Code Alpha 1.0 : 25 ans plus tard
Chapitre 8 : Chapitre 7 - Quelque chose d'inhumain dans ses yeux
5202 mots, Catégorie: T
Dernière mise à jour 10/11/2016 04:47
Chapitre Huit - Quelque chose d'inhumain dans ses yeux
*Antoine*
L'homme était assit confortablement sur le fauteuil au centre du laboratoire. Il nous regardait avec un sourire forcé, faussement bienveillant. Il n'avait pas encore ouvert la bouche, mais je ne lui faisais pas confiance. Pourquoi le devrais-je de toute manière ? Il prétendait avoir été envoyé par Alpha, et même si c'était vrai, je ne faisais pas non plus confiance à ce programme informatique. Est-ce qu'il y avait une personne dans ce monde en qui j'avais confiance ? Probablement Melvin, il était trop idiot pour cacher quoi que ce soit, mais tout juste assez compréhensif pour m'écouter et faire ce que je lui demandais sans trop poser de questions. C'était avec lui que j'aurais dû venir ici, pas avec les deux autres. Mais bref, il était trop tard pour ce genre de regrets. Ils étaient là, et je devais agir en conséquence. Je m'avançais dans la direction du type, après tout, c'était moi le chef de l'expédition, et ce qu'il allait dire ne concernait que ma personne : il était donc logique que ce soit moi qui parle en premier.
"Très bien. Nous vous écoutons." déclarai-je rapidement, ne quittant pas cet étranger du regard. Je ne savais pas qui il était, mais s'il pouvait m'en apprendre plus sur ce monde virtuel et mes parents, je n'allais pas dire non. Bien évidement, j'allais prendre avec des pincettes le moindre mot qui allait sortir de sa bouche, cherchant la moindre faille et la moindre incohérence dans son futur récit.
"Vous êtes en danger. Tous les trois." commença t-il sur un ton énigmatique qui ne collait pas trop avec sa tête.
"Pourquoi ça ?" fit Ambre. J'aurais dû lui dire de se taire et de me laisser gérer ça. Ça ne la concernait pas du tout, elle devrait rester à sa place. Enfin, c'était sans doute trop lui demander.
Le dénommé Ulrich Stern réfléchit quelques instants avant de répondre avec peu de convictions :
"Parce que vous avez découvert cette usine. S'il vous plaît, laissez moi parler et vous poserez vos questions après."
Un doute germa dans ma tête, et la question m'échappa aussitôt des lèvres :
"Qu'est-ce qui nous prouve que vous allez nous dire la vérité ? Ou même que vous avez été envoyé par Alpha ?"
Je restais sur mes gardes. Il était possible que les recherches de mon père intéressent de nombreuses personnes, et pas forcément recommandable. Peut-être que je devenais paranoïaque, mais tout était possible. Avant que notre interlocuteur puisse dire quoi que ce soit, quelque chose apparut sur l'écran derrière lui. Quelque chose de désormais plutôt familier.
A: Tu peux le croire, Antoine. Il est bel et bien avec moi.
L'homme eut un sourire satisfait. Dans sa tête, il devait sans doute se dire que cette petite démonstration allait suffire à me faire taire. Evidemment, il ne me connaissait pas encore. Il ne pouvait pas savoir à quel point il se fourrait le doigt dans l'œil.
"Et qu'est-ce qui me prouve que c'est bien l'Alpha auquel j'ai parlé hier soir ? Ce ne sont que des messages, ça n'atteste de rien. Moi aussi je peux me surnommer Alpha sur internet et me faire passer pour un programme informatique."
Je réfléchis un instant, puis rajoutais triomphalement :
"D'ailleurs, comment peut-on savoir si ce n'est pas vous depuis le début, ce fameux Alpha ?"
C'était vrai. Rien ne prouvait que nous avions bel et bien conversé avec une intelligence artificielle. Ce gars là avait très bien pu essayer de nous manipuler. J'étais extrêmement fier de mes différents raisonnements, même si je n'avais aucune envie qu'ils soient véridiques. J'osais espérer que toute cette histoire n'était pas une simple mascarade. Ambre brisa mes pensées en me déclarant d'une voix sèche à laquelle je n'étais pas habitué :
"Antoine, il nous a demander de poser ses questions après. Est-ce qu'on pourrait au moins écouter ce qu'il a à nous dire ?
"Elle a raison tu sais." rajouta Jean, derrière elle.
Je leur lançais un regard noir et croisait les bras. D'accord. J'allais attendre patiemment que ce type finisse de nous déballer ses explications avant de l'incendier de mon intellect. Pour le moment, il n'avait toujours avancé aucune preuve convaincante de la véracité de ses propos.
"Merci." fit-il. "Bref. Cette usine est... Euh... Le lien entre notre monde et le monde de Lyoko."
Il cherchait ses mots et hésitait. Je le prenais en note : il n'était pas sûr de lui. J'avais l'impression qu'il récitait un texte dont il ne se souvenait qu'à moitié.
"Lyoko c'est l'espèce de jeu vidéo là ?" lança Jean.
"C'est ça, mais c'est plus compliqué." rebondit-il immédiatement.
Ah, et lui on ne lui ordonnait pas de se la fermer ? C'était du favoritisme ! En plus son intervention était plus qu'inutile !
"Par Lyoko, on peut... Comment dire... Interagir avec le monde réel ? Il y a des tours qui s'activent, et à travers elle, il est possible de... faire toute sorte de choses sur Terre, aussi bien gagner au loto, pirater le système informatique du lycée ou plus grave : tuer des gens. C'est quelqu'un de euh... méchant qui les utilise pour faire des... trucs de méchants. Et parce que vous avez découvert le laboratoire et avez été sur Lyoko, et bien il vous voit comme une menace. Parce que d'ici, on peut désactiver les tours et le combattre."
Je regardais mes deux "compagnons" d'infortunes. Parfait, même eux n'avait pas l'air convaincu. Ils étaient stupides, mais pas à ce point. Ce connard là nous prenait pour des enfant, avec son espèce de manichéisme idiot. Oh, un méchant ! C'est terrible ! Non, mais franchement, c'était une insulte à mon intelligence. Bref, c'était à mon tour à présent. Je fis un grand sourire à "Ulrich", qui me le rendit bêtement, sans savoir que le mien était totalement ironique.
"Dooonc... Si je comprends bien : à travers Lyoko et les tours qu'on y trouve, il est possible de déclencher toute sortes d'événements dans le monde réel, aussi bien anodin que dangereux. Quelqu'un, on ne sait pas qui, juste qu'il est... Méchant, l'utilise dans des actes malhonnêtes, et vu que depuis ce lieu que nous avons découvert, nous pouvons entraver ses actes, il a décidé de mettre fin à nos jours. C'est ça ?"
"Ouais. Exactement."
Mon sourire commença à s'élargir. En réalité, je bouillonnais.
"Question numéro un : s'il ne veut que personne ne puisse accéder à ce... Laboratoire, pourquoi ne pas l'avoir détruit ? C'est idiot, plutôt que de tuer ceux qui le découvre, autant faire en sorte que personne ne le découvre."
"Et bien..."
L'homme se tourna vers l'écran, comme pour attendre une réponse de la part d'Alpha, mais rien ne vint.
"Question numéro deux: vu que vous connaissez cet endroit, je suppose qu'il vous a prit en grippe aussi. Comment vous vous en êtes sorti ? Pourquoi ne pas appeler la police ?"
"Ce n'est pas une bonne idée... Il les..."
"Il, il, il. Qui est ce fameux il qui nous veut du mal ?"
"Ça ne vous apporterait rien de..."
"Oh oui, ne nous dites surtout pas son nom, cela ne fait que rendre votre récit encore plus crédible !"
De la sueur commençait à perler sur son front, on voyait qu'il se retenait de s'énerver. Mais il pouvait s'énerver, ce n'était rien contre la rage qui m'envahissait désormais. Après la première déception du "jeu vidéo", c'était la deuxième. Et c'était trop. S'il avait été capable de répondre à mes questions, j'aurais envisagé qu'il y ait du vrai dans cette histoire. Mais vu comment il hésitait, il n'y avait aucun doute : c'était du pipeau.
"Est-ce que ce dangereux personnage existe vraiment ? Est-ce que Alpha existe vraiment ? La réponse est : NON. Je ne sais pas pourquoi vous avez fait ça, mais vous nous avez mené en bateau depuis le début. Lyoko est vraiment un simple putain de jeu vidéo, parce que c'est tout ce dont mon père était capable. Et vous, vous devez être une espèce de pédophile ou un truc du genre. C'est la jupe Ambre qui vous aguiche ? Vous n'aviez qu'à la kidnapper dans un coin de rue plutôt que de monter ce mensonge ridicule, et ne pas m'impliquer dans cette histoire."
Je senti une main se poser sur mon épaule.
"Calme toi s'il te plaît Antoine..."
C'était Ambre. Elle était toute rouge, mais pour une fois, pas parce que Jean flirtait avec elle. Vraiment parce qu'elle était embarrassée. L'idiote.
"Que je me calme ? Mais putain, c'est une blague ! Tu n'es pas déçue toi aussi ? Toi qui avais tellement hâte de découvrir le fin mot de cette histoire ! Et tout ce à quoi on a droit, c'est un vieil ivrogne qui nous déverse des débilités sur un méchant et des dangers de mort !"
"J'te conseille d'arrêter de lui parler sur ce ton..." commença Jean.
"Ah ouais ? Et sinon quoi ?"
"Antoine, tu n'as pas des questions à lui poser sur tes parents... ?" bredouilla la jeune fille.
Je jetais un coup d'œil à Ulrich Stern, qui ne savait plus quoi dire. Je ne pouvais pas cacher mon mépris.
"Parce que tu crois que ce clown va nous dire quelque chose ? Je préfère ne rien savoir que d'écouter ce type une minute de plus. Bon. Venez, on se casse."
Je retournais dans l'ascenseur, sans me retourner. Je n'y pouvais rien, je détestais qu'on me prenne pour un idiot, et ce connard là venait de gagner le palmarès du pire discours bébé-tisant qu'on ne m'avait jamais tenu. De plus, il n'y avait pas plus grand crime à mes yeux que de me décevoir. Parce que j'y avais vraiment cru. Je me sentais idiot, mais j'avais commencer à accepter cette histoire d'Alpha et de travaux de mon père. Tout cela était devenu crédible... et venait d'éclater en mille morceaux. J'appuyais brutalement sur le bouton. Tout ça... Pour ça. Toute l'excitation de ces derniers jours, tous ces espoirs, toutes ces possibilités infinies que j'avais imaginé... Détruits. Pulvérisés par cet homme immonde que je détestais de tout mon être. Ambre et Jean rentrèrent dans le monte-charge à temps. L'homme nous cria quelque chose, mais je ne l'écoutais pas.
"Ça va ?"
C'était Ambre, encore.
"Oui." murmurai-je.
"Tu es sûr ? Tu pleures quand même..." bredouilla t-elle.
J'essuyais mes joues, et constata qu'elles étaient effectivement humides, ce qui eu pour effet de m'agacer encore plus. Quand j'étais plus jeune, je pleurais dès que je me mettais en colère. Je ne le contrôlais pas. Normalement, ça avait arrêté de se produire mais aujourd'hui... Aujourd'hui la déception était telle que mes vieux tics refaisaient surface.
"Ça va passer." lui répondis-je sans la regarder.
Ainsi se terminait cette histoire bidon. L'histoire d'un adolescent abruti par l'orgueil, aveuglé par sa propre intelligence, voyant des ombres là où il n'y avait que du brouillard. Je m'étais laissé aller. Qu'avais-je espéré aussi ? Je ne savais plus trop. Je voulais rentrer chez moi, me rouler en boule et dormir. Ne plus parler à Ambre, ni à Jean. Peut-être même plus à Melvin. Le contact avec les autres... voilà ce qui avait crée ces illusions. J'aurais dû rester seul. Je n'avais besoin de personne. Je ne pouvais compter que sur moi même, et de cette manière je ne pouvais pas être déçu.
N'empêche...
*Ambre*
Je me sentais mal pour Antoine. Il avait l'air tellement triste. Je comprenais, toute cette affaire avait été d'une importance énorme pour lui. Résoudre l'énigme de ses parents, voilà qui avait dû lui donner l'eau à la bouche. Peut-être qu'on aurait dû laisser cet homme s'exprimer. Il n'avait pas l'air malhonnête, il avait juste... Mal choisi ses mots. Le génie blondinet n'avait pas attendu. Dès lors que ça ne lui convenait pas, il s'était laissé exploser. Ce n'était pas vraiment mature de sa part, dans un sens. Tout de même, j'espérais qu'on pourrait rester amis tous les trois. Il n'y allait sans doute pas avoir de problèmes avec Jean, mais quant à Antoine... Je l'imaginais bien couper les ponts. Et je ne le voulais pas. Il était tout aussi important que Jean à mes yeux. A sa manière, il m'avait aussi fait découvrir l'extérieur. Ce n'était pas le garçon le plus sympathique du monde, mais derrière sa carapace, il avait un adolescent sensible, j'en étais persuadée. Et même si la conclusion n'était pas à la hauteur de nos espérances, cette petite aventure avait été bien agréable. Je ne voulais pas que ça s'arrête.
Nous arrivâmes dans le hangar de l'usine. Antoine marcha silencieusement en regardant le sol. Jean était fidèle à lui même.
"Eh, Ambre. Ça te dis de retourner chez moi après ?" me demanda t-il.
J'ignorais sa question, je n'avais pas vraiment la tête à ça. Ce n'était pas méchant de sa part, non juste pas approprié. je m'inquiétais trop pour notre ami commun pour penser à m'amuser bêtement.
"Tu crois que ça va aller pour Antoine ?" l'interrogeais-je.
"Il en a vu d'autre. Dans dix minutes, il ira mieux et ricanera dans son coin."
Je n'en étais pas si sûre... Il faisait peine à voir. Sans doute trop émotionnel. Alors que nous nous rapprochions de la sortie, je remarquais soudainement qu'il y avait quelqu'un à l'entrée de l'usine. Je le connaissais, c'était l'ami d'Antoine avec qui j'avais déjeuné lors de mon premier jour de cours. Je ne me souvenais plus de son nom.
"Tiens. Melvin." fit le blondinet, derrière moi, d'une voix vide de la moindre intonation.
Qu'est-ce qu'il faisait là ? Est-ce qu'Antoine lui avait parlé de notre escapade ?
"Qu'est-ce que tu fais là, Ron ?" demanda froidement le génie.
Il se mit à marcher vers nous. Sa démarche était étrange. Il était droit, très droit, alors que lorsque je l'avais rencontré, il avait plutôt le dos arrondi. Je sentais mon cœur battre. J'avais l'impression que ça ne collait pas. Il fut enfin à une distance raisonnable de notre groupe, et là je vis... Je vis qu'il y avait quelque chose. Quelque chose d'inhumain dans ses yeux, qui me terrorisais. Je m'arrêtais immédiatement d'avancer. Jean s'était arrêté avec moi. Antoine, avait continué son chemin et était presque au niveau de Melvin. Il semblait ne rien remarquer. Mais c'était définitif, quelque chose clochait ! On ne devait pas l'approcher ! Melvin se mit à sourire. Enfin, plutôt à grimacer, car ça n'avait rien d'un sourire : c'était... Trop mécanique.
"Éloigne toi !" criais-je alors à Antoine, qui se retourna, interloqué.
C'est alors que... Que des éclairs violets se mirent à crépiter dans les mains du rouquin. Ce n'était pas une hallucination, c'était bien réel ! Il tendit les mains vers le blondinet et électricité se rua vers lui. Jean, doté de meilleurs réflexes que le génie et moi, tira Antoine juste avant que les éclairs ne l'atteignent.
"Mais... Qu'est-ce qui se passe ?" paniqua l'adolescent à lunettes.
"Pas le temps de réfléchir, on se taille !"
Melvin, enfin... Si c'était bien lui, se tenait devant la sortie. Notre seule échappatoire, c'était le monte-charge. Nous nous mîmes à courir comme jamais pour l'atteindre, sans se retourner. Alors que nous y étions presque, je sentis une douleur vive dans mon dos. J'hurlais face à ce choc, et tombais brusquement sur le sol. J... J'avais reçu l'un de ses fameux éclairs... J'étais incapable de me relever, la douleur encore trop présente... Ma... Ma tête s'était cogné en tombant... Ma vision devenait floue... J'entendais une voix lointaine s'écrier :
"Ambre !"
Puis ce fut le bruit de la porte de l'ascenseur qui se refermait. Antoine et Jean était sains et saufs... P... Parfait. Melvin était debout devant moi. Je voyais ses yeux, uniquement ses yeux et la lumière mauve, qui fonça une nouvelle fois dans ma direction.
Douleur. Puis plus rien.
J'étais dans le vide. L'usine avait disparu. Étais-je en train de... Mourir ? C'était donc ça l'effet que ça faisait ? Puis une main attrapa fermement la mienne.
"Ce n'est pas fini, Ambre. Laisse moi faire."
C'était Ombre, le regard plus déterminé que jamais. J'hochai vaguement la tête. Nous échangeâmes nos places. Je me relevais d'un bond, mais ce n'était plus moi qui contrôlait mon corps.
"Non. Ce n'est vraiment pas fini !" fit Ombre, avec un air de provocation.
*Antoine*
L'ascenseur montait, à toute vitesse. Enfin, à sa vitesse habituelle, mais tout me semblait être accéléré. Mon cœur battait la chamade, et je transpirais de lourdes gouttes. Toute ma vie, j'avais été quelqu'un de sceptique. Le surnaturel, la science-fiction, tout cela avait toujours été stupide à mes yeux. Je ne croyais que ce que je voyais, et je n'avais jamais vu d'intérêt à prendre mon temps à me renseigner sur ce qui n'était pas réel. Mais lorsque je me retrouvais directement confronté à quelque chose de littéralement impossible, je ne pouvais pas me cacher les yeux. Cette attaque à laquelle nous avions échappé de justesse remettait en question toute ma vision du monde. Une grande partie de l'univers que je n'avais jamais ne serait-ce qu'imaginé venait de se révéler.
Je pensais trop, ma réflexion était brumeuse et partait dans tous les sens. Je devais rester calme, et analyser la situation. Qu'avais-je vu exactement ? Melvin, doté de super-pouvoirs. Était-ce vraiment des super-pouvoirs ? Plus de détails ! J'avais bel et bien vu des éclairs de couleur violette sortir de ses doigts potelés. Il m'avait agressé, sans aucune sommation, probablement dans le but de me tuer directement.
Qu'est-ce que ça changeait ? Cela changeait ma vision des propos d'Ulrich Stern. Quelqu'un venait d'essayer de mettre fin à mes jours. Et Melvin... N'était pas Melvin. Il avait sa tête, son corps obèse, ses cheveux bouclés roux mais ce n'était pas lui. Il se tenait trop droit, n'avait pas son air craintif habituel. Et puis pourquoi Melvin m'aurait attaqué comme ça ? D'ailleurs, comment aurait-il pu obtenir ces pouvoirs, sans l'intervention de quelqu'un d'autre ? Donc, quand Ulrich avait dit que quelqu'un nous en voulait, il disait la vérité. Ulrich avait aussi dit qu'avec les tours de Lyoko, on pouvait influer sur le monde réel : et si c'était comme ça que "Melvin" avait gagné sa maîtrise de l'électricité, et perdu sa personnalité ? Cela confirmait aussi en partie les dires de l'homme, mais n'était-ce pas un peu gros comme coïncidence ? Que ses explications invraisemblable soient prouvés juste après notre départ ? A quel point son récit était-il véridique ? Je l'ignorais, pour le moment. Peut-être que c'était lui qui avait manigancé tout ça. Je devais rester prudent et méfiant.
"Connard !" hurla une voix derrière moi.
Et avant que je puisse me retourner vers Jean, son poing atteint ma figure, envoyant ma tête se cogner contre un des murs du monte-charge.
"Qu'est ce qui t'arrive ?" dis-je en crachant dans sa direction. Je savais qu'on ne s'aimait pas, mais que me valait cette attaque ? Il pouvait pas calmer ses pulsions de primate pendant les moments critiques ?
"Tu... Tu as abandonné Ambre !" me lança t-il, cette fois en me donnant un coup de pieds. Il avait les yeux rouges, n'arrivait plus à parler correctement et une expression de colère intense accompagné par de la crainte déformait son visage d'habitude si confiant.
Ambre... ? Je l'avais oublié celle là, je n'avais même pas remarqué son absence. Elle avait dû être trop lente, et ne pas atteindre l'ascenseur à temps. Digne de son cliché de jeune fille frêle et idiote, elle était resté au rez-de-chaussé avec "Melvin". Dans un sens, elle avait ce qu'elle méritait.
"On doit redescendre !"
"Non. Je dois retourner voir Ulrich."
Et je n'avais pas de temps à perdre. Mon intérêt avait été piqué à vif, et j'avais finalement beaucoup de questions à lui poser. Ma déception s'était dissipée, j'étais de nouveau totalement intrigué ! Et il se pouvait qu'il sache quelque chose au sujet de mes parents, au final.
"Mais t'es con ? Ambre est en danger !"
"Elle s'en sortira."
Quand Steve l'avait agressé, elle n'avait pas tellement eu besoin de notre aide. Et puis elle avait quand même été collée pour l'avoir frappé.
"Et puis, si c'est si dangereux, on risquerait d'y passer aussi en voulant l'aider. Ça ferait trois morts inutiles, alors que là, deux vies peuvent être sauvées." rajoutai-je rapidement.
Honnêtement, c'était soit juste elle, soit nous tous. Je ne pensais pas avoir beaucoup de chances face à quelqu'un capable de balancer de la foudre, et même Jean ne devais pas faire le poids. Alors à quoi bon se sacrifier inutilement pour sauver quelqu'un qui était déjà fichu ? C'était triste, oui, mais on ne pouvait rien y faire ! Mes actions étaient d'une logique implacable, mais comment l'expliquer à ce crétin ?
"Tu penses à quelque chose d'autre que ton petit cul ?" cracha Jean.
Bonne question. Je suppose que je ne portais pas assez attention aux autres pour être affecté par leur disparitions. Je n'aimais personne, je ne m'attachais à personne. Même Melvin, s'il venait à y passer, ne me ferais qu'hausser les épaules. Au bout d'un moment, je ressentirai un vide, mais ce serait tout. Après tout, si je venais à y passer, qui en aurait quelque chose à faire ? Jusque là, le monde avait été indifférent à sa présence, ainsi j'avais décidé d'être indifférent à la sienne. Ne compter que sur moi même, c'était quelque chose que j'appliquais depuis mon plus jeune âge. C'était un fonctionnement qui me convenait et qui marchait plutôt bien. J'en avais la preuve devant moi : Jean était dans tous ses états, incapable de réfléchir (encore moins que d'habitude !), alors que moi, entre deux de ses coups, j'étais capable d'analyser la situation. Et puis, ce n'était pas comme si Ambre allait vraiment y passer. Melvin avait beau avoir acquis d'étrange talents, il restait un petit gros incapable de courir.
La porte de l'ascenseur fini par s'ouvrir, nous étions de nouveau dans le laboratoire. Ulrich nous attendais. Il décocha un sourire à notre arrivée, qui s'effaça rapidement quand il vit la panique de Jean.
"Où est la fille ?" demanda t-il.
"Un... Un gars qu'on connaît... Des éclairs... Ambre toujours en bas..." balbutia à toute vitesse Jean.
L'homme eut l'air inquiet. Il réfléchit quelques instants et se tourna vers l'écran d'ordinateur. Rapidement, Alpha se manifesta. Ulrich me donnait l'impression de dépendre entièrement des instructions de l'intelligence artificielle.
A: Il semblerait raisonnable que tu ailles sauver la jeune fille tandis que les deux garçons iront s'occuper de la tour.
"Tu crois sérieusement qu'il pourrait désactiver la tour ? Ils n'ont aucune expérience !"
A: Dans ce cas, il faut laisser tomber Ambre.
Je vis la mine de Jean dégringoler. Je ne l'avais jamais vu comme ça, c'était à la fois dégouttant et amusant.
"Je... Je vais aller la sauver !"
Ulrich s'approcha de lui, et posa sa main sur son épaule, avec un regard compatissant.
"Je sais que c'est votre amie, mais ce n'est pas le moment de jouer aux héros. La personne en bas avec elle possède une force au delà de celle qu'un homme peut acquérir."
N'était-ce pas plus logique de tous aller s'occuper de la tour aussi ? Comme ça ce serait plus rapide !
Jean ne semblait pas changer d'avis. Le vieux clochard hésita un instant, et sortit un pistolet de la poche de ton manteau.
"Au cas où."
Et il le posa dans les mains du primate. Ce dernier regarda quelque instants l'arme qui était désormais coincée entre ses doigts en tremblant. Puis il se retourna et repartit dans le monte-charge.
"Viens. Je vais t'expliquer en route, va falloir aller vite !" dit l'homme en me regardant.
Et je le suivais dans les profondeurs de l'usine. J'étais fin excité. Le danger, toute cette agitation, c'était ce dont j'avais toujours rêvé !