Code Alpha 2.0: Rainy Days

Chapitre 15 : Chapitre 15: Les chaînes de l'avenir

4308 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 03/09/2019 10:43

Ambre


Je nage. Je parcours l'univers qui s'ouvre devant moi. J'apprends. J'apprends tellement de chose en nageant. Des secrets que la personne que j'étais autrefois n'aurait jamais soupçonné. Je baigne dans le savoir. Ma vie d'avant n'est qu'un étrange et vague souvenir. Presque un rêve. Je ne sais plus qui j'étais. Je ne sais plus qui je suis. Je ne sais plus qui je serai. Cela n'a plus aucune importance.

Puis une grande lumière. On m'a trouvé. Je sais qui il est. Je l'attendais. Qui est-il déjà ? Après la grande lumière, plus rien. Uniquement le

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

« Ambre... (silence). Je ne sais pas si tu peux m'entendre. Peu importe, bientôt tu le pourras. Je t'ai localisé la semaine dernière, te ramener sur Terre ne devrait être qu'une question de temps désormais... J'ai tellement hâte de te retrouver, il y a tant de choses que je dois te raconter... J'ai gagné, Ambre ! J'ai gagné ! Je me suis battu et j'ai triomphé ! Ça ne devrait pas être une surprise, pourtant, j'ai vraiment cru que je n'y arriverai pas... S'il n'y avait pas eu l'espoir de te retrouver, j'aurai baissé les bras depuis longtemps... Non, qu'est-ce que je raconte ? J'ai eu des moments d'hésitation, mais ce n'était rien ! Ma victoire coulait de source ! (Silence.) Je viens de réaliser que tu ne dois avoir aucune idée de ce dont je te parle... Bon, pour résumer, j'ai attiré l'attention d'Hannibal. C'est lui qui a tué nos parents, Ambre, mais il ne faut pas le juger là dessus. Notre père... était un idiot. Bref, il avait besoin de quelqu'un pour l'aider dans ses projets et pour être sûr de son choix, il m'a confronté à d'autres candidats potentiels. Bien sûr, il ne valait rien face à moi. Ils avaient cependant l'avantage du nombre... Oui, c'est pour ça que j'ai eu du mal ! Ils étaient quatre et j'étais seul ! J'étais seul... Mais plus maintenant. Plus jamais. Tu es là désormais. On... On va enfin pouvoir être une famille. Tu es... Tu es la dernière chose qu'il me reste. Amélie est morte. Elle ne me manque pas, hein ! Je la détestais ! Et puis ça veut dire que tu pourras prendre sa chambre. Je dois te laisser, j'ai beaucoup de travail. Ce n'est que le début m'a expliqué Hannibal. Lui et moi, on va accomplir de grandes choses ! »

(Silence.)

(Silence.)

« Bonjour Ambre... Je devais revenir plus tôt, mais je n'ai pas pu. Cette petite conne de Zoé a tenté de me tuer ! Elle était avec pratiquement un commando entier ! Ces fameux « hommes en noir » dont parle notre père dans son journal vidéo. Ils sont tous morts désormais ! Et puis quoi encore ? A quoi est-ce qu'elle s'attendait en s'en prenant à moi, hein ? Hein ? Je suis plus intelligent qu'elle. La preuve, je suis vivant et elle non ! (Silence.) Elle m'a proposé de la rejoindre. De combattre Hannibal avec elle. J'ai refusé, bien évidement... (Silence.) J'en ai assez de me salir les mains de la sorte... Je ne suis pas fait pour exécuter les gens mais pour donner des ordres, pour commander ! Et voilà qu'encore une fois... Je dois moi-même ôter la vie de quelqu'un... J'ai toujours pensé que ça serait facile de tuer. Je sais pas si tu te souviens, mais la première fois qu'on a été sur Lyoko, j'ai hésité à lâcher Jean dans la mer numérique. A m'en débarrasser pour toujours ! J'ai hésité et j'ai par la suite regretté de n'avoir rien fait. La vie des autres n'étaient... n'est rien face à la mienne. Mais alors pourquoi est-ce que je revois leurs visages toutes les nuits ? Melvin... Mathilde, Augustin, Zoé et même cette... Ombre. (Silence.) Je te parlerai d'Ombre une autre fois, d'accord ? Je... Je n'avais pas eu le choix, tu comprends ? Elle... Je... Bon, il faut que j'y aille. »

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

« Bonjour Ambre. Je dois t'avouer quelque chose, j'évite de venir te voir. Je n'ai même pas travaillé sur mon projet de te redonner un corps. Mais c'est normal, j'ai du travail ! Hannibal et moi, nous sommes en train de... Tu ne peux pas t'attendre à ce que je te consacre tout mon temps ! Mon intellect est déjà mobilisé ailleurs, voilà tout ! (Silence.) Je reviendrai te voir. Bientôt. »

(Silence.)

(Silence.)

« Bonjour Ambre. Je... Bref. Je passais simplement faire coucou. »

(Silence.)

« Je... (Soupirs.) »

(Silence.)

« Bonjour Ambre. Ça a été encore une victoire pour moi et Hannibal. Nos ennemis tombent devant nous comme des mouches ! Quand j'aurai terminé tout ça, je travaillerai sur ton nouveau corps. (Silence.) Il est temps que je t'explique... Tu as besoin d'un nouveau corps parce que... Parce que l'ancien a été détruit. Tu dois me comprendre ! Je pensai que... Je pensai que tu étais possédé ! Avec tout ce qui s'était passé avec XANA, c'était plausible ! Cette fichue Ombre... Au moins tu es libre de ce démon ! Tu sais ce qu'elle m'a dit, alors que je l'étranglais ? « Je suis tout autant ta sœur qu'elle », n'importe quoi ! C'était un parasite qu'on a dû t'implanter il y a longtemps ! Et pour t'en débarrasser, j'ai dû utiliser les grands moyens. Tu comprends ? (Silence.) Non, bien sûr que tu ne peux pas comprendre. Tu es une égoïste. Tu as toujours été une égoïste. De quelle droit m'as tu abandonné de la sorte ? C'est de ta faute si elle... si tu es morte ! Et dire que je bosse comme un dingue pour toi ! Ingrate ! Je devrais écouter Hannibal et te renvoyer dans la mer numérique. Je parle probablement dans le vide... Tu es morte le jour où tu m'as laissé tomber. On aurait pû être une famille ! On aurait pu avoir le monde à nos pieds ! Mais ça sera mon privilège, à moi et à moi seul. De quel droit devrais-je partager avec toi, petite conne ? De toute façon, tu n'en avais que pour Jean. (éclats de rire) Tu veux savoir ce qu'il est devenu, ton « Jean » ? Ha! La même chose qu'Ombre. Que Melvin. Que tous ces faibles qui ont refusé de reconnaître ma supériorité ! Et tu as commis la même erreur ! N'espère pas me revoir. Adieu, Ambre. »

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Soupir)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Soupir)

(Silence.)

(Silence.)

« Bonjour Ambre. Il y a eu un attentat l'autre jour. J'ai failli y passer. J'aurai une vilaine cicatrice jusqu'à la fin de mes jours. La mort m'accompagne au quotidien désormais. Je l'administre et je crains un jour de la recevoir. Alors que toi, tu es en sécurité ici. Tu en as de la chance ! Oui. C'est probablement pour ça que j'ai abandonné le projet de te recréer un corps. Tu ne le sais pas, mais la dernière fois que je t'ai adressé la parole, c'était il y a trois ans. Je traversais une période difficile, il ne faut pas m'en vouloir. Je t'en voudrais si tu m'en veux ! (Silence.) Je ne sais même plus quoi te dire. Hannibal et moi, nous avons presque gagner ! Nous sommes en train de construire un nouveau monde ! Un monde meilleur ! Un monde où j'aurai aimé que tu puisses vivre. Et tu y vivras, mais il est encore trop tôt. Je pensai que ça allait être rapide... Avec mon intellect et les ressources d'Hannibal... Mais non. Les choses vont de plus en plus au ralenti. C'est... insupportable ! Mais selon lui, je dois apprendre à prendre mon mal en patience... Quel est l'intérêt d'avoir tout ce pouvoir si on ne peut pas l'utiliser ? Nous aurions pu subjuguer la totalité des nations en quelques jours... Quel gâchis ! Pour l'instant, j'écoute Hannibal. Je lui obéis. C'est ce qu'il souhaite. Ne le répète pas... (rire) Comme si tu allais le répéter à qui que ce soit... Bref, je compte bientôt m'en débarrasser. Dès que notre fine équipe aura atteint son objectif. Tu serais fier de moi, Ambre. »

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

« Bonjour Ambre. Je me promenais dans l'usine l'autre jour et je suis tombé sur Violette. Tu ne la connais pas, c'était ma toute première création. Très expérimentale. Elle a disparu vers la fin de ma lutte contre la Fratrie, je n'ai jamais compris pourquoi. Elle s'était montrée... incompétente. Je comptais me débarrasser d'elle, mais vu qu'elle n'est jamais revenue et que je l'ai rapidement remplacée, j'ai vite oublié. Elle n'était plus en très bon état. J'ai failli vomir. Mais une fois que je me suis contrôlé, j'ai remarqué qu'elle avait gravé quelque chose sur le mur avec ses ongles. C'était simplement écrit : « merci ». Curieux, non ? Elle était pourtant vide de sentiments ou de réflexions. J'ignore ce qu'il s'est passé. Je voulais partager ça avec toi. Je suis un peu nostalgique en ce moment, d'où ma visite à l'usine. Je ne me sers plus de cet endroit, ni même du supercalculateur. Il n'avait de super que le nom, on a du matériel bien plus performant avec le vieux désormais. Les choses vont de plus en plus lentement. Je passe mon temps à attendre, je n'en peux plus. J'ai eu un petit plaisir coupable l'autre jour, j'ai enfin retrouvé Judith. C'était une membre de la Fratrie. Elle a failli m'avoir à l'époque, avec une attaque en plein milieu du lycée d'un sadisme... C'était horrible. Melvin est mort à ce moment là. C'est cette attaque qui, après m'avoir profondément choquée, m'a fait comprendre que j'étais le camps du Bien. Que le pouvoir de Lyoko ne pouvait pas finir entre les mains d'une telle personne, et qu'il n'y avait que moi qui pouvait en faire bon usage. Qu'il n'y avait que moi qui pouvait créer un monde parfait. Bref, je n'avais jamais réussi à la retrouver, jusqu'à il y a peu. Je l'ai empoisonné à travers son repas. Cette mort minable était celle qu'elle méritait. Tu sais, j'attendais beaucoup d'elle. J'avais même peur d'elle. Si je peux être honnête, c'était la seule personne qui avait un intellect presque aussi développé que le mien. J'étais persuadé qu'elle préparait un sale coup contre moi. Qu'elle était capable, encore aujourd'hui, de tout faire capoter. Elle se terrait en Asie, sans un seul ordinateur. Elle avait changé de nom. J'ai été la voir dans sa cellule. Elle a pleuré. Elle m'a supplié. Je l'ai regardé mourir. Si tu savais à quel point j'ai été déçu. Dire que je la tenais en aussi haute estime... J'espérais même qu'elle revienne, pour faire bouger les choses ! Mais non, elle avait déjà abandonné. Suis-je si doué que ça, pour que mes adversaires baissent les bras sans même que j'agisse ? Au moins, ça m'a apprit une chose : je ne dois sur-estimer personne. Si je suis arrivé aussi loin, c'est bien que je suis quelqu'un d'unique. »

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

« Bonjour Ambre. Navré de ne pas t'avoir rendu visite depuis quelques temps. Hannibal m'énerve. J'ai besoin d'en parler à quelqu'un. Il n'y a que toi qui me comprenne. Nous étions en désaccord. Tu sais ce qu'il m'a sorti ? Que sans lui, je n'étais rien. Que s'il n'avait pas été là pour me ramasser à la petite cuillère après la mort d'Ombre, je l'aurais rejoint. Quel... Mais quel... (Grande inspiration.) Bref. Bientôt, je vais me débarrasser de lui. Il ne comprends pas que les choses vont trop lentement. J'ai déjà prévu mon coup, je vais utiliser le même virus que contre XANA. Je ne t'ai jamais parlé de lui... De sa spécificité... De la façon dont il a essayé de me contrôler. C'est assez simple : Hannibal est Alpha. Alpha est Hannibal. C'était un humain avant, mais il a fusionné sa personnalité avec le programme multi-agent sur lequel il travaillait avec papa. Peu importe. Il est temps d'appuyer sur off, définitivement. »

(Silence.)

« Ambre... je... J'ai raté mon coup... Il savait déjà tout. Il est au courant pour toi... Il... Il a menacé de te détruire... Je ne suis qu'un abruti... Il avait raison, sans lui je ne suis rien... Je... Je ne veux pas te perdre. Pas une nouvelle fois... Je ne sais pas ce qu'il va faire de moi... Mais en attendant, je vais te renvoyer dans la mer numérique. Tu y seras en sécurité. Je te retrouverai. Je te le promets, je te retrouverai... Au revoir, Ambre... »

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

« Bonjour Ambre. Tu n'as pas changé. (Rire) Éternellement jeune, éternellement belle. Pour ma part, j'ai changé. Je suis véritablement en train de devenir un fou, à parler devant un écran, mais je suis tellement heureux de t'avoir retrouvé... Et bientôt, tu ouvriras enfin les yeux. C'est une promesse. »

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

(Silence.)

Et j'ouvrai enfin les yeux, pour les refermer immédiatement. Après avoir vécu si longtemps dans l'obscurité, je n'étais plus habituée à la lumière. J'étais dans une salle austère, aux murs noirs. Allongée sur un lit, j'observai les alentours. Il y avait aussi une table avec deux chaises. Instinctivement, je me levai pour aller m'asseoir. Je n'eus pas longtemps à attendre. Un homme rentra dans la salle, suivi de deux personnes en armures grises futuristes, ne laissant pas paraître le moindre bout de peau. L'homme leur fit signe de partir. Il était grand et extrêmement mince. Il faisait penser à un squelette. Son crâne était chauve et son visage ridé. Il ne paraissait pas si vieux, juste extrêmement fatigué. Il me regarda fixement et s'assit en face de moi.

« Bonjour Ambre. »

Et il fondit en larmes. J'ouvris la bouche pour lui parler mais aucun son n'en ressortit.

« N'essaye pas de parler, tu vas te fatiguer inutilement. Je ne sais pas si tu me reconnais. C'est moi, Antoine. Comme tu m'as manqué. J'ai tellement de choses à te dire et tellement peu de temps. Répond moi en hochant la tête, est-ce que tu m'entendais, toute les fois où je t'ai parlé ? »

Je répondis à l'affirmative.

« Bien. Je vais t'expliquer. Nous sommes en 2073. Hannibal a gagné. Le monde est unifié sous son joug. Moi ? Je fais la seule chose que j'ai toujours fait : je suis son pantin, son bras droit. Là où il est invisible, je suis le visage de sa tyrannie. Tout un programme, n'est-ce pas ? Hannibal avait prévu que je me révolte. A vrai dire, il l'espérait. Cela lui a permit de faire de moi son esclave. Si je n'obéissais pas, il allait essayer de te retrouver. De te tuer. J'ai dû commettre tellement d'atrocités que je me demande comment je peux dormir la nuit. Tu dois penser que nous vivons dans une sorte de dictature horrible, mais loin de là. Hannibal a réglé la plupart des problèmes du 21ème siècle, tel qu'il entendait le faire. La planète est sauvée. Il n'y a plus de guerres, plus d'inégalités. Tout le monde travaille pour le bien commun. Bien sûr, nous avons dû nous battre pendant un long moment pour en arriver là. Pratiquement tous les adultes nés avant notre règne ont dû être exécuté, ils refusaient de se soumettre. C'est plus facile avec les jeunes. Comment peuvent-ils regretter une liberté qu'ils n'ont jamais eu ? Nous voici désormais dans un monde vide. La seule mort est la mort de vieillesse, mais il n'y a plus un sourire aux lèvres. Plus un rire. Les gens ne font qu'exécuter les tâches que leur donne Hannibal, mais sans créativité. L'art n'existe plus. Hannibal a beau avoir été humain autrefois, il n'est plus qu'une machine et ne comprends pas les défauts de son monde. Il est persuadé d'avoir créer un monde parfait. Un monde voué à l'échec. Et que restera t-il après ça ? Lorsque cette génération de travailleurs se révoltera, parce qu'elle finira par se révolter, Hannibal recommencera le même cycle : il les massacrera jusqu'au dernier, théorisera les raisons de cette révolte et fera pratiquement la même chose avec la génération suivante... Jusqu'à ce qu'il n'y ait plus personne. Il est trop tard pour arrêter la machine. J'ai perdu tout espoir il y a bien longtemps. J'ai compris les erreurs de ma jeunesse, pour le bien que ça m'a fait. Je me demande comment tu as pu me supporter. Bref. J'ai mis une dizaine d'année à créer ce bâtiment. Un bâtiment où Hannibal, lui qui est partout, n'est pas présent. Je voulais te revoir une dernière fois avant de prendre ma première et dernière décision d'homme libre.

Même si c'était douloureux, je me forçais à articuler pour parler :

- Qu'est...ce...qu'on...peut...faire ?

- Moi, rien. Toi, beaucoup. Tu es restée tellement longtemps dans la mer numérique que tu as développé des capacités que tu ignores pour l'instant. Alors Ambre, je t'en supplie... Empêche moi de commettre ces erreurs! Empêche moi de condamner le monde par mon arrogance !

- C... Comment ?

- Le super-calaculateur, aussi poussiéreux soit-il, possède la capacité de voyager dans le temps. Je l'ai fait conserver. Je pense que tu as compris ce que tu dois faire.

Des larmes commencèrent à couler sur mes joues.

- V... Viens avec moi...

- Merci, Ambre. Tu as toujours été... si gentille. Je ne mérite pas tant de gentillesse.

- Antoine...

- J'ai commis des erreurs. Il est temps pour moi de les assumer.

- Ce... n'est... pas... nécessaire....

- Crois-moi, ça l'est. Je suis condamné de toute manière. Tu ne peux pas me sauver. Ni ici, ni ailleurs. Souviens toi de ça : ni ici, ni ailleurs. Oh, Ambre... Comme j'aurai aimé pouvoir passer plus de temps avec toi... Je t'ai rêvé toute ma vie... Il est temps que je mette fin à l'échec que j'ai été. Adieu, Ambre.

Il sortit une arme de sa poche et me regarda avec un sourire. Un grand sourire comme jamais je ne l'avais vu sourire.

- Je suis heureux d'avoir pu te parler. Une dernière fois.

Puis un bruit sourd. Je voulais hurler mais je ne pouvais pas. Le son de l'arme résonnait dans mes oreilles.

- Au revoir, Antoine... » murmurai-je entre mes sanglots.

C'était injuste. Tellement injuste. En voyait l'homme effondré devant moi, je repensais au petit blondinet insouciant que j'avais connu, qui rageait parce que Jean se moquait de lui. Tout semblait si simple a l'époque... Son histoire s'arrêtait là, mais pas la mienne. Il avait eu tort sur un point : moi aussi j'avais changé. Davantage que je n'étais capable de l'imaginer à ce moment là. Toutes ces années... Ces quarante-deux années passées dans la mer numérique, j'avais été consciente. Voyageant, dérivant et me mélangeant avec toutes ces données que je traversais et qui me traversaient. Je n'étais plus tout à fait Ambre. Je n'étais plus tout à fait humaine. J'étais bien plus que ça.

Les hommes en armures m'escortèrent jusqu'à un scanner, sans me laisser le temps de me remettre de mon entrevue avec mon frère, laissant ce dernier baigner dans son sang. Et ils avaient raison : il n'y avait pas de temps à perdre. Pourquoi le pleurer maintenant alors que j'allais le revoir ? C'était étrange, mais tout ce qu'il avait pu me dire avait eu du sens, tout ce qu'il avait expliqué, au final... je le savais déjà. Je connaissais la marche à suivre. Et il s'était trompé sur un autre point : j'allais le sauver.

La virtualisation eut lieu sans encombre. J'activais une tour de l'antique Lyoko avec une facilité déconcertante, puis une autre, puis une autre. J'avais l'impression d'avoir fait ça toute ma vie ! J'allais avoir besoin de beaucoup d'énergie pour enclencher un tel retour vers le passé. Tel Franz Hopper avant moi, je contrôlais le monde virtuel. Je devais cependant agir vite. Hannibal guettait. Il avait remarqué mes tours. Il arrivait. Il était là. Je l'effrayais. Il voulait savoir qui je suis.

« Je suis Ambre. Je suis celle qui va réécrire l'histoire. Je suis celle qui va effacer ton règne.»

Il tenta de m'arrêter, mais il était trop tard. Ces dernières années s'évaporaient autour de moi. Je comprenais pourquoi mon père s'était opposé à Hannibal. Un tel pouvoir n'aurait jamais dû être accessible au moindre être humain. Je comprenais aussi qui était réellement Hannibal. « L'enfer est pavé de bonnes intentions...»

2031. L'année que je ne connus pas. L'année où mon frère devint l'instrument de Hannibal. Immédiatement, je me manifestai depuis la mer numérique à Antoine. Lui expliquant tout. Ensemble, nous allions arrêter cette machination. Mais ça ne se passa pas comme prévu. Doutes. Reproches. Il ne me crut pas. Quelques semaines plus tard, Melvin était mort, Antoine commençait à travailler avec son nouveau maître. Peu importe, je devais recommencer. J'allais sauver Antoine.

2031. Cette fois, j'avais décidé d'observer les événements. Je comprenais que tout changeait après l'attaque de Kadic. Antoine n'était plus jamais le même après cette expérience. Devais-je l'en sauver ? Empêcher cette attaque ?

2031. Me camouflant en Alpha à la place de Hannibal, je décidai d'accompagner Antoine au quotidien. De l'influencer pour qu'il ne s'allie pas à notre ennemi commun. C'était risqué, il y avait des chances que je commence à attirer l'attention de cet adversaire dangereux. Mais de toute manière ce fut un échec cuisant. Antoine finit par détruire ses ennemis et Hannibal pour devenir pire que n'importe lequel d'entre eux, pour devenir un véritable monstre...

C'était donc ça qu'il avait voulu dire, en affirmant que je ne pouvais pas le sauver. Car plus j'essayais de protéger Antoine, plus le futur devenait sombre. Je compris que j'allais devoir choisir: entre mon frère et l'avenir. J'avais été sotte de croire que je pourrai sauver les deux. Pour que le monde soit débarrassé d'Hannibal, il devait l'être d'Antoine... C'était tellement injuste...Quoique je tente pour le sauver, les chaines de l'avenir restait présentes et tout devenait funeste... 

 « Je suis désolée Antoine... Je ne pourrai pas te sauver... Je veux le faire... Mais c'est pas possible.» lui dis-je avant de remonter une nouvelle fois la boucle.  

2031. Cette fois, j'étais déterminée. Antoine devait perdre. C'était la seule solution. Plutôt que de m'allier à lui, je rejoignais l'équipe adverse, leur donnant beaucoup de renseignements sur Antoine et ses stratégies. Mon frère fut battu en un temps record mais l'avenir restait le même: à sa place, c'était désormais Judith, qui s'efforçait de tuer un à un ses anciens camarades pour restait seule avec Hannibal.

2031. Même en étant vigilant à Judith, l'issue restait la même. Pourtant, cette fois j'avais voulu privilégier Mathilde qui me semblait être la seule à pouvoir manier correctement un tel pouvoir. Mais rien à faire: en me préoccupant trop des querelles internes du camps adverse, j'avais négligé Antoine, qui revint plus fort que jamais. Encore une fois, c'était à chaque fois l'attaque de Kadik, l'explosion qui le changeait radicalement. Chaque fois qu'il risquait d'y perdre la vie, il revenait plus fort, plus froid et beaucoup plus dangereux. 

2031. Encore.

2031. Une fois de plus.

2031. 2031. 2031... Encore et encore...

Je ne savais plus quand est-ce que j'ai eu l'idée. Mais elle m'est venue, toute seule, comme une grande. C'était pas tellement rationnel, mais ça valait le coup d'être essayé. Après tout: j'avais déjà tout essayé. Pour perdre, Antoine devait gagner. Pas d'une petite victoire où il allait devoir se battre jusqu'au bout, non: il devait gagner d'une manière phénoménale. Il devait pas simplement survivre à l'attaque de Kadik: il devait en triompher. Mais comment faire ? Chaque fois que j'essayais de l'influencer lui, même à travers Alpha, il refusait de m'écouter. Qui donc pourrait le convaincre ? 

La réponse était simple: lui-même. En manipulant une fois de plus le temps, je m'arrangeai pour qu'un Antoine venant d'une ligne temporelle où je n'étais pas du tout intervenue retourne dans le passé et livre renseignements et conseils à son soi du passé. 

Est-ce que ça va marcher ? Je n'en sais rien. Je l'espère. Combien de fois ai-je déjà dû recommencer, depuis combien de temps est-ce que je lutte ainsi contre les chaînes de l'avenir ? Je ne sais plus. J'étais Ambre, avant. Je ne suis plus tout à fait ça. Je ne sais pas ce que je suis. Cela n'a plus aucune importance. Je vais briser les chaînes. 


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