Code Alpha 1.0 : 25 ans plus tard
Chapitre 4 : Chapitre 3 : Exploration en collaboration
5201 mots, Catégorie: T
Dernière mise à jour 09/11/2016 06:30
Chapitre Trois : Exploration en collaboration
*Antoine*
Il était désormais évident que mon cerveau était hors du commun. Ma rapidité de compréhension, mon génie… tout cela était dans mes gènes, c'était évident. J'étais la crème de la crème en informatique, mathématiques et toute autre matière en lien avec la science. Alors franchement, pourquoi m’imposer a moi, le génie qui allait tout révolutionner, l’ingrate tâche de nettoyer la cafétéria ?! Mais c'était loin d'être le pire : j'étais forcé de le faire avec Jean, cet imbécile qui était l'exemple type de tout ce que je détestais. Croyait-il que parce qu'il savait mettre les rieurs de son côté, cela faisait de lui quelqu'un d'intéressant, d'intelligent ? Pour les quelques moments de gloire qu'il avait aujourd'hui, il allait payer le prix fort : une vie misérable à la rue. Il était évident que c'était la seule destinée qui l'attendait.
Cette situation était déjà déshonorante à l’extrême, et on pouvait facilement penser qu'elle ne pouvait pas être pire. C'était faux, elle pouvait l'être.
« Plus vite les jeunes ! Moi à votre âge quand j’étais de corvée de ménage à l’armée, j’allais quoi, quatre fois plus vite ! »
Assit sur une chaise nous observait un vieux surveillant sénile qui aurait sans doute dû partir à la retraite depuis longtemps. Il avait dû se tromper dans ses cotisations ou quelque chose du genre vu à quel point il était stupide. Et qu’est ce qu’il m’énervait avec ses histoires creuses et totalement fausses... Je savais que beaucoup de ceux qui avaient eu une vie morne et vide d’intérêts s’inventaient des aventures imaginaires, je veux dire, c’était compréhensible mais là, c’en était maladif ! J’étais au bord du désespoir. Tant d’absurdités en une seule journée, c’était trop pour mon remarquable esprit.
« Vous avez fait l’armée a quinze ans m’sieur ? » demanda Jean.
Je lançai un regard noir à ce crétin, un regard qui voulait facilement dire : « Mais ne lui pose pas d’autre questions triple idiot ! Il va encore nous raconter sa vie pendant une heure ! », mais bien évidement, ce fut sans compter sur la bêtise naturelle de ce macaque en tenue de sport, qui me répondit fort élégamment par un doigt d’honneur discret.
« Oui… mais je préfère ne pas en parler. »
Normal, puisque ça n’était jamais arrivé. Il fallait penser à redescendre sur Terre au passage !
« Allez m’sieur, on est là pour encore deux heures, et vu votre âge, vous devriez avoir des centaines d’histoires à nous raconter ! »
Et ça allait être repartit pour un tour ! Une envie de hurler de rage me tenaillait, mais je me retins, condamné à écouter le dialogue totalement inintéressant de ces deux primates.
« Tu insinues que je suis vieux, Schmidt ? D’ailleurs, toi le blond, ton nom est bien Belpois, non ? »
Je hochai la tête vaguement, n’écoutant qu’à moitié, mais profitant de ces quelques minutes de repos pour m’asseoir. Ces tâches ménagères indignes de ma qualité me fatiguaient rapidement.
« Ouais, tu lui ressemble beaucoup… même s’il était pas aussi prétentieux. »
En temps normal, je me serais insurgé en entendant le mot « prétentieux ». Je n'étais pas « prétentieux », j'étais juste conscient de mes capacités et j'agissais en conséquences. Mais la mention de mon père m'avait à vrai dire intrigué. Je savais que lui aussi avait été scolarisé à Kadic… se pourrait-il que ce vieillard l'ait rencontré ?
«Jérémie Belpois si je me souviens bien… Des élèves comme ça, on les oublie pas. »
Cette fois, le pion avait capté toute mon attention. Je me relevais d'un bond avant de demander rapidement :
« Vous avez connu mon père quand il était à Kadic ? »
Je faisais un calcul mental dans ma tête. Papa avait sans doute été ici il y a… au moins 25-27 ans. Était-il véritablement possible que ce surveillant soit si âgé et travaille encore ?
« Ouais… Il avait tout le temps l'air de manigancer quelque chose avec les autres de sa bande. J’ai même fait un rêve dans lequel j’affrontais des monstres avec eux ! »
Et il termina sa dernière phrase par un rire gras qui s’étouffa dans une quinte de toux. Je me doutais depuis longtemps qu’il manquait une case à ce pion, mais maintenant, j’en étais sûr. Il ne devait vraiment plus avoir toute sa tête. Mais d’un autre coté j’avais une seconde occasion rêvée de connaître mes parents plus en détail. Non pas que ça m'intéressait mais... Si, en fait, après la découverte d'Alpha, je devais avouer que je commençais à être plus que désireux d'en savoir plus sur cette partie obscure de l'histoire de ma famille.
« D’ailleurs, tu sais ce qu'il est devenu ? J’aimerais bien lui parler. Discuter avec de vieux élèves, ça ne me ferait que du bien ! »
L'air soudain grave, je baissai la tête car de mauvais souvenirs me revenaient en mémoire.
« Mon père n'est plus de ce monde. »
Le pion s’arrêta de rire et son visage s'assombrit.
« Oh… je vois. Désolé, p’tit. Ça me fait de la peine de l'apprendre. »
Il resta quelques minutes immobile, le regard perdu dans le vide. L'annonce du décès de mon père l'avait vraiment bouleversé. Il se tourna vers moi et ouvrit la bouche à plusieurs reprises, comme s'il voulait rajouter quelque chose mais ne cessait d'oublier ce qu'il voulait dire. Il respira un grand coup et finit par déclarer sur un ton faussement détaché :
« Bon, je vais vous laisser, je viendrai vous chercher dans deux heures. Et pour éviter que Schmitt tente une escapade, je vais verrouiller la porte. Au fait, moi c’est Jim, si t’as besoin de parler, n’hésite pas. »
Il s’appuya sur sa canne pour se relever et quitta la cafétéria en boitant. J’entendis le cliquetis significatif du verrouillage. La conversation m’avait intrigué… Au final, je ne savais rien de mes parents. Seulement ce que tata Iva voulait bien me dire. Et par conséquent, je ne saurais jamais qui ils étaient vraiment, mais je pouvais au moins tenter de découvrir ce qu’ils avaient accompli. Après tout, j'avais toujours eu de mon père une image de raté , mais peut-être que j'étais trop rapide dans mon jugement. Peut-être que je devais essayer d'en savoir plus avant de décider d'avoir du mépris pour lui. Pour cela, je devais absolument faire marcher ce vieil ordinateur. En attendant, je pouvais toujours aller faire un tour à l’usine, mais avec toutes ces retenues, j’allais devoir attendre un peu. Mon emploi du temps était surchargé.
Je fus tiré de mes pensées par Jean qui commençait à tenter d’ouvrir toutes les portes.
« Eh ! Mais qu’est ce que tu fais ?» m'écriais-je.
Il me lança un regard noir, avant de répondre froidement :
« Hors de question que je reste ici. »
Ce Jim avait eu raison de se méfier d’une évasion ! Non mais franchement, s’il faisait quoi que ce soit, j’allais être moi aussi tenu pour responsable ! Et ça signifiait… ça signifiait le renvoi définitif ! Il s’arrêta sur une vieille porte au fond.
« Celle là je peux la crocheter. »
Il sortit une espèce d’épingle de sa poche et commença à le glisser dans la serrure. Il ne comptait tout de même pas réellement… Clic ! La porte s’ouvrit dans un grincement sinistre. Il appuya sur l’interrupteur, mais aucune lumière ne se mit en marche. Et sans un mot, il s'enfonça dans les ténèbres, utilisant son portable comme lampe torche. Il allait me laisser seul… dans ce self vide… la nuit ? Je croyais que même explorer un tunnel avec mon pire ennemi était plus agréable. Après tout… s'il s'en allait, mon avenir à Kadic tombait à l'eau, donc autant l'accompagner. Je me mis donc à lui crier :
« Attends ! Je viens avec toi ! »
Il haussa les épaules et ferma la porte derrière moi. Oui, bon, je l’admets, j’étais mort de trouille. Mais Jean était assez débrouillard, il pourrait toujours nous sortir des situations les plus critiques, malgré sa stupidité. Sans voir quoique ce soit, je sentais que le sol devenait vaseux, et l’odeur me faisait penser à des égouts… Ou alors à un lieu où personne n’était allé pendant longtemps… Bizarre pour un passage partant de la cafétéria… Quelqu’un avait bien dû la remarquer, non ?
J’aperçus un rat aux yeux rouges et frissonna. Si quelque chose nous arrivait, qui viendrait nous aider ? Personne. Personne n’entendrait nos hurlements de terreur. Nous serions condamnés à mourir seuls dans la pénombre.
Heureusement, une échelle menant à une plaque d’égout apparut. Pour moi, ce fut un immense soulagement. Traitez-moi de trouillard si ça vous amuse. Nous sortîmes de cet endroit malodorant, et je me rendis compte que le passage débouchait droit devant la fameuse usine abandonnée. Franchement, un coup de chance pareil, ça ne pouvait pas être une simple coïncidence. Il faisait déjà nuit, on avait dû rester plus longtemps en retenue que je ne le pensais. En tout cas, c'était parfait, j'allais pouvoir visiter ce lieu étrange dès maintenant !
« Ne me remercie pas surtout. » fit Jean à côté de moi.
Il avait sorti un briquet de sa poche et se roulait une cigarette avec un vieux pot à tabac. Voilà qui expliquait la pestilence qui l'entourait toujours ! De nos jours, plus personne ne fumait. Personne n'était assez stupide pour s'auto-empoisonner de la sorte… Oups, j'oubliais à quel point ce primate était rempli de bêtise…
« Te remercier de quoi ? » lui fis-je en prenant mon air le plus narquois. « De nous faire virer tous les deux du lycée de la dernière chance ? Quitte à rater ta vie, t'étais obligé d'emporter quelqu'un avec toi dans ta chute ? »
Il ouvrit la bouche et laissa une fumée en sortir avant de me répondre.
« Putain, mais relax mec. Les heures de colles sont jamais aussi longue, Jim nous a gardé bien trop longtemps. On devrait être sorti depuis quoi… une heure au moins. Il va rien nous arriver. »
C'était vrai que je n'avais pas pensé à vérifier combien de temps les retenues devaient durer… et que j'avais trouvé celle d'aujourd'hui anormalement interminable. Finalement tout allait bien. Je n'aurais qu'à dire que je m'étais rendu compte que les horaires avaient été dépassé et ça passerait tout seul.
« Tu arriveras à retrouver ton chemin tout seul le geek ? »
Il me cherchait encore. Le fou. L'inconscient. N'avait-il rien apprit de ce matin ? N'avait-il pas comprit qu'il ne fallait pas me provoquer de la sorte ? En plus de ça, je venais de me taper quatre heures à faire le ménage dans une cantine complètement dégueulasse par sa faute, et il en remettait une couche ?! J'étais trop exténué pour chercher à me contrôler, alors sans réfléchir je lui sautais dessus en m'écriant :
« Et toi l'abruti, t'arrivera à me parler avec un peu plus de respect ?!»
Même s'il était beaucoup plus fort et imposant que moi, il ne s'y était pas attendu et il tombât à la renverse.
« T'es sérieux ? Je te proposais de te raccompagner si t'avais pas compris ! » cracha t-il en se relevant.
Il n'avait pas vraiment l'air content. A vrai dire, c'était la deuxième fois en une journée que je le ridiculisais. Le problème était qu'à chaque fois, j'avais pu profiter d'un certain effet de surprise… Ce n'était plus le cas. Il était désormais debout devant moi, et en combat à la loyal, il allait sans le moindre doute avoir l'avantage. Alors que je cherchais un moyen de me sortir de cette situation désespérée, un hurlement d’effroi retentit.
« Non ! Ne… ne m’approchez pas ! A l’aide ! »
Jean et moi eûmes le même réflexe de nous retourner pour voir une jeune fille se faire agresser par trois espèces de… racailles, je ne trouvais pas de mot plus élégant pour les décrire. La fille en question était la Japan-Lover de ce midi, je n’arrivais pas à me rappeler de son nom. Étant frêle et fragile physiquement, je ne comptais pas bouger le petit doigt pour elle. Après tout, sortir avec une jupe aussi voyante en pleine nuit… elle cherchait les ennuies... Donc vous l’aurez compris, pour moi elle ne faisait que récolter ce qu'elle avait semer. Mais Jean avait apparemment un esprit plus chevaleresque que moi, car il posa son sac sur le sol et se rua sur le plus imposant des agresseurs.
« Qu’est ce que… Ouaaaah ! » fit-il en tombant sur le sol, cognant son crâne vide sur le béton.
Le pseudo leader du groupe semblait à la fois surpris et en colère. Il rugit :
« C’est toi, Jean ? Franchement, de quoi tu te mêles ? »
Ils détournèrent leur attention de la jeune fille pour se concentrer sur mon rival. Rapidement, ils l'encerclèrent. Jean avait beau être assez imposant, ce n'était rien face à ses potentiels adversaires. Pourtant, il resta impassible et déclara calmement mais avec une certaine sévérité dans la voix :
« Steve, tu dépasse les bornes. Que tu voles le sac à des vieilles, j’en ai rien à foutre. Que tu ailles crier sur les toits que t’es le plus fort du quartier parce que t’as envoyé un sixième à l’hôpital, ça aussi, j’en ai rien à foutre. Mais attaquer une jeune fille sans défense, ça va trop loin. »
Si combat il devait y avoir, je ne tenais vraiment pas à m’en mêler. Ils avaient l’air tous très violents, peut-être même plus que Jean. La brute épaisse s’apprêtait à répondre, quand une voix sortit de derrière lui.
« Qui a dit que j’étais sans défense ? »
Et paf ! Un coup de livre d’histoire dans la tête, ça calme. Le dénommé Steve, pourtant assez costaud, s’écroula sur le sol. L’adolescente en profita pour lui donner des coups de pieds dans le ventre avec une détermination à faire froid dans le dos. Étais-ce vraiment la jeune fille timide qui était venu à ma table ce midi ? Jean fini même par l'arrêter en bredouillant, lui aussi surpris par ce revirement de situation :
« Je… je pense qu'il a eu son compte. Tu peux t'arrêter, hein.»
La blonde s'éloigna de sa victime avec un certain dédain, sans même lui adresser un autre regard. Il se releva, le nez ensanglanté. Ah, elle n’avait pas visé que le ventre apparemment. Ses deux compères le regardaient bouche bée. Ils n'avaient pas dû s'attendre à voir leur leader se faire ainsi maîtriser par une fille.
« Je suis trop crevé aujourd’hui, mais Jean, je te ferai la peau. » Il pointa du doigt la gagnante du combat. « Et toi fait gaffe. J’te casserais ton p’tit cul ! »
Elle se tourna vers lui, et eut un grand sourire.
« Ah oui ? Viens, essaie pour voir !»
Elle fit un pas en avant vers lui. Il se mit à reculer, essayant maladroitement de cacher la panique qui se lisait facilement sur son visage.
« Venez les gars, on se casse. »
Il ajouta d’autres mots élégants que je ne répéterai pas avant de partir avec ses deux amis.
« Eh bah ! Je ne m’attendais pas du tout à ça ! Bien joué ! Moi c’est Jean, et toi ? »
Elle eut un petit sourire gêné et tenta désespérément d’enlever le sang de la couverture de son livre d’histoire, tout en répondant timidement :
« M… merci. Je m’appelle Ambre. »
C'était ma foi fort étrange. Voilà qu'elle était redevenue toute timide, juste après avoir réussi à faire fuir une brute qui faisait deux fois son épaisseur. Était-il possible de changer de caractère a ce point en si peu de temps ?
« Jean, pour te servir. » dit l'autre abruti en faisant une espèce de révérence ridicule. Pensait-il que ça le rendait cool ? C'était plus risible qu'autre chose.
« Enchantée. Merci beaucoup pour votre aide. » dit-elle en rougissant. Elle ressemblait à une tomate à présent. Certaines personne aurait trouvé ça mignon, à mes yeux c'était d'un pathétique.
Jean se roula une autre cigarette en riant d'un air débile. Je n'hallucinais pas, il était bel et bien en train de la draguer. J'étais devenu quoi, la troisième roue ?
« Mon aide ? Tu plaisantes, tu t'es débrouillée comme une pro ! T'as pris des cours de krav maga ? »
Et elle rougit de plus belle… C'était insupportable. Je détestais Jean et cette fille m'importait peu. Je n'avais aucune raison à rester les regarder roucouler ensemble. Je me dirigeais donc vers l’usine, prêt à en finir ce soir.
« Attends Antoine ! Où vas-tu ? » me demanda la jeune fille.
Jean eut l’air surpris, l'interrogea :
« Tu le connais ? »
Mais elle ne répondit pas et accéléra le pas, tentant de me rejoindre. J’étais déjà loin devant, prêt à entrer dans ce bâtiment.
« Où... où vas-tu comme ça ? »
Je soupirai. Je me voyais dans l’obligation de lui fournir des explications pour espérer qu’elle me laisse en paix.
« Je vais explorer cette usine. »
Étant enfin parvenu à portée de la poignée de l'entrée, je tirai dessus de toutes mes forces, en vain. Elle était verrouillée. Jean nous avait rejoint, un sourire moqueur sur son visage.
« Alors, on est bloqué le geek ? C'est pas ton ordi qui va te l'ouvrir la porte là ! »
Je le regardais en grognant.
« Lâche-moi. »
« Tu devrais être plus gentil avec celui qui pourrais te permettre dans cette usine qui t'intéresse tellement ! » lança t-il en gloussant.
J'écarquillais les yeux. C'était vrai qu'il avait pu me montrer ses talents de crochetage lorsque nous étions bloqué dans la cantine… mais pouvait-il vraiment ouvrir une porte aussi ancienne et lourde ?
« Demande moi gentiment et je le fais. »
Cela valait peut-être le coup d'essayer, mais cela lui signifiait lui être redevable, et ça m'était insupportable. C'était par conséquent hors de question.
« Je peux me débrouiller tout seul. »
« Ah ouais ? Ben vas-y. Épate nous. »
Il resta là à me fixer avec son air confiant et insupportable. Ambre était à ses côtés, hésitante.
« Antoine… pourquoi veux-tu aller là dedans ? »
Je réfléchis un instant pour me trouver une excuse valable, sans succès. Faute de quoi, je répondis simplement :
« Ça ne concerne que moi et mes parents. »
Bizarrement, cela sembla lui convenir. Elle s'adressa à Jean de sa petite voix.
« Antoine a l'air d'avoir de véritable raisons pour vouloir rentrer là-dedans. Et s'il n'ose pas vous le demander, je vais le faire. Pouvez-vous s'il vous plaît lui ouvrir ? »
Mais pour qui elle se prenait ? Si je n'avais pas voulu de l'aide de Jean, ce n'était pas pour qu'elle la réclame à ma place ! Voulait-elle aussi figurer sur ma liste noire ? Ses yeux doux et sa jupe rose durent suffire à convaincre Jean, car il déclara à mon attention :
« Tu vois le bigleux, c'est comme ça qu'il faut demander. »
Et il s'approcha de la porte. J'avais une envie soudaine de lui barrer la route et de l'envoyer paître mais… je devais admettre que sans lui, mon expédition s'arrêtait là. Haussais les épaules en soupirant, lui laissant le passage vers la porte. Il s’en approcha et fit… ce qu’il avait fait dans le réfectoire.
« Un vrai cambrioleur. » fit Ambre de sa voix discrète.
« Me rappelle pas mes mauvaises années. » lui répondit Jean avec un clin d’œil.
Ne prêtant pas attention à ce flirt absurde, j'attendais en me frottant les pouces d'impatience. C'était un de mes nombreux tics nerveux. Au bout de quelques minutes qui me parurent interminable, l'entrée s'ouvrit dans un bruit lourd et métallique. A la vue de ce hall sombre et peu accueillant, un doute m’assaillit. Étais-je vraiment prêt à m'aventurer tout seul là dedans ?
« Bon. Qu'est-ce qu'on attend pour rentrer ? » s'exclama Jean.
« Tu comptes... venir avec moi ? » bafouillais-je, extrêmement surpris.
« Explorer des vieilles battisses en ruines la nuit, c'était un de mes passe-temps favoris au collège. Et puis ça nous permettra de faire plus ample connaissance ! »
Cette dernière phrase ne m'était bien évidemment pas adressée. Si Jean voulait venir, c'était pour continuer à passer du temps avec l'autre cruche. D'un côté ça m'arrangeait car je n'avais pas vraiment envie d'aller là dedans sans être accompagné, même par lui. Je m’apprêtai à entrer dans l’usine mais il me barra le passage avec un petit sourire.
« Les dames d’abord, Antoine ! »
Mais qu’est ce qu’il m’énervait ! Mais bon, je n’avais pas le choix. Ambre fut donc la première à rentrer, suivie de près par son chevalier servant. Les trois quarts du bâtiment étaient juste un immense entrepôt, remplis de caisse vide. Impossible de trouver un interrupteur, l’exploration allait donc continuer dans le noir, avec pour seules lumières celles de nos téléphones. Personne n’osait parler, le moindre craquement nous faisait tous sursauter, y compris le « beau gosse » qui devait avoir aussi peur que moi. On arriva finalement à un vieux monte-charge.
« Bon. » déclara le chevalier servant. « Je crois qu’on ira pas plus loin. Cet ascenseur n’a pas l’air de fonctionner. »
Je tentai tout de même, et appuyai deux fois sur le gros bouton rouge, en vain. Il fallait se faire à l’évidence, on n’allait rien trouver de plus. Mon père avait juste eu envie d’aller explorer une usine étant jeune, voilà tout. Fin de l’histoire. Mais alors que nous nous apprêtions à rebrousser chemin, toutes les lampes de l’usine se mirent en marche, au même moment. Nous furent tous éblouis, et lorsque notre vision revint a la normale, la grille du monte charge était ouverte… comme une invitation.
« Qu’est… qu’est ce… qu’est ce qu’on fait ? » demandai-je courageusement.
« Bah on y va, qu’est ce que tu crois, chiffe molle ! » me lança le primate du groupe.
« Je suis d'accord,on ne va pas rebrousser chemin maintenant… si ? » approuva Ambre.
C'était moi qui était à l'origine de cette escapade, ça n'allait pas trop le faire si je me mettais à vouloir abandonner ici. Et malgré ma peur, j'étais vraiment très curieux de savoir ce qui nous attendait. Nous entrâmes donc doucement dans l’ascendeur.
« On monte ou on descend ? » interrogeai-je.
« On monte. » trancha Jean, sans hésiter.
Je pensais soudainement à quitter le monte-charge, et à partir très loin, comme par exemple dans mon lit. Mais bon trop tard, Jean avait déjà appuyé sur le bouton. L’ascenseur se mit en marche. Qu’allions nous découvrir ?