à l’aide de son livre magique et de l’avertissement de son assiette d’argent divinatoire* la veille, elle ne but pas le verre, vidant le verre dans l’évier du salon du personnel, préférant chercher elle-même un verre d’eau à une source pure.

Lorsque le Ministre, impatient, interrogea le médecin chargé de constater l'avortement, il devint rouge de rage, ne sachant que faire pour duper la belle femme. Il réfléchissait, seul, dans son immense palais doré, buvant des verres d’alcool pour se consoler de son échec et pour calmer sa frayeur d’être décapité. Une idée surgit dans son esprit retors : engendrer une peur par des nouvelles et des rumeurs de la mort de son mari. Il appela encore une fois son fidèle espion et lui hurla de sa voix avinée : 

— Mon cher ami, partez immédiatement une rumeur dans la ville concernant la mort de Théodore le fonctionnaire ! N’hésitez pas à diffuser des montages avec Photoshop sur tous les médias sociaux ! Il faut engendrer un stress et une panique !

Il lança une campagne de propagande pendant une semaine, mais en vain. Maria savait que son mari était bien vivant, puisqu’elle interrogeait tous les soirs son livre et son assiette magiques.



Théodore, en terre étrangère, jeta la bague étincelante devant lui et la suivit**. Il parcourut ainsi maints pays, maintes villes, maintes campagnes, champs et forêts, montrant son passeport à chaque frontière. Malgré la méfiance qui se lisait dans le regard des policiers garde-frontière, il passa sans difficulté les pays. Lorsque la bague s’arrêta devant la mer, le fonctionnaire était perplexe, comment traverser l’océan alors qu’il ne connaissait rien à la navigation. Il observa l’horizon et vit une tourterelle grosse se poser non loin de lui. Elle se métamorphosa en son épouse et celle-ci s’exclama : 

— Fédia, ne sois pas perplexe ! Commande à la bague de devenir bateau qui te guidera vers ces terres inconnues jusqu’à la destination.

L’interpellé opina et s’exécuta, embarquant sur un immense navire qu’était devenue la bague magique. L’oiselle le salua d’un doux chant et revint dans leur appartement. Théodore, lui, continua son voyage, malgré le mal de mer, fixant sans cesse sa boussole et sa carte, assez perplexe de sa destination, espérant que le système de géolocalisation et d’orientation du bateau soit infaillible.



Sept jours plus tard, il arriva en Antarctique. Un silence oppressant l’accueillit. Il se promena le long de la berge, bague sur le doigt, déposant quelques biscuits et courut se cacher derrière une dune de neige, guettant le Cerf aux cornes d’or. Ce dernier se matérialisa soudainement entre deux souffles d’un Borée violent, s’approchant de la nourriture. Le fonctionnaire, se pensant victime d’une hallucination, se frotta les yeux, plissant son front pour mieux discerner la créature devant lui. Se demandant si mon café matinal n’était pas un irish coffee à mon insu tellement il ne croyait pas aux lueurs dorées des cornes que lui renvoyaient les rayons solaires, il demeura aux aguets. Il lança le filet magique sur l’animal mythique et le captura aisément, malgré qu’il se débattait avec force. Théodore, transi de froid, l’attacha solidement à un poteau en s’approchant de la base Bellingshausen et interpella un grand homme emmitouflé dans son manteau qui passa devant l’église locale.

— Jeune homme, pouvez-vous m’aider et administrer à ce cerf une dose de tranquillisant ? Pouvez-vous me donner une dose de somnifère pour l’animal ? Ainsi, je pourrai rentrer chez moi.

Étonné, l’homme ajusta son manteau bleu marine, lueur de méfiance dans ses yeux clairs.

— Mais monsieur, sachez que la chasse est interdite ! Seules les activités scientifiques sont autorisées sur ce continent !

Il croisa ses bras en-dessous de sa poitrine, le fixant.

— Mais pouvez-vous me donner un tranquillisant ou un calmant ? le supplia-t-il.

Le scientifique promena son regard de Théodore au quadrupède pendant quelques minutes avant de répondre sèchement : 

— Très bien jeune homme, je vous donnerais un calmant, un tranquillisant et une dose létale de médicament au besoin. Restez où vous êtes, je reviens.

Aussitôt dit, aussitôt fait, le scientifique remit les doses et revint à son travail, perplexe. Il décida néanmoins de signaler le cas de la chasse illégale à son supérieur, inquiet pour la protection et la survie du quadrupède. Théodore se signa et administra une dose de tranquillisant à l’animal avant de lancer la bague pour revenir chez lui. La bague devenue navire, puis avion privé permit un retour sans encombre.


Arrivé devant le parlement, le fonctionnaire attacha l’animal, prit un porte-voix immense acheté au marché un peu plus tôt et hurla : 

— Monsieur le Président, j’ai accompli ma mission en dix jours. Voici attaché à la clôture du parlement le Cerf aux cornes d’or !

Le Président, les ministres et les députés ne tardèrent pas à s’attrouper derrière la clôture, séparés par des policiers armés qui observaient la situation. Des badauds, curieux, s’approchaient également pour analyser de plus près le curieux animal, intrigués. Le Président sortit des rangs et s’avança vers l’animal, l’observant, espérant déceler une supercherie, mais en vain. Il appela même un biologiste pour confirmer que les cornes étaient bien en or. Les citoyens ne tardèrent pas à faire partir une rumeur sur les réseaux sociaux de l’exploit du fonctionnaire. Les vidéos devinrent virales dans le monde entier.


Le Président reconnut à contrecœur que le fonctionnaire était parvenu à ramener le Cerf aux cornes d’or. Il congédia Théodore et revint chez lui, avec le Ministre des Finances, très en colère.

— Il faut absolument, mon Ministre, hurla-t-il une fois les lourdes portes en bois insonorisées fermées, que tu trouves un autre moyen pour me débarrasser de ce fonctionnaire et que tu injectes une dose de substance abortive à la belle épouse. 

Il serra les poings de rage, fulminant. Parcourant du regard les murs blancs de marbre de sa luxueuse demeure sur lesquels étaient accrochés des photographies et des peintures dans des cadres dorés.

— Si tu ne veux pas que ta tête roule à plusieurs mètres de ton corps et que ton honneur soit entaché pour toujours, même après ta mort, avec le détournement d'argent et d’or d’il y a quelques années, exécute immédiatement mon ordre !

— Mais, mon Président, répliqua-t-il faiblement, vidant d’un trait un verre de champagne, je ne pourrai pas duper Maria Vassilievna, elle est trop rusée pour moi ! Au moins, je vous trouverai une manière de vous débarrasser de Théodore le fonctionnaire… Laissez-moi un peu de temps…

Le Ministre des Finances revint dans le même restaurant de luxe que la première fois et informa son collègue le Ministre de l’Agriculture de sa situation et de son échec. Celui-ci, après avoir bu son verre de whisky, se grattant la barbe naissante, s’exclama : 

— Que Théodore parte je-ne-sais-où pour chercher je-ne-sais-quoi !

— Mais qu’est-ce que c’est ? s’exclama perplexe son interlocuteur, suspendant son geste de vider son verre.

— Je ne saurai vous le dire, mais il existe.

Le Ministre de la Finance accourut immédiatement chez le Président pour lui suggérer la prochaine épreuve au fonctionnaire.



Le lendemain matin, à peine arrivé au travail, l’époux de Maria la très Sage entendit d’un porte-parole du Président sa prochaine mission : 

— Théodore, vous m’avez rendu un service, maintenant, rendez-moi un autre ! Allez je-ne-sais-où chercher je-ne-sais-quoi. Vous me l’apporterez à ma demeure même. Si vous échouez ou refusez, vous serez exécuté !

 



À suivre


___

* L’assiette d’argent divinatoire est un objet du folklore russe (et des contes) pour connaître des événements qui peuvent arriver à des centaines de kilomètres.

** La bague magique, à l’instar de la pelote de fil, qui montre le chemin par son roulement est aussi un objet propre des contes russes, présentant la voie à suivre à l’héros.


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