Copains et puis c'est tout
Un silence s'interposa entre les deux adolescents. Ulrich se mit à scruter amoureusement la jeune fille. Son visage était si près du sien, séparés de seulement quelques millimètres, et leurs lèvres si proches qu'il en eut des frissons. Était-ce le bon moment ?
— Je t'écoute, Ulrich.
Sa voix était douce et des plus rassurantes. Sa présence avait fait perdre la réalité à Ulrich. Émergeant de ses pensées, il bégaya des mots incompréhensibles qui firent sourire Yumi.
— Tu n'es pas obligé de me dire ça maintenant si tu ne te sens pas prêt, tu sais. Prends ton temps.
Mais du temps, il en avait déjà trop pris.
Elle se releva doucement, l'atmosphère commençant à peser, et tendit la main au jeune brun pour l'aider à faire de même. Ulrich soupira discrètement, déçu de ne pas avoir trouvé le courage de tout lui avouer.
— Au fait, qu'est-ce que tu fais ici ? s'intéressa finalement le jeune homme.
— Bah je..., bafouilla Yumi, je suis juste venue m'assurer que tu allais bien.
Elle lui tourna le dos pour lui cacher ses joues rouges.
— J'y vais avant que quelqu'un me voie ici, et puis les cours vont pas tarder à commencer.
Elle fit quelques pas pour partir puis s'arrêta soudainement, comme si elle voulait ajouter quelque chose. Mais rien ne se passa et elle poursuivit son chemin, abandonnant derrière elle un Ulrich perplexe.
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Arriva l'heure de se rendre en cours. Jérémy, Aelita et Odd allèrent se ranger devant leur salle avec le reste de leur classe. À cet instant, une grande brune s'approcha d'eux.
Ses longs et raides cheveux noirs retombaient en cascade derrière son dos. Elle portait un haut rose pâle qui découvrait légèrement son ventre et un jean, et était accompagnée de deux garçons aux airs stupides, l'un paraissant tout de même plus intelligent que l'autre : Élisabeth Delmas, plus connue sous le nom de « Sissi » et pour être la fille du proviseur.
Loin d'être un exemple pour son père et la personne la plus appréciée de Kadic, il lui arrivait de temps en temps de mener la vie dure aux anciens Lyoko-guerriers, certainement pour se rapprocher dès que possible d'Ulrich envers qui elle éprouvait une forte attirance.
En effet, Sissi était très amoureuse d'Ulrich depuis la maternelle, mais l'intérêt de la belle brune pour ce dernier était à sens unique.
— Tiens, Ulrich n'est pas au rendez-vous aujourd'hui ? lança-t-elle méchamment en se postant devant eux. Il était temps ! Je comprendrai jamais comment il a pu rester aussi longtemps avec des ratés comme vous !
Suite à ces propos moqueurs, elle ricana, imitée par ces deux « toutous », Hervé et Nicolas. Ils étaient ses uniques amis et visiblement les seuls à pouvoir la supporter, pourtant malmenés et rabaissés sans arrêt par la pimbêche.
— Évidemment, pour comprendre il faut avoir un cerveau et je ne pense pas que ce soit ton cas. Et pour info, il voulait juste éviter de voir ta sale tronche, ça lui file des boutons !
Comme à chaque fois qu'Odd la rembarrait, Sissi serra les poings et ragea.
— Pfff, pauv' type !
Elle s'en alla, fière d'avoir eu le dernier mot et la tête haute en signe d'assurance. Nicolas et Hervé lui emboîtèrent le pas en continuant de ricaner bêtement.
— Elle aurait vraiment besoin de consulter celle-là, pouffa Aelita.
— Qu'est-ce que j'ai raté ?
Ils se retournèrent pour constater qu'il s'agissait seulement d'Ulrich.
— Juste Sissi qui avait besoin de se faire insulter pour bien commencer sa journée, rapporta Jérémy en replaçant ses lunettes sur son nez.
— Et nous, qu'est-ce qu'on a raté ?
Ulrich leva un sourcil.
— De quoi tu parles, Odd ?
— Bah avec Yumi. Il s'est passé quoi ?
Le beau brun vira rapidement au rouge et ressassa leur discussion de la veille. Odd devait sûrement penser qu'il avait enfin avoué ses sentiments à Yumi.
— Ça, ce sont pas tes affaires !
— Mais allez, on est entre potes !
— Odd, t'es lourd là !
— Surtout me remercie pas de mettre un peu de piment dans ta vie toute fade.
Ulrich roula des yeux, exaspéré. Heureusement pour lui, leur professeur arriva et fit entrer les élèves dans la salle. Comme à leur habitude, Odd et Ulrich s'assirent ensemble.
Le cours débuta dans le silence. Tandis que certains écoutaient attentivement, d'autres en étaient déjà lassés et préféraient se coucher sur leurs tables.
— Alors, avec Yumi ?
— Odd, c'est pas le moment là !
Ulrich tentait de se concentrer sur le cours, bien qu'il n'y comprennait pas grand chose, mais les questions interminables et répétitives d'Odd perturbaient plus qu'autre chose sa concentration.
— De toute façon ce sera jamais le moment avec toi, c'est bien ça ton problème.
Pour seule réponse, le beau brun soupira, réfléchissant longuement aux paroles de son ami.
L'heure du déjeuner se présenta trois heures plus tard. La bande se rendit à la cantine, hormis Ulrich qui avait prétexté avoir quelque chose d'important à faire. Il ne donna pas plus d'informations à ses amis et une fois ceux-ci assez éloignés, il sortit son portable.
De son côté, Yumi, qui comptait justement les rejoindre, ressentit un vibrement dans sa poche : un message d'Ulrich. Sans perdre une seconde, elle l'ouvrit :
Ulrich - 12:34 Je t'attends près de la cafèt, faut que je te parle.
Un sourire se suspendit au coin de ses lèvres.
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— Je suis là.
Adossé contre le mur et dans ses pensées, Ulrich posa ses yeux sur Yumi. Il fut un moment déstabilisé par la présence de celle-ci, comme si c'était la première fois qu'il la voyait.
— Ulrich, ça va ? s'enquit-elle.
— Euh, oui... oui, ça va, désolé.
La jeune fille lui sourit. Elle se rappela de leur conversation dans la chambre et s'était persuadée que c'était le moment tant attendu.
— Alors, tu voulais me dire quelque chose ?
— Oui...
Ulrich prit alors une grande inspiration intérieurement. Mais tout commençait à devenir flou dans sa tête et certains mots lui restèrent coincés dans la gorge.
— En fait Yumi, ce que j'essaye de te dire, c'est que... depuis quelques temps j'ai réfléchi et...
— Réfléchi à quoi ?
Ulrich ne sut quoi répondre. Pourtant si près du but, il se laissa soudainement décourager et fut emparé par la peur de perdre Yumi s'il venait à lui avouer le fond de ses sentiments. Si ceux de cette dernière n'étaient pas à la hauteur des siens, elle allait probablement vouloir prendre ses distances et leur amitié s'en éteindrait peu à peu. Et la dernière chose qu'il désirait était de perdre celle qu'il aimait.
Il se sentit alors partagé, son cœur et son cerveau ne parvenaient plus à tomber d'accord.
— À ce que tu m'as dit, reprit-il d'une voix neutre. Et finalement, tu as raison... Nous deux, c'est copains et puis c'est tout.
Prochain chapitre : Un mal pour un bien