Tribute to Claymore

Chapitre 4 : Chap 4. Défiée

Catégorie: T

Dernière mise à jour 08/11/2016 17:09

            A minuit, Alice se trouvait au champ de blé mentionné par 9. Il n’y avait personne. Elle attendit alors tranquillement, regardant les étoiles, se demandant à quoi ressemblerait la bataille du lendemain. Si l’Org. n’était même pas sûre de la présence de démons à l’appétit anormal, qu’est-ce qui justifiait la présence de quatre Claymores et surtout d’un Numéro Unique ? Auraient-elles de nouveau affaire à un Eveillé, accompagné de démons inférieurs ? Le simple fait qu’ils soient plusieurs était étrange, les démons évitant généralement de se retrouver en groupe… quelque chose dans cette configuration clochait, mais elle n’arrivait pas à saisir précisément quoi.

            9 n’arrivait toujours pas. Alice commençait à se faire à l’idée d’une mauvaise blague quand soudain, elle sentit un flux d’énergie hybride fuser juste derrière elle ! Elle bondit sur le côté, évitant de justesse l’assaillant, et se retourna aussitôt, dégainant sa claymore, tous ses sens aux abois.

            C’était 9, qui à présent la regardait étonnée.

            « Tu m’as entendue arriver ? demanda-t-elle.

- Non.

- Alors… tu m’as… sentie ?

- Ton énergie faisait l’effet d’un éléphant dans un magasin de porcelaine. »

Dans la clarté lunaire, Alice vit le visage de 9 se renfrogner. Elle ne s’attendait pas à ce qu’une Claymore d’un rang aussi ridicule puisse ressentir aussi finement une énergie retenue, et lui répondre de cette façon, sans avoir l’air le moins du monde impressionné. 9 lui jeta alors un regard dur, plein de défi et se jeta sur elle, l’épée brandie :

            « Voyons ce que vaut une fillette de dernier rang !! »

Alice para aussitôt, genoux fléchis, l’épée en l’air horizontalement pour contenir l’attaque. Elle vit dans le regard de 9 que ce combat n’était pas qu’un test, un entraînement, mais une tentative pour elle d’affermir sa position de supérieure, de capitaine ; une tentative d’humiliation. Alice la repoussa, fit un bond en arrière et se prépara à un nouvel assaut.

Alors 9 entra sans fioritures dans le vif du sujet : ses mouvements, ses bonds, ses coups étaient rapides, précis, fluides, et pourtant puissants ; la cadence des coups d’épée était telle qu’Alice n’avait même pas le temps de contre-attaquer et parait de justesse. Elle tenta de gagner en vitesse mais bien vite, elle comprit que le seul moyen de surpasser son adversaire serait d’avoir recours à son énergie démoniaque… et pour une simple séance d’humiliation, il n’en était pas question. Alors elle s’efforça d’éviter, de parer les coups, cependant que 9 montait encore en vitesse et en puissance… et ce, sans libérer une once d’énergie démoniaque !

            Et puis soudain, 9 disparut ; bien que sentant aussitôt, par le déplacement de l’énergie démoniaque, qu’elle allait se retrouver sur son côté droit, la surprise et la fatigue empêchèrent Alice de bouger à temps. Une fraction de seconde plus tard, un filet de liquide chaud s’écoulait lentement de sa tempe, où elle sentait la pointe en métal de l’épée. Le tourbillon d’air, le tumulte qu’avait formés l’affrontement s’apaisèrent brusquement et, comme si Alice se trouvait soudain privée du support que son mental avait trouvé dans cette atmosphère orageuse, elle tomba à genoux, essoufflée et, pour la première fois, pleinement consciente de son infériorité.

            A côté d’elle, 9 jubilait. Elle n’eut pas besoin de la regarder pour savoir que sur son visage s’étendait un immense sourire de satisfaction. Alors, résignée et de toute façon trop fatiguée pour se lever, Alice attendit en silence que 9 s’en aille et que l’humiliation prenne fin. Une fois 9 partie, comme un éclair et sans aucun commentaire – ce qui en disait long – , Alice s’écroula de sommeil dans le blé.


            La Claymore était maintenant semi-éveillée. De longues excroissances de chair pourvues de lames s’étaient déployées dans son dos comme autant d’ailes tranchantes, capables de se mouvoir à une vitesse qui lui permettait de voler. Elle marchait d’un pas lent et calculé sur la falaise. Ses longues jambes fuselées que la transformation progressive avait pourvues de sabots frémissaient, nerveuses, prêtes à l’emmener à l’autre bout du champ de bataille, à la vitesse de la lumière.

Mais cette fois, à cet instant, il n’était plus question de courir, plus question d’une chasse effrénée à l’ennemi honni. La Claymore s’arrêta, se dressant de toute sa hauteur. Sa bouche déformée et agrandie par la transformation dessinait un sourire infernal. Dans ses yeux jaunes brillait la lueur de la vengeance.

Elle baissa le regard : devant elle, une petite chose était à quatre pattes, gémissante, tremblotante, couverte de sang. Quelques instants auparavant, cette chose chétive avait été le plus grand Eveillé de tous les temps… et là, aux pieds de la guerrière, ce n’était plus qu’un corps de petite fille.

La Claymore brandit son épée, lentement, comme pour savourer le goût de la vengeance, et chaque seconde de cet instant qu’elle avait attendu toute une vie. Son sourire déformé s’élargit. D’une voix d’outre-tombe, entrecoupée de râles sépulcraux, qui n’était plus que l’ombre de sa voix d’humaine, la Claymore répétait :

            « Toi… tu l’as… tuée… je vais… je vais… te tuer ! »

L’épée était maintenant à la verticale, élevée haut au-dessus du corps vengeur. Tout ce corps frémissait maintenant, les veines ressortaient sur la peau violacée à l’en faire éclater, les pupilles de chat étaient complètement dilatées, le visage méconnaissable. La Claymore faisait durer l’instant du supplice, et le petit être devant elle ne bougeait pas…

            Dans un coin du champ de bataille, à l’abri derrière un rocher, une petite fille à genoux dans la poussière assistait à la scène, horrifiée et fascinée. Cette semi-éveillée qu’elle n’avait connue qu’en tant qu’humaine jusqu’alors la terrifiait à présent, et cependant elle restait subjuguée par cette beauté sombre et tragique… bouche bée, elle s’imprégnait de tout ce qu’elle voyait, certaine de garder à jamais le souvenir de ce cataclysme.

            La petite chose, l’Eveillée leva soudain la tête vers la Claymore. Quelque chose d’anormal se passait… le sourire de la Claymore se figea tandis que son ennemie reprenait soudain sa forme horrible à la vitesse de la lumière…

            Brusquement les griffes de la petite créature s’allongèrent et, en un éclair, avant même que la Claymore ait pu esquisser un geste, transpercèrent l’épaule de celle-ci. Les deux créatures restèrent figées une seconde et puis s’envolèrent, le combat reprenant, féroce et déchaîné. Un morceau du corps de la Claymore retomba dans la poussière dans un bruit de chair martyrisée.

            La petite fille derrière le rocher scrutait le ciel où s’évanouissaient les deux gigantesques silhouettes. Elles disparurent pour de bon, et un calme assourdissant revint sur les lieux de la bataille. La petite fille pleurait.

            Elle se leva et lentement s’avança vers le morceau de chair sanguinolent.

            Elle se laissa tomber à genoux dans la poussière et, tremblante, ramassa le bout d’aile tranchant, indifférente aux entailles qu’elle se creusait dans les mains. C’était chaud, les nerfs semblaient convulser encore, le sang dégoulinait et s’étalait sur ses vêtements, se joignait au sien… elle ferma les yeux et, pleurant toujours, elle serra le bout d’aile contre son petit corps comme pour le mêler à sa propre chair.


            « Eh, 13, regarde, elle bouge en dormant, comme les chiens qui rêvent !

- Elle fait un cauchemar, comme c’est mignon…

- Mais quelle plaie ! s’exclama 9. Un cauchemar. Et ça prétend se faire des Eveillés ! »

9 donna un grand coup de pied dans le tibia d’Alice qui était recroquevillée à même le sol, toujours dans le champ de blé, et dont le corps était vaguement agité dans son sommeil. La douleur la réveilla brusquement.

            Ouvrant les yeux, elle vit dans le petit jour trois sourires goguenards. Elle se leva en tentant de rester digne, épousseta sa cape et rengaina son épée restée dans le blé. Les autres, qui l’avaient regardée faire en attendant avec avidité une réaction violente de sa part – 9 avait dû leur raconter la séance d’humiliation de la nuit –, semblèrent déçues par son mutisme et ce visage impassible qu’elle avait appris à afficher en toutes circonstances.

            « Allons-y, grommela 9. Et ne nous retarde pas, 47 ! »

Alice compris bientôt le sens de cette remarque : si elle-même, grâce aux pouvoirs qu’elle tenait des démons, pouvait marcher très vite – bien plus vite qu’un humain ordinaire –, les autres Claymores la surpassaient et elle peinait presque à les suivre.

            Une nouvelle fois, Alice eut l’impression de vivre la vie de quelqu’un d’autre.

            Mais peu lui importait d’être ainsi différente, et d’être malmenée par ses congénères… elle savait parfaitement d’où venait cette « faiblesse », et sa situation était volontaire… elle n’était pas comme les autres, pas issue réellement du même processus, et le sien était tellement plus noble et plus pur que la simple absorption de chair démoniaque…

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