Copains et puis c'est tout
Il se faisait tard sur la ville parisienne et il était temps pour les élèves de Kadic de regagner leurs dortoirs. Odd et Ulrich, partageant la même chambre, s'y rendaient dans un silence total. Le blondinet avait remarqué que depuis le départ de Yumi quelques heures plus tôt, son meilleur ami n'avait presque pas décroché un mot.
Une fois entrés dans la pièce, Ulrich s'affala sur son lit tandis qu'Odd s'empressa de prendre Kiwi dans ses bras et de lui offrir une série de caresses. L'animal se mit à remuer sa queue pour manifester son contentement. Après plusieurs minutes d'échange affectif, Odd porta son attention sur Ulrich qui bougonneait seul sur son lit.
— Bah alors ? Qu'est-ce qui t'arrive, toi ?
— Rien, laisse tomber, cracha Ulrich d'un ton sec.
— Y a rien ? C'est pour ça que t'es désagréable comme ça et que t'arrêtes pas de faire la gueule ? Et moi, gros con que je suis, je vais gober ce que tu dis ?
Il y eut un long moment de silence. Le blondinet poursuivit, sentant qu'Ulrich avait grandement besoin de se livrer, bien qu'il ne l'admettrait pas :
— C'est encore Yumi, c'est ça ?
Ulrich soupira. Odd avait beau blaguer à longueur de journée et toujours chercher le moyen de l'énerver, il savait qu'il était tout de même capable de se montrer à l'écoute. De plus, il ne pouvait échapper éternellement aux questions de son colocataire.
— Bon, ok. Le truc, c'est que j'en peux plus. Tout ça, je ne sais pas combien de temps encore je pourrai continuer à faire semblant, avoua-t-il tristement. Toute cette comédie... J'ai pourtant essayé, mais je ne peux pas. Et j'aimerais lui dire, mais...
Il perdit ses mots et ressentit un pincement au cœur.
— Yumi est folle de toi, lui assura Odd avec un sourire.
— Alors là, j'en doute, souffla Ulrich d'une mine très peu convaincue. Je suis qu'un... ami pour elle.
— Mon pote, tout ce que je peux te conseiller c'est de te lancer une bonne fois pour toutes avant qu'il ne soit trop tard.
— Mouais... Je te ferai signe ce jour-là, répondit ironiquement le beau brun, laissant sous-entendre que ce n'était pas prêt d'arriver.
D'un geste las, il se leva de son lit et récupéra sa serviette.
— Je vais prendre une douche. T'as pas intérêt à laisser ton sale chien monter sur mon lit !
Odd se contenta d'un haussement d'épaules en guise de réponse après que son colocataire ait refermé la porte derrière lui.
— L'écoute pas Kiwi, c'est qu'un gros grincheux ! Il a peur des filles en plus !
Sur ces mots, le chien prononça un aboiement comme pour approuver les propos de son maître et ils se remirent à jouer comme des enfants.
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Le lendemain, la bande devait se retrouver au réfectoire pour le petit déjeuner comme tous les matins. Aelita et Jérémy y furent les premiers. Après s'être faits servir leurs plateaux par Rosa, la cantinière, ils allèrent s'installer à une table.
— Rien de mieux que de débuter la journée avec le cours de madame Hertz ! s'exclama Jérémy.
— Ah oui ? s'enquit Aelita en riant.
— Ouais !
Ils se regardèrent et se sourirent tendrement. Jérémy porta le bout de son croissant à sa bouche tandis qu'Aelita prit sa cuillère et la fit tourbilloner dans son bol de chocolat, pensive.
— Dis Jérémy, maintenant que le Supercalculateur, XANA... maintenant que tout ça c'est fini, on pourrait peut-être nous accorder un peu plus de temps pour nous, non ?
Le petit génie rougit et fut même surpris de la question. Il décrocha à nouveau un sourire.
— Euh... Bah oui, pourquoi pas ? C'est vrai que nous n'avons jamais vraiment eu de temps rien que pour nous.
Les deux génies virent Yumi arriver avec son petit-déjeuner à ce moment, interrompant ainsi leur discussion. Elle les rejoignit et les salua en s'installant en face d'eux.
— Vous allez bien les amoureux ?
— Oui et toi ? répondirent-ils.
— Ouais, super. Je vois que certains ont eu une panne d'oreiller, fit-elle allusion aux deux garçons manquants.
— Y'en a pas un pour rattraper l'autre ! pouffa Jérémy, bientôt imité par les deux filles.
Les trois amis commencèrent à déjeuner calmement. Ce fut quelques minutes plus tard qu'Odd apparut à son tour à la table. Il déposa son plateau et s'empressa de s'asseoir afin de savourer son premier repas de la journée, toujours aussi fidèle à son appétit vorace.
— Je me disais bien qu'Odd ne raterait jamais un repas ! lança Yumi, moqueuse.
— Le petit-déjeuner encore moins, il dit toujours que c'est le repas le plus important de la journée !
— Mais où est Ulrich ? questionna la japonaise en guettant l'entrée du réfectoire.
— Monsieur voulait pas se réveiller alors je l'ai laissé bouder tranquille. Tu connais Ulrich ! lui répondit Odd avant de replonger dans son plateau.
— T'es vraiment un ventre sur pattes, Odd.
— Tu m'apprends rien là, Einstein !
Odd connaissait évidemment la raison qui se cachait derrière tout cela, mais s'était pour une fois résolu à laisser Ulrich avoir une discussion avec Yumi sans s'en mêler, chose qu'il faisait déjà assez tous les jours.
Yumi resta silencieuse puis, sous les airs interrogés des autres, se leva.
— Je vais aller le voir.
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La japonaise se rendit dans le dortoir des garçons où elle finit par atteindre la chambre d'Ulrich et Odd. Elle hésita à toquer, se demandant s'il n'était pas préférable de laisser son ami seul, mais son besoin d'échanger avec Ulrich la dissuada de cette pensée.
— Ouais, entrez.
Elle ouvrit alors la porte et se positionna dans son encadrement. Ulrich, qui était allongé sur son lit, le regard dirigé vers le plafond, se redressa.
— Ah, c'est toi...
— Eh bah, cache mieux ta joie ! rit-elle faussement sur un ton ironique.
— Non, c'est pas ça. C'est juste que je voulais rester seul.
La jeune asiatique laissa s'échapper un soupir.
— Ah, désolée de t'avoir dérangé dans ce cas.
Réalisant qu'il venait de la vexer, il la retint par le bras alors qu'elle était sur le point de repartir.
— Excuse-moi Yumi, c'est pas ce que j'ai voulu dire.
Elle lui adressa un regard perdu avant d'acquiescer. Ulrich l'invita alors à se poser à côté de lui, ce qu'elle fit sans se faire prier deux fois.
— Qu'est-ce qui t'arrive tout d'un coup ? Hier on se parlait très bien, et aujourd'hui on dirait que tu m'en veux.
Ulrich n'eut pas le temps de répondre qu'il sentit quelque chose de doux se glisser dans la paume de sa main. Il se mit à rougir en s'apercevant que ce n'était autre que la main de Yumi. Leurs doigts s'entrecroisèrent tendrement tandis que leurs regards se rencontrèrent.
— Tu sais que tu peux tout me dire, Ulrich, lui murmura-t-elle avec un sourire des plus amoureux.
— Ça tombe bien parce qu'il y a quelque chose que je dois te dire.
Prochain chapitre : Sentiments inavouables