Tous les chemins mènent à … Paris, Rome, Moscou

Chapitre 3 : Étrange lieu, étrange être

Chapitre final

3922 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 31/12/2024 13:28

Étrange lieu, étrange être, ou Aller je-ne-sais-où pour trouver je-ne-sais-quoi




Le fonctionnaire rentra chez lui, penaud. Il soupira et se lamenta : 

— Macha, ma chère, soupira-t-il, la tête entre les mains, c’est ta beauté qui est la cause de tous nos soucis ! Le Président m’a ordonné d’aller je-ne-sais-où chercher je-ne-sais-quoi !

— Cette fois, c’est vraiment difficile ! …

Elle se pencha vers son mari et posa sa main droite chargée de bagues d’or sur son épaule pour le consoler.

— … Mais ne t'en fais pas ! Va dormir et nous verrons demain ! 

Théodore se mit au lit, ne parvenant guère à fermer les yeux de la nuit; Maria, dès la tombée de la nuit, consulta son livre doré magique, mais ne trouva rien. Elle le feuilletta dans tous les sens, mais en vain. Parcourant du regard les sombres murs, une larme se pointa dans ses yeux clairs, indécise. Puis, sortant de l’appartement, au seuil de la porte d’entrée de l’immeuble, vêtue d’un manteau de zibeline brodé de fils d’or et d’argent par-dessus sa robe de nuit en soie gris perle, elle agita son mouchoir brodé dans les airs : tous les animaux marchant et volant arrivèrent autour d’elle.

— Dites-moi, vous qui connaissez tous les recoins de la terre et du ciel, où se trouve le lieu dit je-ne-sais-où, est-ce par-delà le vingt-septième royaume ou même plus loin ?

— Non, nous ignorons où est le lieu-dit, répondirent à l'unanimité toutes les créatures vivantes.

Elle agita à nouveau son mouchoir et tous les animaux se dispersèrent; la magicienne revint chez elle et appela les deux géants, ses serviteurs. Elle leur ordonna de l'amener au milieu de l’océan, la tenant à bout de bras pour que ses pieds soient secs. Maria agita son mouchoir et interpella toutes les créatures marines : 

— Dites-moi, vous qui connaissez tous les recoins des îles et des flots, où se trouve le lieu dit je-ne-sais-où, est-ce par-delà le vingt-septième royaume ou même plus loin ?

— Non, nous ignorons où est le lieu dit je-ne-sais-où répondirent à l'unanimité toutes les créatures vivantes.

Elle agita à nouveau son mouchoir et tous les vivants disparurent comme par enchantement. Elle revint chez elle, portée par les géants, fort déprimée, ne sachant que faire pour aider son mari. Elle ne dormit point de la nuit.


Le lendemain matin, préparant le voyage pour son mari, Maria la très Sage lui remit une pelote de laine dorée et une serviette blanche brodée de fils d’or et d’argent et lui conseilla : 

— Fédia, prends cette pelote, jette-la devant toi, elle saura te guider jusqu’à ta destination. Prends aussi cette serviette que j’ai travaillée dans ma tendre jeunesse, lorsque j’étais encore chez ma mère. N’utilise cette serviette que pour t’essuyer ou faire ta toilette ! Évite surtout de m’appeler ou de diffuser sur les médias sociaux le progrès de ta mission. Une surprise est toujours meilleure lorsque personne n’a d’informations !

Théodore approuva du chef, embrassa son épouse, lueur d’inquiétude dans ses sombres yeux et prit son sac à dos sur ses épaules. Ce dernier contenait son passeport, ses documents officiels, une paire de jumelles, une lampe de poche, une carte du monde, une boussole, un cahier et des stylos. Le fonctionnaire lança le fil et suivit la pelote.



Il traversa maintes villes, maints villages, maints champs et maints forêts avant d'arriver à la lisière de la forêt où une simple cabane en bois entouré d’une immense clôture avec des barbelés s'éleva, dominant l’espace. Il s’arrêta devant la clôture, la pelote était devenue à peine plus grande qu’une tête de pigeon, et sursauta lorsqu’il entendit une détonation depuis les meurtrières, évitant de peu une balle. 

— Ne tirez pas sur un pauvre voyageur perdu ! hurla-t-il, agitant le mouchoir que sa femme lui avait donné, tel un drapeau blanc en temps de guerre. Maison, petite maison ! Que le propriétaire mette son ire dans la forêt et présente son visage à l’avant !* Je ne viens point en ennemi, uniquement des bonnes intentions m’animent ! Paix et amitié, nobles gens !

La porte s’entr’ouvrit et une vieille femme bossue et au pied bot, kalachnikov à la main droite s’avança en claudiquant, s’appuyant sur une canne en bois sinueuse vers Théodore. Elle était petite, vêtue d’une large et longue robe vert forêt agrémentée d’un voile brun foncé à motifs floraux, ses petits yeux bleus-gris brillèrent de malice, un petit rictus se formant sur son visage ridé par l’âge.

— Eh bien ! s’écria-t-elle d’une voix aiguë, ajustant ses lunettes dorées au bout de son nez crochu. Il y a longtemps que je n’ai point vu ni entendu d’hommes valeureux ! L’odeur humaine m’est même étrange tellement je travaille trop dans mon laboratoire ! Venez, rentrez. Manger jusqu’à satiété et je testerais mon dernier vaccin sorti de mon laboratoire ! Pour ensuite marcher sur vos os périssables !

Chez quelle vieille folle suis-je arrivé ? Un scientifique fou songea le fonctionnaire quelque peu effrayé, mains moites malgré lui, tremblant de tous ses membres. Il ramassa son courage à deux mains et hurla : 

— Vieille sorcière, vous pensez à de sordides expériences ! Prendre des voyageurs pour cobayes alors que nous n’avons que la chair sur les os, affamés et assoiffés ! C’est une ignominie ! Ayez un peu de pitié et de sens de l’hospitalité ! …

Il lui montra d’un geste de la main le mouchoir qu’il tenait entre ses mains.

— … Voyez mes bonnes intentions !

— Très bien, maugréa la sorcière. Venez !

Le duo traversèrent les petits jardins qui entouraient la maison, plantes les plus étranges, issues d’un croisement génétique expérimental. Elle l’invita dans l’austère maison en bois. L’intérieur est très sobre, les murs sont des rondins de bois, aucune décoration ne pendait au mur. Seul un immense tapis tissé était au seuil avec des pantoufles non loin et les fenêtres qui permettaient aux rayons solaires d’éclairer la pièce donnaient un air quelque peu accueillant au sinistre endroit. Dans un coin, sur une table, était visible des plans et des formules étranges inconnues du fonctionnaire.

— Par ici pour le bain et par là-bas pour manger !

Une fois que Théodore fut propre et s’attabla, il s’essuya le visage avec la serviette que lui avait remis son épouse. En la voyant, la sorcière s’exclama, lueur d’étonnement dans ses yeux bleu-gris myopes, agitant un doigt crochu : 

— De qui détiens-tu ce mouchoir que ma fille à broder jadis dans sa tendre jeunesse lorsqu’elle vivait encore sous mon toit avant de voyager de par le monde ?

Étonné, le morceau de pierogi tomba dans l’assiette dorée, Théodore annonça : 

— Alors votre fille est mon épouse ! 

— Et vous êtes mon gendre ! s’étonna la vieille femme, lâchant de peu son verre en cristal. Fêtons cela ! Et dites-moi l’heureux mariage de ma fille, ma chère Macha !

Et la sorcière prépara ses meilleurs mets et sortit ses meilleurs alcools. Le fonctionnaire expliqua à sa belle-mère sa rencontre et son mariage avec sa fille. Et se confia sur sa mission d’aller je-ne-sais-où, chercher je-ne-sais-quoi que lui demandait le Président.

Se grattant le menton et ajustant son voile pour cacher des mèches rebelles, Baba Yaga réfléchissait, perplexe. Elle soupira.

— Hélas, mon gendre ! Je ne saurai t’aider malgré toutes mes connaissances médicales et botaniques ! J’ignore tout de l’endroit. Par contre, une très bonne et vieille connaissance, mon amie Luda, si elle est encore en vie, pourra t’aider, elle est astrologue, astronome et astrophysicien ! Elle vit récluse en Alaska, loin de tout le monde, mais elle continue à garder des contacts avec l’Agence spatiale européenne, la Roscosmos et la NASA, entre autres. Je pense qu’elle a un contact avec toutes les stations spatiales du monde. Elle est carrément une légende dans son domaine, comme moi en botanique et en médecine !

Elle s’éclipsa dans le salon pour trouver une carte de visite et la remit à son gendre. 

— Voilà son adresse ! Pars dormir ! Demain, tout ira mieux !

Dès que Théodore s’endormit dans la chambre d’invité, Baba Yaga se déplaça jusqu’au téléphone et appela son amie, Ludmila.

— Es-tu encore en vie, mon amie Luda ? lui chuchota-elle, soucieuse de ne pas réveiller son gendre.

— Oui, oui, répliqua-t-elle d’une faible voix. C’est uniquement mon rhumatisme qui m’empêche de fonctionner comme je le voudrais. Mon vieil âge, je pense que je me rapproche des cent ans !

— Mon gendre doit aller je-ne-sais-où, trouver je-ne-sais-quoi, mais sais-tu où serait ce je-ne-sais-où ?

— Oui, exulta-t-elle, ravie. C’est sur une autre planète ! La prochaine mission est pour Mars ! Occasion pour aller je-ne-sais-où, rencontrer des extraterrestres, pour revenir avec je-ne-sais-quoi !

— Merci Luda ! À la prochaine !

Et chacune raccrocha son téléphone, Baba Yaga était ravie qu’il y ait solution à toute situation.


Le lendemain, Baba Yaga informa son gendre de sa destination et lui donna son jet privé impossible à détecter aux radars, parfaitement invisible. Ainsi, Théodore arriva rapidement à destination, frappant à la porte de Ludmila l'astrologue, astronome et astrophysicien. La demeure était une petite maison de pierres avec une porte en fer immense et deux jardins à l’avant bien entretenus remplis de neige.

Une vieille femme au visage couvert de verrues et de rides, invita le jeune homme dans sa humble demeure. Vêtue d’une simple robe bleu clair qui lui tombait jusqu’aux chevilles, elle s’appuyait sur une canne en bois, peinant à marcher. Une fois assis l’un en face de l’autre au salon, l’étrange femme informa le fonctionnaire de la mission spatiale en destination pour Mars. Théodore analysa la simple demeure aux murs blancs, avec des meubles, des tables et des chaises bleu ciel et bleu nuit, au plafond bleu nuit qui représentait toutes les constellations et la carte du ciel. Une longue-vue et un télescope dormaient dans un coin de la pièce.

— Jeune homme, mon amie Yaga m’a expliqué votre cas. Je n’ai qu’à appeler mes contacts en Russie et aux États-Unis, ils vous trouveront une place à bord de l’engin spatial. Et c’est Mars, la planète rouge, qui est votre destination !

— Merci pour aide et pour vos contacts ! J’y vais maintenant à la station spatiale !

Chacun se quitta en bons termes, se promettant de se donner des nouvelles dès que possible. Théodore soupira et, à bord du jet privé, arriva à la station spatiale en quelques jours et embarqua à bord de l’engin.



En quelques jours, avec tout l’équipage, le pauvre fonctionnaire, pris avec un mal de mer, guère habitué à l’absence de gravité, vomit plusieurs fois ses repas avant d’arriver sur la planète.


Théodore, semblable aux autres astronautes, marcha sur Mars, ne sachant guère ce qu’il cherchait. Il lança la pelote et celle-ci roula jusqu’à un trou au sol. Il s’allongea et demeura dans cette position pendant quelques minutes, écoutant les pas au-dessus de lui. Tout à coup, il eut un grondement de tonnerre et apparut un petit homme barbu aux yeux bleu ciel pétillants de malice pas plus grand que le pouce au seuil du trou et s’exclama : 

— Cousin Nahum, appela-t-il d’une voix puissante et arrogante, j’ai faim !

Et une table garnie des plats les plus divers se matérialisa sous les yeux éberlués du mari de Maria Vassilievna qui retint un cri d’étonnement. Une fois qu’il termina son repas, il ordonna : 

— Cousin Nahum, je n’ai plus faim !

Et la table disparut aussi mystérieusement qu’elle soit apparue. Le petit homme sortit. Dès qu’il n’était plus dans le trou, le fonctionnaire demanda : 

— Cousin Nahum ! J’ai faim !

Une table remplie de nourriture et de boissons de toutes sortes se créa sous le regard éberlué du fonctionnaire.

— Cousin Nahum ! l’apostropha-t-il à nouveau. Viens manger et boire avec moi ! Il est bien triste de travailler autant et d’être au régime ! Mangeons et buvons ensemble !

Un courant d’air passa à côté de lui, une voix se fit entendre : 

— Merci, s’exprima une voix grave et émue d’un homme à sa droite. Enfin quelqu’un après autant d’années de service qui me propose un repas ! Je deviens votre fidèle et dévoué serviteur !

— Qui êtes-vous ? l’interrogea, lueur de curiosité dans le regard.

— Je suis, Nahum, un habitant de cette planète, aussi grand que mon cousin Nehum, l’homme que vous avez vu. Je suis défunt, raison pour laquelle vous ne me voyez pas. Je suis un serviteur invisible. Sachez que rien ne m’est impossible !

— Alors revenons immédiatement sur Terre ! s’exclama ravi le fonctionnaire. 

Il sortit de sa poche interne du manteau la carte de visite où figurait l’adresse de Ludmila.

— Mais avant, il faut que j’informe une connaissance à qui je dois beaucoup !

Le duo arriva à la vitesse de la lumière sur Terre, en Alaska, devant la demeure de la centenaire, donnant un mal de mer et un mal de tête au pauvre fonctionnaire. Ce dernier informa la vieille femme de la réussite de sa mission.

— Avez-vous trouvé je-ne-sais-quoi ? s’écria-t-elle, regard pétillant d’intelligence et de curiosité.

— Oui, et de la plus étrange des manières, répondit-il perplexe. C’est un défunt extraterrestre ! 

— J’avais raison ! hurla la vieille, jetant sa canne de joie au loin, effectuant quelques pas de danse. Il y a de la vie sur Mars !

Et le fonctionnaire revint chez Baba Yaga pour l’informer de la réussite de sa mission. Aussitôt dit, aussitôt fait, le fonctionnaire interrogea poliment son invisible compagnon, malgré une lueur d’angoisse dans ses sombres yeux : 

— Cousin Nahum, es-tu encore là ?

Tournant la tête à droite et à gauche, le mari de Maria Vassilievna s’inquiéta qu’il soit parti. Un doux zéphyr surgit à sa droite et une voix humaine lui parvint.

— Oui, je suis là. Aucun souci, je vous suis, fidèle. Que voulez-vous ?

— Je suis fatigué de tous ces voyages.

— Pourquoi ne pas me l’avoir dit plus tôt ? s’étonna son interlocuteur. Je t’aurai transporté chez toi !

— Mais comment ? paniqua le fonctionnaire, yeux agrandis de frayeur.

Un doux vent se leva, puis un rafale, emportant Théodore doucement dans les airs, traversant maints pays, maintes villes, maints villages, maintes forêts et paysages. Le temps semblait s’être arrêté pour le brave fonctionnaire étatique qui observait toujours des paysages similaires en dessous de ses pieds. Arrivé au-dessus de l’océan, il demanda : 

— Cousin Nahum, je voudrais me reposer, et j’ai un mal de mer.

Le vent se calma et descendit doucement sur une île déserte apparue au milieu de l’océan. Une immense demeure au toit d’or qui ressemblait plutôt à un château était à plusieurs kilomètres du rivage.

— Ceci est notre demeure, l’avisa son serviteur invisible. Cependant, surveiller l’horizon. Il y aura trois bateaux qui arriveront ! Offrez-leur hospitalité, mais ne me mentionnez pas devant eux ! Ils vous prendront pour un fou !


En effet, trois navires naviguaient non loin de l’île. Au crépuscule, ils abordèrent, arrivant au palais, éberlués et étonnés. Notant Théodore à la fenêtre, l’un des trois éclaireurs demanda : 

— Acceptez-vous de nous offrir hospitalité dans votre demeure ? Nous nous sommes perdus sur cette île qui ne figure sur aucune carte !

Il détailla les nouveaux venus, trois hommes élancés, maigres, le teint hâlé d’être constamment exposé au soleil, les traits creux leur donnèrent un air fantomatique. Leurs vêtements qui n’étaient que des lambeaux inspiraient pitié au fonctionnaire.

— Volontiers ! s’exclama-t-il, ému de les voir en guenilles. Entrez !

Il les accueillit à l’intérieur, leur donnant du pain et du sel** et des vêtements neufs.

— Nahum, prépare les repas !

Et une table remplie de victuailles et de boissons de toutes sortes se matérialisa devant les éclaireurs, yeux encore plus grands d’étonnement.

Ils mangèrent et burent jusqu’au tombée de la nuit, Théodore se contenta d’un sobre repas et ne consomma point d’alcool, très inquiet pour son épouse.

— Jeune homme, hurla l’un des éclaireurs, ivre, comment parviens-tu à cuisiner autant de merveilles et de délices en si peu de temps ? Aurais-tu une armée de serviteurs ?

— Exactement, lui confirma-t-il, sourire énigmatique au visage. Tout est habilement orchestré ! Maintenant, allez dormir messieurs, n’attendez pas le lever du jour à table ! Ce serait absolument indigne de vous !***

Dès que les hôtes étaient partis dormir, un doux coup s’entendit à la fenêtre de la chambre du fonctionnaire. Ce dernier, qui ne dormait pas, se leva, curieux, intrigué. 

Une tourterelle et son petit frappaient à la fenêtre. Le cœur de l’homme battit à la chamade, ses mains tremblèrent malgré lui. Et si c’est ma femme et mon fils, pensa-t-il, ravi. Il ouvrit immédiatement, laissant l’oiselle et l’oisillon entrer. Dès que les deux créatures ailées touchèrent le sol, elles se transformèrent en son épouse et en son fils. Théodore enlaça tendrement Maria et souria à son fils.

— Macha, comment m’a tu trouvé ? Combien d’années se sont écoulés depuis mes péripéties à travers le monde ? Que se passe-t-il dans notre ville, ma chère ?

— Je t’ai trouvé lui répondit-elle de sa voix mélodieuse à l’aide de mon livre et de mon art ! Sinon, dix ans se sont écoulés depuis le début de ta recherche… Notre fils, Ivan Théodorovitch, a maintenant neuf ans et quelques mois. L’espion qui travaillait sous l’ordre du Ministre des Finances et celui sous l’ordre du Président ont maintes fois essayé de m'empoisonner, de tuer notre fils, alors qu’il n’était pas encore né, ou de créer un accident pour que je fasse une fausse-couche. Mais, Dieu soit loué, aucun de leur coup retors n’a abouti. J’ai accouché notre fils à la maison pour qu’il ne soit pas tué par une sage-femme complice. J’ai veillé au grain pour la vie de notre fils, prunelle de mes yeux ! Le Président était même venu dans notre appartement par deux fois, me harcelant pour me marier. Tout le monde, tous les médias sociaux ont rapporté ta mort, mais je n’y crois pas, sachant la vérité ! Lorsqu’il était venu la troisième fois, je vivais sous forme de tourterelle, installant mon nid sur l’immense hêtre du parc. Et il a envoyé un escadron de policiers pour fouiller tous les coins de notre humble demeure, mais en vain. Il a mis le feu à l’endroit, laissant des troupes quadriller la ville et la banlieue pour me trouver.

— Jeune couple, les avertisa Nahum, je vous conseillerais de quitter ce palais, les marins ont regagner leur bateau et ont l’intention de piller l’endroit et de vous réduire en esclavage.

— Quittons immédiatement pour revenir dans notre pays. Veux-tu, Nahum, nous construire une maison familiale à étage en banlieue de la ville voisine de la nôtre ?

— J’obéis, répondit-il simplement.

Élevant la famille dans les airs, il l’amena à l’endroit désiré et construit en un clin d’œil l’élégante maison de pierre avec un joli jardin bien entretenu à l’avant. Dans les arbres chantent des oiseaux. Les marins des trois navires, constatant que le palais était abandonné et vide, levèrent l’ancre et continuèrent leur navigation.



Quelques jours plus tard, la petite famille vivait bien dans sa nouvelle demeure, le fonctionnaire trouva un emploi dans l'administration et son épouse comme secrétaire. Un jour, observant les murs beiges ornés de portraits de la famille dans un cadre doré, les yeux bleu-gris de l’épouse de Théodore s’assombrirent en jetant un coup d’œil à son assiette d’argent.

— Fédia, lui annonça, mine sérieuse, la fille de Baba Yaga. Je te remets trois objets magiques qui te serviront contre le Président et ses sbires. Un gourdin, une hache et une flûte. Le premier, à tes paroles, donnera une raclée à qui tu voudras; la deuxième, à tes paroles, construira ce que tu voudras à la rapidité de la lumière avec tout l'ameublement nécessaire et la dernière, à tes paroles, fera apparaître toute une armée, autant des guerriers, des militaires, des hommes d’infanterie et de cavalerie, qui se battront pour toi.

— Qu’y a-t-il de si inquiétant, ma chère Macha ?

Il enlaça tendrement la main droite de son épouse, mine affaissée d’inquiétude.

— Les rumeurs et les médias sociaux ! s’alarma-t-elle. Le Président a entendu que nous sommes vivants et il arrivera avec l’armée à notre porte !

Lueur de panique dans ses grands yeux sombres, le fonctionnaire ordonna à la hache de construire des triples murailles avec des meurtrières devant leur maison et de dresser des pièges dans les environs; il siffla dans la flûte qui fit apparaître une armée prête et impatiente à en découdre avec l’armée nationale. Une lutte acharnée s’annonça, plusieurs militaires du Président furent prisonniers. Théodore ordonna à la massue de frapper à mort le Président. Ce qu’elle fit en volant dans les airs se plantant au milieu de son front, le tua net. Il tomba mort, semant une débandade et la capitulation de l’armée nationale. Les habitants exigèrent que Théodore devienne leur Président, mais il refusa et exigea qu’un autre Président soit élu. Le pays partit dans une vaste campagne pour élire leur prochain dirigeant****.



Ainsi Théodore le fonctionnaire et sa famille vécurent heureux pendant de longues et heureuses années dans une grande prospérité, faisant des œuvres de charité aux plus pauvres, et dans une grande sagesse.




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* La formule rituelle des contes est « Isba [Hutte ou Maison] ! Petite isba [hutte ou maison] ! Mets-toi le dos à la forêt et la face vers moi ! »

** Traditionnellement, le pain et le sel sont les signes d’hospitalité pour les Russes.

*** Considérable modification par rapport au conte. Dans celui-ci, ce sont les marchands qui donnent les trois objets magiques et Maria la très Sage n’apparaît que plus tard.

**** Dans le conte, il devient le tsar.

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