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Chapitre 3 : Chapitre 2 : Ambre et Ombre
4144 mots, Catégorie: M
Dernière mise à jour 06/08/2017 21:50
Ambre
Je m'appelle Ambre et j'ai toujours vécu seule. Enfin... ce n'est pas tout à fait vrai, mais bon passons. Mon monde, mon univers se réduisait à la maison de ma mère. Une grande maison silencieuse où nous n'étions que toutes les deux. Je ne sortais jamais. Maman elle-même ne sortait que très peu. L'Extérieur était dangereux, me racontait-elle le soir. Tout plein de gens mal intentionnés qui voulait me faire souffrir. Il valait mieux rester ici en sécurité. Et vu que j'étais jeune et que je n'avais jamais rien connu d'autre, j'étais d'accord. Comment pouvais-je critiquer, sans éléments de comparaisons ?
Je ne peux pas dire que j'ai été malheureuse, ce serait mentir. Ce mode de vie, bien que particulier n'avait rien eu de désagréable durant les premières années. En tant qu'ancienne enseignante, elle savait comment me faire travailler, tout en me laissant m'amuser. Mais je m'amusais seule, et ma voix était l'unique voix qui résonnait à travers ces pièces trop grandes pour une seule petite fille.
Et puis elle est arrivée. Je ne saurai plus dire quand, ni comment, mais au cours du temps, une autre voix se joint à la mienne. Un autre rire aussi. Je l'avais appelé Ombre. Elle était comme moi, mais en différente. Comme moi, mais en mieux. Quand j'avais peur d'explorer le grenier, elle me prenait la main avec assurance et s'exclamait :
- Ne t'inquiète pas, s'il y a des monstres, c'est de nous qu'ils auront peur !
Je savais pertinemment qu'elle n'existait pas. J'avais lu une histoire où le héros s'inventait un ami imaginaire. Et bien c'était ce que Ombre était: une amie imaginaire. Mais même au-delà de ça, c'était presque ma sœur jumelle, mon reflet, ma moitié. Nous partagions tout. Nous vivions les mêmes aventures. Maman n'appréciait pas trop, mais se décida à jouer le jeu et installa une troisième assiette pour Ombre.
Ce fut les jours heureux. Des jours pleins d'aventures, de rigolades. Nous adorions lire aussi, l'une à côté de l'autre.Puis un jour... quelque chose changea. En regardant par la fenêtre, j'ai aperçu deux écoliers se rendant à l'école. D'abord, je commençai par les plaindre. Mais une obsession se mit à grandir en moi. Je les observai chaque matin, et me rendis vite compte qu'ils ne semblaient pas malheureux. Maman m'avait pourtant dit à quel point l'école était un endroit horrible.
- Obligés d'aller à l'école ? Les pauvres ! Mais comment leurs parents peuvent-être aussi méchants avec eux ? dis je a voix haute, comme pour me convaincre.
- Tu es sûre de ce que tu dis ? me répondit alors Ombre.
- Évidemment ! On est bien mieux à l'Intérieur !
- Si Rusty était resté avec ses maîtres bipèdes dans sa maison, il ne serait jamais devenu Etoile de Feu. Si Harry Potter était resté chez les Dursley, il n'aurait jamais vécu toutes ses aventures. Si...
- Ombre ! Tout ça, ce sont des histoires de fiction ! Ça ne représente pas la réalité !
- Comme tu veux, fit-elle en disparaissant.
Elle pouvait apparaître quand bon lui semblait, et quand elle faisait la tête, elle pouvait très bien refuser de me parler pendant plusieurs jours. Cette fois-ci, elle ne vint plus à ma rencontre pendant trois longues semaines. Pourtant, ses paroles avaient fait mouches dans ma tête, et les deux écoliers devinrent rapidement une obsession. Chaque matin, je les regardais partir à l'école, et chaque soir, je les regardais rentrer chez eux. Ils n'avaient pas l'air malheureux, ce qui me perturbait énormément.
- Finalement, tu me repousses, mais c'est toi qui regarde à travers cette fenêtre.
- Ombre ! Tu es revenue !
- Je ne suis jamais partie.
J'avais envie de la serrer dans mes bras, ce qui était bien sûr impossible, étant donné qu'elle n'était pas réelle.
- Tu as réfléchis ?
- Oui.
- Alors ?
- Je... Je ne sais pas.
- Il faudrait essayer de sortir au moins une fois pour en avoir le cœur net.
Je trouvai l'idée finalement pas bête et même intéressante. Et après tout... pourquoi pas ? Ne pourrais-je pas tenter, juste pour quelques jours, afin de satisfaire cette curiosité naissante ?
J'allai donc aussitôt en faire part à ma mère, dont la réaction fut plus que surprenante. Elle s'énerva rapidement, se mettant dans un état dans lequel je ne l'avais jamais vue, me demandant où j'allais donc chercher des idées pareilles, qu'elle se faisait suer pour me protéger et que je voulais tout réduire a néant.
C'est ce jour-là que j'ai compris qu'elle faisait ça uniquement par égoïsme. Elle ne voulait pas me protéger, elle voulait juste ne pas être seule. J'étais son dernier rempart contre la solitude. Elle n'avait pas de reflet comme moi. Elle, était véritablement seule.
- Ça se trouve, il n'y a aucun danger dehors, me disait cette dernière. Et si on ne se bat pas, on ne le saura jamais.
- Se battre ? Contre... Contre maman ?
- Ambre. Ce n'est ta vrai mère.
J'avais essayé d'enfouir cette idée dans ma mémoire, mais Ombre l'avait retrouvé. C'était un souvenir, un songe presque, d'une autre vie, une autre famille. Et maman n'y figurait pas. j'ignorais si c'était la réalité, je préférais ne pas me prononcer. Ma sœur imaginaire n'était pas du même avis.
- Et même si c'était le cas, le rôle des parents est de protéger leurs enfants. Pas l'inverse. Comptes-tu rester toute ta vie ici, à tenir le rôle d'infirmière, de jouet et de chien d'appartement ? La vraie vie t'attends, Ambre. Elle nous attends. Et elle est derrière cette fenêtre.
Ainsi convaincue par ma seconde moitié, je commençai ma lutte pour gagner l'extérieur. On aurait pu aussi appeler ça crise d'adolescence sans doute. Je ne voulais pas être trop méchante avec Maman, mais mon reflet me contredisait, me remettait sur la « bonne voie » selon elle. Le début fut une grève de la faim. Gandhi avait bien réussi à faire plier les anglais, j'étais donc confiante quant a mes chances de réussite. Mais... je n'ai tenu que quelques heures après quoi j'avais couru dans la cuisine manger en cachette. Ombre, debout devant moi, me lança en soupirant :
- Cela ne prouve qu'une chose : tu manques de conviction. Si tu veux rester enfermée toute ton adolescence, libre à toi. Mais tu vas rater quelque chose.
Avalant un morceau de chocolat, je lui demandai :
- Dis Ombre... C'est comment dehors ?
Elle se rapprocha de la fenêtre, et regarda de l'autre côté d'un air mélancolique. Je ne l'avais jamais vu aussi sérieuse. D'habitude elle était toujours à parler légèrement ou à me dédramatiser.
- J'en sais pas plus que toi. Je suis dans ta tête, je te rappelle.
Je n'avais jamais sérieusement réfléchi à Ombre. A qui elle était, à ce qu'elle était. Cela faisait longtemps que je ne parlais plus d'elle à maman et que nous ne mettions plus de couvert pour elle à table, mais pourtant elle demeurait présente à mes côtés. Elle devait être une sorte de conscience, comme le Grillon-qui-parle dans Pinocchio.
- Bon. Je te promets de faire des efforts pour qu'on sorte.
Et je comptais bien tenir parole. Ce fut la guerre avec ma mère pendant plusieurs longues années. Quelque chose s'était brisé entre nous, et nous n'étions plus proches comme avant. C'était à peine si on s'adressait la parole.
Je quittais aussi le monde des livres pour gagner celui des ordinateurs. J'en avais trouvé un vieux dans le grenier, et je m'amusai avec. J'arrivai à me connecter à l'internet du voisin, et gagnait de nouvelles connaissances sur le monde extérieur. J'évitai d'interagir avec d'autres personnes sur le web, me contentant s'observait. Même virtuellement, j'étais timide. Ayant beaucoup de temps à perdre, je me mettais aussi à lire des tutoriels pour apprendre à mieux me servir de mon nouvel outil. Rapidement, j'en prenais le contrôle.
Maman refusait de céder. Ombre évoqua la possibilité de fuguer, mais c'était au-delà de ce dont je me sentais capable. Finalement, un jour..
Elle me convoqua dans sa chambre, au rez-de-chaussé. Elle était en robe de chambre et pleurait à chaudes larmes.
- Ambre... je ne comprends pas... pourquoi fais-tu ça ? Pourquoi tu ne veux pas rester ici avec moi, ta mère ?
- Parce que tu n'es pas ma mère.
Les mots sortirent froidement de ma bouche,mais pourtant ce n'était pas moi qui avait parlé.
- Comment... comment sais-tu ?... Oh et puis, peu importe. Tu as gagné.Tu iras au lycée Kadic, comme moi à ton âge. Je ma lave les mains de ton destin, jeune fille.
La victoire était amère. Cela aurait dû me rendre heureuse, mais il m'était impossible de simplement sourire. Je me rendais compte de ce que j'avais fait, et je culpabilisais. Mais ma conscience me dit alors de ne pas m'en faire, que dans la vie, il fallait savoir faire des sacrifices. Maman promit de m'inscrire après les vacances d'octobre. J'étais si excitée ! Je crois que je suis restée éveillé chaque nuit pour parler avec Ombre de mes espérances, de mes craintes à propos de ce nouveau départ. Elle me rassurait, m'assurant que tout se passerait bien, et je finis par la croire.
Et le jour tant attendu arriva. Le matin, je fus debout à l'aube, prête et enthousiaste. Ma mère tenta une fois encore de me raisonner, mais je m'y étais préparée, ses arguments tombèrent donc à l'eau. J'insistai aussi pour aller en cours à pieds. Je fis mes premiers pas seule à l'extérieur. J'étais bien déjà sortie, mais la présence étouffante de Maman m'empêchait de pleinement en profiter. L'air frais me caressait le visage, et j'entendais le chant des oiseaux du matin. C'était presque un rêve éveillé. Je ne m'étais jamais sentie aussi libre. J'avais envie d'hurler, de courir, de chanter même !
Sur le chemin, je croisai les deux enfants que j'avais observés pratiquement tous les matins avec fascination pendant tant d'années. J'accélérai le pas pour les rattraper, en leur lançant un joyeux mais timide :
- Bonjour ! C'est une très belle matinée, vous ne trouvez pas ?
Ils me regardèrent bizarrement.
- Euh... ouais sans doute.
Je ne comprenais pas où était le problème, mère m'avait pourtant enseigné que la politesse était des plus importantes.
- Cela va être mon premier jour à Kadic, et je suis un peu perdue, puis je vous accompagner jusqu'au lycée, s'il vous plaît ?
Les deux ados regardèrent, j'avais l'impression d'être une extra-terrestre.
- Ouais... si tu veux.
Et sur le chemin, ils se remirent à parler de leur jeu en ligne. J'étais devenue totalement invisible ! Je tentai par deux fois de revenir dans la conversation, mais ils m'ignorèrent, purement et simplement ! Heureusement, nous arrivâmes au bout de quelques minutes à Kadic. Je signalai ma présence à un vieux surveillant qui devait bien avoir plus de la soixantaine.
- Ah, c'est toi la nouvelle. Ambre Delmas, c'est ca ? Et donc tu serais la fille d'Elizabeth Delmas ? M'sieur Poliakoff m'a parlé de toi.
- Oui, c'est moi ! Fis-je, toute sourire.
- Bon, viens, je vais te conduire à ta nouvelle classe. Demande à un de tes camarades de te faire visiter, et soies la bienvenue ici.
Je le remerciai chaleureusement et le suivis jusqu'à la salle où j'aurais ma première heure de cours où j'allais pouvoir étudier l'histoire. Je trouvai ce pion assez sympathique, malgré son drôle d'aspect avec son pansement en plein milieu de la joue et son bandeau. Mais bon, rien n'aurait pu détruire ma joie d'assister à un cours, un vrai. Avec un véritable professeur, et d'autres élèves. L'enseignante était une débutante, et ce que je pouvais deviner rien qu'en voyant le chahut dans la classe. Elle tenta tout de même de calmer les élèves pour mon arrivée.
- Silence je vous prie ! Voilà donc Ambre Delmas, votre nouvelle camarade. Ambre, vous vous assiérez à côté de Steve.
Elle me conduisit jusqu'à ma table, tout au fond dans un coin. Le dénommé Steve devait avoir redoublé plusieurs fois, car je lui trouvai un air étrangement adulte, alors que nous étions sensés avoir tous entre 15 et 16 ans. La façon dont il me regardait me mit rapidement mal à l'aise. Bon, comme je l'avais lu dans un livre, il ne fallait pas se fier à la première impression. Peut-être que la cohabitation allait être agréable. Je lui demandais discrètement :
- Tu n'aurais pas les notes des cours du mois de septembre pour que je rattrape ?
Il ne me répondit pas et continua à me dévisager en souriant bizarrement. Les minutes passèrent. J'apprenais pleins de choses, mais l'enseignante parlait trop vite pour que je puisse noter tout ce qu'elle dise... Comment pouvait donc faire les autres élèves ? Je regardais autour de moi et découvrais avec surprise que j'étais la seule à véritablement prêter attention.
-Tu m'files ton num' ? m'interpella soudainement mon voisin.
Intriguée, j'écrivais rapidement « c'est quoi un ''num'' ? » dans le bord de mon cahier en essayant de ne pas manquer un seul mot du cours.
- Ben ton numéro de portable !
Oh. Je ne le connaissais pas par cœur, et il aurait fallu que je sorte mon téléphone pour le chercher. Je ne l'avais reçu la semaine dernière après l'avoir commandé sur internet sur les conseils d'Ombre. J'avais eu un peu honte de prendre la carte bancaire de maman sans la prévenir, mais nous n'étions plus à ça près. En revanche, il me semblait que je n'avais pas le droit de l'utiliser dans l'enceinte de l'établissement. J'écrivais juste « plus tard, désolée! » en espérant qu'il ne le prenne pas mal.
- Allez maintenant, fais pas ta pute quoi !
Ne pouvant répondre à sa demande, je choisissais de l'ignorer pour le moment. Ce n'était pas très gentil mais... je n'avais pas vraiment d'option. Et puis le cours m'intéressait trop pour que je puisse continuer à en rater des passages. Steve s'impatientait et quand il en eu assez que je ne lui réponde plus, il prit mon cahier et le jeta par terre. C'était une étrange manière de demander de l'attention cependant... je supposais que c'était la manière habituelle, après tout le seul autre exemple que j'avais, c'était maman et j'avais vite compris que ce n'était pas une personne normale. Au moment où je me penchais pour ramasser ce qu'il avait fait tomber, il prit ma trousse et la fit glisser sous une table voisine.
- Quand je parle, j'aime bien qu'on me réponde, ok la nouvelle ?
Il avait soudainement l'air menaçant. Ombre apparut à mes côtés et me murmura à l'oreille.
- Attention Ambre, si tu n'es pas prudente tu pourrais vraiment t'attirer des problèmes. Quelque chose me dit que ce n'est pas simplement un dernier de la classe.
J'avais envie de lui répondre, mais je me rappelais que j'étais la seule à pouvoir l'entendre. Par conséquent, je regardais mon voisin, lui fit un petit sourire et m'excusa :
-Pardon, j'étais trop prise par le cours et...
-Tu t'fiches de moi, c'est chiant à mort ! m'interrompit-il d'une voix de plus en plus brutale.
J'étais soudainement très intimidée. Ce garçon était assez imposant et... m'effrayait un peu. Je n'avais jamais eu de contact avec quelqu'un d'extérieur à ma famille avant, peut-être avais-je fait quelque chose de mal ?
- Je... je suis vraiment désolée...
Il eut un sourire effrayant. Il s'était rapproché de moi. Je pouvais sentir son souffle. J'étais habitué aux senteurs agréables de chez moi, alors cette odeur agressive me donnait la nausée.
- Il y a un moyen pour te faire pardonner tu sais...
Nous étions au fond de la salle. Personne ne nous regardait. Pas même l'enseignante. Et il y avait tellement de bruit et d'agitation que personne ne faisait attention à nous. Je sentais sa main gauche se poser sur mon postérieur pendant que sa droite se rapprochait de ma bouche pour m'empêcher de crier.
- Un moyen très très simple...
Personne ne nous regardait. Personne. J'étais sans défense, il faisait au moins deux fois mon poids. Mon cœur battait à toute vitesse. Mes yeux allaient de droite à gauche, espérant croiser le regard d'un de mes camarades mais encore une fois, personne ne nous regardait.
Personne sauf Ombre.
- Ferme les yeux, chuchota t-elle d'une voix douce et rassurante.
***
Steve était plutôt content. Tout de suite quand il avait aperçu la nouvelle, il s'était dit : « celle là, j'me la fait. » Et quoi, trente minutes plus tard même pas il lui glissait sa main dans la jupe pour lui peloter les fesses. Un record, même pour lui ! Bon, il devait admettre qu'il devait une fière chandelle à la prof. Premièrement pour être tellement merdique qu'aucun élève n'allait entendre ce qui se passait au fond. Deuxièmement, pour l'avoir installé à côté de lui. C'était comme lui offrir un cadeau de Noël et il se faisait une joie de le déballer.
Non franchement elle était trop bonne celle là. Le style innocent/fille sage, ça le faisait toujours craquer. D'abord parce que elle se défendait rarement, et surtout parce que la plupart du temps ça devenait de vrai salope par la suite.
Il eut un sourire malsain. N'empêche il était en train de la tripoter en cours. En cours quoi ! Ça c'était quelque chose dont il allait pouvoir se vanter !
Et alors qu'il s'imaginait déjà l'emmener dans les toilettes après le cours pour finir son affaire, il remarqua que quelque chose avait changé dans la jeune fille. Depuis son entrée en classe, il lui avait trouvé un air d'animal sans défense, la personne parfaite à confronter au grand méchant loup. Mais maintenant il avait l'impression que le prédateur se trouvait en face de lui et le regardait de ses yeux perçants. Maintenant, il avait l'impression que c'était lui la pauvre créature inoffensive
La nouvelle se rapprocha très prêt de son visage. Au début il se dit qu'elle avait bien caché son jeu et qu'elle allait l'embrasser mais ses espoirs laissèrent place à une certaine terreur quant elle pointa un crayon juste devant son œil.
-Tu vas retirer ta main tout de suite où alors tu vas finir borgne, dit-elle d'une voix d'un calme terrifiant.
- T'oserai pas, lui répondit Steve sans être vraiment sur de lui.
Sa voisine lui fit un sourire, dévoilant toutes ses dents blanches qui la rendait autant magnifique que ça lui donnait un air de carnassier.
- Tu veux jouer ton œil là dessus ?
Automatiquement, les mains de du jeune homme revinrent sur la table. Il n'osa plus jeter un seul regard à sa terrifiante et sublime voisine. Quand la sonnerie fini par arriver, il la regarda néanmoins partir en marmonnant :
- Celle là... il me la faut.
Ambre
Je m'étais réfugiée dans les toilettes. C'était donc ça l'extérieur ? Des gens qui... qui abusaient de votre confiance ? Je me lavais le visage pour essuyer mes larmes. N'importe quoi aurait pu m'arriver et pas un seul de mes camarades n'auraient remarqué quoi que ce soit. Ni même l'enseignante ! Pourtant c'était une adulte ! N'était-on pas censé faire confiance aux adultes ?
- Chut... Calme toi Ambre. Tu es tombé sur une mauvaise personne, mais ça ne veux pas dire qu'il n'y en a que des comme ça ! fit Ombre.
Je me relevais et lui faisait face.
- Tu... tu crois ?
- J'en suis persuadée ! Bon... c'est vrai que c'est dommage que ça commence comme ça, mais la journée n'est pas encore terminée ! C'est pas encore le moment de baisser les bras ! On ne s'est pas autant battu pour abandonner dès le premier obstacle !
J'essuyais l'eau qui ruisselait sur mon visage et hochait la tête en reniflant. Elle avait raison. Steve était... quelqu'un d'abject. Mais... dans les livres que je lisais, il y en avait aussi des... méchants. Malgré ça, il y avait tout de même beaucoup de gens normaux. Je n'avais qu'à mieux chercher. Cependant un point d'ombre restait encore à élucider.
- Comment tu as fait ça ? Comment tu as fait pour... me contrôler ?
Pour la première fois, elle eut l'air surprise, voir même troublée. J'étais habituée à la voir confiante, c'était très étrange.
- Je ne sais pas vraiment. Ce n'est pas important. Ce qui compte c'est que tu sois saine et sauve.
- Merci. Je ne sais pas ce que j'aurais fait sans toi. Vraiment, merci d'être là.
Elle baissa les yeux. Gênée, peut-être.
- Je... De rien.
Les deux autres heures de cours furent sans histoire et je ne recroisais pas Steve. Vu la façon dont mon reflet l'avait calmé, il ne risquait pas de revenir à la charge de si tôt. L'heure du repas arriva enfin, mais la question fut de trouver des gens avec qui déjeuner, je ne comptais absolument pas manger seule. C'était donc au milieu d'une cafeteria que j'errais pour trouver des visages amicaux. Les moins agressifs que je trouvai furent ceux de deux jeunes garçons seuls prenant une table entière. L'un d'eux était roux, mais ce ne fut pas lui qui attira mon attention, mais le blondinet assit en face de lui. Je fis mon meilleur sourire et demandai :
- Bonjour ! Je peux m'asseoir avec vous ?
La conversation fut sympathique. Ombre avait eu raison, j'étais tombée sur la mauvaise personne. Cependant j'eus l'impression d'un peu les agacer, surtout Antoine. En même temps, je le comprenais : je venais à leur table sans les connaître et j'imposais ma présence, c'était terriblement impoli. Ce fut tout de même agréable et c'était très aimable de leur part de m'accepter.
L'après midi fut pire que tout. Je terminai les cours à six heures, et pendant tout ce temps, personne ne m'adressa la parole. Pas un petit mot, rien du tout. Même Ombre fut silencieuse, sans que je comprenne pourquoi. Elle qui était d'habitude si bavarde... Cela eut pour effet de me déprimer totalement... Je me retins de pleurer lors du dernier cours. Lorsque je sortis du lycée, j'avais les yeux rouges. Je ne voulais pas que mère me voit comme ça, elle allait me faire la morale, avec la phrase typique : « Je te l'avais bien dit ! ». Je commençai donc à errer dans les rues de la ville. La nuit était déjà tombée. J'étais désormais sur un pont, devant une vieille usine.
Assise sur un banc, je me mis à regarder les étoiles. Qu'est-ce qu'elles étaient belles... Je ne les avais jamais vu de l'extérieur, et c'était sans aucun doute le plus beau spectacle qu'il m'avait été donné de voir.
- C'est magnifique... dis-je doucement.
Ombre était à côté de moi, comme toujours, et songeuse comme elle l'avait été toute la journée. Qu'est-ce qui pouvait bien se passer dans sa tête ? Pourquoi refusait-elle de me parler ? Je voyais bien que quelque chose la tracassait, et j'étais prête à l'aider, si seulement elle me le demandait !
- Ombre... commençais-je avant de m'arrêter. Car des ombres il y en avait sur le sol. Près d'un des lampadaires, trois personnes me regardaient en ricanant. Celui du milieu était Steve, et les deux autres étaient du même calibre que lui.
- Alors la nouvelle, tu vas encore me menacer avec un stylo ?
Ils se rapprochaient de moi, commençant à m'encercler. Il n'y avait aucun endroit où je pouvais m'enfuir à part sauter du pont, et c'était hors de question.
- J'espère que t'as mieux cette fois, sinon...
Je ne lui laissais pas le temps de finir sa phrase. Foutue pour foutue...
- Non ! Ne... ne m'approchez pas ! A l'aide !